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Fantasy et adaptation, examen et réflexions

Par Foradan, le lundi 7 janvier 2019 à 18:50:29

Conclusion

En cela, je distingue donc deux critères pour une adaptation : sa qualité propre, pour quiconque ne connaît pas l’original ; et sa capacité à faire vivre le sens de l’original, à conserver les caractéristiques de l’histoire.
Si un créateur (illustrateur, romancier, cinéaste…) veut faire sa version, à sa manière, j’attends qu’il ait la franchise de dire qu’il s’inspire, mais que c’est son histoire et ses choix, sans plagiat. Une fanfiction bien faite n’a pas à avoir honte et se cacher dans l’ombre (sauf les contraintes juridiques du droit d’auteur) ; un peintre peut réaliser une splendide illustration qui ravira l’œil et emballera l’imagination, mais ce sera insuffisant pour donner n’importe quel titre à son œuvre. Un dessin de dragon ailé vert ne peut pas s’appeler « Téméraire, Smaug, Glaurung ou Saphira », ces noms ont leur propre description et il y aurait alors une confusion, un même dessin de dragon ne peut pas s’appliquer indifféremment à chacun d’entre eux (ou alors c’est du Magritte et ceci n’est pas un dragon).
Nous sommes dans la situation d’une œuvre remarquable par elle-même, sans concordance avec le sujet auquel elle se rapporte. Mais si une œuvre de ce type inspire une autre création, le décalage s’accroît : la nouvelle création ne se réfère plus à l’œuvre d’origine mais à une adaptation prenant déjà ses distances.
Un créateur peut aussi, comme chacun, regretter une erreur de jeunesse commise par orgueil ou méconnaissance, et vouloir réaliser une nouvelle version : ainsi John Howe confesse avoir peint des scènes ne ressemblant pas à la description du livre, qu’il procéderait autrement avec le recul de l’expérience et une meilleure connaissance de l’univers.

Pour reprendre l’exemple de Conan : le personnage est adapté en bande dessinée qui en fait un barbare exhibitionniste ; cette vision du personnage inspire une autre adaptation, au cinéma, reprenant le barbare naturiste ; ce film inspire à son tour une adaptation parodique, et d’échelon en échelon, d’étape en étape, les caractéristiques les plus marquantes ne sont plus issues de l’œuvre originale. Howard n’est pas le créateur d’un olibrius brutal en slip de fourrure, contrairement à une idée répandue. Le cliché du barbare est né, il s'implante durablement dans l'inconscient collectif, mais qui en a la parenté ?
Si le sujet a du sens à mes yeux, c’est en raison de l’enchaînement des séquences auquel nous assistons : quid du jeu basé sur le film, inspiré du livre ? Outre les questions de licences et de franchises (nous sommes dans une ère d’hyper commercialisation), quels sont vraiment les liens au bout de plusieurs échelons, quel est l’impact sur le public, quelle est la liberté du créateur en 4ème position ?
La multiplicité des créations, avec parfois comme seul dénominateur commun un titre, fait que l’on peut assister à des réactions du type : j’ai vu le film/jeu vidéo…, j’ai aimé, et j’ai été curieux de voir qu’il y avait un livre écrit avant. Sauf que je l’ai lu, il manquait plein de passages/personnages que j’avais pourtant adoré, donc ce livre est sympa, mais tellement incomplet que je ne le recommande pas. (Quiconque a aimé l’aspect romantique d’une comédie musicale sur Dracula cherchera vainement à le retrouver chez Bram Stoker). L’œuvre d’origine, désavouée au regard des productions qui se sont nourries d’elle, implique que l’adaptation a réussi à plaire et trouver son public avec des choix nouveaux ; mais que ce public n’est pas sensible aux racines de l’arbre dont il a goûté le fruit. Ainsi donc, qu’est-ce qu’une adaptation réussie ?

Peut-on avoir un résultat satisfaisant avec un matériau de départ faible ? Un résultat décevant avec une source riche ? Oui et oui. Et pas forcément pour les mêmes personnes ni pour les mêmes raisons.
Saluer la performance d’avoir saisi l’esprit ou saluer la performance d’avoir réécrit la lettre et créé du neuf, cela revient à chacun. Faire la part des choses entre ce qui revient à César et ce qui est neuf. Qui aura aimé la série Game of Thrones sans avoir lu G.R.R Martin (ou préférant les images aux paragraphes) ? Qui pensera que Peter Jackson, Bakshi ou la série d’Amazon Studios (autour de laquelle le mystère est entier au moment où j’écris) améliore un texte difficile à lire ? Il n’y a pas de filiation automatique entre deux œuvres, connaître la première ne devrait pas être indispensable pour apprécier l’autre. Avant de chercher une parenté, trouver du plaisir avec de la fantasy.

Ou simplement marquer clairement le rôle de l’adaptateur dans le titre : « Ce titre qui est celui d’un livre, fait par Untel, selon sa vision, ses moyens ». Vous avez compris qu’un des aspects potentiellement déplaisants des adaptations, c’était le risque de confusion, ce qui fait que deux personnes croyant discuter de la même chose s’opposent sans avoir discerné que Shining n’est pas un film de Stephen King et n’est pas un livre de Stanley Kubrick. Et une bonne discussion se fait plus facilement en parlant du même sujet (ceci est une lapalissade).
Voilà mon mot de la fin : à qualité de réalisation égale ou proche, dans leurs arts respectifs, l’adaptation d’une œuvre sera réussie quand il sera possible de discuter de l’une comme de l’autre sans les classer, car ce qui les relie, c’est l’histoire ; une fidélité, ou une filiation portant a minima sur les caractéristiques intrinsèques de l’original. Autrement dit, et c’est toujours mon point de vue discutable, une œuvre en adaptant une autre et en transformant l’histoire au point qu’elle ne soit plus commune ne sera pas une « bonne » adaptation : elle sera « librement inspirée de », aura sa propre histoire, son propre public et sa propre filiation.
J’admets accorder une légitimité plus grande à l’inventeur d’un monde plutôt qu’à ceux, comme disait le Professeur Malcom (dans Jurassic Park), pour qui juchés sur les épaules de géants, il est possible de réussir en peu de temps sans savoir exactement ce qu’ils ont fait, mais ils l'ont déjà publié, breveté et vendu. Et l'acheteur fait montre d'encore moins de rigueur. Il se contente d'acquérir le pouvoir, comme n'importe quel produit.
TL ; DR : en musique, on dirait « l’œuvre de machin, interprétée par bidule et truc », Bach selon Menuhin, Gitlis ou Kennedy, la différence s’entend et c’est toujours du Bach. Revisité, réorchestré, mais si on entend du Vivaldi (ou du Barenboïm), ça devient autre chose.
TL ; DR 2 (j’y comprends rien au résumé précédent) : si on revisite une recette de tarte aux pommes, on peut faire des variantes avec les ingrédients, mais si on remplace les pommes par des myrtilles et des poires, ce n’est plus une tarte aux pommes.

  1. La fantasy et les adaptations : autopsie d'un terme trop large pour ses habits
  2. 2. L’adaptation devient un alibi pour un changement de scénario : je connais l’histoire, j’ai envie de nouveauté, d’être surpris, que ce soit avec le même média ou un autre.
  3. Conclusion

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