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Un entretien avec Sylvie Miller et Philippe Ward

Par Gillossen, le lundi 17 décembre 2012 à 15:25:59

Un privé...Et nous poursuivons notre chemin en compagnie de Jean-Philippe Lasser !
Après la couverture, une nouvelle inédite à découvrir en ligne et bien sûr notre chronique d'Un privé sur le Nil, voici maintenant une interview des auteurs, Sylvie Miller et Philippe Ward. Deux auteurs particulièrement bavards, que nous remercions encore de nous avoir accordé un peu de temps.
Bonne lecture !

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L'entretien

Une question banale pour commencer, mais toujours intéressante : comment est né le projet Un privé sur le Nil ?
PW : De nos passions pour le polar, l’Égypte ancienne et la fantasy. En discutant, nous avons réalisé que nous pouvions grouper ces trois éléments pour écrire une histoire. Nous avons commencé par une nouvelle intitulée Pas de pitié pour les pachas, la toute première enquête de Lasser, qui a été acceptée par la revue Faeries en 2006. Les retours des lecteurs ont été unanimes : ils voulaient d’autres histoires dans le même univers. De notre côté, nous avions pris un tel plaisir à écrire cette enquête peu ordinaire et nous étions tellement frustrés d’avoir créé tout ce monde pour un seul texte que nous nous sommes dit : « On continue l’aventure ». Il y a donc eu deux autres nouvelles – N’est Pacha qui veut, publiée dans l’anthologie Plumes de chat (éd. Rivière Blanche, 2009), et Le Pacha botté, publiée dans l’anthologie Contes de villes et de fusées (éd. Ad Astra, 2010). Et puis la frustration était toujours là. Nous n’avions pas envie d’abandonner Lasser. Nous nous sommes lancés dans Un Privé sur le Nil, premier opus de l’aventure, puis dans le tome 2, Mariage à l’égyptienne, qui sortira en mars 2013. À l’heure actuelle, nous travaillons sur le tome 3, prévu pour 2014. Nous avons même des idées pour d’éventuels tomes 4 et 5 !
SM : Philippe a oublié un texte de la série des nouvelles dans l’univers de Lasser : Voir Pompéi et mourir, paru dans l’anthologie Fragments d’une fantasy antique (éd. Mnémos, 2012). À part ça, il a bien résumé la genèse du roman. Nous avions déjà écrit d’autres textes ensemble, mais après avoir créé le personnage de Lasser et l’environnement dans lequel il évolue – une Égypte encore pharaonique où les dieux se promènent au milieu des hommes –, nous avons eu vraiment du mal à tourner la page. Il nous fallait continuer d’explorer cet univers. L’écriture avait été tellement jouissive que nous ne pouvions pas en rester là !
Comment écrit-on un roman à quatre mains ?
PW : Vu que Sylvie habite la région parisienne et moi les Pyrénées, internet est notre ami. Mais dans un premier temps, nous écrivons le scénario ensemble. Cela commence toujours par des séances de brainstorming quand nous nous retrouvons pour aller à un salon. Dans la voiture, nous lançons les idées, nous tâtonnons, nous prenons des notes. Et ensuite nous écrivons le scénario le plus détaillé possible. A deux, nous ne pouvons pas trop partir à l’aventure, nous avons besoin d’un plan solide. Ensuite, nous nous partageons les chapitres et certaines parties de l’histoire et nous écrivons le premier jet en respectant le scénario. Après ça, il y a un va-et-vient des fichiers où chacun reprend le texte. Ce qui fait qu’à la fin, nous ne savons pas qui a écrit quoi. Il faut aussi mettre son égo dans la poche et accepter les critiques de l’autre, tout en étant capable d’adresser des critiques à l’autre.
