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Arrietty, le petit monde des chapardeurs
Par Gillossen, le jeudi 13 janvier 2011 à 13:42:50
Entretien avec Cécile Corbel, compositrice de la bande originale
Qu’appréciez-vous particulièrement dans les films du Studio Ghibli ?
Chacun d’eux est différent et il me serait bien difficile de dire lequel je préfère, mais tous ont en commun une dimension onirique, une poésie et une originalité uniques dans le 7e art. À chaque fois, malgré des intrigues différentes, le lien à la nature est très présent et tous leurs films parlent de l’irruption de la magie dans le quotidien. Ce sont des thèmes qui me touchent et m’inspirent.
Bien qu’étant une artiste réputée, c’est votre première collaboration à un film. Comment avez-vous abordé ce projet ?
J’étais folle de joie à l’idée de travailler sur un film des studios Ghibli, mais cela m’impressionnait aussi. Je me suis dit que si ces grands artistes avaient eu envie de collaborer avec moi, il ne fallait surtout pas que je change ma manière de faire. J’ai travaillé avec mon complice, Simon Caby. J’ai écrit les chansons et la musique en faisant comme si c’était pour un de mes albums, puis j’ai travaillé avec mes musiciens et nous avons enregistré à Paris, comme d’habitude lorsque je produis mes albums.
On vous situe souvent dans la musique celtique. Comment avez-vous fait pour allier votre univers et celui du film ?
Je suis née et j’ai grandi en Bretagne. Je me suis nourrie de cette culture, qui m’imprègne. Pour moi, mes chansons me ressemblent plus qu’elles ne s’identifient à un genre précis. D’autre part, les cultures celtique et japonaise ont de nombreux points communs. Elles font la part belle aux créatures imaginaires, aux esprits et à une approche très humaine du merveilleux. L’histoire d’Arrietty est celle de lutins qui vivent dans une maison et dans un jardin et qui vont vivre une rencontre extraordinaire. Cela me rappelle les contes et légendes que l’on me racontait lorsque j’étais enfant. Je n’ai donc eu aucun mal à m’associer à cette histoire.
A partir de quels éléments avez-vous travaillé ?
J’ai commencé à composer alors que le film venait d’entrer en production. Je n’avais au départ que quelques dessins et le livre original de Mary Norton, dont est adapté le scénario. Très vite pourtant, le réalisateur Yonebayashi-san m’a envoyé des petits poèmes, parfois de quelques strophes, qui me guidaient sur les univers ou les scènes. Au final, j’ai composé plus d’une dizaine de chansons – qui sont d’abord sorties sur un album, “Karigurashi”, comme cela se fait là-bas. La plus importante est celle du générique de fin, la chanson d’Arrietty, “Arrietty’s Song”. Nous avons aussi développé plus d’une vingtaine de thèmes avec pour fil conducteur sonore la harpe celtique, mon instrument de prédilection, dont je joue et qui fait référence au personnage d’Arrietty. La harpe offre un son cristallin qui correspond parfaitement à cette jeune fille.
Comment avez-vous travaillé avec les créateurs du film ?
Ils m’ont impliquée à chaque étape de la création du film. Je suis allée plusieurs fois au Japon. Découvrir l’endroit où ont été créés tous ces films que j’aime tant a été une expérience très forte. Pour moi, c’était à la fois la découverte d’une culture et d’une autre façon de travailler. Là-bas, les technologies high-tech côtoient un passé et des traditions millénaires.
Que représente ce film pour vous ?
Je n’en reviens toujours pas de tout ce qui est arrivé. Je n’oublierai jamais la découverte du film terminé avec ensemble, les images, les sons, les voix et mes musiques. C’était une projection à Tokyo, en présence de toute l’équipe et de Miyasaki-san. Tout le monde était à la fois heureux de présenter ou de découvrir le résultat, avec peut-être une certaine angoisse quant à la réactiondu Maître. À la fin du film, il y a eu quelques instants de silence, le temps était comme suspendu, et puis Miyasaki s’est levé et a chaleureusement félicité le réalisateur, Yonebayashi-san. Tout le monde a applaudi et ri. C’était un moment très fort. Le studio m’a associée à la promotion du film et j’ai parcouru le Japon, donné des concerts et répondu à beaucoup d’interviews. Depuis des mois, les Japonais ont entendu la chanson du film énormément et partout ! C’est étrange parce que du coup, je suis presque plus connue du grand public au Japon qu’en France. Être associée à un projet des studios Ghibli est quelque chose de très fort. C’est une véritable institution là-bas. Cela m’a permis de sortir mes albums au Japon. Et le film est distribué maintenant dans de nombreux pays, les uns après les autres, poursuivant l’aventure humaine.
Vous qui aimez les films du Studio Ghibli, quel regard portez-vous sur ARRIETTY ?
C’est un film spécial pour moi, et le fait d’avoir été si étroitement associée à sa création m’a empêchée de le découvrir avec le même étonnement que les autres. Paradoxalement, c’est le seul film du studio que je ne pourrai jamais regarder comme une simple spectatrice. C’est une petite frustration largement compensée par l’immense plaisir d’avoir pu faire équipe avec ces artistes. En le découvrant, j’ai beaucoup aimé son univers visuel, et je trouve que plus que jamais, le film valorise les émotions des personnages, notamment au niveau des expressions du visage, remarquablement restituées. C’est une belle histoire, et j’aime particulièrement l’univers d’Arrietty et des siens. Chez eux, il y a une foule d’objets détournés pour devenir utiles à leur échelle, avec souvent beaucoup d’humour. En général, les enfants adorent se perdre dans les images pour étudier tous les détails. Ils vont avoir de quoi s’en donner à coeur joie.
Vous reste-t-il des moments de cette aventure japonaise que vous n’oublierez pas ?
Beaucoup, tellement… Il est difficile de n’en retenir que quelques-uns. Je me souviens particulièrement de la cérémonie de bénédiction du film par les moines au temple Zojoji. À l’issue de la cérémonie, je devais jouer un extrait d’ “Arrietty’s Song” pour Bouddha. Au début j’ai trouvé l’idée jolie, mais dès que la cérémonie a commencé, j’ai été emportée par la force de ce moment : la musique était omniprésente ; tambours, flûtes, orgues à bouche. Les moines jouaient une musique très codifiée mais puissante et mystique, comme sortie du fond des âges. J’avais le coeur qui battait tellement fort, et chaque coup de tambour m’emportait plus loin... J’ai rarement été aussi impressionnée et envoûtée par un moment. Voir comme les sons et la musique peuvent parfois prendre possession de vous est une expérience incroyable. Pour retrouver mes esprits, j’ai dû sortir “crier” un peu dans le couloir sur le côté du temple, avant de pouvoir jouer ma chanson devant l’autel. J’espère que Bouddha l’a aimée...
Pages de l'article
- Le synopsis
- Présentation du projet par Toshio Suzuki, producteur
- Interview du réalisateur Hiromasa Yonebayashi
- Entretien avec Cécile Corbel, compositrice de la bande originale
- Les héroïnes du studio Ghibli
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