Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy

L’auto-promo qui tache par Laurent Gidon

Par Luigi Brosse, le dimanche 21 mars 2010 à 17:15:15

Laurent GidonToujours dans la série des articles consacrés à la promotion des auteurs, nous vous proposons aujourd'hui le point de vue de Laurent Gidon (alias Don Lorenjy). Comme vous le verrez, Laurent est plutôt du genre à se démener et à multiplier les idées et les expériences lorsqu'il s'agit de promotion. C'est peut-être sa casquette de publicitaire qui veut ça ! Mais quoi qu'il en soit, son parcours a également été parsemé de faux-pas, ce qui rend ses conseils d'autant plus importants.

Sur Elbakin.net, nous avons pu le découvrir au travers de son roman, Djeeb le Chanceur, paru en 2009 chez Mnémos. Une suite est d'ailleurs au programme pour cette année. Laurent a également commencé par la SF avec un livre pour ceux qui n'aiment pas la SF : Aria des brumes. Et son nouveau recueil (chez Griffe d'encre), intitulé Blaguàparts, arrive très bientôt. Sans plus attendre, voici son témoignage.

PS : Nous vous rappelons que cet article fait partie d’une série sur la promotion des auteurs français d’imaginaire (et plus spécifiquement de fantasy). Il fait suite aux articles d'Astrid Cooper, Samantha Bailly et David Bry. Si vous êtes concerné (auteur, éditeur…) et que vous souhaitez vous aussi partager votre expérience sur ce sujet dans nos colonnes, n’hésitez pas à me contacter.

Et surtout venez donner votre avis en forum !

L’auto-promo par moi-même

Ou comment apporter le bonheur au monde en faisant rire de soi

Dans la lignée des articles d’Astrid Cooper et Samantha Bailly sur l’auteur en promotion, Luigi m’a fort intelligemment demandé de faire une bafouille sur le même thème. Bien que ne me sentant pas la légitimité d’une auteur australienne sur le sujet, je me suis dit que j’allais le faire, l’intelligence des autres m’étant souvent plus utile que la mienne.

Faisons déjà une pause pour chercher les enseignements à tirer de cette introduction.
On y constate qu’il vaut mieux s’appuyer sur les autres pour parler de soi : ici, je m’appuie sur Luigi, Samantha et Astrid. Merci Luigi, bisou Samantha, coucou Astrid (vous permettez que je vous appelle Astrid ?).
Ensuite, on remarque que la fausse modestie ne se pose pas au pinceau, ni à la truelle, mais à la bétonneuse.
L’auto-dérision est un passage obligé de l’auto-promo. Chaque bon mot, chaque saillie drolatique, chaque incitation publicitaire, doit être irrémédiablement tempéré par une charge au moins décuple de blagues dirigées vers soi-même. Et ceci selon deux lois :

  1. celle de Cyrano qui déclare à peu près les vannes que je m’adresse à moi-même coupent l’herbe sous le pied de ceux qui voudraient m’en envoyer, et en plus elles sont mieux torchées
  2. celle dite de Don Lo (ou encore du naturel revenant au galop) qui affirme si tu ne sais pas faire le malin, fait l’idiot, mais fais croire que c’est exprès

BlaguapartsVoilà. Maintenant que les choses sont claires, nous pouvons continuer.
Chacun aura compris que l’auto-promotion ne consiste pas à dire du bien de ce qu’on fait, mais plutôt inciter ceux qui pourraient en dire quelque chose à s’y intéresser. Ils en diront ce qu’ils en penseront, ou n’en diront rien.
Après, jeune auto-promouvant, cela ne vous regarde plus : contentez-vous de la fermer et de rester disponible !
Selon ce conseil lumineux, je devrais vous dire que mon prochain livre se titre les Blaguàparts, qu’il est publié chez Griffe d’Encre et sortira probablement en mars. Et c’est tout. Je me tais, fin de l’article.

Mais par respect pour Luigi et les lecteurs (lecteurs chéris !) d’Elbakin.net, je vais délayer un peu. Après tout, vous êtes peut-être à la recherche de conseils pour réussir votre promo à vous, et je ne vois pas pourquoi je vous laisserais sur le bord de la route d’un succès planétaire qui nous semble briller de mille feux, loin là-bas, par delà l’horizon poudreux. Avançons donc.

À ce niveau, vous constaterez que je m’adresse à vous comme si vous étiez auteur, débutant ou non, et que votre plus cher désir soit de faire la promotion de votre prochain ouvrage. Ne m’en veuillez pas, il ne s’agit que d’une commodité de langage pour doper cet article à l’intérêstérone. Je n’ai aucune vocation à enseigner quoi que ce soit à qui que ce soit et peux juste vous faire part de mes désopilantes erreurs en la matière. À vous ensuite de les éviter.

Donc se faire connaître (ou faire connaître son œuvre). Se faire connaître et non crier à la première merveille du monde (pas la huitième, foin d’humilité superfétatoire !). L’autodérision a ses limites, après ce n’est plus crédible.
Pour se faire connaître, tous les moyens paraissent bons, même les mauvais. Comme disait Saint Machin : si tout vous est permis, tout ne vous est pas profitable. Le problème, c’est que ce n’est pas marqué sur l’étiquette et que les erreurs, même profitables, restent des erreurs.

Aria des brumesPar exemple, j’ai cru pouvoir me faire un pseudo en faisant le zozo sur des forums dédiés à l’imaginaire. Ce fut très réussi : tout le monde m’a pris pour un zozo. Lorsque j’ai dit avoir écrit un roman et chercher un éditeur, la blague a eu un succès fou. Il m’a fallu un certain temps, et des rétropédalages que m’envierait tout politicien en campagne, pour recevoir une réponse exploitable.
Autre exemple, ne sachant pas réaliser de beaux films publicitaires (c’est un métier, et ce n’est pas le mien), j’ai eu la bonne idée d’en faire un tout moche… mais drôle, pour accompagner la sortie de Aria des Brumes (2008). Parfaite expression de la loi dite de Don Lo, tout le monde a vu ce film pour ce qu’il était : une naïverie au service d’un livre peut-être moins bête que sa pub.

Djeeb le chanceurFort de ce succès, j’ai cru pouvoir le rééditer en faisant un film encore plus moche et plus bête pour Djeeb le Chanceur (2009). Et j’ai obtenu l’effet escompté : les rares qui l’ont regardé y ont vu un film très moche et très bête pour un livre qui probablement devait l’être aussi. Pouf, raté !

Ici intervient le second enseignement : ne pas tenter de refaire ce qui a marché. Soit parce qu’on n’arrivera pas à refaire pareil, la chance ne tombant que rarement deux fois dans le même trou d’obus (ou quelque chose comme ça), et donc ce sera nul. Soit parce que les bonnes idées ne marchent qu’une fois, après elles ne sont plus bonnes. Il faut chercher autre chose.
Par exemple, je viens de peaufiner une petite merveille (n’ayons pas peur) de teaser pour les Blaguàparts. Pour ne pas me planter, je mes suis contenté d’utiliser la quatrième de couverture écrite par l’inénarrable et indispensable Karim Berrouka. Si les gens trouvent drôle, c’est bon. S’ils me trouvent bête, c’est pas grave : seul le recueil compte.

D’accord, me direz-vous, des exemples à ne pas suivre se présentent à la tonne, et si on passait plutôt aux actions souhaitables ? J’approuve. Commençons par le commencement : le produit à auto-promouvoir.
Ce n’est pas vous, c’est votre livre.
Vous pouvez vous démener et réussir à avoir l’air intéressant, si votre livre ne l’est pas, c’est peine perdue et violon pissotière.
Soyons honnête et d’accord avec notre œuvre, de manière à pouvoir affirmer : ce que je vous propose là, c’est ce que je peux faire de mieux. On ne vous demande pas de dire ce livre est le meilleur de la décennie et va révolutionner la littérature de l’imaginaire sauf si vous voulez passer pour ce que vous n’êtes pas (mais pouvez devenir : gaffe !).
De même, modester que ce petit opus n’est pas parfait, qu’il y a encore du travail, gna gna gna… ne vous ouvrira que des réponses bien senties : Dans ce cas tu rentres chez toi et tu travailles, merci de ne plus nous déranger jusqu’à ce que toi, au moins, tu sois satisfait ! Il y a là-dedans un tombereau de bon sens à étaler sur le jardin de vos ambitions afin d’y faire fleurir les succès que vous méritez.
Et, une fois que vous pensez ne pas pouvoir faire mieux tout seul, allez-y franchement : dites-le, intéressez les autres, faites la promo de votre travail ! Vous finirez soit par trouver de l’aide, soit par trouver un éditeur.

D’accord, me direz-vous, mais lorsque le livre va enfin être publié, quid de la promo qui tache ?
Eh bien elle ne tache pas. Tout au plus l’image de l’auteur s’en trouve-t-elle un peu ternie dans un milieu restreint. Roland C. Wagner a écrit sur un forum : l’image, c’est précisément ce dont on peut se passer dans ce métier. Le premier réflexe est de se dire Il galège le Roland, c’est facile à dire du haut de ses quelque cinquante romans publiés. Or justement, sa bibliographie plaide pour lui et j’aurais tendance à croire ce qu’il pense, vue sa longévité. En revanche, s’il n’est pas nécessaire de se faire reluire l’image, pas besoin non plus de la saloper.

La promo, ce n’est pas sale si c’est bien fait. C’est même à mon sens une bonne partie du devoir de l’auteur. Un devoir envers son éditeur qui lui a fait confiance. Et un devoir envers des lecteurs qui ne le sont pas encore mais attendent peut-être que l’auteur quitte sa tour d’ivoire et descende jusqu’à eux, ne serait-ce que pour leur dire Coucou, c’est un peu pour vous que j’ai écrit ça, sinon j’aurais cultivé des patates à la place…
Je sais qu’il y a un mythe de l’auteur bien cadenassé dans sa modestie ostentatoire, qui ne fera jamais un pas vers le lecteur de peur de le troubler, qui ne s’abaissera jamais à inciter quiconque à lire son travail, qui attendra que les clameurs enthousiastes montent jusqu’à lui. Foutaises ! Si le lecteur veut qu’on le laisse tranquille, il n’hésitera pas à vous le dire en face. Dans le milieu, ceux qui vous reprocheront de faire ce premier pas vers le lecteur (et vous traiteront de pute vénale, préparez-vous) ne critiquerons là que leur incapacité à faire pareil.

Voilà pour le principe. Maintenant, que faire ? Astrid Cooper voit les choses en grand et c’est normal. Vu son marché à l’échelle d’un continent, elle se transforme en attaché de presse. Chez nous, c’est plus restreint, et attacher la presse c’est le boulot de l’éditeur. Donc, l’auteur auto-promotionnel se concentrera sur les outils à sa mesure.

Ouvrir un blog me semble être le minimum. Vous y mettez ce que vous voulez, l’essentiel étant que les lecteurs y trouvent au moins quelques informations et puissent laisser leur sentiment. Mon propre blog est sans doute un modèle de ce qu’il ne faut pas faire. J’y traite de sujets qui me dépassent, parle de mes lectures et des erreurs du monde, et glisse des pages de promotion aussi frontales que The Full Monty. Mais, à l’usure, j’ai réussi à toucher quelques lecteurs. Faites mieux et ne me remerciez pas pour le contre-exemple.

Traîner sur les forums est assez chronophage, mais permet aussi de répondre présent aux injonctions de cette sociabilité 2.0 qui nous passionne ou nous accable. Le double écueil étant d’y passer trop de temps et d’y raconter à la longue trop d’âneries. Une réputation virtuelle se construit goutte à goutte, mais se perd au litre.

Répondre aux interviews se fait aussi. Chez Guillaume Durand ou François Busnel bien sûr, s’ils vous invitent, mais aussi à la radio locale. On se rappellera juste ceci : aussi intéressant l’auteur soit-il, c’est son livre que l’on veut lire, pas lui. Attendez d’être plus célèbres que vos œuvres pour digresser sur votre petite enfance et vos goûts sexuels.

Être présents sur les salons ou dans les librairies et accepter (au moins au début) toute proposition de dédicaces. Il n’y a pas de petit salon a priori : c’est sur place que l’on découvre le caractère et l’intérêt d’une manifestation. Pour ma part, je suis tombé sous le charme du salon de Cluses, petite ville industrielle dans la vallée de l’Arve, dont l’organisation et les visiteurs sont aussi chaleureux que passionnés. Catherine Dufour dit même que c’est l’alpha et l’oméga de l’auto-promo, vu qu’on y rencontre tout le monde, lecteurs, éditeurs et journalistes. Comparez les salons, trouvez les plus adaptés à votre style, et foncez : c’est toujours bon de se confronter à ceux qui lisent pour de vrai et ne vous connaissent pas. Et si des lecteurs émus reviennent vous voir l’année suivante, le rose de la fierté vous monte à la trogne, promis !

Accepter ou refuser les photos, mais dans un cas comme dans l’autre, le faire avec le sourire sans chercher à jouer au guignol : ça attache. Je sais de quoi je parle.
Être présent sur facebook s’il le faut, comme pour les forums, socialiser à la cool et n’y passer que le temps nécessaire.
Fabriquer une petite vidéo promo drôlatique et sans prétention… en évitant les gaffes du genre c’est trop bête pour être drôle déjà évoquées plus haut, et la mettre à disposition sur Internet. Si elle devient virale, tant mieux, sinon, rien de perdu, à part quelques pixels recyclables.

Envoyer un mail d’annonce à votre carnet d’adresse, pour prévenir d’une publication, même modeste, sans survendre le truc. On sera toujours heureux d’être au courant, sinon de vous lire.
Et c’est tout.

Le reste relève de l’éditeur. Je l’ai constaté : lorsque l’auto-promoteur outrepasse ses droits (d’auteur, ha ha !), il est invariablement pris pour un écrivaillon à compte d’auteur ou un indécrottable wanabee ayant cassé sa tirelire sur lulu.com.
Il y a un niveau de promotion où le mot éditeur est le seul sésame qui vaille. S’il est de Paris, c’est encore mieux.
L’éditeur vous a fait confiance, accordez-lui la vôtre et laissez-le donc faire son travail pour toutes les prises de contact et annonces « officielles ».

Ne faites pas le tour des librairies et des bibliothèques de votre quartier si vous ne voulez pas taper le record de regards condescendants et de refus consternés.

Ne sollicitez pas vous-mêmes radios, journaux et télévisions (sauf si vous disposez d’accointances), c’est le bide assuré, ou pire : la notule avec photo hideuse, tartinée par un correspondant local, peut-être avec talent, mais coupée à la tronçonneuse par le chef d’agence puis reléguée en bas de page après le compte-rendu de l’amicale bouliste.

Ne contactez pas les leaders d’opinion de la toile en harcelant leurs blogs de commentaires du genre j’ai mis votre blog en lien, veuillez faire pareil pour le mien ou j’adore votre critique du livre de untel, oserez-vous critiquer le mien ?, à moins que vous n’ambitionniez de faire rire à vos dépends.

N’inondez pas les forums d’annonces copiées/collées de votre prochaine publication, il y a d’autres moyens plus marrants de passer pour un boulet.

Bref, ne faites pas toutes les erreurs que j’ai commises, laissez faire votre éditeur : lui a la légitimité pour. Cela vous gagnera du temps et épargnera les zygomatiques de vos contemporains déjà bien éprouvés par vos tentatives légitimes.

En conclusion, à mon humble avis, l’auto-promotion se distingue de la frustration mal gérée par l’objectif que l’on se fixe. Entrer en relation avec l’autre, faire un pas vers son prochain, développer une connivence avec d’éventuels lecteurs, se rendre disponible à quiconque s’intéresse à son travail, voilà qui me semble constituer des objectifs à creuser.
Une fois clair sur ses ambitions, l’auteur voit souvent les moyens de les réaliser se présenter d’eux-mêmes. Le seul effort qu’il lui reste à fournir, c’est de ne pas en faire trop.

Et pourtant, dans le bruit de fond ambiant, en faire trop ce n’est pas encore assez.


Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :