Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy

Nouvel entretien avec Steph Swainston !

Par Thys, le mercredi 23 mai 2007 à 14:56:20

Le tome 3Si on attend - espère - toujours la traduction du tome 2 des aventures de Jant pour la France, l'auteur Steph Swainston ne chôme pas, puisque vient de paraître en Angleterre le troisième tome mettant en scène cet étrange "héros" !
Pour l'occasion, nous avons décidé de redonner un coup de projecteur à ses romans, avec la traduction par nos soins d'une toute récente interview de l'auteur, qui revient sur ce roman et son parcours, le tout sans spoiler...
Enjoy !

Steph Swainston parle de son nouveau roman, "The modern world", troisième tome de sa série

Peut-on commencer par parler rapidement du nouveau livre ?

Steph Swainston : C’est le troisième, il continue la série de No present like time mais c’est tout de même un roman à part entière et il peut être lu indépendamment – les nouveaux lecteurs ne doivent donc pas avoir peur de commencer par là. Et ceux qui ont déjà lu mes livres découvriront encore plus du monde des Fourlands. Frost, l’architecte des immortels du Cercle, a une idée pour détruire les Insectes et s’en débarrasser pour toujours. Eclair a une fille, Cyan, qui a maintenant 17 ans et a sa propre volonté. Elle s’en va pour la ville de Hacilith, et Jant se porte volontaire – un peu trop facilement – pour la retrouver. A la fin du livre, le Cercle est ébranlé d’une manière inédite. Beaucoup de personnages finissent par s’interroger sur leur vision du monde, et même l’Empereur doit se salir les mains.

Si l’on en croit le chapitre du livre qui est en ligne sur votre site, la guerre avec les Insectes est de retour pour de bon. On avait découvert la politique du Château dans No present like time, pourquoi décider de renvoyer Jant Shira à la guerre dans ce tome ?

SS : La guerre contre les Insectes va et vient constamment mais implique rarement tous les Eszai à la fois. Mais il y a toujours des troupes et des Immortels au front, essayant de contenir les Insectes. Pour les Immortels, combattre les Insectes est leur raison d’être, pour l’auteur, cela fourni une opportunité d’examiner les personnages et leurs réactions dans des situations extrêmement stressantes. Alors que le Château existe pour combattre les Insectes, la violence implique souvent des conséquences inattendues, dans les Fourlands comme dans notre monde. No present like time a montré ce qui se passe lorsqu’une société très militarisée rencontre une société complètement pacifique – malgré les meilleures intentions des Immortels, des conflits se forment. The modern world d’un autre côté nous montre la guerre totale. Le monde est entièrement mobilisé et les Insectes montrent qu’ils sont encore capables de surprendre, même après 200 ans. Mais l’échelle du conflit est inattendue…vous devrez lire le livre pour comprendre pourquoi. Finalement, beaucoup de gens aiment les batailles. J’ai beaucoup lu sur la guerre, ancienne ou moderne, les Fourlands ont une technologie militaire médiévale, mais leur logistique est plus proche du XIXè siècle, et leur compréhension de la psychologie militaire, notamment les aspects tels que le stress post-traumatique, se rapproche du XXIè siècle. J’essaye autant que possible de faire en sorte que les batailles reflètent l’horrible réalité de la guerre, bien que n’ayant jamais fait la guerre et que la littérature concernant l’affrontement avec des insectes géants soit pour le moins réduite. Mais ce tome ne parle pas d’un héros musclé qui mène la cavalerie comme dans le Seigneur des Anneaux. Ce genre de chose peut être sympa à l’écran mais c’est simplement idiot.

Jant n’est pas le personnage le plus simple avec lequel évoluer – il est loin d’être un héros parfait et le fait qu’il soit un junkie doit rendre difficile pour le lecteur de s’identifier à lui. Ou pensez-vous que sa complexité l’a rendu sympathique à plus de lecteur qu’elle ne lui en a aliéné ?

SS : Je ne pense pas en terme de héros et anti-héros. Pratiquement tout le monde est capable de faire des sacrifices ou de se conduire héroïquement dans certaines circonstances, et la même chose est vraie pour les anti-héros. En suivant un extrême ou l’autre, la plupart des personnages fantasy sont des modèles pré-découpés, pas des personnes. La plupart des « héros » ont quelque chose qu’on préfèrerait ne pas connaître – en fait les média modernes sont obsédés par le fait de trouver de telles failles. Quelqu’un qui se conduit toujours héroïquement serait d’un tel ennui. Le plus proche d’un véritable héros dans ma série est encore Eclair : il est noble, généreux et cherche à servir les Fourlands même au prix de son propre bonheur. Mais il ne respecte pas toujours ses propres idées chevaleresques, comme avec sa fille illégitime. Ces échecs permettent heureusement à Jant d’arrêter de le percevoir comme l’ennui ultime. Jant est tout à fait conscient de ses vices et il ne s’en excuse pas. Pourquoi le devrait-il ? Il continue de faire son boulot et, tant qu’il n’attire pas l’attention dessus – étant aussi attaché à son image de bad boy que la plupart des lecteurs – il fait ce qu’il faut à la fin. Parce que les livres sont écrits de son point de vue, il surestime sa propre importance (chacun est le héros de l’histoire de sa vie) et il n’est pas toujours honnête avec le lecteur. La plupart des autres personnages voient Eclairs comme étant le personnage principal et Jant seulement son side-kick. Juste une précision, après la menace de l’Empereur dans No present like time, Jant ne se drogue plus dans The modern world. Il est assez mitigé à ce sujet, c’est ce que signifie être dépendant à quelque chose.

Que trouvez-vous le plus intéressant dans le fait d’écrire de la fantasy ? Pourquoi avoir choisi ce genre ?

