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Brent Weeks revient sur ses débuts
Par Luigi Brosse, le mercredi 4 mars 2009 à 11:01:51
Brent Weeks, le nom ne vous dit encore rien, mais cela ne saurait tarder. Cet auteur américain a pourtant fait sensation l'année dernière avec sa première trilogie : Night Angel. Les ventes ont été faramineuses (ce fut l'un des best sellers de la fin de l'année 2008) ; les bonnes critiques y étant sans doute pour beaucoup ainsi qu'un buzz plutôt bien entretenu. Suite à quoi, Bragelonne a réagi avec célérité, achetant les droits et proposant le premier tome en février dernier (il y a quelques jours donc).
Afin de coller au plus près avec cette sortie, nous vous proposons aujourd'hui la traduction d'une interview parue il y a quelques temps. N'hésitez pas à découvrir !
L'interview traduite
- Est ce que le personnage d'Azoth est basé sur vous-même, ou sur quelqu'un que vous connaissez ? Jusqu'à quel point vous êtes-vous attaché à vos personnages ?
- Je dois vous répondre un non partagé. Je n'avais personne en tête quand j'ai écrit Azoth, et il est très différent de moi sur certains points majeurs. En même temps, j'ai investi beaucoup de moi-même en lui. Mais je ressens la même chose à propos de Momma K ou de Logan. Je suis devenu assez attaché à mes personnages, mais cela ne m'empêche pas de les faire souffrir ou même de les faire mourir. Si, dans mes romans, tout le monde s'asseyait en rond pour échanger des compliments en chantant Kumbaya, il n'y aurait pas d'histoire. Je n'ai été surpris que deux fois par mon degré d'attachement aux personnages. La première parce que je n'étais pas si attaché que cela, et la deuxième fois parce que je l'étais trop. Je donne cette interview au début de novembre, donc je ne vais pas parler de la fois où j'étais trop attaché, mais c'est arrivé à la fin de Shadow's Edge. Et si vous n'avez pas fini de lire The way of Shadows, cessez de lire et passez à la prochaine question. [SPOILER] Pendant le coup d'état au château, le père de Logan est assassiné, et quand je l'ai écrit cela ne m'a pas affecté du tout. J'avais toujours prévu qu'il meure, depuis les premières lignes que j'ai écrites à son sujet. Ce n'est que beaucoup plus tard dans le processus de révision que je l'ai lu comme le font, je l'espère, les lecteurs, et c'est là que mes espérances à son sujet se sont réveillées. Oups.
- Pour les lecteurs, cette trilogie est parue assez rapidement ; comment cela est-il arrivé ? Était-ce votre choix ou celui des éditeurs ? Cela signifie-t-il qu'il n'y aura plus de livres après les trois tomes dans ce monde ?
- En fait, j'ai failli être publié chez un autre éditeur, qui était vraiment désireux que la parution se fasse rapidement. Il était sur le point de faire une offre pour la trilogie quand il a été victime d'une réduction de personnel. Aïe. Heureusement, il est retombé sur ses pieds à un autre endroit - un mec sympa - mais entre-temps, Orbit avait obtenu l'exclusivité de la trilogie. Je pense que mon agent leur a présenté la trilogie avec en tête une publication rapide. Orbit pensait déjà à quelque chose de ce genre, alors ils ont saisi cette occasion.
Ma prochaine trilogie ne se situera pas en Midcyru, mais je compte fermement y retourner. J'ai déjà effectué une bonne part de la réflexion nécessaire à une future trilogie ou cycle à Midcyru - vous verrez des prophéties dispersées dans la trilogie de Night Angel qui y font référence. Mais je ne me sentais pas prêt, en tant qu'écrivain, à assumer l'envergure et la complexité que j'imagine pour cette histoire. Alors je vais m'accorder un peu plus de temps et d'expérience, afin que quand nous reviendrons à Midcyru, l'histoire soit vraiment spéciale. - Combien de temps cela vous a-t-il pris pour écrire la trilogie ?
- Environ cinq ans - cependant pendant ce temps j'ai écrit des histoires qui n'ont abouti à rien, j'ai passé six mois à écrire un scénario et j'ai essayé de trouver un agent puis un éditeur.
