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Martyrs : un entretien avec Oliver Peru

Par Gillossen, le lundi 15 avril 2013 à 19:00:00

ArserkerAprès la chronique de Martyrs, voici venu le moment d'interroger son auteur !
Oliver Peru a bien voulu répondre à nos questions et discuter avec nous de ce premier tome ou de ce qui nous attend dans la suite, mais tout en revenant également sur son premier roman ou en évoquant une possible adaptation de Martyrs sur petit écran, sans parler de bien d'autres choses encore.
Merci encore à l'auteur et bonne lecture !

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L'entretien

Vitrail

Comment est né un projet comme Martyrs ? L’avez-vous toujours vu comme une aventure au long cours, sur plusieurs volumes ?
Ce projet est né il y a quelques années quand je terminais l'écriture de Druide, mais certains personnages existaient déjà dans ma tête depuis longtemps. C'était le cas du roi Karmalys ou de la jeune Kassis. Et depuis leur apparition dans mon imaginaire, j'ai toujours voulu leur écrire une histoire en plusieurs volumes. Du coup, je ne me suis guère posé de questions quand j'ai commencé Martyrs. J'ai tout de suite su que je voulais en écrire trois tomes très denses, et j'avais déjà en tête le final de chacun des trois livres avant même d'en écrire les premiers mots. À l'origine du projet, il y a donc cette envie de faire une saga mais surtout d'explorer des thèmes comme l'amour et la guerre, des thèmes que j'avais mis de côté dans Druide. Et j'avais besoin de place pour emporter mes personnages et mes lecteurs dans une grande histoire. En conséquence, chaque tome de la série sera assez épais. Le premier tome fait déjà 700 pages, et encore, j'ai dû couper et retailler une bonne centaine de pages avant le manuscrit final.
Ce premier tome est apparu très tôt comme très ambitieux et J’ai lu n’a pas lésiné sur la mise en avant. Comment gère-t-on la pression qui en découle ?
Waooo... Jusque là, je n'avais pas la pression mais vous venez de m'en coller un petit peu sur le dos. Je suis en tout cas très content et touché que J'ai Lu croie autant dans notre projet. Je dis « notre », car j'ai vraiment le sentiment que c'est un travail d'équipe qui permet à Martyrs de trouver sa place aujourd'hui en librairie. En plus de Thibaud Eliroff avec qui j'ai travaillé sur le manuscrit, il y a beaucoup de gens chez J'ai Lu qui se sont intéressés à mon livre, qui l'ont lu, l'ont aimé et ont vraiment cherché à connaître le bouquin pour mieux communiquer dessus.
Je tiens à ajouter que Martyrs sort dans une collection semi-poche qui est normalement réservée aux intégrales et aux rééditions de quelques gros auteurs anglophones. Et en plus de tout ce que je viens d'évoquer un peu plus haut, les éditions J'ai Lu m'ont fait confiance et m'ont ouvert les portes de cette fameuse collection dont j'adore le format. Je trouve que les livres sont magnifiques et pas trop chers compte tenu de leur épaisseur.
Avant de poursuivre sur Martyrs, quel regard portez-vous maintenant sur Druide, votre première incursion dans le roman ?
J'ai énormément d'affection pour mon premier roman et je ne pense pas avoir tourné la page de l'univers que j'ai écrit pour mes druides. Les personnages sont toujours dans ma tête et j'ai de plus en plus envie de les emporter dans une nouvelle aventure. Je pense que je m'y mettrai d'ici quelques années. Pour le reste, je ne suis pas du genre à regarder en arrière et même si j'ai profité de chaque réédition pour retoucher un peu le livre d'un point de vue « stylistique », je me satisfais de savoir que Druide a trouvé son public. Beaucoup de lecteurs continuent à le découvrir, me font part de leur enthousiasme et me demandent un nouvel épisode... Que pouvais-je espérer de plus avec un premier roman ?
Avec Martyrs, on a le sentiment que vous avez changé d’échelle. Comment se confronte-t-on à un récit aussi épique ?
L'un de mes moteurs dans la vie comme dans l'écriture est de toujours faire mieux, de faire voyager mes lecteurs toujours plus loin. Et bien que j'aie envie d'écrire de nouveaux one shots, je voulais aussi me lancer dans une série pour développer davantage de personnages, créer des intrigues plus fouillées, plus retorses et surtout prendre le temps de donner vie à des personnages que je pourrai faire évoluer de tome en tome. Le côté épique est une conséquence naturelle de ce désir d'offrir à lire un grand spectacle et je crois que le travail est fondamentalement le même que dans un récit plus simple. Au moins en ce qui me concerne. Ce qui change la donne se trouve dans les enjeux de l'histoire : la guerre, le pouvoir, l'amour, la vengeance, la rédemption. Le côté homérique est là, dans ce qui se joue. Je ne peux donc pas vraiment dire que je me suis confronté à l'écriture épique, j'ai plutôt plongé dedans avec enthousiasme, et contrairement à un one shot, j'ai pu travailler sans me fixer de limite. En sachant que je ne finirais cette histoire que dans trois tomes (soit 1500 à 2000 pages), je me suis permis de mettre le paquet ;-)
Si l’univers de Martyrs profite donc de cette dimension épique, vous restez en permanence à hauteur de personnages. Pour vous, priment-ils forcément sur l’intrigue et l’univers ?
Quand j'écris, j’essaie de trouver un juste équilibre entre l'aventure et ceux qui la vivent. Je ne suis pas un adepte du mille péripéties à l'heure ou du récit contemplatif qui reste collé aux basques d'un seul héros. Je tente plutôt de trouver un équilibre entre ces deux extrêmes. Je ne n'irais donc pas jusqu'à dire que les personnages priment sur l'histoire mais il y a une chose dont je suis certain, c'est que je ne pourrais pas raconter une bonne histoire sans de bons personnages.
Pour moi, il est donc très important de construire des héros crédibles, auxquels on s'attache ou qu'on déteste. Sans eux, la magie n'opère pas. Et c'est pour ça que, même en multipliant les points de vue, je m’efforce de toujours garder la caméra du récit près de mes personnages. Ce sont presque eux qui racontent l'histoire, ce sont leurs émotions qui donnent du cœur à l'aventure. Et puis je confesse que je les aime, que j'adore les écrire, les malmener, les surprendre, et c'est sans doute cela aussi qui transparaît dans mon écriture.
Pouvez-vous nous parler un peu et plus précisément de vos personnages féminins, souvent au cœur des rebondissements de l’intrigue ?
Sur Martyrs, je voulais en premier lieu travailler sur le personnage de Kassis. Elle était en moi depuis si longtemps que je me devais de lui donner vie sur le papier. Pour la résumer, Kassis est une jeune fille de 15/16 ans issue d'une noble famille. Hélas, elle vit prisonnière de son château car ses ancêtres ont pris le parti des vaincus dans la dernière grande guerre qui a embrasé tous les royaumes de Palerkan, un siècle auparavant. Kassis est donc la dernière d'une lignée et bien que riche, elle ne connaît le monde que depuis ses fenêtres ou le chemin de ronde de son château. Ce qui m'intéressait avec elle était de jouer avec les stéréotypes d'une « princesse » et d'en faire un personnage atypique qui sorte des sentiers battus. De par sa condition de recluse, de noble, de femme, elle m'a permis de jouer avec une large variation de sentiments et d'émotions et de lui donner une personnalité tout en nuances et à part.
En ce qui concerne les autres femmes du livre, bien que leur place soit moins centrale que celle de Kassis dans le tome 1, je dirais qu'elles sont habitées par la modernité. Même en des temps moyenâgeux, je voulais écrire des femmes fortes, intelligentes et conscientes que dans un monde d'hommes, elles ont une place à gagner et à tenir. Je voulais surtout éviter de travailler sur des personnages trop schématiques qui se réduisent souvent à un petit rôle dans l'histoire (la reine perfide, la catin ou la guerrière à forte poitrine).
Martyrs sort alors que cette année 2013 semble très chargée côté auteurs français officiant en fantasy épique : des valeurs sûres comme Pierre Pevel ou Jean-Philippe Jaworski en passant par des nouveaux venus comme Régys Goddyn ou Antoine Rouaud… Où vous placez-vous dans ce paysage ?
Alors là, impossible de vous répondre. Je suis pas du genre à me comparer aux autres et puis je considère que ce sont les lecteurs et les libraires qui nous font cette fameuse place. Pour ma part, j'ai le sentiment que le succès de Druide m'a rendu crédible dans le petit monde de la fantasy et qu'il m'a ouvert les portes de J'ai Lu. J'ai ainsi gagné le droit de jouer encore et j'ai surtout le devoir de faire mieux.
De façon plus générale, quel est votre point de vue concernant la situation du marché ?
Depuis une dizaine d'années, en plus de la littérature, je travaille dans plusieurs domaines différents, la BD, le ciné ou la télé et les expressions que j'entends de plus en plus souvent dans tous ces milieux pourraient se résumer à ça : c'est la crise, c'était mieux avant, on vend plus assez, les gamins jouent trop aux jeux vidéo et ils ne lisent plus, c'est à cause du numérique, il y a trop de nouveautés...
En gros, la crise est là. Seulement, j'ai l'impression qu'elle s'aggrave, que le moral s’effondre avec les ventes, que plus personne ne veut prendre de risque et qu'il devient très dur pour un livre, une bd, une série télé ou un film de faire son chemin. Il me serait difficile d'expliquer toutes les raisons qui nous ont conduits à cette apocalypse morose (je suis loin d'être expert sur la question de la crise) mais je m'efforce de rester positif. Et mon point de vue d'auteur sur ce problème est volontairement simple, naïf et résolument optimiste. Je me dis que les choses vont évoluer, qu'il faut accompagner le mouvement, et qu'en attendant, il me faut donner le meilleur de moi-même pour faire rêver les gens, leur donner envie de se payer des voyages imaginaires avec les livres. Il y a une chose que je dis souvent à mes éditeurs ou mes co-auteurs, c'est qu'on doit mettre tout notre amour dans ce qu'on fait. C'est un peu candide, mais je trouve ça plus constructif que le cynisme presque institutionnalisé qui nous entoure.

Emluminure

Martyrs se prêterait à une adaptation selon vous ? On connaît le succès d’un Game of Thrones…
Vous ne croyez pas si bien dire ! Faire adapter un de mes romans fantasy en jeu vidéo, à la télé ou au ciné est l'un de mes rêves et il se pourrait bien que cela se concrétise avec Martyrs. Un producteur ambitieux et passionné de fantastique, avec qui j'ai déjà travaillé sur un film, envisage depuis la sortie du bouquin de porter l'univers de Martyrs à l'écran. Cela risque d'être compliqué à monter et coûteux (détail très problématique dans la production audiovisuelle en France), et il y a encore beaucoup de travail avant d'arriver au bout d'une pareille entreprise, mais on y croit.
Je vous tiendrai informé des futurs développements du projet et dès que nous aurons des designs, des boards, ou des images de préprod. Je ne manquerai pas de les partager avec vous.
Martyrs pourrait-il en attendant se décliner en BD ? Ou du moins, son univers, à travers d’autres histoires par exemple ?
Du fait de mon activité en BD, je peux évidemment faire adapter le roman en BD, j'ai même déjà évoqué le sujet avec certains de mes collaborateurs et je vous avoue que je compte bien travailler sur cette piste prochainement. Mais je ne pense pas raconter la même histoire que dans le livre. Je développerai plutôt des récits basés sur l'univers et des personnages comme le Père Carnage ou le Roi Karmalys, j'explorerai aussi certainement le passé des guerriers Arserkers et leur amour de la guerre.
On peut imaginer qu’être un « touche-à-tout » comme vous est bien pratique, mais y a-t-il tout de même des inconvénients ?
Oh oui, il y en a ! J'ai toujours des centaines d'idées dans la tête et je suis en permanence frustré de ne pas pouvoir toutes les travailler en même temps. Du coup, je dors peu, pas toujours très bien, et j'ai l'impression d'être en permanence en retard quand je rends des scripts. Je vis un peu à 100 à l'heure mais j'aime tellement tous les métiers que je fais que je m'estime chanceux. Quand j'étais enfant, je rêvais d'écrire, de dessiner et d'être sur des plateaux de tournage... Donc je prends de bon cœur les désagréments qui vont avec ma suractivité.
Un petit mot concernant votre participation à Hero Corp, en passant ? On attend la saison 3 avec impatience !
Que dire... La saison 3 va être une tuerie ! Juste à la lecture des scripts, j'ai beaucoup rigolé et les premières images filmées que j'ai vues sont superbes. Simon Astier et toute l'équipe de la série ont fait un travail d'enfer. Pour ma part, sur le générique et les designs, j'ai fait en sorte de suivre le mouvement. Malgré le changement de format (les épisodes sont plus courts), l'esprit Hero Corp est pleinement là, les fans ne seront pas déçus !
Et pour avoir vu le final de cette saison, je peux déjà vous dire qu'il est énorme !!!!
Un coup de cœur récent à recommander à nos lecteurs, que ce soit un roman, un film… ?
J'ai accumulé pas mal de retard au niveau culturel ces derniers temps, mais je peux vous parler de choses que j'ai vues récemment, les séries télé « The Office » et aussi « The Wire ». Deux séries atypiques que j'ai tout simplement adorées. L'écriture comme les personnages sont superbes.
Enfin, pour conclure, à quoi s’attendre dans le tome 2 de Martyrs ? Sur quoi comptez-vous lever le voile ?
Je vois le tome 2 comme une immense fresque qui va raconter un siècle d'histoire. Et au cœur de cette histoire, avec un grand H, il y aura la guerre sous toutes ses formes, celle des champs de bataille mais aussi celle qui se livre à coups de murmures et de mensonges dans les couloirs des palais.
Et pour ce qui est des mystères développés dans le tome 1, je compte lever le voile sur presque tout ! Je me garde quelques cartouches pour le tome 3 mais j'explorerai le passé de l'univers ainsi que celui de plusieurs personnages mystérieux. Il y aura de quoi répondre à beaucoup de questions.

Merci à vous pour cette interview et à bientôt pour la suite ! Oliver


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