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Un nouvel entretien avec Stephen Hunt !

Par Lisbei, le mercredi 21 mai 2008 à 19:36:33

La couvertureAlors que l'on attend toujours la parution française du premier tome, la suite de The Court of the Air est d'ores et déjà arrivée depuis quelques jours dans les rayons des librairies situées de l'autre côté de la Manche !
L'occasion pour nous de faire le point, avec cette nouvelle interview de l'auteur, Stephen Hunt, intégralement traduite pour vous. C'est qu'il ne faudrait pas oublier l'une des sensations de l'année passée, pour nous du moins !

Questions et réponses avec l'auteur

Question : Personnellement, j’ai trouvé The Kingdom Beyond the Waves mieux écrit, plus excitant, et simplement plus plaisant à lire que son prédécesseur The Court of the Air. Ecrire ce nouveau livre a-t-il été plus facile ou plus dur qu’écrire le premier roman jackalien, et quelles comparaisons feriez-vous entre les deux ?

Stephen : Eh bien, The Court of the Air est une œuvre plus épique, plus large, alors que The Kingdom Beyond the Wavesest un livre plus autonome, ce qui le rend probablement plus concis. Je n’ai toutefois pas remarqué de grosse différence entre les deux livres au niveau de l’expérience littéraire. Les deux ont avancé aisément et les écrire fut un plaisir. De toute façon, je n’ai jamais vraiment adhéré à la théorie qui fait de l’écriture un pénible labeur. J’ai tendance à écrire ce que je préfère lire : de bons bouquins impossibles à lâcher avant de les avoir finis.

Question : L’un des thèmes principaux de The Kingdom Beyond the Waves est la quête d’une société idéale. A votre avis, pourquoi est-ce un thème si populaire dans la fiction, et est-ce que notre monde sera un jour prêt à vivre une utopie ?

Stephen : Si seulement ce n’était que de la fiction. Un des problèmes de notre monde est que les dirigeants essaient sans arrêt d’imposer leur propre modèle insensé genre ‘’année zéro, taille unique pour tous’’ à la société, qu’il s’agisse de communisme, de fascisme, d’un mouvement fanatique religieux ou la préparation d’un refuge ‘’survivaliste’’ (ndt : le terme survivalism désigne les croyances et le mode de vie de communautés ou d’individus qui se préparent à survivre dans un monde devenu hostile suite à un quelconque cataclysme).Les utopies sont un concept populaire en littérature car les auteurs peuvent imposer leur petit ordre parfait au monde qu’ils ont créé, sans avoir à affronter les myriades de difficultés qu’ils rencontreraient dans la vraie vie, comme la difficulté que représentent les personnes et leurs multiples différences. Les lecteurs les aiment car nous aimons à croire qu’une telle chose est possible.

Mais, cher lecteur, un homme averti en vaut deux. Quand de vrais croyants viennent vous voir avec un truc en -isme qu’ils prennent bien trop au sérieux, vous savez que le massacre des hérétiques est sur leurs talons.

Question : Comme dans The Court of the Air, nombre des personnages, des lieux et des idées de The Kingdom Beyond the Waves proviennent de la période victorienne ou steampunk, ou d’autres lieux communs reconnaissables de SF/fantasy. Quel genre de recherches avez-vous faites pour ce roman, et quelle part est le fruit de votre imagination ?

Stephen : Je dirais 60 % d’imagination et 40 % de recherches. J’ai mélangé les sociétés fin XVIIIème et victorienne pour créer le Royaume de Jackal. Une bonne partie de l’argot utilisé dans les deux livres est réellement d’époque. Les assassins étaient réellement appelés toppers, les policiers étaient réellement surnommés crushers.

Le système de transports souterrains de ma capitale jackalienne utilisant des tunnels sous dépression (the Middlesteel atmospheric) est basé sur un prototype qui a été expérimenté dans les années 1840, mais qui n’a jamais été produit à grande échelle. Il existait aussi un véritable brevet pour des tours façon gratte-ciel en matière caoutchouteuse autour d’une charpente posée sur des fondations liquides. Il y a beaucoup de fantaisie dans l’histoire, qui ne demande qu’à être déterrée, et j’ai toujours ma bonne vieille pioche à portée de main.

Question : Intéressant. En ce qui concerne les personnages, The Kingdom Beyond the Waves met en scène un mélange revigorant de visages connus et de nouvelles têtes. Parmi les nouveaux, quels sont vos préférés ?