- Que pensez-vous de l'illustration des livres, et quelle a été votre contribution aux couvertures ?
- Orbit a été très généreux de m'inclure dans les discussions sur l'illustration de couverture ; ils n'étaient pas du tout obligés de le faire. Je leur ai envoyé deux ou trois idées, qui rejoignaient leur projet d'une image unique donnant d'un simple coup d'oeil un aperçu au lecteur de l'idée centrale de l'histoire. Le coeur de The way of Shadows est clairement la relation entre Azoth et Durzo, apprenti et maître. Nous avons alors joué avec l'idée de Durzo se tenant derrière Azoth jeune, les mains sur ses épaules. Cela aurait pu marcher, mais nous pensions que cela aurait pu donner l'impression que le livre était destiné à un public jeune - ce qui n'est pas le cas. Il y a quelques passages assez brutaux dans ces livres. Nous nous sommes donc décidés pour une silhouette, clairement un assassin, peut-être menaçant. Je disais que j'aimerais avoir un arrière-plan blanc, car si vous avez un assassin en noir sur fond noir, il disparaît (ainsi que le livre). C'est donc ce qu'ils ont présenté à Calvin Chu. Il m'a demandé ce que mon assassin devait porter. C'était assez facile : plus ou moins n'importe quoi. Ce sont des maîtres du déguisement et ils s'entraînent avec toutes sortes d'armes, alors je lui ai dit de l'habiller et de l'armer comme il le voulait. Ils ont commencé à partir de là, et je suis ravi de voir le résultat auquel ils sont parvenus. Beaucoup de lecteurs m'ont donné - à moi, un auteur dont ils n'avaient jamais entendu parler - une chance juste à cause de la couverture, et c'est le mieux que je pouvais en espérer.
- Note de l'interviewer : Ne nettoyez pas vos lunettes, ne réglez pas votre écran, j'ai posé la même question deux fois. Honte à moi. Merci à Brent d'avoir continué.
Quelle a été votre contribution aux illustrations, que pensez-vous d'elles ? - Selon mon contrat, en tant que nouvel auteur, je n'avais rien à dire. Du tout. Mais Orbit m'a inclu dans les discussions pour savoir quelle serait l'ambiance qu'ils choisiraient. Depuis quinze ans, tout le monde en fantasy a fait des couvertures incluant parfois de somptueuses illustrations, et qui racontent une histoire. Parfois il y a des méchants sur la quatrième de couverture qui se glissent furtivement vers le feu de camp présent sur la couverture frontale. Je me souviens de ma première réaction devant ces couvertures - elles étaient géniales, c'était amusant de relever tous les petits détails, et les couleurs éclatantes accrochaient l'oeil. Mais... maintenant, quand vous marchez près d'une étagère de livres de fantasy, c'est comme s'il y avait eu une orgie Crayola. C'est si chargé que toutes ces couleurs deviennent juste du bruit. Alors j'aime vraiment ce qu'a fait Orbit : donner à la couverture un seul point de focalisation, afin que vous puissiez dire à 500 mètres que c'est le genre de livre qui va vous plaire. Mes livres présentent un assassin en couverture. Si vous n'aimez pas les livres traitant d'assassins, vous n'allez pas aimer ceux-là. J'ai donc l'impression que ces couvertures remplissent très bien leur but, à la fois en se distinguant des autres et en amenant les bons lecteurs à prendre le livre pour y jeter un oeil. C'est tout ce que je peux demander.
- Beaucoup de choses ont lieu dans ces livres, et même s'ils sont complets on peut parfois avoir l'impression de manquer quelques éléments. Quelle longueur avaient les livres avant d'êtres édités ?
- Mes livres sont plus longs au départ, sans aucun doute, mais hé, si je ne peux pas construire pour vous un monde en 650 pages, c'est ma faute. Avec une histoire qui va aussi vite, je pense que l'on peut parfois avoir le même sentiment qu'en regardant à travers la vitre d'un train à grande vitesse. Vous avez une bonne impression du paysage, mais les détails sont perdus. C'est quelque chose que je travaille à améliorer - écrire de la prose avec vélocité tout en gardant des détails intenses. Je pourrais appeler cela de la prose en « bullet time », mais la métaphore risque de se briser si je la pousse aussi loin.
