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Coraline, aujourd’hui en salles !

Par Altan, le mercredi 10 juin 2009 à 22:07:46

Deux mondes, un studio

sur le tournageCoraline est le film d’animation stop-motion le plus ambitieux produit à ce jour, et le premier réalisé en 3D stéréoscopique. Pour tourner ce film chez LAIkA, Selick réunit une incroyable équipe, dont de nombreux membres travaillent avec lui depuis plus de vingt ans. Une vingtaine de collaborateurs se rassemblèrent donc à Portland, dont certains en provenance de l’étranger.

Henry Selick : Après avoir vécu avec ce projet pendant plus de sept ans, je le connaissais dans les moindres détails. Le plus fascinant pour moi était de le voir se matérialiser grâce à la participation d’autres talents. Toute la famille LAIKIA s’est unie pour mener ce projet à terme.
Neil Gaiman : Les gens de LAIKA inscrivent leur travail dans la durée. Ils entendent que leurs films soient vus pendant de longues années. C’est aussi dans cette perspective que j’écris, avec l’espoir d’être lu un jour par des enfants qui ne sont même pas encore conçus.
L’équipe produisait en moyenne 74 secondes utiles par semaine, chaque élément devant être fabriqué et inséré à la main dans le décor.
Henry Selick : C’est long, mais pas beaucoup plus qu’un dessin animé numérique. Avant de tourner, nous procédons à des tests : décors, accessoires, figurines, photo. Le taux de réussite des prises est donc extrêmement élevé, et contrairement au cinéma traditionnel, nous n’avons pas besoin de nous couvrir sous divers angles, puisque nous ne filmons que ces moments «parfaits» où tous les éléments s’imbriquent de façon optimale.
Le tournage s’organisa en séquences, le plus souvent en fonction du décor.
Henry Selick : Il fallait donner vie à deux mondes distincts, à deux séries de décors, figurines et accessoires. tout a dû être pensé d’avance, dessiné et approuvé.

La chef de fabrication des personnages, Georgina Hayns, qui travailla aux Noces Funèbres de Tim burton, fit le voyage du Royaume-Uni à Portland pour diriger une équipe de 70 collaborateurs.
Georgina Hayns : Nos figurines sont en silicone, mousse de latex et résine, et montées sur des armatures métalliques. Contrairement aux marionnettes à fils, tiges, tringles, etc., qui sont actionnées à la main et filmées en durée réelle, nos figurines doivent résister à l’usage durant de longues périodes. Le tournage de Coraline a duré plus de 18 mois, à l’issue de deux années de préproduction durant lesquelles notre équipe était constamment sur le pont. Nous travaillons bien sûr en étroite collaboration avec le réalisateur sur tout ce qui apparaît à l’écran, et je surveille à titre personnel les peintures et postiches des figurines.
La figurine est d’abord un dessin concept. Lorsque celui-ci a été approuvé, un sculpteur le traduit en volume. Le réalisateur précise ce qu’il attend du personnage et c’est à ce stade que nous déterminons si la figurine devra avoir des têtes ou visages «de substitution» affichant diverses expressions. Deux solutions s’offrent alors : soit ces éléments sont fixés de manière rigide sur un moule souple, soit ils sont mécaniques, c’est-à-dire souples sur un moule rigide. Nous avons fait des progrès considérables depuis Les Noces Funèbres, où les figurines étaient mécaniques. Maintenant, nos personnages ont des visages lisses, très expressifs, avec des fronts, des bouches et des mentons beaucoup plus mobiles, fixés au moyen de petits aimants. Dans ce film, seul le Père, l’Autre Père et Miss Spink sont mécaniques.
L’intérieur d’une tête de figurine est aussi compliqué qu’une montre suisse. L’animateur modifie les expressions de la figurine en manipulant les sourcils, la mâchoire et les lèvres. Une fois que vous avez défi ni le style d’animation faciale approprié, vous sélectionnez les matériaux de fabrication de la figurine. Celle-ci est d’abord sculptée en argile, et ses différentes parties séparées puis confiées à un mouleur qui tire un moule de chacune d’elles. Outre une équipe moulages, nous avons une équipe armatures qui fabrique les «squelettes» métalliques des figurines. Une figurine de stop-motion doit disposer d’une armature interne pour tenir debout et être maniable. Il s’agit, le plus souvent d’une armature métallique fixée au corps par des vis et écrous.
Le travail de nos peintres s’assimile à celui des maquilleurs. L’équipe prend en charge des milliers de visages «de substitution» et chacun se charge d’une portion spécifique : un peintre maquille les lèvres de l’Autre Mère, un autre ses sourcils, etc.

