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Fantasy et adaptation, examen et réflexions

Par Foradan, le lundi 7 janvier 2019 à 18:50:29

2. L’adaptation devient un alibi pour un changement de scénario : je connais l’histoire, j’ai envie de nouveauté, d’être surpris, que ce soit avec le même média ou un autre.

L’adaptation est une œuvre nouvelle, avec un créateur dont la mise en avant est visible, c’est comme lire le traducteur pour lui-même : « un Film de machin, d’après l’œuvre de bidule » (en petits caractères). Il faut donc du nouveau pour titiller la curiosité (je m’interroge sur la pertinence de certains remake/reboot utilisant le même script/casting/ingrédient que le précédent).
L’adaptation-réécriture peut s'appuyer sur un imaginaire collectif, une mémoire culturelle, et proposer une relecture à sa manière (comme pour les Trois Mousquetaires, Arthur et Merlin, que l’on pense connaître sans avoir vraiment lu les œuvres dont ils sont issus). Soit les sources sont diffuses, soit l’original est réputé tellement connu que chacun se sent libre d’en faire sa version.
Cela peut aussi être une volonté affichée d’apporter quelque chose de nouveau pour un nouveau public (dont il faudra satisfaire les attentes, peut-être différentes d’un public de connaisseurs) et d'élaborer une version jeunesse-action-romantique-musicale…
Un créateur originel fortement impliqué peut profiter de cette occasion pour explorer d’autres pistes dans une adaptation non pas du livre (dans cet exemple) mais de son univers. C’est alors davantage une variation qu’une adaptation, de même qu’un créateur aux multiples talents pourrait écrire, dessiner, filmer…son histoire en orientant ses thèmes.
Mais cela peut aussi être la marque d’un producteur, réalisateur, adaptateur, de réécrire l’histoire à sa façon, en utilisant les éléments d’origine dont il peut se servir et en modifiant le reste : on se trouve ainsi devant des fictions portant le même titre – ou presque – dans un univers multimédia/transmédia/cross média. Ces œuvres nouvelles utilisent le nom de l’original, ce qui peut attirer la curiosité du public, mais doivent trouver leur légitimité par elles-mêmes, ce qui n’est pas le cas de toutes les productions (comme la saga Donjons et Dragons au cinéma l’a prouvé à de trop nombreuses reprises) : simplement passer de l’écrit à l’image ne suffit pas, il faut aussi du talent et des moyens pour faire de la qualité.

La puissance de communication peut permettre à une adaptation de faire oublier l’original et de devenir la nouvelle référence (comme Conan le barbare par Milius, véhiculant l’image d’un barbare chichement vêtu que Robert Howard ne reconnaîtrait pas). Ainsi, les studios Disney se sont fait les spécialistes de reprises d’histoires anciennes et célèbres et d’en arranger le contenu selon leurs critères. Pour qui connaît les histoires de Cendrillon à Pocahontas, du Bossu de Notre-Dame à Peter Pan, il y a parfois loin entre le film et le livre : Les Petits Chaperons rouges de Perrault, des Grimm, de Tex Avery, Luc Besson, Terry Gilliam et Disney sont tous différents, et bien peu peuvent être qualifiés de versions « pour les enfants ».
Pourtant, on assiste parfois à des adaptations qui revendiquent une inspiration et qui montrent comment faire peu ou prou la même histoire avec un titre, des personnages et un contexte différents.
Le Livre de la jungle (The Jungle Book) de Kipling raconte comment Mowgli est élevé et instruit par Bagheera, Baloo et Kaa (ainsi que les histoires de Toomaï, Rikki-tikki-tavi, Kotick et d’autres personnages humains et animaliers). Dans la version Disney, seule l’histoire de Mowgli est conservée et Kaa n’est plus l’ami et le mentor respecté, mais un antagoniste (et élément comique) servant à montrer la dangerosité de Shere Khan.
Dans L’Étrange Vie de Nobody Owens (The Graveyard Book) de Neil Gaiman, l’auteur revendique l'inspiration du Livre de la jungle original, mais dans un cimetière. Il y a du Gaiman, naturellement, et il y a du Kipling dans ce livre, certains personnages et certaines situations se calquent à merveille. On peut voir Miss Lupescu avec des attributs de Baloo et de Kaa : le chapitre « The Hounds of God » reprend la trame de « Kaa’s hunting »: les goules tiennent le rôle des bandar-log, miss Lupescu celui de Kaa ; dans les autres chapitres, elle est l’enseignante du quotidien, comme Baloo. Il y a donc un lien entre les deux books (Jungle et Graveyard), avec une part d’histoire commune. Pour autant, chacun de ces auteurs a sa propre façon de raconter la vie du héros : Mowgli et Bod ont un destin similaire mais traité de manière différente.

Comment donc considérer le Jungle Book de Disney et le Graveyard Book de Gaiman ? Tous deux sont dérivés de Kipling, mais ils ne prennent pas les mêmes libertés : Gaiman qui ne fait que « s’inspirer de » conserve mieux la personnalité des protagonistes, le studio qui garde le titre et les personnages animaliers retouche leurs attitudes. En un sens, aucun d’entre eux n’est une transposition de l’original sur un nouveau support ou un nouveau contexte, chacun crée sa propre histoire. Il y a alors trois Livres de la Jungle : l’original de Kipling, celui de Gaiman (dans un cimetière) et celui de Disney (en changeant le casting). A noter que Disney a produit une version « live » de sa propre adaptation, où seul importe le changement de média, l’histoire est fidèle, oui, mais au dessin animé (et persévère dans sa réécriture, Disney est dans son paradigme).

  1. La fantasy et les adaptations : autopsie d'un terme trop large pour ses habits
  2. 2. L’adaptation devient un alibi pour un changement de scénario : je connais l’histoire, j’ai envie de nouveauté, d’être surpris, que ce soit avec le même média ou un autre.
  3. Conclusion

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