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“Tolkien” de Dome Karukoski : premières impressions
Par Foradan, le mercredi 29 mai 2019 à 21:00:57
Dans le cadre du festival des Imaginales, une projection spéciale en avant-première du film Tolkien de Dome Karukoski a eu lieu en fin de semaine dernière. Nous avons déjà souvent parlé ici de ce biopic avec Nicholas Hoult dans le rôle-titre, dont la sortie française est prévu le 19 juin, et nous nous devions bien entendu d'y assister, même si cela a demandé de sacrifier le dessert !
Voici donc quelques-unes de mes impressions à la sortie de cette projection.
Et vous, avez-vous déjà eu l'occasion de voir ce film ? L'attendez-vous avec impatience ?
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Tolkien, l'homme avant l'auteur
Avant toute chose, le contexte !
Ce film s'attache aux années précédant la vie de Tolkien comme auteur, les années pendant lesquelles s’est forgée son imagination, alors que l’histoire qu’il portait en lui fermentait. Car si l’image qui vient naturellement quand on parle de J.R.R. Tolkien est l’une des photos d’un professeur à la retraite, il s’agit ici d’un jeune homme vif, un étudiant brillant qui connaît parfois des échecs, un amoureux sentimental, un joyeux luron et un gamin de la campagne déraciné. Le contraste est saisissant !
J’avais imaginé bien des façons de rater des aspects majeurs de sa vie, de s’embourber dans des précisions détaillées ou de s’appesantir sur des clins d’œil ; à ma grande surprise, ces écueils sont évités et il m’a fallu plusieurs minutes avant de pouvoir formuler un avis (d'autres films m'ont fait pleurer de dépit bien avant la fin de la projection, mais c'est un autre sujet). Et cela, parce que le résultat dépassait mes attentes, transformant les pièges en beaux moments d’émotion : à la rigueur historique (pour certaines dates précises comme l'entrée en guerre du Royaume-Uni, les faits se sont déroulés autrement), j’ai préféré voir les acteurs évoluer dans une société cadenassée étouffant les rêves de l'orphelin désargenté, dans un style rappelant Le Cercle des poètes disparus à plus d’un titre (l'environnement scolaire, la pression de la réussite, le mépris des arts, etc). Cette ambiance d'un pays qui s'apprête à basculer dans la guerre, cette jeunesse qui veut changer le monde, ces enfants qui veulent être libres d’un destin qu’on leur impose, ce n’est pas inventé pour l’occasion, c’est le monde dans lequel J.R.R. Tolkien a vécu et contre lequel il a lutté.
Comme pour une biographie papier, mettre en lumière la vie d'une personnalité par un film contient des limitations, à commencer par la période cernée (ici, approximativement de 1900 à 1937).
La deuxième contrainte, plus encore que pour une adaptation ordinaire, réside dans l'attente du spectateur selon ses connaissances de la vie de Tolkien : certaines évocations feront sens, des passages espérés feront défaut, des personnages seront absents ou justement restitués... alors que le spectateur novice découvrira son auteur préféré sous un autre jour.
Même si les bandes-annonces ont fait penser qu'il y aurait des clins d’œil à répétition sur une transposition systématique de la vie de Tolkien dans son œuvre (Tolkien et le balrog, Tolkien et les hobbits...), le film se révèle plus subtil. On retrouve des images qui font écho à des moments de ses écrits, pendant lesquels on se dit que l’homme a mis son expérience personnelle dans la plume de l'auteur (juste pour l’illustration, une scène où une jeune femme parle de sa peur d’être enfermée, comme dans une cage, sans pouvoir s’exprimer, vous évoquera sans doute quelqu’un dans le légendaire).
Mêlant les années de guerre – dans les tranchées de la Somme, à travers la fièvre, les gaz toxiques, la boue et la mort qui marche au milieu des hommes – aux temps plus jeune en famille, puis orphelin, d’une école à l’autre, c’est le tissu de ses rencontres qui sert de toile à ce récit. Il n'y a pas de dates ou de lieux annoncés en sous-titres à l'excès, et il faut suivre le déroulement de l'histoire pour se repérer entre Birmingham et Oxford, puisqu'il ne sera pas précisé trois ans plus tard, sur un terrain de rugby, rencontre opposant Oxford à Cambridge
. Mais le changement des acteurs jeunes à leurs versions adultes passe en souplesse et on reconnaît sans peine Edith, Christopher ou Geoffrey.
Car Tolkien, dans ce film comme dans sa vie, doit beaucoup à ces êtres qui sont devenus sa nouvelle famille, lui faisant découvrir la profondeur des sentiments qui abonderont dans son œuvre. Comme l’écrit Vincent Ferré dans Lire J.R.R. Tolkien, lire Tolkien (…) c’est éprouver toute la palette des émotions, rarement éprouvées avec cette force par le lecteur avant qu’il découvre ce livre
. Ce que Dome Karukoski s’est attaché à montrer, arrangeant quelques détails chronologiques, c’est que la vie de Tolkien a été assez riche de chagrins, de doutes et de rires pour que son extraordinaire talent de conteur s’en mêle et donne cœur et corps à ces histoires magistrales.
Les acteurs, actrices, costumes, décors, musique, choix des plans, tout est beau. Même le choix de laisser des aspects de la personnalité dans l'intériorité permet au récit d'être fluide sans crispation (je craignais des scènes réalistes mais amères sur fond de rejet anti-papiste qui ont émaillé sa vie).
Pour la beauté des images, la mise en relief d’une vie qui deviendra légende, pour assister à la naissance d’un héraut, ce film mérite votre curiosité.
En l'attendant ou pour le compléter, vous pourrez consulter les différentes biographies de l'inventeur de la Terre du Milieu sur cette période, notamment celles de John Garth (Tolkien et la Grande Guerre et Tolkien at Exeter College si vous lisez en anglais) ou d'Alexandre Sargos (Tolkien à vingt ans).
Tolkien de Dome Karukoski sort sur les écrans français le 19 juin.
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