Stephen : Je pense que si je devais choisir, ce serait Cornelius et Septimoth. C’est vrai, un cyborg à rouages spécialiste d’auto-défense et son acolyte mi-homme mi-lézard, tous deux échappés d’un camp de concentration étranger et assoiffés de vengeance, comment pourrait-on ne pas les aimer ?

Question : Vous avez signé récemment un nouveau contrat de trois volumes avec Harper Collins Voyager pour de nouveaux romans situés dans le monde jackalien. De toute évidence, l’éditeur doit avoir une grande confiance en vous et en ce monde que vous avez créé, mais que trouvez-vous de si attirant dans ce Royaume de Jackal ? Et pouvez-vous nous donner un aperçu des prochaines aventures jackalienne ?

Stephen : Pour moi, le monde jackalien est mon Empire de Trigan (un classique de la SF/fantasy d’aventures, dessiné par Don Lawrence et parue en BD au milieu des années 60 au Royaume Uni). Un monde extensible à l’infini où vous pouvez peindre de grandes fresques multicolores pour vos aventures, et où vous pouvez caser presque n’importe quelle histoire, n’importe quels personnages et n’importe quel style et les assembler pour former un tout à peu près cohérent. C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai évité ce vieux poncif de la fantasy, ‘’la carte’’, au début des livres. Dès que vous délimitez votre monde, vous le rétrécissez.

J’ai envoyé mon troisième livre sur le monde jackalien et je viens juste de le recevoir d’Harper Collins avec quelques corrections que je dois apporter. Il n’a pas encore de titre officiel, mais il met en scène l’invasion par le Nord du Royaume de Jackal, par un mystérieux ennemi appelé l’Armée des Ombres, qu’au départ tout le monde prend à tort pour une poignée très chanceuse de barbares nordiques. S’il y a dans ce livre un message plus profond qu’une simple aventure passionnante, c’est de poser la question suivante : jusqu’où pouvons-nous aller avant de blesser notre monde, et de nous blesser nous-même ? Ce type qui a essayé de devenir Président des Etats-Unis la dernière fois a fait quelques pas dans ce sens, ou à peu près. Molly et Oliver sont de retour dans ce roman, et avec eux une bonne partie de l’équipe originelle qui a survécu au premier livre !

Je suis également en train de travailler sur le quatrième livre, environ un cinquième du livre est fait. C’est une enquête autour d’un meurtre qui se passe sur l’île volcanique de Jago, au beau milieu de la Mer de Feu. Jago est une civilisation souterraine qui a utilisé des systèmes de générateurs à vapeur pour survivre à une ère glaciaire, ayant été colonisée par des réfugiés Jackaliens fuyant le continent il y a un millier d’années. Ils bénéficient toujours d’une forme d’électricité, et leurs salles des machines à transaction (leurs ordinateurs) fonctionnent avec des soupapes, donc bien plus puissants que ceux fonctionnant à la vapeur du continent. Pourtant, il s’agit d’une société agonisante … de fait, Jago est réellement le genre d’endroit où vous voudriez vivre uniquement si vous étiez obligés de vous enterrer pour survivre à une glaciation. A présent que le reste du monde a retrouvé le printemps, leur population ne cesse de décroître depuis des siècles, pour cause d’émigration. Il fut un temps où Jago était la dernière lueur de civilisation, mais maintenant ce n’est plus qu’une nation exsangue, courant à sa perte.

Le cinquième livre est une histoire de guerre entre le Royaume de Jackal et son voisin du Sud, Cassarabia. Cette histoire mijotait déjà pendant les derniers livres, et à présent, il est temps de savoir qui sera le plus fort. Il devrait y avoir de bonnes scènes d’actions avec des batailles de dirigeables dans celui-ci, je peux vous l’assurer ! Les fans de Hornblower (ndt : livres puis séries télé d’aventures maritimes autour du capitaine Hornblower) et de ce genre de choses devraient être ravis.

Le sixième livre est une histoire de complot mettant en scène les services secrets jackaliens indigènes, une organisation terne, bas-de-gamme, usant de méthodes douteuses, qui a longtemps travaillé dans l’ombre de la bien plus brillante Court of the Air. Malheureusement, ils se retrouvent obligés de sauver le royaume avec leurs seuls esprits et l’appui financier dérisoire d’un fond de pensions louche.

Chacun des six romans est indépendant, et le seul personnage récurrent dans les six est le Commodore Black.

