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Samantha Bailly et les difficultés de faire sa propre promotion

Par Luigi Brosse, le samedi 6 février 2010 à 13:03:52

Samantha BaillyAprès Astrid Cooper, nous accueillons aujourd'hui Samantha Bailly pour nous parler de sa vision de la promotion en tant qu'auteur.

Samantha est une jeune auteur de fantasy, que nous avons déjà eu la chance de croiser à de nombreuses reprises, que ce soit virtuellement ou en vrai sur les salons. En 2009, elle publiait son premier roman de fantasy, La Langue du silence, premier tome du cycle Au-delà de l'oraison, dont la suite est attendue pour cette année.

Très active (ceux qui l'ont déjà rencontrée peuvent en témoigner), c'est tout naturellement que son nom nous est venu à l'esprit pour collaborer à un article sur comment toucher son public. Et c'est tout aussi simplement que cette dernière nous fait part de ses expériences au cours de cette année écoulée. Dégustez !

PS : Nous vous rappelons que cet article fait partie d'une série sur la promotion des auteurs français d’imaginaire (et plus spécifiquement de fantasy). Si vous êtes concernés (auteurs, éditeurs…) et que vous souhaitez vous aussi partager votre expérience sur ce sujet dans nos colonnes, n'hésitez pas à me contacter.

Et surtout venez donner votre avis en forum !

Promouvoir son livre

La Langue du silenceLe mythe de la publication comme étant un vrai parcours du combattant n’est pas une légende visant à impressionner les lecteurs ou les jeunes auteurs. Trouver un éditeur, c’est trouver une personne qui va investir du temps, de l’énergie, et évidemment, de l’argent dans votre travail.
Parfois, l’impensable se produit pourtant. Une lettre, un coup de téléphone, bref, une réponse de cet éditeur. Un OUI.
S’engage alors un très long processus de corrections. Entre la signature du contrat et la sortie du roman, il s’écoule en moyenne un an. Après ces années de travail, on pense toucher au but en tenant entre ses mains les pages que l’on a noircies si longtemps auparavant. Mais ce n’est que le début.
En effet, les nouvelles parutions inondent les rayons des librairies, Fnac et autres Virgin. Vous y entrez alors et découvrez votre roman dans le rayon fantasy. Parfois il y en a un exemplaire, parfois trois. Parfois aucun. Votre livre paraît bien insignifiant dans cette marée de couvertures. Qu’est-ce qui fera alors que quelqu’un se dirigera vers celui-ci en particulier ? Le feuillettera, lira le résumé, décidera de l’acheter ? De le découvrir ? Ce sont des questions que l’on se pose, et auxquelles nous n’avons finalement pas de réponse.

Dans mon cas, je suis publiée par une petite maison d’édition, les éditions Mille Saisons. Une petite structure ayant décidé de se consacrer à la fantasy française, à des coups de cœur. Les ventes d’auteurs français de fantasy sont globalement assez peu glorieuses si l’on compare avec les traductions nous venant des pays anglosaxons. D’ailleurs, la décision de Bragelonne de ne plus publier de fantasy française est très claire : pas assez rentable. Les éditions Mnémos se battent pour faire connaître leurs auteurs, mais cela reste difficile, les tirages sont rarement énormes. Pourtant, ils ont une bonne diffusion.
Je sais bien que la fantasy française n’est concrètement pas très connue des amateurs du genre. Combien de fois ai-je entendu en salon et vous êtes française, c’est rare !. Je savais donc qu’à la sortie du roman, il faudrait que je donne de ma personne si je voulais un minimum le faire connaître. L’effort est encore plus conséquent dans une petite structure, puisque la diffusion est un point délicat. Mais j’ai toujours été très motivée, me disant que je fais découvrir certes mon roman, mais aussi le travail de toute une équipe que je soutiens.
Il faut comprendre que rares sont donc les personnes qui vont tomber sur le roman par hasard. Et même si c’est le cas, comme je le disais, face à la masse des parutions, difficile de faire la différence dans les rayons. Bien sûr, il y a toujours des libraires ou des chefs de rayons ayant aimé et faisant leur possible pour le mettre en avant. Mais ce sont des cas isolés, et face à la grande diffusion, impossible de faire le poids.

