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Sarah Ash répond à nos questions
Par Joss, le jeudi 16 mars 2006 à 14:10:52
Publié en début d'année aux éditions Bragelonne, le premier tome de Les Larmes d'Artamon, Seigneur des Neiges et des Ombres, marquait l'arrivée en français de Sarah Ash, auteur francophile s'il en est !
Une Sarah Ash qui a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à quelques unes de nos questions, à travers une interview que vous pouvez consulter dès maintenant !
Entretien avec Sarah Ash, version française
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Le premier tome de votre trilogie Les Larmes d'Artamon est paru le mois dernier en France. Comment un auteur vit-il le lancement de ses œuvres à l'étranger ?
Je suis enchantée que mes romans puissent atteindre un public plus large de cette façon. Et je suis doublement ravie que ce soit mon premier roman à être traduit en français, car c'est quelque chose dont j'ai rêvé depuis très, très longtemps.
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Cette trilogie occupe-t-elle une place spéciale pour vous, dans votre bibliographie ?
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Le travail présent est généralement celui qui vous tient le plus à cœur. Mais Les Larmes d'Artamon est spécial pour moi car c'est ma première trilogie publiée, et, de plus, la première fois que j'ai été en mesure de suivre un ensemble de personnages à travers trois romans. J'ai adoré cette expérience ; cela a été immensément gratifiant d'être capable de développer une relation avec les personnages sur une période de temps bien plus longue que ce que vous autorise une histoire d'un seul tome.
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Pourquoi le choix d'une ambiance très slave ?
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Une partie de ma musique préférée vient de l'Europe de l'Est et je suis très influencé par la musique quand j'écris. La musique russe a été l'un de mes premiers amours et, en découvrant des compositeurs tels que Rimsky-Korsakov, Glazunov and Moussorgsky, j'ai aussi découvert les mythes et légendes russes, surtout le byliny, les contes du Prince Vladimir de Kiev et les Chevaliers de la Table Dorée. Dès que j'ai développé l'idée d'un jeune homme qui découvre qu'il est l'héritiers d'un royaume barbare et lointain, j'ai su que l'Azhkendir, le "pays des neiges et des ombres", possédait une ambiance slave et toute l'histoire commença à s'assembler.
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J'ai particulièrement apprécié le concept du Drakhaoul, et là encore les liens que l'on peut établir avec le mythe de Dracula. Comment doser pour ne pas trop s'en approcher ?
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En créant le Drakhaoul, je faisais allusion au mythe de Dracula – et en même temps, mettais en place, je l'espère, quelque chose de complètement différent. Dans un récent article pour Sffworld, j'ai écrit : «
Le nom "Drakhaoul"... s'inspire de plusieurs sources : le mot grec "drakon", qui signifie "serpent", d'où vient le mot "dragon" ; "Dracul", le nom donné au prince du 15eme siècle Vlad Tepes, "l'Empaleur" de Walachie, qui signifie "dragon" mais en vint également à signifier "le Diable" à cause du comportement barbare de Vlad envers ses ennemis en guerre. ("Dracula" signifie "fils du dragon").
» C'est la combinaison entre serpent, dragon, et démon qui m'a particulièrement intriguée – et démon, dans "Artamon" fait également référence à la notion d'ange déchu, à mesure que Gavril Nagarian en apprend plus sur son sombre héritage. Il y a également une ambiguïté morale dans le concept d'ange déchu qui est cruciale pour Les Larmes d'Artamon. Même si la conséquence physique imposée par le Drakhaoul peut éventuellement conduire son hôte à rechercher du "sang innocent", comme les vampires de la légende, les Nagarians ne sont pas des morts-vivants, pas plus qu'ils n'apparaissent que la nuit ou dorment dans des cercueils ! -
Votre éditeur français a axé sa promotion en vous comparant à des auteurs comme Robin Hobb ou Sara Douglass. Le fait d'être une auteure et non pas un auteur a-t-il une réelle importance pour vous ? Pensez-vous que les auteurs femmes ont réellement une approche différente de l'écriture ?