Question : Le 10 juin 2008, The Court of the Air va finalement arriver dans les librairies américaines. Etes-vous excité ou inquiet de cette sortie et de l’accueil que le public américain va lui réserver, et que pensez-vous de Tor, votre éditeur américain ?

Stephen : Je suis très heureux d’être publié aux États-Unis, et encore plus de l’être par l’intermédiaire de Tor. Ils ont une réelle compréhension du marché de la SF/fantasy et, pour parler comme les militaires américains, il semble que Tor ait affirmé sa domination sur l’ensemble du théâtre des opérations du marché national pour mon genre de prédilection.

Quant à ce que je ressens, un peu comme les Beatles avant d’arriver à l’aéroport JFK. Ces douze derniers mois, je n’ai reçu que des plaintes de lecteurs américains qui déploraient de ne pouvoir se procurer le livre chez eux. Maintenant, ils peuvent !

Question : En février dernier, The Court of the Air était l’un des dix romans, et le seul relevant des littératures de l’imaginaire, à être présenté au Festival International du Film de Berlin. Quel genre d’expérience était-ce, et en est-il sorti quelque chose ?

Stephen : Pour ce dernier point, je suis tenu au secret. Disons qu’Hollywood avance à son rythme et en suivant ses propres règles, et qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, et ce tout au long de la route. Même si un Spielberg, un Lucas ou un Jackson mettent une option sur vous, cela ne signifie pas grand-chose tant que le pop-corn n’est pas servi et que l’inévitable type trop grand ne s’installe sur le siège juste devant le vôtre.

C’était très flatteur d’être le seul roman de fantasy à être choisi pour figurer parmi les grands au plus grand festival du film international. Sean Connery ferait un excellent roi de Jackal. Sean, vous êtes à l’écoute ? Et puisqu’on en est là, que pensez-vous de Harrison Ford pour jouer Harry Stave ?

Question : Récemment, un article de Richard Morgan à propos de la critique et du lectorat de SF/fantasy a suscité de très vives réactions. Qu’en pensez-vous ?

Stephen : Ah, Richard, Richard, nous comprenons ta douleur. C’est un article intéressant et intelligent, et Richard fait des remarques très pertinentes, et je pense aussi que plus d’un auteur de SF/fantasy va grimacer en privé, et, dans les temps sombres qui sont les nôtres, comprendre totalement ce qu’il ressent. Mais je suspecte que la vigueur des ses sentiments provient de ce qu’il n’est venu que tardivement à la communauté des Fans, avec un grand F. Le fanzine qu’il décrit et contre lequel il s’insurge a pratiqué la même politique depuis les années 1930. Les fans arrivent et sont d’accord avec vous en n’étant pas d’accord avec vous, c’est comme se serrer la main et se mettre de grandes tapes dans le dos.

Ils représentent une minorité très expressive, mais il ne faut pas les confondre avec notre lectorat réel : les chiffres de vente d’un auteur viennent des fans avec un petit f. De gens qui collectionnent un peu les films et les romans de SF/fantasy, qui jouent à ‘’Halo’’ sur leur Xbox, mais qui ne mettront jamais les pieds dans une Convention, et qui pensent probablement que Filk est le nom d’une variante carabinée de la maladie de la vache folle.

Un prix Hugo peut être balancé par une population participant activement au vote qui tiendrait sans problème dans le MacDonalds d’à côté, alors que les gens qui votent vraiment pour mon travail le font avec des bulletins qui portent la figure de la Reine sur une face (bientôt ces bulletins seront rejoints par d’autres portant la représentation de Présidents américains).

Je voudrais pourtant ajouter que j’ai des goûts de lecture tout ce qu’il y a de plus catholiques, et que je n’ai jamais compris la mentalité des fans qui déclarent qu’ils liront toujours de la SF mais jamais de fantasy, ou l’inverse. Mec, c’est la même chose ! La science-fiction est une subdivision souterraine de la fantasy, après tout. Une fois que vous avez retiré les habits de l’Empereur, la science fiction n’est rien d’autre que de la fantasy avec des notes recopiées de Nature Magazine ou de Pour la Science (ndt : version française du magazine américain Scientific American) sur les tunnels quantiques et le génie génétique passées au mixeur. J’ai travaillé pour Nature Magazine (j’ai créé leur site internet), alors je connais ces choses-là, faites-moi confiance.

Et voilà pour les querelles de genres !

Le Roi des Jackaliens a parlé.

Article originel.


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