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Jean-Louis Fetjaine répond aux questions d’Elbakin.net !
Par Gillossen, le jeudi 15 mai 2008 à 16:46:35
C'est aujourd'hui que le roman Lliane de Jean-Louis Fetjaine est arrivé en librairies !
A l'occasion de son retour dans le monde des Elfes qui a fait sa renommée auprès des fans de fantasy, l'auteur a bien voulu accepter une interview avec nous. Retrouvez donc ci-dessous nos questions, et surtout, ses réponses !
Merci encore à lui et aux éditions Fleuve Noir pour leur collaboration !
Questions et réponses avec l'auteur
Qu'est-ce qui vous a décidé à retrouver le monde des Elfes ?
Après la série du Crépuscule des elfes, j’ai évolué progressivement de la Fantasy vers le roman historique. C’est un genre passionnant, mais extrêmement contraignant, qui nécessite une documentation considérable pour les moindres détails. J’ai été content d’explorer cette voie, mais en fin de compte, je préfère sans doute les littératures de l’imaginaire…
Et pourquoi à travers Lliane ? Que représente ce personnage en particulier pour vous ?
Lliane est l’héroïne centrale du Crépuscule. L’idée d’écrire une « préquelle », c'est-à-dire l’histoire avant l’histoire, ne pouvait qu’être centrée sur elle, sur les événements qui ont fait d’elle une reine et une guerrière.
La préquelle offre-t-elle plus de possibilités qu'une suite ?
J’avais imaginé un quatrième tome à la série du Crépuscule, dans lequel on verrait Arthur (qui naît à la fin du 3ème tome) évoluer dans l’univers des elfes. Mon idée de départ pour cette série était de rapprocher le monde arthurien de l’univers « tolkiennien » des elfes, des orcs et des nains – ce qui équivaut en fait à rapprocher l’imaginaire celte de l’imaginaire nordique ou germanique. Ce prolongement peut représenter un ou deux tomes mais guère plus, à moins de re-raconter la légende arthurienne dans son ensemble.
Une préquelle, en revanche, dans le contexte « historique » que j’avais défini dans la série du Crépuscule, peut se prolonger sur de nombreux ouvrages. Avec Fleuve Noir, on est parti sur au moins trois livres…
Vous citez vos sources en fin d'ouvrage. Tous les auteurs ne prennent pas la peine d’évoquer leur documentation. S'agit-il d'une démarche « universitaire » dans l'esprit ?
Tout à fait. Je n’ai jamais trouvé le moindre intérêt à la fantasy gratuite dans laquelle, en caricaturant, les cruels Glourg envahissent le monde des Khrak. Je n’ai pas de volonté didactique, bien sûr, mais pour moi-même je préfère tellement évoluer dans un monde « crédible ».
Il existe un imaginaire celte, gaëlique, nordique, avec des mythologies, des légendes, des religions qui ont autrefois été des réalités pour les populations d’Europe de l’Ouest. Non seulement cet imaginaire est le berceau de toute la littérature de Fantasy, mais en outre je pense que toute légende a un fond de vérité, qu’une légende est le récit déformé, embelli, de quelque chose qui s’est vraiment passé dans une époque lointaine. Ce qui permet de croire, ne serait-ce qu’un peu, ne serait-ce que le temps d’une lecture, que ce monde fantastique a pu exister…
À quand remonte les origines de votre passion pour cette culture celte ?
J’ai fait des études d’histoire des religions et j’ai été frappé par le fait que nous connaissons tous la mythologie et les dieux grecs, romains, égyptiens. Tout le monde sait qui sont Mars, Zeus, Vénus, Ra, Anubis. Mais peu de gens ont lu quoi que ce soit sur Lug, le Dagda, Teutatès, Dana, Nudd-au-bras-d’argent… Ces dieux celtes oubliés montrent qu’il y a véritablement eu une croisade romano-chrétienne durant le haut Moyen-âge visant à faire disparaître cette culture et à la recouvrir d’équivalents chrétiens, comme la Toussaint venant remplacer Samain/Hallowe’en.
Alors oui, je trouve passionnant d’évoquer cet univers celtique, d’autant qu’il n’est pas, en réalité, celui des écrivains anglo-saxons.
Vous sentez-vous plus écrivain ou conteur ? Si vous faites une différence, bien sûr.
Je ne sais pas trop. Un conteur parle, par définition, non ? Moi, j’écris. Donc plutôt écrivain…
Une fois de plus, on ne peut pas dire que les Hommes aient le beau rôle. S'agit-il d'un message sur la nature humaine qui vous tient à cœur ?