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Eh bien, je suis très flattée, évidemment, d'être comparée à des écrivains d'une telle imagination et d'une telle échelle que Robin Hobb ou Sarah Douglass ! Cependant, j'aime à penser qu'il y a autant de différentes approches pour raconter de la fantasy qu'il y a d'auteurs, homme ou femme. J.R.R Tolkien et C.S Lewis ont été mes premiers auteurs de fantasy préférés, suivis promptement par Ursula LeGuin, et je sais que mon écriture a été influencée de façon égale par tous les trois. Existe-t-il un sentiment comme quoi, peut-être, les auteurs de fantasy féminins ont tendance à écrire des romances de fantasy plus douces, pendant que les auteurs hommes produisent des sagas réalistes et bourrées d'action ? De nos jours, il est impossible de généraliser. George R.R. Martin et Steven Erikson, par exemple, combinent la caractérisation avec l'action militaire dure et des intrigues complexes et stratégiques, mais tout comme Mary Gentle ou J.V Jones. Aujourd'hui, le plaisir pour le lecteur se trouve dans la grande variété du genre, de la fantasy sombre et gothique, en passant par la comédie, historique, l'épique ou le New Weird. Quelque chose pour chacun !
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Qu'appréciez-vous le plus d'ailleurs dans l'écriture ?
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Raconter des histoires. Ce qui me conduit à écrire encore et encore est le désir de raconter une histoire captivante. J'aime particulièrement ces moments excitants quand j'ai des flashes d'aperçus de ce qu'il va arriver, en particulier quand les liens commencent à se développer. Dans Artamon, le moment où le Prince Eugène apparaît, pour sa chevauchée matinale aux abords de son palais, voyant sa petite fille Karila jouer à la balle avec sa nourrice, j'ai su contre quel ennemi puissant Gavril (Le seigneur des Ombres et des Neiges) se dressait. J'ai aussi su que Karila avait été estropiée par une naissance difficile, qui avait aussi volé à Eugène son épouse Margret. Soudainement, d'une si simple vision, de nombreux fils de l'histoire ont commencé à se dérouler devant moi. J'ai su qui était Eugène et ce qui le rendait fort. J'adore quand cela arrive, tout simplement !
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Êtes-vous sensible aux critiques de vos romans, ou cherchez-vous avant tout à vous contenter vous-même ?
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Être vraie envers une vision originale du roman est, pour moi, l'un des facteurs les plus importants. Cependant, c'est toujours très plaisant de recevoir une bonne critique, particulièrement en ces jours difficiles d'être un auteur de milieu de tableau, quand une bonne critique peut signifier que le travail de quelqu'un est poussé un peu plus avant sur les présentoirs plutôt que de se languir à l'arrière du magasin. Réciproquement, cela fait vraiment de la peine quand un critique semble ou avoir lu un roman complètement différent ou bien avoir détesté votre travail. En tant qu'écrivain, vous ne pouvez pas espérer plaire à tout le monde ! Par le passé, j'ai été pointé du doigt pour l'invention de titres comme "zhudiciar" et l'utilisation de "qaffë" au lieu de café. Mais j'écris de la fantasy et parfois utiliser des termes différents va de pair avec le dépaysement. (Même si je dois confesser que j'ai toujours appelé le café "café" depuis.)
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J'ai lu sur votre site web que vous appréciez beaucoup les mangas et les animes. Imaginer un Miyazaki adapter vos œuvres comme cela va être le cas avec Terremer constitue-t-il un rêve ?
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Eh bien, s'il y a des gens de l'industrie de l'anime ou du manga qui lisent ces lignes et qui sont intéressés par le développement d'un projet Artamon, je serais enchantée d'avoir de leurs nouvelles ! Quand j'ai rencontré pour la première fois des animes comme Visions d'Escaflowne, Last Exile ou X, c'était comme rentrer à la maison. Et j'aime beaucoup Totoro et Le Voyage de Chihiro. Les japonais ne sont pas effrayés par l'usage du surnaturel dans leurs écrits, de puiser dans leur riche héritage mythologique et de le traiter de façon sincère et sérieuse. (Au Royaume-Uni, nous avons pris énormément de retard sur la France et les USA dans l'appréciation des comics, et ils sont toujours généralement méprisés en tant que trucs pour gosses ou simplement ignorés, avec très peu de champions dans les médias s'efforçant de changer la mentalité des lecteurs et spectateurs.)