SM : Quand on écrit un roman à quatre mains, il est indispensable de s’organiser. Tout dépend, bien sûr, du fonctionnement du tandem littéraire. Certains duos fonctionnent avec une répartition des tâches où l’un se charge de l’acte créatif proprement dit tandis que l’autre intervient sur le style et la mise en forme littéraire. Pour ce qui nous concerne, sans doute parce que nous écrivons également en solo, nous souhaitons être présents à toutes les phases de l’écriture, de la toute première idée jusqu’au texte corrigé. Du coup, la phase de créativité ne peut se dérouler que lorsque nous sommes ensemble. Nous profitons de toutes les occasions de rencontres – salons littéraires, séances de dédicaces, y compris pendant le voyage – pour nous remuer les méninges et trouver des idées. Nous dégageons d’abord une ligne narratrice globale, le pitch du texte. Puis nous développons l’intrigue tout en procédant au découpage en chapitres. Les grandes lignes sont ainsi définies. Ensuite, nous nous répartissons le travail de première écriture. En général, j’aime bien me charger des passages plus introspectifs tandis que Phil aime les scènes d’action et les bastons ! (RIRES) Après ce « premier jet », nous envoyons notre production à l’autre et vient la phase de co-écriture proprement dite, avec une navette du fichier qui est critiqué, amendé, corrigé et re-corrigé jusqu’à ce que tout nous convienne à tous les deux. La correction se fait tout d’abord sur la narration puis, dans un second temps, une fois l’histoire fixée, sur les éléments stylistiques. Comme le dit Philippe, à l’issue de ce retravail, il nous est impossible de savoir qui avait écrit quoi, tant le texte a été remanié.
Dans le même ordre d’idée, comment s’est déroulée votre collaboration avec les éditions Critic ?
PW : Sans le moindre problème. La collaboration a été et est parfaite et totale. Quand les éditions Critic se sont lancées, nous les connaissions via la librairie Critic où nous avions fait des dédicaces, et Simon Pinel, le directeur de collection, était un fan de nos nouvelles. C’est pourquoi il a eu très vite envie de nous publier. Cela a pris un peu de temps, du fait de notre charge de travail. Après plusieurs discussions, nous avons lancé le projet. Ensuite, nous avons travaillé sous la direction d’ouvrage de Célia Benard qui a apporté sa vision extérieure au roman et qui a mis le doigt sur des points à revoir. Son travail a été important. Ensuite il y a eu tout l’apport de l’illustrateur, Ronan Toulhoat, qui a effectué un boulot admirable sur les trois tomes de la série – auquel nous avons été associés en donnant notre avis à plusieurs phases de la création. L’illustration, c’est très important. Nous sommes fiers des différentes couvertures. Enfin, il ne faut pas oublier Éric et Cathy, qui dirigent les éditions Critic. Ils nous ont toujours associés à la vie d’un Privé sur le Nil et informés des décisions éditoriales. Que toute l’équipe soit remerciée !
SM : Je plussoie !!!!! Dès le début de notre collaboration avec les éditions Critic, nous avons eu l’impression de nous retrouver en famille. Nous avons continuellement ressenti de leur part un immense respect pour notre travail et une envie constante de faire ressortir le meilleur de ce que nous avions à offrir. La collaboration avec Célia Bénard, qui nous a fait retravailler le manuscrit, a été extrêmement enrichissante. Elle n’a rien laissé passer. Elle n’a pas hésité à nous interpeller à chaque fois qu’un élément lui paraissait obscur ou un peu « faible », à nous questionner, à nous faire reprendre une phrase ici ou là, un passage un peu plus loin… Progressivement, le texte gagnait en fluidité et en qualité. Elle a lu, relu et re-relu, inlassablement. Mais ce retravail était loin d’être ennuyeux : nos échanges étaient ponctués de mails amusés, de plaisanteries et de réflexions culturelles (ah, l’échange de courriels autour des rapports frères-sœurs chez les dieux égyptiens et dans les familles royales, ça a été quelque chose !). Je suis également admirative à propos de la contribution de Ronan Toulhoat. J’adore les illustrations qu’il a fournies pour nous ! Elles sont totalement en accord avec le contenu des ouvrages et suggèrent l’ambiance des romans. Signalons également le travail de mise en page de la couverture, qui est excellent. En dédicace, nous avons constaté le rôle vital d’une couverture : c’est le premier élément qui attire le regard. Si elle fonctionne, le lecteur potentiel va prendre le livre et le retourner pour voir de quoi il parle. La quatrième de couverture est là pour capturer son attention et lui donner envie de lire le roman. Et pour Un privé sur le Nil, cela fonctionne vraiment ! Enfin, comme le dit Philippe, il faut également remercier toute l’équipe Critic : Simon, Éric, Cathy… Ils sont aux petits soins pour nous, nous tiennent au courant de tout et nous ont accueillis avec une extrême gentillesse lorsque nous sommes venus à Rennes pour le pot de lancement et la toute première dédicace du livre. Nous sommes ravis de travailler avec eux. Sincèrement.