CoralineLa production réalisera 28 figurines d’une vingtaine de centimètres de hauteur pour le seul personnage de Coraline, avec 9 costumes différents reproduits à une demi-douzaine d’exemplaires. Certains membres particulièrement fragiles, comme les mains de Mr. Bobinsky, durent être fabriqués en un plus grand nombre d’exemplaires, car ce sont les mains qui se cassent le plus vite sur n’importe quelle figurine, en dépit de toutes nos précautions. Cependant, certains des membres, qui paraissent encore plus fragiles, comme les bras de Bobinsky, sont en réalité fermement soutenus par des armatures métalliques, de même que son manteau qui semble flotter au vent.
Georgina Hayns : ^^Pour habiller Coraline, Henry, notre chef costumière Deborah Cook et moi-même avons étudié ensemble les goûts vestimentaires des petites filles avant d’envoyer nos équipes chercher les étoffes appropriées à L.A., San Francisco et Londres.^
Deborah Cook : Nous sommes partis de tenues courantes pour voir ce qu’elles donneraient à l’écran. Nous avons ensuite recherché diverses étoffes pour faire des essais sur les couleurs et les reflets. Certains tissus pied-de-poule, par exemple, auraient trop attiré le regard en gros plan et devaient être réservés aux plans généraux.
D’autres matériaux se révélèrent adaptés à toutes les circonstances. Les gants de cuir de l’ère victorienne, d’un cuir ultra-mince et de très belle qualité, servirent par exemple à fabriquer des souliers, ainsi que les bottes de Mr. Bobinsky. Les peintres de l’équipe intervinrent sur les costumes, soit pour les patiner, soit pour y ajouter certains éléments, comme des flocons de neige artificielle.
L’atelier costumes de Deborah Cook est équipé de machines à coudre high-tech, et ses murs sont couverts de portraits de personnages réels, propres à inspirer les créateurs. C’est ainsi que Teri Hatcher elle-même servit de référence à la Mère, et une vedette du jazz à la grand-mère de Wybie. La création des chevelures fut un autre challenge majeur. Selick tenait en effet à ce que les cheveux paraissent parfaitement naturels, alors que la tradition du ^^stopmotion est de sculpter les chevelures des personnages. Les cheveux humains étant trop minces et difficiles à fixer, la chef de fabrication Suzanne Moulton eut l’idée d’employer des fibres de mohair entrelacées à des filins ultra-minces. Les perruques de la jeune héroïne furent réalisées à un grand nombre d’exemplaires, compte tenu des manipulations répétées auxquelles celle-ci serait soumise.

La production occupa pas moins de 52 plateaux des studios LAIkA et employa plus de 130 décors fabriqués main. Certains de ces décors figuraient dans les deux mondes, avec un minimum de transformations : Le film joue beaucoup sur les réminiscences visuelles, explique le directeur photo Peter Kozachik. Les décors des deux mondes diffèrent par exemple par leurs accessoires, par la couleur du papier peint ou par certains paysages, tout en engendrant un sentiment de familiarité, de «déjà vu».
D’autres décors n’apparaissent que dans un seul monde. C’est le cas du Cirque aux Souris où évoluent simultanément 61 souris sauteuses. L’animation de cette séquence à grand spectacle prit à elle seule 66 jours. Une fois construits, les décors sont habillés et accessoirisés par les assistants décorateurs qui y installent rideaux, tables, chaises, boutons de portes, etc. La plupart des décors sont montés sur des plateformes surélevées, et les plus complexes dotés d’une machinerie d’instruments de mesure donnant aux animateurs toutes les indications nécessaires pour la manipulation des personnages image par image.
L’équipe déploya des trésors d’imagination dans sa quête de matériaux de remplacement : silicone pour la fabrication des fromages et faux ongles de l’Autre Mère, balles de ping-pong et fils d’acier pour le feuillage fantastique du jardin de l’Autre Monde, etc. Les décors étaient peints à la main, comme au théâtre, et les ombres accentuées par une peinture pourpre. Des touches de pastel parsèment les intérieurs, assez tristes en soi, de la petite Coraline, et enrichissent discrètement la palette du film. Durant le tournage, le site de Gaiman mit en ligne diverses scènes du film qui suscitèrent des réactions intéressantes sur le web, certains se demandant si les images de Coraline avaient bénéficié d’embellissements numériques tant les expressions des visages, les coiffures, les vêtements semblaient se mouvoir naturellement. Il n’en était rien, bien sûr...

La production n’en fit pas moins appel au numérique, à la fois pour les prises de vues et pour le montage. La pellicule n’a jamais été le support idéal pour le stopmotion, rappelle Kozachik. Un plan peut exiger jusqu’à une semaine d’efforts, mais si vous le filmez sur pellicule, il vous faudra attendre la fin de la semaine pour être fixé sur sa réussite ... et découvrir le petit détail qui cloche et flanque tout le travail par terre. Alors qu’avec la prise de vues numérique, vous avez un accès instantané à chaque image, et pouvez immédiatement corriger vos erreurs.
L’animation faciale de Coraline marque aussi une avancée sensible par rapport aux méthodes originellement conçues par George Pal. Le film associe sculptures et dessins faits main et modélisation et impression numérique en 3D pour atteindre à un degré d’expressivité sans précédent.
Travis Knight (Directeur de l’animation) : Pour l’animation des éléments «de remplacement», nous procédons en quatre temps. Première étape : modélisation en ordinateur des dessins créés par les animateurs 2D. Deuxième étape : impression de prototypes en 3D pour obtenir des représentations tangibles de certaines parties du visage appelées à être remplacées en cours de scène. Troisième étape : peinture à la main de tous les détails d’un visage. Quatrième étape : fixation (précautionneuse !) sur les figurines. Résultat : une animation faciale de toute beauté, qui vous donne l’impression de voir à l’écran une personne pleinement vivante, très expressive, sujette aux émotions les plus contrastées.
Le service prototypage rapide (RP), supervisé par Brian McLean et Martin Meunier, offre un bon exemple de l’enrichissement de la création manuelle par la technologie moderne. Ses infographistes, de formation classique, partant de scans haute résolution et de moulages en résine très détaillés des sculptures originales, entrent en ordinateur de multiples visages de substitution intégrant chaque détail des sculptures, jusqu’à leurs petites imperfections. Au stade final, ces visages sculptés en ordinateur deviennent des objets imprimés en 3D, qui sont ensuite nettoyés, abrasés et peints à la main par des artistes hautement qualifiés, choisis pour leur sens du détail. L’intégrité de la sculpture originale, avec sa précieuse touche humaine, est ainsi scrupuleusement respectée.

Grâce à Coraline, LAIkA est devenue la première société à produire un long-métrage avec des têtes de remplacement imprimées sur une machine 3D (utilisant une résine liquide pulvérisée par 8 têtes d’impression sur un support plastique soluble). Deux chiffres permettront de mesurer les progrès accomplis en quinze ans : dans L'étrange Noël De Monsieur Jack, Jack Skellington disposait de 150 expressions potentielles ; Coraline en possède ... 200 000, et s’est révélée capable d’en afficher quinze en trente secondes ! Coraline est aussi le premier film d’animation stop-motion à inclure une séquence de morphing. Centrée sur l’Autre Mère, celle-ci se déroule sur 13 images (soit 6 secondes) et enchaîne 60 remplacements.
Les immenses progrès techniques accomplis au cours des deux dernières années sont perceptibles à toutes sortes de niveaux. Le département RP, par exemple, ne fournit pas seulement des visages de substitution, mais des membres (les mains de l’Autre Père jouant du piano), des accessoires (boutons de portes, couverts, aliments) et même des éléments naturels animés. C’est ainsi qu’on verra pour la première fois dans un film en stop-motion des images d’un vrai feu.
Le RP fusionne deux technologies : technologie de pointe au départ, technologie artisanale au final, note McLean. On part d’un élément physique tangible, on le fait transiter par le numérique, et on le récupère en tant qu’élément physique.
Ce processus se révéla particulièrement utile dans la fabrication de dizaines de petites souris sauteuses, ainsi que des 248 chiens présents à l’écran lors de la représentation théâtrale donnée par les Demoiselles Forcible et Spink. Ces chiens furent fabriqués un par un à l’aide du processus RP. Les animaux cantonnés à l’arrière-plan étaient actionnés par un système mécanique contrôlé à la main ; ceux qui apparaissent sur le devant de la scène sont des figurines renforcées, animées individuellement.

Neil Gaiman s’émerveille du résultat : Tous ces petits chiens sont en mouvement. Ils se lèvent, se rassoient, vont et viennent, tandis que se déroule au-dessus d’eux un grand numéro de trapèze volant !
Henry n’a pas seulement un sens visuel exceptionnel, déclare Knight. Il possède aussi un sens aigu du mouvement, et vous donne toujours les bonnes indications.
Et Kozachik de rappeler : Le réalisateur doit fournir un énorme effort sur un film en stop-motion. Il doit avoir en tête le déroulement de l’histoire, tout savoir des personnages, être capable d’inspirer et stimuler chacun de nous, garder la maîtrise de la cinquantaine de plateaux où le travail s’accomplit en simultanéité...

  1. Le synopsis
  2. Genèse de Coraline
  3. Les personnages et leurs interprètes
  4. Deux mondes, un studio
  5. Trois dimensions
  6. Les chiffres anecdotes

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