Oui, c’est plus fort que moi, on dirait… L’idée centrale du Crépuscule était que les hommes actuels –nous- sont le produit de trois peuples autrefois distincts : les hommes (qui étaient donc différents de ce qu’ils sont aujourd’hui), les nains et les monstres. En s’appropriant Excalibur/Caledfwch (nom gallois de l’épée du dieu Nudd), le talisman des nains, les hommes ont acquis les qualités et les défauts des nains, et ce peuple s’est dissout dans la race humaine. Les hommes sont devenus habiles au travail des métaux, mais cupides. En s’appropriant la Lance de Lug, talisman des monstres, ils sont devenus forts, mais cruels. En ne capturant pas le chaudron du Dagda, talisman des elfes, ils n’ont pas réuni les quatre peuples fondamentaux en un et ne sont pas devenus des dieux.
La part qu’il nous manque, la part inaccessible, l’aspiration, le rêve est la grâce, la beauté, l’évanescence des elfes.
Et, que ce soit Lliane ou sa mère, par exemple, les personnages féminins, de même que dans vos romans précédents, occupent une place prépondérante. Quel est votre regard sur ces rôles forts ?
La société celte – donc la société française au haut Moyen-âge – était une société matriarcale, au contraire de la société et de la culture romaine puis chrétienne ou c’est l’homme qui a le pouvoir.
Je trouve qu’il y a chez les femmes ce mélange de grâce et de dureté qui correspond à l’idée que je me fais des elfes. La beauté apparente cache une volonté plus forte que celle de l’homme. Les hommes sont plus évidents, moins mystérieux… Mais ce n’est que du roman, bien sûr !
Que vous apporte votre travail dans le domaine de l'édition ?
J’ai toujours travaillé dans l ’édition – depuis plus de 20 ans. J’ai fondé les éditions Hors Collection suite au succès d’un livre d’humour écrit avec Pierre Antilogus, Le Guide du jeune père, suivi de quelques autres. Puis j’ai dirigé également Le Pré aux Clercs et Acropole. Depuis un peu plus d’un an, j’ai créé les Editions Fetjaine dans le groupe La Martinière, ce qui est évidemment une chance formidable.
Ce que ça apporte ? Tout d’abord des rencontres avec des auteurs venant d’univers très différents, plutôt que de s’enfermer dans son monde.
Vous avez un public de fidèles. Quelles sont vos relations avec vos lecteurs ?
J’aimerais en avoir plus. En fait, ça se limite aux dédicaces, où on n’a jamais vraiment le temps de discuter. Je ne sais pas trop comment faire… Internet, bien sûr, est un moyen de communication, mais je me vois mal ouvrir un blog. Je trouve ça mégalo. Et puis ce n’est pas du dialogue, c’est du « moi, je ».
Avez-vous un point de vue particulier sur la situation actuelle de la Fantasy ? Pensez-vous avoir un statut particulier ?
Ça, je n’en sais rien. Je ne lis pas de Fantasy, ou très peu, pour ne pas être influencé ou au contraire bridé en m’apercevant que quelqu’un d’autre a déjà eu la même idée. D’un point de vue éditorial, maintenant, tout le monde constate avec évidence l’explosion de la fantasy pour jeunes lecteurs – même s’il est souvent difficile de tirer un trait entre une littérature « jeunesse » et des romans pour adultes – et ça, c’est formidable. Avec Harry Potter, Narnia et les autres, le Merveilleux, l’imaginaire, le fantastique ont une place prédominante pour les lecteurs de demain et c’est tant mieux !
Vos derniers romans avaient pris un tour plus historique. Le Merveilleux change-t-il quelque chose dans votre démarche d'écrivain ?
Oui, plus de liberté, comme je le disais plus haut. Plus de place à l’imaginaire, mais en restant toujours dans un contexte crédible et référencé historiquement.
Une question en rapport avec le média qui nous intéresse tout particulièrement maintenant : que représente pour vous internet ?
C’est tout d’abord une banque de données illimitée, où l’on trouve tout. Je me demande toujours ce qui pousse des gens à créer un site sur la verrerie au Moyen-âge ou le costume gaulois, mais ces sites existent et permettent de se documenter, donc bravo et merci.
En même temps, la documentation sur internet est à l’image du média lui-même : elle est superficielle. C’est pareil pour les chats et toute la communication en ligne : ça a le mérite d’exister et de créer des liens entre les gens, mais la limite est que ces liens restent virtuels. Le type qui chate est tout de même tout seul, chez lui derrière son écran…
Parmi vos dernières lectures, auriez-vous un ou plusieurs titres à conseiller à nos lecteurs, quel qu'en soit le genre ?
En ce moment, je me cramponne comme un fou pour essayer de lire Les enfants de Hurin de Tolkien père et fils, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas de lecture facile.
Et pour conclure, à quoi peut-on d'ores et déjà s'attendre pour la suite de cette trilogie ?
Le second tome est à moitié écrit. Il s’appellera Dans les Terres Noires. Lliane a été capturée par les armées de Celui-qui-ne-peut-être-nommé et elle essaie de s’évader… des Terres noires. Je pense en fait, et j’espère ! – que ce sera plus qu’une trilogie…
On verra !
Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.
Auteur
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