Je me suis posé la question… Comment avez-vous choisi le nom de votre héros, Jean-Philippe Lasser ?
PW : C’est une très bonne question et j’avoue que j’ai du mal à me souvenir. Je pense, Sylvie validera ou me contredira, que c’est en hommage à un des plus grands égyptologues français : Jean-Philippe Lauer. Un hommage volontaire ou inconscient. Peut-être que Sylvie a une meilleure mémoire que moi.
SM : En fait, c’est Philippe qui a lancé le nom du personnage, au milieu de plusieurs propositions, lors d’un de nos fameux remue-méninges. Ensuite, nous avons réalisé que cela ressemblait à Jean-Philippe Lauer, le nom du célèbre égyptologue. Nous admirons tous deux les travaux de ce grand chercheur qui a commencé à travailler, dès les années 20, sur les fouilles de Saqqâra. Durant près de soixante-dix ans, il y a remonté des murs d’enceinte, fouillé des complexes funéraires, mis à jour des salles et même reconstruit certaines parties des temples. C’est grâce à des personnages tels que lui que les vestiges de la civilisation de l’Égypte ancienne nous sont accessibles aujourd’hui. Je pense donc que l’hommage, au départ inconscient, est devenu volontaire lorsque nous avons décidé de garder ce nom pour notre détective.
Le roman fourmille de personnages secondaires savoureux. Avez-vous un préféré ? Certains prendront-ils plus d’importance par la suite ?
PW : J’avoue ne pas avoir de préférence, c’est un peu comme demander quel enfant on préfère. Ils ont tous leur charme personnel, Fazimel la secrétaire, Hâpi le 13e du nom, Ouabou le chat et tous les autres qui arrivent au cours d’une histoire et que l’on retrouve par la suite. Par exemple, Fazimel va prendre de l’importance. Dans Voir Pompéi et mourir, elle joue déjà un rôle important qui se développera encore dans un prochain tome – le quatrième, pour être précis. Bien sûr, pour qu’il puisse être écrit, il faut que les trois premiers se vendent… Pour les autres personnages, je ne sais pas, mais on va les retrouver pratiquement tous dans les tomes 2 et 3. Et puis de nouveaux personnages vont débarquer dans le tome 2.
