Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy

En salles : La Belle et la Bête

Par Gillossen, le mercredi 12 février 2014 à 12:30:30

Entretien avec Vincent Cassel

Pourquoi tout ce temps pour retravailler avec Christophe Gans depuis LE PACTE DES LOUPS ?
Le Pacte Des Loups a été une très bonne expérience. J’avais adoré le personnage que m’avait donné Christophe, et par la suite, nous avons essayé de remettre le couvert à plusieurs reprises. On est partis sur BOB MORANE que nous avons développé pendant assez longtemps, avec la collaboration de Roger Avary. Le film était sur le point de se faire lorsque l’épidémie de SRAS a frappé (une partie du tournage devait avoir lieu en Chine, ndlr) en même temps que le remaniement de Canal +. Et c’était fini ! Ensuite, il y a eu le remake d’un film français en noir et blanc qui devait se faire, puis LE CAVALIER SUÉDOIS, qui est toujours dans les tuyaux, et FANTÔMAS. À chaque fois, quelque chose nous a empêchés de refaire un film ensemble, lorsque tout d’un coup est arrivé le projet de LA BELLE ET LA BÊTE. Je crois que tout le monde partageait l’envie de le faire. C’était une évidence. L’idée vient de Richard Grandpierre, qui était le producteur du Pacte Des Loups et avec qui Christophe n’avait pas retravaillé depuis, du moins, ils n’avaient pas réussi à concrétiser ensemble un projet. Tout est allé très vite. Déjà, je trouvais que LA BELLE ET LA BÊTE était une belle idée, et puis, le nom de Léa est arrivé, l’adéquation était viable, ça donnait envie. Après, on connaît l’histoire, Christophe et Sandra Vo-anh ont écrit un scénario qui réussissait à moderniser le conte tout en revenant aux origines, à la façon de BRAM STOKER’S DRACULA.
Quelle a été votre contribution au personnage ?
C’est un cas très particulier. Je ne maîtrise rien de mon personnage concrètement ! Nous avons eu des discussions pour définir la gueule que ça pouvait avoir, dans quelle mesure la Bête devait me ressembler, à quel point, comment, où... Par la suite, au fur et à mesure de l’élaboration du film et jusqu’au moment où j’ai débarqué sur le plateau, je me suis rendu compte que ça ne se passerait pas exactement comme je l’avais imaginé. Tout ce que j’avais à faire sur le plateau en termes de jeu et d’émotion devait passer par le corps, sinon il n’en resterait rien dans le film puisque mes expressions étaient captées dans un second temps ! Nous sommes donc partis au Canada quelques semaines après le tournage où 6 caméras relevaient des millions de points sur mon visage. Et à partir du moment où j’ai réalisé cette chose qui consiste à exprimer toutes les expressions de la bête, 250 mecs ont travaillé dessus, sur mon sourcil, la brillance de mon œil, la longueur de la dent, la densité du poil, l’ombre. Tu files les clés du camion et tu dis «Bon, les gars (il claque des mains) je compte sur vous !».
Mais derrière toute la technique, qu’est-ce que vous deviez jouer ?
Ce que j’ai trouvé intéressant en tant qu’acteur, c’est qu’avant de devenir la Bête, le personnage du prince était un peu un sale mec. Imbu de sa personne, accro au pouvoir, vindicatif, il est obsédé par l’idée de tuer une biche dorée, la plus belle du domaine. C’est un chasseur, il a besoin de tuer cet animal, bien que son épouse lui fasse promettre de ne pas le faire... finalement il le fait quand même. À travers cet acte, il va perdre tout ce qu’il aime et se renfermer dans une espèce d’amertume qui dans le conte le transforme en une bête amère, solitaire, rongée par le regret pour l’éternité. Cet homme enfermé finit par retrouver l’amour, et quelque part se rachète une seconde vie. C’est une histoire de rédemption finalement...
Comment s’est passée la rencontre avec Léa ?
Très bien, mais il n’y avait aucune raison que ça se passe autrement. Je ne pourrais pas expliquer pourquoi j’ai immédiatement trouvé que c’était une bonne idée, Léa a encore quelque chose d’assez ingénu. Elle me fait beaucoup penser à Simone Signoret jeune. Elle a réussi en peu de films à s’imposer de façon particulière, elle est capable de tout, de passer d’un film de Christophe Honoré à Mission Impossible. Elle a déjà réussi à sortir de France et à acquérir cette espèce d’envergure qui ne se calcule pas ...
Comment faites-vous le lien entre les décors qui avaient l’air colossaux et les fonds verts ?
Encore une fois, il faut revenir à quelque chose de très ludique et ne pas trop se prendre la tête. Le type des effets spéciaux m’a dit un jour un truc qui est devenu un mantra : «Ne jamais perdre de vue le produit fini». Il faut imaginer tout le temps ce que ça va être. Sinon, on est régulièrement dans des situations assez ridicules, une croix verte sur le front, habillé en kiki avec un petit moignon vert à la place de ta queue parce qu’elle va être rajoutée en image de synthèse. il faut faire abstraction de ça et jouer simplement... Un de mes meilleurs souvenirs de théâtre, c’est George Wilson et Jacques Dufilho dans «Je ne suis pas Rappaport», au Théatre de l’oeuvre. Ces deux mecs, avec juste un banc, m’avaient fait complètement oublier la notion du temps et du lieu. Et au final, il s’agit de ça : l’aspect technique, c’est une prouesse, mais aujourd’hui, ça fait partie de l’industrie. Serrault disait aussi un truc là-dessus : «Il y a des gens qui passent leurs journées à construire un décor magnifique et toi, tu dois juste habiter le plan. Il ne faut surtout pas jouer pour l’équipe. Quand il n’y a rien à faire, il n’y a rien à faire.» Il faut accepter ça, quand on est sur un de ces films. L’important c’est le produit fini, et quand il faut jouer avec un casque poilu de dos, il faut accepter son sort.
Il semble que ça faisait beaucoup rire Léa...
Je faisais beaucoup le con avec le costume. Il valait vraiment mieux s’en amuser parce que c’était assez astreignant, je détendais l’atmosphère. Mais il me semble que Léa a découvert un aspect très technique, qui fait que souvent il faut jouer face à un sparadra. Pour elle qui venait d’un cinéma d’auteur français, c’était peut-être plus difficile au début de jouer avec un sparadra qu’avec Louis Garrel. Parfois elle faisait appel à moi pour la faire rigoler parce qu’elle devait jouer avec les petites créatures, les tadums. En fait, il y a un côté théâtral dans les effets spéciaux lorsqu’on est amené à jouer face à rien. Si on n’a pas l’habitude et si «on perd de vue le produit fini», on peut se sentir un peu bête, il faut faire abstraction de ça !
Babelsberg, c’était comment ?
Les studios sont très bien foutus, les gens très compétents, techniquement, c’est le paradis...
Comment vos rapports avec Christophe ont-ils évolué avec le temps ?
Ce qui est fantastique entre nous, ce que nous avons un rapport très simple et direct. Quand on n’est pas d’accord, ça s’exprime toujours sur l’instant et clairement. Personne ne s’est jamais formalisé. Souvent, il va voir des films que j’ai fait et il m’appelle pour en parler. Il a été un des premiers à aller voir Sheitan en salles. Parfois, il a des avis très tranchés, mais il a toujours été bienveillant à mon égard et face à mes choix. Au final c’est très cool avec lui, en fait. On se marre, et c’est un signe de santé, parce que mine de rien, ça fait 14 ans que ça dure.
Qu’est-ce que vous avez fait sur ce film que vous n’aviez jamais fait avant ?
Confiance ! Par la force des choses, j’ai été obligé de remettre ce que j’avais à faire dans les mains de quelqu’un. C’est un peu toujours le cas dans un film, où beaucoup de choses peuvent être altérées au montage, mais en termes d’émotion, d’intention, on essaye toujours d’imprimer quelque chose de fort en tant qu’acteur. Là, je suis dans les mains d’une multitude de gens que je ne connais pour ainsi dire pas... Mais c’est le deal, et avec le budget du film et les moyens utilisés, je pense que ça va être magnifique.
  1. Synopsis
  2. Entretien avec Christophe Gans
  3. Entretien avec Vincent Cassel
  4. Entretien avec Léa Seydoux
  5. Entretien avec Richard Grandpierre, producteur
  6. Entretien avec Thierry Flamand, Chef décorateur
  7. Entretien avec Pierre-Yves Gayraud, Créateur costumes

Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :