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Joe Abercrombie répond aux questions d’Elbakin.net !

Par Gillossen, le mardi 5 février 2008 à 15:36:11

Joe AbercrombieComme le titre de cet article l'indique, on ne peut guère faire plus explicite !
Critiqué depuis déjà plusieurs mois sur notre site, lancé depuis quelques jours à peine par contre en France dans le cadre de la nouvelle collection Grand Format de J'ai Lu, L'Eloquence de l'épée, premier tome de la trilogie de La Première loi, a fait parler de lui sur la Toile plus d'une fois des mois à l'avance !
Alors, quoi de plus logique que d'aller chercher le trublion qui se cache derrière tout cela, en la personne de Joe Abercrombie, l'une des nouvelles sensations de la fantasy ! Découvrez donc sans plus attendre nos questions, et surtout, ses réponses ! Et merci à Pat pour avoir permis la concrétisation de cet entretien.

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Notre interview avec Joe Abercrombie - version française

L'Eloquence de l'Epée est-il né de votre lassitude pour un certain type de fantasy ? Pourquoi la fantasy ?
La lassitude, d’une certaine façon, peut-être. Il est vrai qu’enfant, j’ai lu beaucoup de fantasy, et vu passer les mêmes vieux thèmes, et approches, et intrigues revenir encore et encore, et j’ai pensé que je pourrais peut-être mettre au point une donne légèrement différente. Je suppose que je voulais écrire une trilogie de fantasy qui conservait ce que j’aimais dans le genre – le mystère, la magie, l’aventure, mais qui était dans le même temps aussi proche de la réalité que ce que je pouvais faire – quelque chose qui avait la dureté, l’humour, la cruauté et les surprises de la vraie vie. Une trilogie qui ait des personnages qui soient aussi égoïstes, aussi viciés, aussi compliqués et imprévisibles que les gens que l’on croise dans la vraie vie.
Est-ce que ce premier roman a été le plus difficile à écrire ?
C’est certainement celui qui a demandé le plus de temps. J’avais besoin d’établir le monde, de me faire à mes propres personnages, d’inventer en détail l’histoire du premier tome et d’esquisser les contours des deux suivants. Et tout simplement mettre en forme ce processus, bien entendu. Mais ce fut également le plus facile à écrire dans le sens où je n’avais pas un éditeur qui tambourinait des doigts, qui attendait le manuscrit, et que je n’avais pas non plus d’ailleurs des lecteurs à décevoir.
En somme, c’est celui qui a demandé le plus de travail, mais qui comportait également le moins de pression.
L'Eloquence de l'Epée est un roman qui repose beaucoup sur ses personnages. Avez-vous un petit préféré ?
Les lecteurs (ou du moins pour les gens qui me parlent encore, une fois qu’ils ont terminé le roman) ont tous tendance à avoir leur propre favori, mais je ne pense pas que je puisse en choisir un. D’une certaine façon, ce sont tous des morceaux de moi-même. Quel est le morceau de vous que vous préférez ? À la réflexion, ne répondez pas à cette question.
Quel est le personnage à avoir le plus changé depuis le début de cette aventure ?
Jezal est probablement celui qui a le plus changé. Il commence le roman en tant qu’emmerdeur complet et finit en tant que... Eh bien, légèrement moins emmerdant. C’est le genre de progression que j’espère moi-même dans ma propre existence.
Vous semblez beaucoup apprécier l'humour noir. Est-ce plus facile de faire passer certaines choses par l'humour ?
Une chose qui m’a toujours embêté au sujet de la fantasy est qu’elle a tendance à être soit très sérieuse, pompeuse même, soit une satire totalement tarte à la crème. Certaines personnes pensent qu’un roman avec de l’humour doit être léger, mais je pense qu’une certaine quantité de comédie, à la cible choisie avec précaution, permettent seulement aux parties noires de l’être encore plus. La vraie vie, après tout, peut être drôle et horrible, et souvent en même temps. Vous ne pouvez pas avoir l’ombre sans la lumière...
Pourquoi n'y a-t-il pas de carte dans vos romans ? Est-ce que une autre façon de secouer les habitudes des lecteurs ?
Ce fut surtout une décision de l’éditeur. S’il avait insisté pour une carte, ils auraient pu en avoir une dizaine, en ce qui me concerne, mais dans l’ensemble, j’étais heureux qu’ils décident de ne pas en intégrer une.
Je pense que c’est un cliché de la fantasy épique, et qu’un roman doit être jugé selon ses qualités littéraires. Je voulais que les lecteurs sentent qu’ils étaient au cœur de l’action avec les personnages, au plus près et immédiatement, et pas en train d’aller et venir dans le roman pour vérifier telle ou telle chose sur la garde volante toutes les dix pages et se retrouver avec une vue d’ensemble de grande envergure, perchés très haut au-dessus de l’histoire.
Est-ce que votre carrière dans la télévision vous a aidé ? Quelle est la plus grosse différence entre télévision et littérature ?
Le temps que j’ai passé, et que je passe encore dans le domaine de la télévision a assurément influencé ma façon d’écrire – que plusieurs points de vue se croisent, savoir quand commencer et conclure une scène, savoir ce qui est essentiel et ce qui peut être retiré sans altérer le résultat final. Le plus gros changement est sans aucun doute de quitter une structure en équipe, en particulier être responsable devant un réalisateur (avoir un patron, en somme) pour se retrouver pratiquement responsable de tout par soi-même (bien qu’évidemment avec des contributions importantes de votre éditeur, de votre correcteur, etc...). Quand vous réalisez le montage d’un programme télé, vous faites votre part du travail, vous êtes payé, vous partez, et vous regardez rarement derrière vous. Quand vous écrivez un roman, c’est à vous, et vous restez profondément impliqué au fil de sa vie sur les étagères. Je pense que c’est un projet beaucoup plus personnel.
Qu'appréciez-vous le plus d'ailleurs dans l'écriture ?
L’argent, le pouvoir, les belles femmes. Ouais, c’est ça.
Puisque vous appréciez ce genre de personnages, quel est pour vous l'antihéros ultime ?
Je devrais choisir Cugel l’Astucieux de Jack Vance. Une création brillante, horrible et hilarante, dont l’égoïsme laisse une piste de totale destruction derrière lui.
Vous êtes un bloggeur très concerné. Est-ce qu'internet est un outil important pour vous ? Quant à vos rapports aux lecteurs, à d'éventuelles recherches pour un roman, générer du buzz, etc...?
Je doute que cela fasse une différence qui se remarque au niveau des ventes, mais j’apprécie bien sûr le contact avec les lecteurs, et espérons qu’il en aille de même pour eux. Peut-être que cela aide à créer un mouvement sur le net, mais je pense qu’il y a toujours relativement peu de lecteurs qui utilisent beaucoup internet. Je pense que la majorité découvre toujours ses lecteurs par le bon vieux bouche à oreille.
Comment réagissez-vous aux critiques ? Sont-elles importantes pour vous ? J'ai vu que vous aviez récemment bloggué au sujet de "Publishers Weekly".
Je suis toujours passionné par ce que les gens ont à dire, évidemment. Quand vous écrivez un roman, vous mettez dedans tout ce que vous avez, et c’est difficile de ne pas avoir une puissante réaction viscérale à chaque opinion, que ce soit la critique d’un journal ou bien d’un lecteur sur un chat. Mais au fil du temps, vous finissez par entendre tout et son contraire, et vous vous rendez compte que vous ne pouvez pas les prendre très au sérieux, quelles qu’elles soient.
Certaines personnes vont détester les personnages mêmes, les démarches ou les modèles que d’autres adorent. Au final, les seules opinions que vous pouvez vraiment laisser vous influencer sont celle de votre correcteur (ne lui dîtes pas que j’ai dit ça) et la vôtre. Donc, je passe progressivement et en douceur d’une colère et d’un désespoir absolus quand quelqu’un affirme quelque chose de négatif à un haussement d’épaules résigné et un petit rire fatigué de la vie.
"J’ai lu" semble beaucoup compter sur vous avec le lancement de cette nouvelle collection. Ressentez-vous une forme de pression avec cette sortie française ?
Les romans sont sortis depuis quelques temps au Royaume-Uni, un an et demi environ en Allemagne, et six mois aux Etats-Unis, et je pense à chaque sortie que cela devient un peu plus facile, mais c’est toujours angoissant et excitant de voir votre roman lancé sur un nouveau marché – c'est peut-être comme envoyer un enfant à l’école pour la première fois.
Chaque public semble avoir des goûts radicalement différents, alors on ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé. Mais le roman a eu du succès partout, donc il n’y a pas de raison de s’inquiéter, surtout quand, comme vous dîtes, "J’ai lu" fait tout ce qui est possible pour lui donner la meilleure chance possible. Je croise les doigts.
Et justement, avez-vous été consulté concernant la traduction de votre roman ?
Un petit peu. J’ai rencontré la traductrice durant un voyage à Paris, et nous avons discuté de l’usage du « tu » et du « vous » dans certaines situations du roman, entre autres choses. Il n’y a tout simplement pas d’équivalent en anglais, alors celle-là fut plutôt corsée pour moi à comprendre. Mais c’est une traductrice très expérimentée et très respectée, donc je suis sûr que si elle avait eu quelque doute que ce soit, elle m’en aurait parlé. En fin de compte, puisque mon français est, nous dirons, pas du plus haut niveau, je ne peux pas lui être si utile que ça.
Quels sont vos coups de cœur du moment, en Fantasy ou pas ?
J’ai entendu dire que la trilogie de La Première loi de Joe Abercrombie est magnifique. Foncez immédiatement en acheter cinq exemplaires !
Que peut-on vous souhaiter pour 2008 ?
Pas grand chose. Simplement un succès colossal et renversant.
Et pour conclure, auriez-vous un petit mot pour vos lecteurs francophones justement ?
Seulement ma reconnaissance éternelle, s'ils répondent présents.
  1. Notre interview avec Joe Abercrombie - version française
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