SM : Un privé sur le Nil, c’est le point de départ des aventures de Lasser. Il débarque en Égypte, il n’est pas connu et rien ne le prédestine à devenir détective des dieux. Fort logiquement, il se voit confier de toutes petites enquêtes, au début : retrouver un livre, un chat… Puis, peu à peu, celles-ci prennent de l’ampleur, à mesure qu’il résout les affaires et que sa réputation se développe chez les dieux. Il côtoie également de plus en plus de monde et, forcément, certains personnages vont émerger. Pour nous, le travail sur les personnages secondaires a été primordial. C’est ce qui fait une partie de la « magie » de l’univers de Lasser – nous nous sommes d’ailleurs amusés à glisser des clins d’œil et des références dans le choix des noms (non, je ne dis rien, à vous de trouver ! RIRES). Nous voulions une fantasy qui s’ancre dans l’histoire et la mythologie de l’Égypte. Forcément, il nous fallait des créatures évocatrices, comme Sphinxy l’indic, Hâpi le taureau tenancier de boîte de nuit ou Ouabou le chat qui parle et a plus d’un tour dans son sac, et qui… (mais non, là aussi, vous n’avez qu’à lire !). Nous avions également besoin, face à notre détective « looser » et désabusé, de personnages humains hauts en couleur comme Fazimel, la fidèle secrétaire, ou Hussein Pacha, le chef des Medjais, un des « méchants » de l’histoire. Pour moi, ils ont tous leur intérêt et je les aime tous même si, je l’avoue, j’ai une tendresse particulière pour Ouabou. Mais je suis une inconditionnelle des chats…
Quelles étaient vos références en matière de romans noirs ?
PW : Pour moi, c’est tout la littérature américaine des années 30, surtout l’école des durs à cuire avec Dashiell Hammet et son détective Sam Spade. J’ai une admiration sans borne pour son roman le Faucon de Malte devenu au cinéma le faucon maltais. Ses héros, des détectives, sont totalement différents de ceux d’Agatha Christie. Mon autre référence c’est Philip Marlowe, le détective imaginé par Raymond Chandler. Les deux détectives sont des observateurs cyniques de la société dans laquelle ils vivent. C’est le cas aussi de Jean-Philippe Lasser, notre héros. J’aime aussi les nouveaux auteurs de polar, aussi bien anglo-saxons que français, mais j’ai toujours cette préférence pour Hammet et Chandler. Je suis aussi un grand amateur d’auteurs plus récents comme Connelly, mais ils ont moins d’influence que les deux grands anciens.
SM : J’avoue avoir à peu près les mêmes références, tout en étant moins connaisseuse que Philippe. Parmi les auteurs modernes, j’adore Michael Connelly. Et puis, il y a aussi tout un tas d’images qui se baladent dans ma tête, glanées ici et là, au fil des lectures ou des films vus au cinéma : la période américaine de la prohibition, les boîtes de jazz dans les années 20-30, les histoires de gangsters, le personnage d’Al Capone… Forcément, tout ça a dû jouer dans la construction du personnage de Lasser.
Dans le registre de la fantasy, connaissez-vous vos « concurrents » comme Les dossiers Dresden, Garrett détective privé, ou bien Thraxas ?
PW : J’ai découvert Dresden après avoir écrit les premiers nouvelles, et j’ai pris plaisir à lire les cinq romans publiés chez Milady. Je me suis régalé. Il y a des airs de ressemblance avec Lasser, mais le cadre est différent. Dresden, c’est notre époque et l’Amérique, tandis que Lasser évolue dans les années 30 en Égypte. Même si notre détective, à partir du tome 2, sera amené à se promener dans d’autres contrées, comme la Grèce ou l’Empire romain. J’ai aussi lu quelques Garrett détective privé et j’aime bien. L’ambiance est différente puisqu’il s’agit d’un monde médiéval-fantastique à la limite du steampunk. Par contre, je n’ai pas encore lu Thraxas. Je pense que notre originalité vient de notre monde égyptien en 1930.
SM : J’avoue à ma grande honte que je n’ai pas lu ces « concurrents » évoqués dans la question. Philippe m’a prêté les cinq Dresden mais ils sont encore dans ma pile de lecture. Glen Cook, avec son personnage de Garrett, me tente également. J’ai beaucoup entendu parler de Thraxas et j’ai très envie d’y jeter un œil mais, là encore, je sais que c’est le temps qui manquera. A ma décharge, le travail sur Lasser a impliqué – et implique encore – la compilation d’une importante quantité de documentation, des ouvrages de fond sur la mythologie aux guides touristiques d’époque, en passant par les ouvrages les plus divers. Mea culpa, donc.
Dans tous les cas, vous avez pour vous le cadre égyptien. Celui-ci est doté d’une réelle présence tout en gardant un petit côté « hors du temps ». Comment avez-vous travaillé cet équilibre ?
PW : D’abord en s’appuyant sur la réalité, des cartes postales, des guides des années 30, des ouvrages d’époque, des récits de voyageurs, des ouvrages concernant les voitures, les avions... Tout un travail de recherche, comme pour les horaires de train ou le temps des trajets avec les moyens de transport de l’époque. Pour les dieux, nous avons aussi gardé leurs caractéristiques, leurs petites histoires. Et ensuite, il a fallu inventer un nouveau monde, avec un pharaon comme dirigeant, imaginer les relations entre les dieux et les humains. Nous avons voulu présenter un monde différent mais logique. Cela s’est fait avec de la documentation et notre imagination, tout en restant dans une logique un monde réel qui aurait pu exister. Dans Un privé sur le Nil, c’est l’Égypte et la Nubie. Dans Mariage à l’égyptienne, nous entraînerons le lecteur à Babylone et en Grèce. Dans le tome 3, ce sera le bassin méditerranéen. Et ainsi de suite... Notre ambition est d’explorer tous les royaumes antiques. D’ailleurs, dans Mariage à l’égyptienne, il y a la présence d’une princesse inca.
SM : Je crois que l’équilibre dont il est question vient du fait que le décor n’est pas qu’un décor, justement. Ce n’est pas qu’un vague environnement brossé pour donner un fond derrière les personnages. C’est réellement un cadre de vie, un ensemble de lieux que nos personnages traversent et nous essayons de montrer au lecteur les émotions qu’ils peuvent ressentir face à ce cadre. En outre, nous trouvions intéressant d’imaginer ce que pourrait être l’Égypte dans les années 30 si le pays était toujours pharaonique. C’était amusant de mêler des éléments du début du vingtième siècle avec des bâtiments typiques de l’Égypte antique. Pour le lecteur d’aujourd’hui, les lieux que nous décrivons ont un double caractère « hors du temps » : cette Égypte a le petit côté suranné des années 30, doublé de l’exotisme des grandes heures pharaoniques. Ce qui donne une présence si forte à cet environnement, c’est son côté vrai : nous avons compulsé des tonnes de documentation – images et textes – pour faire en sorte que les lieux et les paysages décrits soient les plus proches possible de ce qu’ils étaient réellement, aux deux époques – le vingtième siècle et l’Antiquité. Cela doit se sentir à la lecture. Du moins, nous l’espérons.
Sans trop en révéler à nos lecteurs, avez-vous une enquête préférée ?
PW : Là aussi, c’est difficile. La première, peut-être, parce que nous découvrions ce monde, nous l’imaginions, nous fabriquions les personnages, les lieux… C’était presque enivrant. Mais le plus important, c’est qu’au fil des histoires, nous prenons toujours autant – voire encore davantage – de plaisir à l’écriture. Souvent, il m’est arrivé de rire en voyant une idée de Sylvie et de jubiler en imaginant sa tête lorsqu’elle découvrirait l’une des miennes. Pire, j’ai relu le roman une fois publié et je riais encore. L’écriture de cette série est un véritable plaisir.
SM : Personnellement, je les aime toutes, pour des raisons différentes. Chacune a ses spécificités, compte tenu de l’enquête menée et des personnages mis en jeu. Filature à Marselha, c’est la première aventure de Lasser, celle qui présente le personnage et explique comment il a atterri en Égypte. Avec Le manuscrit de Thot, on entre dans le vif du sujet avec l’apparition d’Isis et la première affaire égyptienne de Lasser. Ensuite, il va enchaîner avec Le chat de Sekhmet et L’embrouille féline qui mettent en avant le chat, Ouabou. Les deux dernières enquêtes sont plus complexes et plus longues. Le quatorzième morceau d’Osiris montre que le taureau Hâpi est plus subtil qu’il n’y paraît et que Fazimel n’est pas qu’une simple secrétaire. Enfin, dans La querelle nubienne, c’est U-Laga M’Ba que l’on découvre. Bien évidemment, ces personnages vont revenir dans Mariage à l’égyptienne.
À quoi peut-on s’attendre de la part de Lasser dans le tome 2 ?
PW : À tout. À la fin d’Un privé sur le Nil, Lasser devient le détective des dieux, il est reconnu, alors qu’auparavant il était un petit détective minable. Il prend un peu la grosse tête et les dieux vont le remettre à sa place. Mais il reste toujours ce détective qui regarde le monde d’un regard cynique et qui subit le courroux des dieux. Son personnage aussi évolue au fil des intrigues.
SM : Dans Un privé sur le Nil, nous avons mis en place l’univers et les personnages. Le lecteur a découvert les méthodes de travail peu orthodoxes de Lasser, les gens qu’il côtoie, les dieux au milieu desquels il évolue… Dans Mariage à l’égyptienne, notre détective va devoir mener une enquête très compliquée, au milieu des intrigues des dieux et des pièges que ceux-ci lui tendent. Le personnage de Lasser va gagner énormément en profondeur et ses rapports avec ceux qui l’entourent vont également s’étoffer. De nouveaux personnages – tout aussi hauts en couleurs que ceux d’Un privé sur le Nil – vont apparaître. D’autres lieux, aussi, dont je ne peux rien dire pour ne pas gâcher la surprise des lecteurs…
De façon plus générale, quel est votre regard sur le genre fantasy ?
PW : J’avoue que depuis quelques temps, je lis davantage des romans policiers ou des ouvrages sur les États-Unis. De temps en temps, j’écoute les conseils des uns et des autres et je lis de la fantasy. Je n’ai pas de préférence particulière, je peux aussi bien relire Conan le Barbare que Gagner la guerre de Jaworski. Je suis un accro du trône de fer, des romans de Robin Hobb et de la série de Javier Negrete. J’aime bien aussi Terry Pratchett, Hal Duncan. Que du classique ou presque. Mais le monde de la fantasy est tellement vaste que tous les lecteurs y trouvent leur plaisir.
SM : Pour moi, la fantasy est un genre très riche, avec de nombreux courants, de la fantasy classique – héroïque ou médiévale – à la fantasy urbaine, voire au surréalisme. C’est ce que j’ai tenté de montrer dans les choix de textes de l’anthologie Reines & dragons (éd. Mnémos) que j’ai co-dirigée avec Lionel Davoust pour le festival des Imaginales 2012. Nous allons appliquer la même démarche pour la prochaine anthologie des Imaginales, à paraître en mai 2013, dont le thème sera Elfes & Assassins. La fantasy continue d’évoluer et certains de ses auteurs nous surprennent encore en explorant des pistes nouvelles. Nous avons tenté d’apporter notre pierre à l’édifice en donnant aux aventures de Lasser, assez classiques si l’on s’en tient à l’aspect polar, le cadre si particulier qui les caractérise, entre histoire, mythologie et fantasy.
Internet et plus généralement les réseaux sociaux sont-ils essentiels dans votre communication avec vos lecteurs ?
PW : Il faut vivre avec son temps. Même si je préfère les contacts directs lors des salons avec les lecteurs, les réseaux sociaux sont un formidable vecteur de communication. Nous allons lancer une page Facebook sur Lasser, pour garder ce contact. Nous allons aussi ouvrir un site sur Lasser – en mars 2013, au moment de la parution de Mariage à l’égyptienne – pour donner des plus aux lecteurs, pour développer ce monde. Aujourd’hui, internet existe et il faut s’en servir pour établir la passerelle entre auteurs et lecteurs. Mais cela dévore beaucoup de temps.
SM : Internet est un outil que j’utilise depuis très longtemps. Après tout, c’est grâce à internet que j’ai fait la connaissance de Philippe, à la fin des années 90, en fréquentant le « salon SF » d’Aol pour y parler de littérature… J’utilise le mail depuis un bon moment. Très naturellement, j’ai glissé vers les outils de dialogue développés plus récemment, comme les réseaux sociaux. J’ai, comme pas mal d’auteurs, un compte Facebook. Je fréquente un peu les forums. Je n’ai pas encore de site internet mais c’est en projet depuis un bon moment. Malheureusement, ces outils sont dévoreurs de temps. Comme l’écriture n’est qu’une activité que je mène sur mon temps libre, en dehors d’un métier qui m’occupe largement, je dispose de trop peu de créneaux pour fréquenter assidument les réseaux sociaux. Ils sont utiles pour informer les lecteurs ou pour tisser certains liens avec eux, je le reconnais. Mais rien ne vaut le contact direct que l’on peut avoir durant les dédicaces ou les salons.
Quel est votre regard sur le livre numérique et la question des droits d’auteurs ? : PW : Le livre numérique… Je vais donner mon humble avis, qui n’engage que moi. Je pense qu’il y a eu trois révolutions dans le livre
l’imprimerie, le livre de poche et le numérique. Ayant vécu la révolution en musique et cinéma du CD, de la K7 vidéo, puis l’arrivé du DVD, du blu ray pour finir avec le fichier, je pense que pour le livre cela risque d’être pareil. Les liseuses, les tablettes vont changer notre façon de percevoir la lecture. Pour des dinosaures comme moi, le livre papier restera la référence, même si j’ai une liseuse et qu’elle prend de l’importance. Pour les nouvelles générations, le livre papier va probablement disparaître progressivement. Les écoliers, les collégiens auront bientôt une liseuse qui remplacera leur livre et ils n’auront plus l’habitude du papier. Cela va faire exploser toute la chaîne du livre, auteur-éditeur-illustrateur-diffuseur-distributeur-libraire-médiathèque, etc. Tout le monde va devoir se remettre en cause et trouver de nouvelles solutions. Et je ne parle même pas du piratage dont il faudra tenir compte. Le livre va connaître sa révolution. Que nous réserve l’avenir ? Je l’ignore, mais on le subira comme on a subi la fin des 33 tours, des K7 vidéo et même des CD…
SM : Comme le dit Philippe, il semble que le livre numérique constitue une étape importante dans l’évolution du livre. On assiste à une dématérialisation générale des supports au profit des fichiers informatiques ; il en va de même pour le livre. Avec la tablette ou la liseuse, on accède à de nouveaux modes de lecture.
Personnellement, je reste très attachée au livre papier parce que cela fait partie des supports manipulés par ma génération. Pour moi, le livre, c’est bien sûr le texte imprimé que je lis, mais c’est aussi l’odeur et le grain du papier sous mes doigts, l’épaisseur et la rigidité de la couverture, le bruit des pages que je tourne… C’est aussi tout un tas de souvenirs d’enfance et d’adolescence : la remise des prix à l’école primaire, les magnifiques livres de contes que je trouvais sous le sapin, toute petite, les premières lectures de romans, du Club des Cinq à Jules Verne, les premiers émois littéraires (la claque que j’ai prise en lisant Les rois maudits, de Maurice Druon ou Vendredi et les limbes du Pacifique, de Michel Tournier !). Enfin, c’est ma découverte de la SF et de la fantasy, en anglais, lorsque, toute jeune, j’allais à Londres, chez Smith ou chez Dillon’s pour m’approvisionner en lectures parce qu’on ne trouvait pas encore ces bouquins-là en France – j’en ai gardé un certain nombre sur une étagère de ma bibliothèque. Pourtant, malgré tout, je reconnais que la liseuse est très pratique et je l’utilise volontiers lorsque je voyage – ça m’évite de trimballer quinze tonnes de livres dans ma valise. Je crois que ce nouveau mode de consultation va permettre de mêler texte et multimédia, avec de nouvelles possibilités d’accès aux contenus via les liens hypertexte. Nous ne sommes qu’aux balbutiements de ces nouvelles possibilités d’hyperlecture. Que deviendra l’acte d’écriture ? Comment s’exprimeront les auteurs avec ces nouvelles formes d’accès à l’écrit pour le lecteur ? Bien sûr, se pose le problème du devenir de l’actuelle chaîne du livre. Qui seront les nouveaux acteurs ? Comment vont-ils travailler ? Quelle sera leur place ? Comment seront-ils rémunérés ? Avec les nouvelles habitudes de téléchargement gratuit – et illégal – de contenus multimédia, il est à craindre que les internautes adoptent le même type de comportements vis-à-vis des fichiers de livres numériques. Pour y remédier, il y a tout un nouveau modèle économique à trouver. Et, à l’heure actuelle, plus de questions que de réponses…
On annonce la fin du monde pour le 21 décembre. Que ferait Lasser dans un cas pareil ?
PW : Il irait au bal du Sheramon et demanderait une bouteille de whisky 16 ans d’âge et la finirait tranquillement en attendant que les dieux fassent sauter la planète.
SM : Ah zut ! Philippe m’a piqué ma réponse ! Alors je vais compléter l’histoire. Isis se pointerait au Sheramon pour sortir Lasser de sa beuverie. Elle lui ordonnerait, au nom de tous les dieux, de foncer au Mexique, d’y retrouver dare-dare le calendrier des dieux Aztèques – le vrai, celui qui contrôle l’écoulement du temps – et, avec l’aide d’un vieux prêtre-mage, d’y ajouter quelques milliers d’années, histoire d’être tranquilles. Ainsi, le problème de la fin du monde serait réglé.
Enfin, à l’approche des fêtes, auriez-vous un conseil à donner à nos lecteurs, que ce soit un livre, un disque…
PW : En disque, j’avoue que je viens de découvrir, avec un peu de retard sans doute, la chanteuse Diana Krall. Pour les nostalgiques et les grands anciens, mais aussi pour les jeunes qui ne connaissent pas, écoutez Celebration Day, le concert de Led Zepplin en 2007, une pure merveille. En livre : Un privé sur le Nil. Voilà mon conseil.
SM : Moi, en ce moment, j’écoute en boucle le dernier album de Katy Perry et je le conseille vivement. En matière de livres, pour les amateurs d’Egypte ancienne, je conseille la dernière série de Rick Riordan, les chroniques de Kane (tome 1 : La pyramide rouge, tome 2 : Le trône de feu). C’est de la littérature jeunesse, mais le mariage entre fantasy et mythologie est intéressant. J’ai relu récemment, à l’occasion de la sortie de la série télé « Le trône de fer », les livres de George R. R. Martin. J’ai retrouvé le même plaisir qu’à la première lecture. Les bouquins ont été republiés sous forme d’intégrale. Cela peut faire un joli petit achat de Noël. Sinon, chez Orbit, je conseille vivement les aventures de Sabina Kane, de Jaye Welles. Le troisième volume, La tentation des ombres, vient juste de sortir chez Orbit. J’ai adoré les deux premiers, je vais me ruer sur le troisième ! J’avais beaucoup aimé, chez le même éditeur, Le livre perdu des sortilèges, de Deborah Harkness. J’y avais trouvé un joli mariage entre fantasy et histoires de vampires. Le tome 2, L’école de la nuit, est paru récemment. Je ne l’ai pas encore lu, mais il est en haut de ma pile. Je suis sûre que je vais me régaler ! Et si vous voulez davantage d’idées de lectures en fantasy, eh bien, consultez le site d’Elbakin ! Côté parutions, il est toujours à jour et leurs critiques sont intéressantes.

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