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Un entretien avec Nnedi Okorafor

Par Alice, le samedi 25 janvier 2014 à 14:45:00

Qui a peur de la mort ?Malgré une fin d'année chargée, l'auteur a bien voulu prendre le temps de répondre à nos questions !
Si vous ne connaissez pas déjà Qui a peur de la mort ? d'une, foncez, de deux, cet entretien peut se lire malgré tout car on vous le garantit dépourvu de spoilers. Nnedi Okorafor aborde au fil des questions la conception du roman, ses thématiques, mais aussi ses prochaines parutions. Merci encore à elle !
Et bonne lecture.

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Propos recueillis par Emmanuel Chastellière

L'interview traduite en français

Quelle a été l’envie à l’origine de Qui a peur de la mort ? Vous parlez librement de la mort de votre père dans la postface.
J’ai commencé à écrire Qui a peur de la mort le jour suivant la veillée mortuaire de mon père. Ma famille est vraiment très proche et mon père souffrait de la maladie de Parkinson, d’hypertension et de diabète sévère depuis cinq ans. Il était l’un des meilleurs chirurgiens cardiaques de Chicago et, pour pratiquer la chirurgie cardiaque et thoracique, il faut avoir les mains les plus sûres au monde. Vous imaginez comment ça a été terrible pour lui de souffrir d’une maladie qui le faisait trembler. Il est finalement mort d’une insuffisance cardiaque, ce qui est plutôt ironique. C’était une très mauvaise période pour nous tous. Quand il est mort, la seule façon pour moi d’y faire face a été de retourner chez moi et d’écrire. La première partie du premier chapitre de Qui a peur de la mort était presque mot pour mot l’expérience que j’ai vécu durant la veillée quand je me suis retrouvée seule face à son corps. Après avoir commencé à écrire, l’histoire m’a entraînée et c’est devenu quelque chose d’autre.
Quelles sont les problématiques explorées dans ce livre et pensez-vous avoir finalement réussi à les traiter ?
Quand j’ai écrit cette histoire, je ne pensais pas à des problématiques en particulier. J’écrivais simplement une histoire. Mais une fois terminée et révisée lors du processus éditorial, je me suis rendue compte que j’y traitais de nombreux problèmes, dont la situation critique des femmes africaines à forte personnalité dans une société patriarcale, le « voyage de l’héroïne », l’histoire orale contre l’histoire écrite et la question de « à quoi l’Afrique post-apocalyptique ressemble ? ». Je pense que j’ai réussi à poser beaucoup de questions, à répondre à certaines et à aider les lecteurs à toutes les considérer.
J’ai été profondément ému par vos personnages et leurs voyages. Ce sont des êtres vivants et non pas des simples marionnettes d’écrivain. Avez-vous un personnage favori ?
Tous me sont chers. Cependant, Onyesonwu est sans aucun doute l’une de mes favorites parce que c’est sa voix que j’entendais lorsque j’écrivais ce roman et elle a une histoire excitante et fantastique à raconter. Aro et Sola font aussi partie de mes personnages favoris. Il y a des paquets de contradictions. Aro est un composite d’un grand nombre de personnes plus âgées que j’ai rencontrées et avec qui j’ai discuté au Nigeria. Et bien sûr, il y a Mwita parce qu’il est Mwita.
Vous abordez des questions très sombres et rarement présentes dans la SFF. Comment avez-vous dosé leur amertume et comment avez-vous fait pour ne pas les laisser submerger toute l’intrigue ?
Peu importe si l’histoire devient sombre, il y a toujours de l’espoir. Toujours. Qui a peur de la mort est une fiction spéculative mais c’est également de la littérature africaine et, si vous lisez beaucoup de littérature africaine, vous vous rendrez compte que les thèmes de l’espoir et de l’amour sont présents, même quand les choses deviennent sombres. C’est aussi quelque chose que j’ai remarqué quand ma famille et leurs amis nigérians parlaient de la guerre civile du Biafra. J’ai inclus ça dans mon roman.
L’espoir semble être le cœur de ce roman, malgré sa prémisse sombre. Est-ce un message important pour vous ?
Oui. La vie est nourrie par l’espoir.
Votre roman a lieu dans un Soudan post-apocalyptique et magique. Avez-vous prévu dès le début d’utiliser, d’ajouter, de la magie à votre histoire ?
La magie fait partie de notre monde. Je ne pouvais pas l’écrire d’une autre manière.
Comment est née votre relation/votre intérêt pour le genre fantasy ? Qu’est-ce que représente un World Fantasy Award pour vous ?
J’ai grandi en lisant de tout, dont de la fantasy. Mais j’ai commencé à écrire de la fantasy d’une manière plus organique. Les premières histoires que j’écrivais n’étaient pas explicitement de la fantasy, mais elles avaient un aspect mystique. C’était du réalisme magique. Je vois le monde comme un endroit magique, donc cela semblait une façon naturelle d’écrire. Le mystique et la magie font aussi partie de la culture nigérienne et cela a clairement déteint sur moi.
Le World Fantasy Award a incité tant de lecteurs à lire Qui a peur de la mort. Je pense que cela a aussi permis d’ouvrir l’esprit des gens à l’existence d’autres types de fantasy. Gagner, ça été vraiment génial.
Quel est votre aspect favori dans l’écriture ? J’ai lu que vous étiez professeur d’écriture créative. Etes-vous influencée par votre propre choix de carrière ?
Mon aspect favori dans l’écriture est l’idée de créer un texte qui permettra à d’autres personnes d’expérimenter toutes les folles histoires qui n’existaient jusqu’à présent que dans ma propre imagination.
Oui, je suis professeur titulaire d’écriture créative et de littérature à Chicago State University. Je suis influencée par tout ce qui m’entoure. Mon expérience du monde universitaire se reflète de toutes les façons dans toutes mes œuvres.
Vous êtes très active en ligne : est-ce qu’internet est un outil important en terme de communication avec vos lecteurs, pour faire des recherches, etc ?
J’adore utiliser Facebook, Twitter, Google + et plus récemment Instagram. J’ai aussi un site internet. Cependant, je n’ai pas commencé à les utiliser comme outils, mais parce que j’adore discuter de problèmes avec les gens, explorer les idées, parler de livres et de films. J’adore les photos d’insectes étranges et d’autres créatures non humaines et Facebook en est remplies. Cependant, je pense qu’internet est aussi un bon moyen pour communiquer avec mes lecteurs et faire des recherches… bien que j’ai trouvé mes meilleures sources grâce aux bibliothèques universitaires et aux bases de données.
Je sais que cela va vous sembler être un cliché de vous le demander, mais quelle est votre position sur la place des femmes écrivains et de leur rôle dans la SFF de nos jours ?
C’est nécessaire. Diversité, diversité, diversité. La femme écrivain n’a aucun rôle dans la SFF, la femme écrivain est la SFF tout comme l’homme écrivain est la SFF.
Vous avez aussi écrit des livres pour enfants et pour jeunes adultes. Ecrivez-vous différemment avec ce type de lecteurs en tête ?
Non, j’écris comme cela me vient et je laisse les éditeurs décider de ce que c’est. Je préfère que les choses soient organiques et quand je le fais, généralement, cela fonctionne.
Un film Qui a peur de la mort ? est en développement en ce moment. Est-ce différent d’écrire un script ?
VRAIMENT TRES TRES TRES TRES différent. Ecrire un roman c’est plus organique, vous pouvez enfreindre toutes les règles quand vous savez ce que vous faites, vous n’avez pas à penser au paradigme sexiste, raciste, âgiste dans lequel vous travaillez, vous n’avez pas à penser au budget pour les effets spéciaux, je pourrais continuer comme ça à l’infini. Notez : je paraîtrais un peu plus optimiste dans quelques mois quand j’aurais fini d’écrire le script.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur The Book of Phoenix and Lagoon ?
Lagoon sortira le 10 avril, deux jours après mon anniversaire. Lagoon est une histoire de rencontre avec une espèce différente dans une méga-ville nigérienne de Lagos. Le mot « lagos » signifie « lagune» en Portugais. The Book of Phoenix (date de sortie encore inconnue) est une sorte de préquelle à Qui a peur de la mort ?. C’est l’histoire qui raconte comment l’apocalypse de Qui a peur de la mort ? est arrivé.
Votre éditeur français, Eclipse, a fait un très bon travail avec votre roman, surtout avec sa splendide couverture. Etes-vous souvent consultée par vos éditeurs étrangers sur l’image de couverture, la traduction et tout le reste ?
Simple réponse : oui.
La dernière mais non la moindre, aimeriez-vous partager quelque chose avec vos lecteurs français ?
Je suis en extase et honorée que mon roman ait été traduit en français et publié en France. Et de toutes mes traductions, c’est la seule que je puisse lire (mon français est vraiment horrible mais au moins il existe). J’espère que vous aimerez mon roman, trouvez-moi sur Facebook et donnez moi votre avis.
  1. L'interview traduite en français
  2. L'interview originale en anglais

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