Si quelqu'un peut rendre justice au merveilleux Terremer de LeGuin, c'est sûrement le studio Ghibli – bien que j'ai compris que le projet a été repris par le fils de Miyazaki et qu'il y a eu des rumeurs – espérons-le infondées – de divergences créatives entre père et fils.
Je suis très envieuse de la somptueuse édition japonaise du premier roman de mon amie Juliet McKenna, The Thief's Gamgle, illustrée façon manga !
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En parlant d'internet, est-ce un outil important pour vous ? Quant à vos rapports aux lecteurs, à d'éventuelles recherches pour un roman, etc...
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Le site internet a été vraiment très précieux pour moi en me permettant d'entrer en contact avec tant de lecteurs. Je suis toujours enchantée qu'ils prennent le temps et la peine de m'écrire pour me dire ce qu'ils ont aimé dans mes histoires, et j'essaie de répondre à toutes leurs requêtes autant que possible. Sur le plan de la recherche, c'est utile pour rechercher des petits détails qui auraient pu autrement vous faire perdre du temps en allant à la bibliothèque locale. Par exemple, dans Seigneur des Neiges et des Ombres, nous avons eu une question de dernière minute de l'un de nos relecteurs, à propos de la glace en mer. Internet est vraiment très précieux pour promptement fournir une vérification essentielle. Mais je préfère toujours ouvrir un livre si je recherche des informations pour le background (important pour l'authenticité, même en fantasy.) (Quand j'écrivais Artamon, j'avais généralement ces titres à portée de main : Saint Petersbourg, Sorcellerie Slave, Georgia et un Dictionnaire des Anges.)
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Quels sont vos coups de cœur du moment, en Fantasy ou pas ?
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Eh bien, j'apprécie beaucoup en ce moment l'Antilégende de Fabien Clavel ; j'aime la façon dont il construit un jeu complexe avec les personnages d'autres auteurs (dont de vieux amis de Dumas). Et je compte relire la passionnante fantasy picaresque de Scott Lynch, The Lies of Locke Lamora quand il arrivera en librairies ; J'ai été assez chanceuse pour le lire en manuscrit double interligne. L'un comme l'autre sont de jeunes auteurs très talentueux ! Sur le plan des mangas, j'ai été séduite par Loveless de Yun Kouga, un conte sombre et pervers avec des dessins merveilleux et une comédie de lycée vraiment agréable, School Rumble de Jin Kobayashi, qui montre que même un mauvais garçon du lycée peut changer quand il tombe amoureux d'une fille dans sa classe. (même si elle a déjà des vues sur quelqu'un d'autre, ce qu'il ne sait pas !)
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Pourra-t-on découvrir d'autres romans de votre plume en français ?
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En dehors de la trilogie Les Larmes d'Artamon, pas encore… Mais il y a de l'espoir ! Bien que Nicolas Cluzeau ait fait une excellente traduction de l'une de mes nouvelles, Merveille, dans Faeries n°13.
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Et pour conclure, auriez-vous un petit mot pour vos lecteurs francophones justement ?
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Je suis tombée amoureuse de la France à neuf ans en lisant pour la première fois Alexandre Dumas. Ensuite, en tant qu'élève musicienne, j'ai été accroc à Debussy, Ravel, et Fauré. J'ai passé des heures à m'entraîner à jouer Jardins sous la Pluie et Le Tombeau de Couperin. Je n'ai pas visité la France avant mes 14 ans, mais je suis revenue régulièrement depuis. Imaginez ma surprise et ma joie d'être publiée par les éditions Bragelonne !
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