SS : Je n’ai pas « décidé » d’écrire de la fantasy. J’ai écrit des livres sur les Fourlands, et la manière dont les libraires et les lecteurs veulent les classer ne regarde qu’eux. Les Fourlands est quelque chose qui remonte à loin pour moi (25 ans ce mois-ci), et je voulais les partager. Ce n’est pas un monde délibérément construit pour écrire des livres. La plus grande partie de ma vie est là-dedans, par exemple, la compétition acharnée dans le Cercle est inspirée par des expériences de l’université, et le barrage de Frost dans The modern world n’est qu’une conséquence de mon propre intérêt pour celui de Hoover. Si plus d’écrivains n’écrivaient pas de la fantasy si consciemment, et suivant les règles, alors tout le genre pourrait être moins borné et répétitif. Ca devrait être plus créatif, mais est, souvent, plus conservateur. Lorsque j’aurai écrit ce que j’ai à écrire sur les Fourlands, alors j’essaierai quelque chose de complètement différent. Mais il me reste beaucoup de chemin à parcourir, et je vais encore y revenir.

Est-ce compliqué de maintenir l’équilibre entre une certaine incrédulité du lecteur sans perdre le sens de la réalité interne de l’histoire ?

SS : Il y a deux réalités différentes dans le livre. Les Fourlands eux-même sont consistants – la présence de San, des Awians, Rhydanne et Insectes – et obéit aux mêmes règles que notre monde, pour ce que j’en sais. J’ai fait beaucoup de recherches, par exemple en archerie, en navigation, même en ingénierie hydraulique (il faudra lire The modern world pour comprendre ça ! ). Par contraste, le Shift n’obéit qu’a une seule règle : ce qui paraît bien, est. Il y a là autant de logique qu’au Pays des Merveilles, mais ça n’a pas été une limite pour Carroll, et je ne crois pas que qui que ce soit trouve ça plus compliqué pour le Shift. Ce que je trouve discordant dans la fantasy, c’est la magie. C’est habituellement un procédé pour systématiser les paresses du scénario. Il n’y a pas de magie dans les Fourlands, ils n’en ont pas le concept – il y a juste la réalité scientifique, plus ou moins comprise. C’est un monde rationnel, bien plus que le nôtre, ça c’est la fantasy.

Pensez-vous que plus le scénario sera exotique et imaginatif, plus la lecture sera satisfaisante ?

SS : Seulement si vous êtes entre les mains d’un très bon écrivain. Plus il y a d’exotisme et d’imagination, plus l’écrivain devra être doué pour rendre ça lisible et que ça ne vire pas au radotage d’une succession de mots sur du papier au lieu d’une image claire dans l’esprit du lecteur. En tant qu’écrivain, on peut aussi choisir d’enchaîner son imagination, j’entends par là se créer ses propres limites et choisir d’être vrai envers le monde que vous avez créé. Dans la série, je m’en suis jusqu’ici strictement tenue aux termes de référence et à la phraséologie de Jant. Je ne le ferai peut-être pas toujours parce que c’est restrictif, par exemple, en trois livres, je n’ai jamais utilisé le mot « mal » (« evil » dans le texte, NdT) parce que les Fourlands n’ont pas ce concept religieux. Il n’y a pas non plus de référence à une vie après la mort. Un écrivain doit être consistant. Il ne peut pas assembler toutes sortes de choses pour faire un scénario exotique parce que le lecteur se sentira lésé. Le genre fantasy peut être un bon terrain d’entraînement au self-contrôle pour les nouveaux écrivains. Mais, m’étant délibérément limitée, j’ai envie de déployer mes ailes et emmener mon travail publié plus loin que le point de vue de Jant.

L’Empereur est un personnage très intrigant – dans tous les sens du terme…en apprendra-t-on plus sur la manière dont il est arrivé au pouvoir et dont il continue à l’assumer dans les deux prochains livres de la série, ou projetez-vous de le garder dans l’ombre ?

SS : L’Empereur joue un rôle plus important dans The modern world que dans les autres livres et, pour une fois surpris par les événements, il montre plus que ce qu’il aurait voulu. Le lecteur attentif pourra également en apprendre plus sur lui dans le livre qu’à travers ce qu’il dit. Oui, je connais son passé et il y aura des révélations, mais pas dans les deux prochains livres. Carniss Keep montrera clairement comment l’Empereur et le Château interagissent avec les gouvernements des Fourlands en temps de paix.

Que pouvez-vous nous dire à propos des deux prochains romans?

SS : Le prochain livre Carniss Keep est l’un de ceux que je prévoie depuis des années. Il se déroule 125 ans avant L’année de notre guerre, il montre un Jant plus jeune, avant qu’il ne commence les drogues et que ses côtés les plus rugueux soient atténués. Il raconte l’histoire de Shira Delin, dont le lecteur se souviendra peut-être d’une mention dans le précédent livre, ainsi qu’un clash entre Awia et les Rhydannes. Comme je l’ai dit plus haut, il ne sera pas seulement raconté du point de vue de Jant, le lecteur le découvrira donc enfin vu de l’extérieur.

Vous êtes sûrement en train de travailler sur ces livres à l’heure actuelle, mais avez-vous d’autres projets ? Des nouvelles basées dans les Fourlands ?

SS : Oui, j’ai un projet de nouvelle mais cela devra attendre que je puisse m’y mettre. Carniss Keep est ce qui compte le plus pour moi en ce moment. Les nouvelles sont différentes des romans, et je dois dire que je suis définitivement plus romancière qu’auteur de nouvelles. Maintenant, je dois vous laisser. J’entends des bruits dans le jardin. Un arboriculteur australien bizarre essaye de couper mon immense eucalyptus. Je vais tenter de le chasser avec une tronçonneuse.

Article originel


Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :