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La Première Chute de David Bry …
Par Luigi Brosse, le vendredi 12 février 2010 à 17:14:50
... et comment il a essayé de se relever.
Après deux articles consacrés à la promotion des auteurs par Astrid Cooper et Samantha Bailly, c'est aujourd'hui au tour de David Bry de venir nous parler de ses premières armes en tant qu'auteur et de comment il a contre-attaqué pour que le public découvre sa première trilogie, La Seconde chute d'Ervalon.
PS : Nous vous rappelons que cet article fait partie d’une série sur la promotion des auteurs français d’imaginaire (et plus spécifiquement de fantasy). Si vous êtes concerné (auteur, éditeur…) et que vous souhaitez vous aussi partager votre expérience sur ce sujet dans nos colonnes, n’hésitez pas à me contacter.
Et surtout venez donner votre avis en forum !
De la promotion des auteurs
Les premiers jours qui ont suivi la sortie de mon livre, j’étais presque serein. Il fallait laisser aux gens le temps de se jeter dessus, de le lire et de s’en remettre. Une histoire telle que celle que j’avais écrite, qui avait trouvé un éditeur aussi facilement, forcément, tout le monde allait autant l’aimer que moi.
Tu parles …
Après une semaine, j’ai commencé à m’impatienter, et me dire que ce serait bien d’avoir des retours autres que les compliments dithyrambiques de ma famille ou de mes amis. Je trouvais le manque de réactions surprenant : Claire Chazal ne m’avait toujours pas appelé, je n’étais pas encore passé à la télé et aucun journaliste du Monde ne parlait de la claque qu’il avait reçue en lisant l’ouvrage magistral de David Bry, une révolution du genre bien sûr. Il n’y avait même pas d’avis sur les sites spécialisés d’Internet.
Au bout du premier mois, une critique, enfin ! Et positive de surcroit ! Thomas Riquet, de Mythologica, était devenu sans le savoir mon meilleur ami. Malheureusement, quelques jours plus tard, je m’enfonçais brutalement dans la dépression la plus totale, et me jetais sur tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de l’alcool ou du chocolat. Elbakin.net venait de donner un 6/10 aux Brigands d’Avelden, le premier tome de mes chroniques.
Évidemment, ça ne me faisait pas plaisir, d’autant qu’en plus de cette mauvaise nouvelle, je devais me rendre à l’évidence : près de deux mois après sa sortie, personne ou presque ne parlait de mon livre. C’était déjà la fin de ma grande carrière pourtant à peine entamée dans le monde de la Fantasy. Et cela signifiait surtout que je ne pourrais peut-être pas aller jusqu’au bout d’une histoire qui me tenait à cœur, que je savais bien plus longue que les trois tomes à paraître en 2009.
C’était l’été, et mon tome 2 venait tout juste de sortir. J’avais alors deux solutions : donner de ma personne en essayant de présenter et porter mon histoire, ou bien disparaître de la surface de la terre et rédiger mes dernières volontés. Craignant que mon testament ne bénéficie d’une note encore plus faible qu’un 6/10, je choisis sans trop hésiter la première option. Je pris donc mon bâton de pèlerin, et décidai de faire connaître mon livre.
Il faut bien comprendre que cela n’a absolument pas été une décision réfléchie de ma part. Il s’agissait simplement d’une réaction devant la masse d’ouvrages qui sort chaque mois. Confronté à l’absence de relais que j’imaginais indispensable à la vente d’un livre, j’ai donc décidé d’essayer de promouvoir l’histoire que j’avais inventée, parce que c’était la seule chose à faire pour lui donner une chance d’être lue et de peut-être vivre dans d’autres esprits que le mien.
J’avoue que je ne savais pas trop par où commencer. Sans ami, ni famille dans l’édition, j’étais complètement démuni. D’autant que je n’avais pas le temps de changer d’amis et que, mauvais menteur, prétendre que ma vraie mère était directrice de collection chez Gallimard me semblait difficile à faire avaler. Bref, j’étais mal barré.
Les dédicaces
J’ai fait le premier pas quelques jours plus tard, tout à fait par hasard. En lisant le journal, ce qui m’arrive à peu près trois fois par an, j’ai appris que la meilleure librairie de France 2009 (une récompense décernée chaque année) était à Meaux, à une quarantaine de kilomètres de chez moi. C’était forcément un signe ;-). J’ai réfléchi et, après m’être répété une dizaine de fois que le ridicule ne tuait pas, j’ai appelé la libraire. J’ai eu l’air franchement débile au début, bafouillant, ne sachant comment lui proposer tout bêtement de faire une dédicace chez elle. Heureusement le courant est bien passé, et elle a accepté de lire mon livre que j’ai été lui apporter. Elle m’a recontacté deux ou trois semaines plus tard. Elle avait beaucoup aimé, alors que la Fantasy n’était pas son truc à la base. Elle voulait organiser une séance de dédicaces au Monde d’Arthur, sa librairie. J’étais aux anges. Une libraire, qui lit des livres, des tonnes de livres, une vraie professionnelle, avait aimé le mien. Elle avait accroché à l’histoire, et trouvé les personnages attachants. Nous avons convenu d’organiser la séance deux mois plus tard après la sortie du dernier tome de ma trilogie. J’étais très fier.
Le second pas s’est encore fait par hasard. Quelques semaines plus tard, je rentrais du travail et, en traversant le village avant le mien, une affiche a retenu mon attention. Elle y annonçait la tenue d’un salon du livre le dimanche même. Un salon du livre, dans un coin où vivent, disséminées sur plusieurs hameaux, 2 000 âmes à peine. Surprenant, mais pourquoi pas ? Ni une ni deux, j’ai appelé la mairie leur demandant si je pouvais participer. Ils ont accepté sans hésiter. Le dimanche suivant, j’ai pris mes bouquins, une trentaine, priant pour en vendre un ou deux. La journée est passée vite, très vite. Entre 9H et 18H, j’ai dédicacé 24 bouquins. Vingt-quatre. Je n’en revenais pas ! Des gens avaient fait la queue devant ma table, on avait discuté, échangé autour de nos lectures respectives, parlé des différentes couvertures d’Ervalon (dessinées par Julien Delval, qui a fait un travail génial). Et, pour couronner le tout, le hasard avait vraiment bien fait les choses : l’un des organisateurs du salon du livre de Provins a vu l’intérêt suscité par mes bouquins, et m’a proposé de participer à la manifestation, prévue en février 2010 (NdE : c'est ce week-end !).
Cette dédicace, le plaisir que j’y ai pris et le succès que les bouquins avaient remporté ont eu raison de mes derniers complexes. En attendant la dédicace du Monde d’Arthur, j’ai donc appelé d’autres librairies, des enseignes comme Cultura, et Virgin notamment. Les premières minutes d’entretien, mon interlocuteur était parfois surpris, mais l’accueil toujours chaleureux. Mon coup de fil débouchait très souvent sur la mise en place d’une séance de dédicaces.
Mon souvenir le plus marquant reste la séance à la FNAC des Halles à Paris, l’une des plus grandes librairies de France. Il y a toujours un monde hallucinant là-bas, en particulier les week-ends. C’était aussi l’un de mes endroits favoris à l’époque où, Parisien, j’y cherchais de quoi lire pendant des heures. Ayant toujours aussi peu peur du ridicule, je suis directement allé voir un vendeur, pour lui demander, sans y croire une seconde, si cette FNAC recevait en dédicace des auteurs inconnus. Qui ne tente rien n’a rien, n’est ce pas ? Et, à part passer pour un demeuré, je ne risquais pas grand-chose, d’autant qu’Ervalon avait plutôt bien marché chez eux. Je me suis donc lancé. Et quelques semaines plus tard, un samedi un mois à peine avant Noël, Julien Delval et moi étions dans l’allée principale de la FNAC, installés derrière une pile de bouquins. En quelques heures, dopés par Julien qui crayonnait comme un fou à l’intérieur des couvertures, nous avons dédicacé une quarantaine d’exemplaires d’Ervalon. Mieux que Beigbeder lorsqu’il était venu chez eux. J’avais du mal à y croire.
Internet et le monde de la Fantasy
Parallèlement à ces séances en librairie qui se déroulaient plutôt bien, les avis sur mes livres arrivaient doucement sur les sites spécialisés d’Internet. A part l’un d’eux, dont le critique avait clairement détesté le tome 1 (d’où re alcool et chocolat), l’accueil des Chroniques était ailleurs positif, tome après tome. Les ventes avaient l’air de suivre, du peu que j’en comprenais et pouvais voir. Je savais bien cependant que les nouveautés continuaient d’arriver sur les étals dédiés à la Fantasy, et que si je voulais qu’Ervalon ne finisse pas rapidement dans les remises, il fallait que je continue à le défendre.
Je me suis alors inscrit sur pas mal de forums discutant de Fantasy, pour essayer d’échanger autour des bouquins, de l’écriture, et de la littérature de l’imaginaire en général. Avec à chaque fois l’accord des modérateurs, j’ai mis en ligne quelques descriptions d’Ervalon, essayant de lancer la discussion. Le succès a été cette fois-ci bien plus mitigé. A part quelques rares messages qui se sont très vite raréfiés, personne n’a paru intéressé. Était-ce dû à mes bouquins, à ma manière d’en parler, au média utilisé ? Je n’en ai aucune idée. J’ai rapidement abandonné cette façon de faire. Échanger, c’est bien, mais mettre des messages publicitaires, ce n’était pas mon truc, ni ce que je voulais. Ervalon avait déjà un site qui, même s’il est moche, a le mérite d’exister, un livre d’or, qui se remplit peu à peu, et un groupe sur Facebook où je me suis inscrit pour cela. Je me suis dit que cela devait être suffisant pour Internet, et suis donc passé à autre chose.
Mon dernier axe pour essayer de promouvoir mes chroniques a été le jeu de rôle, dont l’histoire d’Ervalon est issue. J’ai contacté Jeu de Rôle Magazine. Le responsable de la section Inspirations a tout de suite accepté de lire les bouquins et d’en faire la critique dans l’un des numéros (le n° 8, paru en septembre 2009). Le rédacteur en chef a, quant à lui, accueilli avec enthousiasme ma proposition d’écrire pour le magazine des scénarii inspirés du tome 1. Je travaille dessus actuellement, et ils devraient apparaître d’ici quelques numéros. Au delà évidemment de la publicité que cela peut faire à mes bouquins, je trouve l’idée de faire revivre les aventures des personnages à travers le jeu de rôle intéressante, et vraiment amusante. Une sorte de retour aux sources qui, peut-être, donnera une autre fin au récit ? J’espère en tout cas que les joueurs éventuels accrocheront autant que les miens lorsque je leur ai fait vivre cette histoire.
Mais pourquoi ?
Alors évidemment la question est : pourquoi tout cela ? Pourquoi dépenser autant de temps et d’énergie pour quelque chose que je n’étais pas obligé de faire ? La réponse est double.
D’une part, maintenant que je les ai découvertes, j’aime les dédicaces et les gens que j’y rencontre. Heureusement d’ailleurs. J’aime discuter de ce qu’ils lisent, de ce qu’ils attendent d’un bouquin, de leurs coups de cœur et des miens. On ne parle pas de Fantasy tout le temps. Loin de là. On parle parfois jeu de rôle, des dernières sorties littéraires, de la manière d’écrire, de ce qu’on y recherche.
D’autre part, l’histoire d’Ervalon me tient à cœur. Heureusement aussi. J’aime ses personnages, la trame de son histoire, toutes ces défaites émaillées de quelques victoires difficiles, arrachées, ce monde dépouillé où il n’y a ni bien ni mal, juste des gens qui luttent pour leur survie et celle de leurs terres. Je me dis que tout ceci vaut le coup d’être partagé.
A travers tous ces moyens – dédicaces, sites, magazines -, j’essaie donc de promouvoir Ervalon, de faire connaître son existence et de donner envie à certains de découvrir son histoire. Est-ce que cela fonctionne ? Est-ce que cela m’a permis de vendre plus de livres ? Je pense que oui, mais évidement ne sais pas dans quelle mesure. Quoi qu’il en soit, je prends plaisir à échanger avec tous ceux que je rencontre. C’est toujours ça de gagné :).
D’une manière plus générale (et de mon point de vue de néophyte), je crois que cette manière d’aller de soi-même à la rencontre des lecteurs, des sites, des critiques fait partie de notre boulot et que présenter, défendre notre travail est la dernière étape de l’écriture. Sans doute pas la plus facile, ni la plus économique en terme de temps et d’énergie, mais une étape utile. Elle a en plus le mérite de nous rapprocher des lecteurs, des libraires, des animateurs des sites de Fantasy … bref, de tous ceux avec qui nous avons une passion commune : les livres. On ne peut pas juste laisser les bouquins qu’on a écrits vivre leur vie, tout seuls ou uniquement promus par l’éditeur. En tout cas, certainement pas quand on s’appelle David Bry et qu’on n’est pas connu. Il faut porter son travail, le défendre parfois, accepter que tous ne portent pas le même regard dessus, ne pas s’arrêter à ceux qui le descendent, parfois à raison, et se raccrocher à ceux qu’on a réussi à embarquer dans nos histoires. Car ça, c’est vraiment magique, et ça paie largement tous les efforts qu’on a pu faire pour cela.
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