- Comment avez-vous trouvé le juste milieu entre la bravoure et la violence dans le livre ? C'est à mon avis quelque chose que vous faites plutôt bien.
- Je pense que c'est un équilibre délicat, et honnêtement cela dépend du lectorat. Ce qu'un joueur de 25 ans trouverait cool pourrait profondément choquer un joueur de 14 ans (ou le contraire, d'après mon expérience d'enseignant) et passer pour gratuit chez quelqu'un de 40 ans. Avant tout, j'essaie d'écrire honnêtement. La violence est à la fois horrible et fascinante. Alors parfois j'écrivais de façon à ce que son atrocité choque - et j'essayais de montrer les conséquences de la violence, afin que ces livres ne servent pas qu'à glorifier la destruction et à montrer de quelle façon créative je peux tuer les gens et tout faire sauter. Nous avons une très grande tolérance en ce qui concerne les descriptions de violence, alors j'ai pensé que cela pourrait être plus graphique sans abrutir la conscience. D'un autre côté, il y avait une scène de tentative d'abus sexuels dans le premier livre. D'abord, je l'ai écrite au même niveau narratif que les autres scènes. Puis j'ai fini par faire quelques pas en arrière. Il y a quelque chose de si viscéralement horrible dans l'abus d'enfants que j'ai eu le sentiment de pouvoir faire prendre du recul à la caméra, tout en donnant au personnage les motivations et les cicatrices qu'il fallait.
- De même, j'ai eu l'impression que l'ensemble de la magie fonctionne bien dans toute l'histoire. Où avez-vous trouvé les idées pour la magie de ce monde ?
- La magie est l'une des choses les plus cools en fantasy. En tant qu'écrivain de fantasy, j'ai la liberté de faire ce que je veux. Mais en fait, on ne peut pas utiliser cette liberté n'importe comment, pour la résolution d'un meurtre mystérieux, par exemple : l'homme armé n'a jamais quitté la pièce fermée à clef, il est resté à l'intérieur ! Comment ? Il était invisible ! Tin-tin-tin ! On jetterait votre livre à l'autre bout de la pièce.
En même temps, cette liberté est comme un chemin venteux en montagne sans garde-fou. Si votre personnage peut manier le feu, vous ne pourrez pas la montrer frissonnant à cause du froid. De la même façon, si la magie du feu est commune, pourquoi est-ce que les gens utilisent toujours des feux de camp au lieu de poêles raffinés ? Si la magie peut être utilisée pour créer des illusions, pourquoi quiconque croirait-il, juste parce qu'il a vu Grognak tuer Thag, que le tueur est vraiment Grognak ?
A chaque fois que vous créez une nouvelle magie, vous ouvrez des trous dans l'intrigue. Et vous pouvez parier que certains de vos lecteurs verront ceux que vous avez manqués. Étant donné cela, j'ai fait en sorte que la magie soit rare dans mon monde. Je voyais mes mages comme les athlètes professionnels de ce monde - extrêmement rares. Vous êtes autant susceptibles de rencontrer un Tiger Woods ou un David Beckham dans notre monde que vous l'êtes de rencontrer un Durzo Blint à Midcyru.
Et pour ce qui est de trouver des idées pour la magie ou autre chose, laissez-moi le dire ainsi : les docteurs doivent rarement arpenter les rues pour trouver des patients. Ils vont juste au travail tous les jours et magiquement, des gens malades apparaissent. Bien sûr, les docteurs mettent en place une atmosphère qui y est propice et que nous appelons l'hôpital, mais la plupart du temps ils vont au travail et le travail apparaît parce qu'ils savent que faire quand des malades apparaissent. C'est la même chose pour les écrivains. Tout le monde a des idées, et la plupart ne sont pas si originales que ça. Les écrivains parviennent juste à prêter attention à leurs idées, qu'ils filtrent pour dégager celles qui sont boiteuses, celles qu'ils ne sont pas assez excités pour écrire ou celles qu'ils ne sont pas assez compétents pour bien écrire - ensuite, ils utilisent les bonnes idées. C'est ce que nous faisons. - Film ou jeu vidéo : de quelle façon voudriez-vous que votre monde soit adapté en premier ?