J’ai donc décidé d’utiliser d’autres façons de me faire connaître. Lorsque l’on n’a pas d’énorme visibilité en librairie, il faut utiliser d’autres réseaux. Notamment internet. Une communauté d’une centaine de lecteurs, qui suivaient mon site et mon forum, ont précommandé La Langue du silence en avril 2009, au moment de la sortie. À l’époque, je n’avais publié que dans des fanzines ou des revues confidentielles, mais le partage de la nouvelle de ma publication avait donné lieu à une sorte d’attente.
Il y avait bien sûr des proches parmi ces personnes, mais surtout beaucoup de gens que je n’avais jamais vus en chair et en os, et qui me suivaient dans la lumière ou dans l’ombre. Ils étaient au rendez-vous, à ma plus grande surprise, et c’était merveilleux de ne pas être la seule à attendre cette première parution !
C’était une impulsion de départ. Mais même si vous avez du soutien sur internet, que vous avez 100, 200, 300 précommandes… il faut penser aux mois suivants. Ce n’est pas du tout une fin en soi. Par la suite, pour faire connaître le roman, j’ai donc créé un groupe facebook. Un bon moyen de garder le contact avec les lecteurs tout en partageant des choses sur le plan émotionnel. Les avancées d’autres projets, certains états d’âme par rapport aux corrections du tome 2, etc.

Dès la sortie, mon éditeur a envoyé de nombreux services de presse à des critiques, sites internet spécialisés en fantasy, fanzines, magazines, mais aussi journaux. Disons que les trois quart du temps, les structures ne prennent pas le temps de répondre et il faut donc bien cibler ses choix. Il est difficile de mesurer les potentielles retombées d’une critique positive papier ou internet. Je n’ai rencontré qu’une seule personne ayant acheté La Langue du silence suite à la consultation d’une critique (sur le site d’Elbakin.net, d’ailleurs), et c’était lors d’un salon. Mais encore une fois, finalement l’auteur est très peu au courant de ce qui a mené un nouveau lecteur vers son livre !
Il en va de même pour la presse en général, sans parler de la critique. Une quinzaine d’articles sont parus dans la presse régionale à propos du livre (Ouest France, L’écho républicain, Tendance Ouest, Le Perche, Paris-Normandie, etc). J’ignore s’il y a eu des retombées en termes de découverte ou d’achat, mais en tout cas, je me dis que c’est toujours intéressant.

Malgré internet, les parutions de critiques, d’articles, à mon sens, là où il y a le plus de retombées, c’est en salon. Participer à de nombreuses conventions a été essentiel pour les ventes de mon roman. La présence de l’auteur, le contact réel, les discussions… Mille Saisons m’a beaucoup fait voyager cette année, et j’ai aidé Mille Saisons en tenant les stands sur les salons où l’équipe ne pouvait pas forcément être là. L’énorme avantage dans une telle structure est que comme il y a assez peu de parutions, le roman reste longtemps d’actualité et est mis en avant à chaque salon. Il n’est pas noyé dans une masse sur le stand de l’éditeur. C’est très appréciable, cela instaure une relation de confiance.
Je n’ai pour le moment fait l’expérience que d’une année de salons, mais d’après ce que je sais, les années suivantes sont très intéressantes. Les personnes ayant aimé le tome 1 reviennent se procurer le tome 2, des gens ont entendu parler du roman et de la maison d’édition l’année précédente. Les éditions Mille Saisons se font ainsi connaître, rencontrent des libraires, et cela peut déboucher sur des partenariats.

En dehors des salons, il faut trouver d’autres moyens de promotion. Je crois que tout est alors une question d’entourage et d’enthousiasme. Des professeurs et documentalistes ont commandé le roman, l’ont lu, et étaient très motivés pour le faire étudier et me faire venir dans les classes. J’ai tout de suite accepté cette idée. C’est à la fois un excellent moyen de se faire connaître et un grand honneur. Du coup, mon roman a été mis au programme de plusieurs classes. Une classe de 5e dans un collège à Pierrelatte (Drôme) et une classe de 2nde dans un lycée à Mortagne-au-Perche (Orne). La classe de 5e étudie le roman dans différentes matières, comme par exemple l’anglais où ils doivent faire des résumés. Pour ma venue, il est prévu que des petits groupes créent des panneaux sur différentes facettes de l’univers : Hélderion, Thyrane, Rouge-Terre, les corporations. Ils doivent fournir un véritable travail de recherche en se basant sur le roman pour trouver le plus d’informations possible. Concernant la classe de 2nde, il s’agit d’un travail plus porté sur le plan littéraire : études de textes, du genre de la fantasy, etc.
Ce projet a généré de nombreuses commandes en librairies dans les régions concernées, et l’intérêt des libraires qui m’ont proposé des séances de dédicace.

Pour résumer, il ne faut pas non plus trop compter sur internet pour se promouvoir soi-même dans ce cas de figure. Certes, internet est un excellent moyen de communication, mais il manque le contact. Le contact direct avec le livre. Acheter en ligne n’est pas un réflexe que tout le monde a, et le trouver en librairie est parfois compliqué : c’est pour cela que j’ai mis à disposition sur mon site une liste des librairies / Fnac possédant le roman. Mais ce n’est parfois pas exact, car une fois les romans vendus, les établissements ne vont pas forcément se réapprovisionner, même si cela a très bien marché. Tout simplement car la collaboration avec les petits éditeurs est toujours plus complexe en terme pratique. Il faut donc que des lecteurs les réclament pour qu’ils se disent que cela vaut le coup d’en recommander. Alors oui, si l’on lit une critique positive sur un roman et que l’on tombe dessus en grande surface, en librairie, etc, on sera peut-être tenté… mais à l’échelle de la petite édition de fantasy française, vu le manque de visibilité, c’est plutôt rare que ce genre de rencontre avec le livre se produise.

Il est difficile de faire sa propre promotion. Tout d’abord parce que cela suppose une grande confiance en soi que je n’ai pas forcément. Difficile d’y croire soi-même pour tout un tas de raisons. Mais une fois le livre sorti, inutile de se mentir : c’est un fait, alors autant se lancer. Je connais beaucoup d’auteurs qui ne feraient jamais ce que je fais, estimant que ce n’est pas leur rôle, ou ayant peur de ce contact avec les autres. Ne serait-ce que parler de ce que l’on écrit, c’est toujours compliqué. Je comprends aussi leur attitude. J’ai fait beaucoup d’efforts sur moi-même à ce niveau. Je connais des auteurs qui ne lisent pas les critiques, ou bien s’en remettent difficilement ! Car oui, c’est certain, essayer de mettre en avant son roman, c’est aussi être encore plus vulnérable. C’est le jeu. La publication implique inévitablement ce rapport à l’autre, cette confrontation, cette mise à nu.
Je donne beaucoup pour des résultats très aléatoires. Il y a des périodes de creux sans que rien ne se passe, et d’autres où de très bonnes nouvelles arrivent ! Il faut être patient. Lorsque l’on a fait son possible et qu’il n’y a plus qu’à attendre, c’est là que les lecteurs interviennent. Ils m’ont vraiment donné beaucoup d’énergie, l’envie d’aller vers les autres et de parler de ce roman.
Mon état d’esprit du moment est qu’il faut voir si toute cette énergie aura vraiment des conséquences sur le long terme. Le bilan pour La Langue du silence depuis avril 2009 est très positif. Il y a eu trois tirages à 500 exemplaires. Cela ne paraît pas grand chose face aux bestsellers, mais c’est un bon chiffre quand on sait que c’est de la fantasy française et une petite structure éditoriale.

Il y a bien sûr à mon sens des limites à l’auto promotion. Tout d’abord, les moyens mis en place par la maison d’édition en termes de promotion, diffusion. Et puis les réalités du marché, la notoriété actuelle de la fantasy française, la dépense que représente un grand format pour le lecteur lambda... Il faut l’accepter. Ensuite, il y a le temps. Je continuerai à donner autant d’énergie tant que j’arriverai à concilier mes études avec tout cela. Ensuite, quand j’aurai terminé mon master, que j’entrerai dans la vie active, je n’aurai plus le temps que je possède actuellement.
Nous verrons bien le résultat ! En attendant,La Langue du silence est nominée pour le Prix Merlin 2010, un prix du public… cela sera un bon test.

Maintenant, je sais que je ne peux pas vraiment faire plus. Je fais beaucoup de salons, de séances de dédicaces, je rencontre les libraires, je démarche les journalistes, je tiens mon site à jour, je communique sur facebook, je fais des interventions, je suis ouverte aux projets que l’on me propose… ce sont les lecteurs ayant aimé qui prennent le relais, en parlant sur les forums, à leurs libraires. Je ne remercierai jamais assez les personnes qui font des gestes simples : mettre un lien de mon site, faire une review sur leur blog, sur un forum, diffuser des informations sur facebook… Se promouvoir soi-même, cela passe certes par des efforts, mais cela ne mène pas très loin sans l’aide des lecteurs.

Et pour le futur, j’ai un roman épistolaire, Lignes de vies, qui sortira aux éditions Volpilière en mai 2010. Ce sera une nouvelle configuration : de la littérature blanche, une maison d’édition avec plus de titres que Mille Saisons. Je vais pouvoir avoir des points de comparaison. Ce sera une autre forme de promotion, un autre contexte. J’ai encore bien des choses à apprendre !


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