- Film, bien sûr. De nos jours, tout film d'action a un avatar minable en jeu vidéo. Je plaisante. Je suis un gros joueur, et j'ai l'impression que les jeux vidéos ont progressé jusqu'au point où en étaient les films, dans les années 30. Il y a un gros potentiel, mais je pense que très peu de gens ont assez d'idées pour construire une narration puissante dans le cadre d'un médium interactif. Les jeux qui tirent avantage de la liberté existante, comme Grand Theft Auto 4, finissent par avoir des intrigues banales, car l'histoire principale doit permettre de faire trop de choses. Ceux qui tirent avantage des possibilités du médium au niveau de l'atmosphère, comme Bioshock, finissent pas ressembler à un Livre Dont Vous Etes le Héros, avec juste un choix : tuez-vous les petites filles ou non ? Et si vous en tuez une juste pour voir ce que cela donnerait, puis que vous sentez mal et n'en tuez plus jamais ? Désolé, vous avez pris la branche de l'histoire « tuer les petites filles », vous êtes maintenant un méchant.
Alors ce serait fascinant de travailler sur du matériel d'avant-garde artistique comme cela, mais seulement si je pouvais vraiment mettre les mains dans le cambouis. - D'après tout ce que j'ai pu lire sur internet, vous bénéficiez vraiment d'un buzz positif depuis que le premier livre est sorti et s'est bien vendu. Est-ce que quelque chose a changé pour vous, en tant qu'auteur ? Êtes-vous pris par ce battage médiatique ?
- Je reçois des mails de fans ! C'est bizarre. Mais je dois avouer que ce que j'ai le plus impatiemment attendu n'est pas encore arrivé. Il semble que dès que je disais à quelqu'un que j'étais écrivain, la première question qu'ils posaient était :
Alors, êtes-vous publié ?
Pour ceux-là il n'y avait que des réponses du genreJe-suis-un-loser
. Quand quelqu'un vous dit qu'il est acteur, demandez-vous :Avez-vous travaillé avec Angelina Jolie ? Non ? Avec Spielberg alors ? Non ?
Alors j'attends que l'on me pose cette question étrange, mais je ne rencontre que des gens doués d'empathie. Incroyable.
Honnêtement, la plupart des changements dans ma vie ont tourné autour deComment continuer à m'occuper des mails de fans et de la maintenance de mon site web - et à donner des interviews *sourire complice* - tout en essayant d'écrire plus vite qu'avant ?
Je ne pense pas être pris par le battage médiatique, et j'espère ne jamais l'être. - Quels sont vos auteurs et vos livres préférés ? Avez-vous un jeu vidéo favori ?
- George R. R. Martin, Tolkien, Orson Card, Rowling, les premières oeuvres de Robert Jordan, Poe, et Walker Percy. Fable 2 and Fallout 3 en ce moment.
- Quand avez-vous compris pour la première fois que vous vouliez être écrivain, et quand avez-vous commencé à avoir des idées pour cette histoire que vous avez écrite ?
- J'ai commencé à écrire mon premier roman de fantasy après avoir lu massivement les histoires d'Edgar Allan Poe, en cinquième. Ce n'est qu'après avoir suivi un cours d'écriture créative à l'université (quand j'étudiais à Oxford) que j'ai décidé que j'allais écrire - et au diable le métier d'avocat ou quoique ce soit d'autre qui rapporte.
Kylar est apparu en tant que personnage secondaire d'un roman que j'avais commencé ce même été, il y a onze ans. - Je tiens à remercier Brent Weeks pour avoir participé à cette édition de On the Spot. Sa première trilogie repose sur de bonnes bases et je suis très excité de voir ce qu'il offrira aux lecteurs dans le futur.
Interview originelle
Interview traduite par Linaka
Auteur
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