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Samantha Bailly évoque Might & Magic Heroes VI avec nous
Par Gillossen, le jeudi 25 août 2011 à 14:31:15
La sémillante Samantha Bailly déborde de projets.
Après un prix Imaginales des lycéens cette année, l'auteur touche maintenant au jeu vidéo, avec un univers qui fête ses 25 ans cette année, Might & Magic. Et elle a bien voulu nous accorder quelques minutes pour aborder le sujet avec vous !
A la croisée des supports...
L'entretien
- Comment vous êtes-vous retrouvée sur un tel projet ?
- En fait, après un Master 1 en recherche en littérature comparée, j'ai eu envie de changer d'horizon. Un vrai besoin de tester le monde du travail et de voir s'il était possible ou non pour moi de cumuler un emploi et ma passion pour l'écriture. J'ai atterri chez Ubisoft en stage en Communication Internationale, ce qui a été une expérience précieuse et un bon moyen de progresser en anglais. Cependant, rapidement, j'ai eu envie de me tourner vers le côté créatif de l'entreprise et voulu en savoir plus sur le métier de scénariste. J'ai donc fait la connaissance de plusieurs personnes dans ce domaine, dont Erwan Le Breton, ancien Producer de Heroes VI, et maintenant Directeur Créatif de la franchise Might & Magic. Il se trouve que l'équipe avait besoin de quelqu'un pour le projet Ashan Compendium. Bon timing !
- M&M, c'était une licence de jeux vidéo qui vous parlait ?
- Honnêtement, très peu. Je suis beaucoup plus tournée vers les RPGs à la japonaise. Mon adolescence a été marquée par la saga Final Fantasy, ou encore des jeux tels que Chrono Trigger, Seiken Densetsu 3, Breath of Fire… Côté stratégie, j’ai toujours été une très grande fan des Age of Empire ! En arrivant chez Ubisoft, découvrir que l’entreprise possédait une marque de Fantasy a cependant attisé ma curiosité, et j'ai commencé à me renseigner. Ça a été l'occasion de me plonger dans les Heroes, qui sont un mélange de plusieurs aspects que j’aime. De la stratégie, de l’émerveillement, de l’exploration, et une véritable histoire !
J'ai également testé Clash of Heroes, un jeu DS dans le monde d’Ashan, qui a eu un succès critique impressionnant (86% de notation). Si j’étais un peu sceptique de prime abord, force est d’admettre qu’après quelques combats, impossible de le lâcher. Gros coup de cœur. Même si je sais que le design plus manga a freiné certains joueurs, à mon avis, il suffit de le tester quelques minutes pour ne plus le lâcher.
Comme vous pouvez le voir, je crois que j’ai finalement été convertie, je suis devenue une M&M addict.
- Quel est votre rôle précis dans l'équipe M&M ?
- Je suis chargée d'un projet qui se nomme Ashan Compendium, qui est un livre dédié au monde d'Ashan.
- Est-ce que cela représente pour vous un investissement quotidien ou ponctuel ?
- Je ne travaille pas sur un jeu en particulier, mais dans l’équipe qui gère l’univers de Might & Magic de façon transversale. Ashan est le point commun entre tous les jeux de la franchise. Pour le moment, je suis à plein temps, mais je passerai en temps partiel en septembre pour reprendre un Master 2 Édition et Rédaction.
- Pouvez-vous nous en dire plus justement sur Le Compendium d'Ashan ?
- Ashan Compendium est un livre univers très complet, qui proposera de découvrir les neuf factions du monde d’Ashan, Necropolis, Inferno, Sanctuary, Stronghold, Haven, Sylvan, Academy, Dungeon et Fortress. On y trouvera donc l’histoire de chaque peuple, des informations sur leur organisation sociale, leur lieu de vie, leurs relations avec les autres factions, leur religion, leur philosophie, leur architecture, leurs symboles, leur façon de combattre… et bien d’autres choses encore. Également, il y aura des chapitres consacrés à la cosmogonie d’Ashan. Mais vous découvrirez tout cela en temps et en heure…
- Quelle est la spécificité de cet univers par rapport au jeu ?
- Pour comprendre comment est né Ashan, il faut remonter quelques années en arrière, en 2003, lorsque Ubisoft a fait l’acquisition de la marque Might & Magic, qui fête d’ailleurs ses 25 ans cette année. A l’époque, les équipes créatives ont fait un point sur l’univers pré-Ubisoft défini. Bien que très riche, la volonté de la nouvelle équipe était de le rationaliser tout en restant fidèle aux anciens jeux. Une équipe de scénaristes a donc été montée pour parvenir à créer le monde d’Ashan avec les éléments déjà existants, et ils ont fait un remarquable travail. Il n’est pas aisé de prendre des éléments déjà présents pour créer quelque chose de nouveau, mais je pense très sincèrement qu’ils ont réussi à rester dans le ton High Fantasy en y insufflant une véritable âme, ainsi que certains éléments plus originaux.
Le nouvel univers est d’être le fruit de la création de deux Dieux-Dragons. Asha et Urgash, incarnant respectivement les principes d’Ordre et de Chaos. Ils ont eux-mêmes enfanté les Dragons Élémentaires. Les deux créatures primordiales se sont affrontée dans une lutte terrible qui a changé à jamais Ashan. Leur sang a constellé la terre, la marquant à jamais de leur magie. Avec le temps, leur sang s’est solidifié, se transformant en cristaux dont l’aura magique a engendré des transformations sur les différents êtres vivants. D’où la naissance de toutes ces créatures incroyables.
La spécificité de ce monde est qu’il n’y a pas de bon ou de méchant. Ce sont simplement différentes philosophies qui s’opposent, à travers les Dieux-Dragons, et par extension à travers les différentes populations. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Ashan, et donc les jeux M&M, ne sont pas manichéens, mais façonnés dans une nuance de gris. Vous jouez Academy, les magiciens ? Alors vous êtes persuadés que la puissance des Dragons peut également être accessible aux humains, et que la connaissance permet de se transcender. Vous jouez Stronghold, les orcs ? Alors vous êtes le résultat des expérimentations de ces mêmes magiciens, et vous n’aspirez qu’à une seule chose, préserver votre tranquillité si durement gagnée, sans recevoir d’ordre de personne. Vous jouez Inferno, les démons ? Vous avez été enfermés dans les entrailles de la planète et souhaitez simplement vous échappez… A vous de voir à quelle conception vous adhérez, mais chaque motivation est défendable.
- Par rapport à vos propres écrits, comment se fondre dans un autre univers ? Est-ce facile, difficile ?
- Je pense que sa propre pratique et se greffer à un projet sont deux choses très différentes. Ashan a été façonné par d'autres scénaristes (Erwan Le Breton, Jeff Spock, Kurt Mc Clung, Richard Dansky, Mathieu Gaborit, Loïc Portnoe, Julien Pirou), il s'agit simplement de les écouter en parler pour s’y plonger ! J’arrive sur un projet déjà très solide. La plus grande difficulté, ce n’est pas tant de se sentir dans l’état d’esprit que de saisir toutes les subtilités de l’histoire de cet univers, qui, croyez-moi, est très complexe.
- Ces derniers temps, un certain nombre d'auteurs de SF/Fantasy (Peter Watts, Richard Morgan, Laurent Genefort...) se retrouvent associés à des projets de jeux vidéo. Qu'est-ce que ces écrivains peuvent apporter à ce medium ?
- Il y a très peu de scénaristes en poste fixe dans l’industrie du jeu vidéo, sauf bien sûr sur de très grandes marques. Le plus souvent, le scénario est également l’apanage du game designer. L’histoire est en général une considération secondaire. Le gameplay prime. C’est un point de vue que je peux comprendre. Tout dépend de pourquoi l’on joue et de ce que l’on attend ! On ne peut pas dire qu’un succès comme Mario ou Pokémon brille par son scénario, il n’empêche que l’on passe un excellent moment. Néanmoins, je n’oublie pas pourquoi, personnellement, j’ai commencé à écrire, parce que j’ai été transportée par l’histoire de certains RPGs.
Les scénaristes sont donc le plus souvent des intervenants extérieurs, la plupart du temps des écrivains, qui viennent pour quelques jours ou plusieurs mois. Ils sont parfois là dès l’origine, ou bien prennent le train en cours de route. Ils apportent non seulement leur analyse et leurs idées, mais aussi un regard neuf sur un projet.
Je crois vraiment que la corrélation entre les écrivains et ce médium n’est pas artificielle, elle existe. Combien d’auteurs étaient autrefois (ou sont toujours) de très grands joueurs ? Le milieu littéraire et du jeu vidéo sont fortement connectés, ils se nourrissent mutuellement. Dans le cas des jeux de Fantasy, il est évident que l’univers et la narration sont des éléments primordiaux. Le besoin de plumes et d’esprits créatifs est donc essentiel ne serait-ce que pour peindre une toile de fond crédible. Pour avoir une base autour duquel tout le reste va se déployer.
Même s’ils sont soumis à des contraintes, je crois que les écrivains peuvent apporter de petites notes d’originalité et d’authenticité, le petit quelque chose qui va sonner juste. Le supplément d’âme à des concepts qui en sont parfois dénués.
- Le jeu vidéo, de par sa dimension visuelle, c'est aussi une façon de toucher au cinéma ?
- Il est certain qu’écrire un roman et un scénario de jeu vidéo sont deux pratiques bien distinctes. Le roman permet l’exploration intérieur d’un personnage, il nous révèle ses pensées, ses aspirations, ses sentiments… Le visuel, c’est à l’écrivain de le créer. L’image mentale qui lui vient, il doit la retranscrire au mieux pour qu’elle puisse jaillir par la suite dans l’esprit du lecteur. Dans le jeu vidéo, c’est l’image qui est là en premier, et il faut lui donner une profondeur. Je ne connais pas assez le travail d’écriture dans le domaine du cinéma, mais je crois que l’on s’en approche fortement avec des séquences où le joueur devient spectateur des interactions entre les personnages. Là, c’est une cinématique imposée, un point de passage obligatoire, où l’on peut poser sa manette.
- Avec M&M, on est dans la High Fantasy pure et dure. Qu'appréciez-vous le plus dans ce sous-genre ?
- Je dirais que c’est un jeu qui se prend au sérieux sans se prendre au sérieux. Il y a à la fois un background solide, un souffle épique, une dramatisation, et en effet, cela reste de la High Fantasy. Mais Might & Magic en joue. Il y a toujours une petite touche d’humour, d’autodérision, que je trouve très rafraîchissante. De plus, c’est un sous-genre qui ramène aux fondations de la Fantasy, et l’exploration des archétypes a le mérite de poser des questions qui viennent enrichir une pratique d’auteur.
- Et, enfin, pouvez-vous nous donner de vos nouvelles sur le plan littéraire justement ?
- Le Prix Imaginales des Lycéens m'a apporté un nombre de sollicitations qui m'a vraiment surprise. Je remercie encore chaleureusement le jury du prix, les lycéens, ainsi que Stéphanie Nicot pour leur confiance et leur soutien !
Actuellement, j’ai trois projets en cours. Deux actifs et un qui mûrit lentement en fond.
Tout d’abord, une trilogie de Fantasy jeunesse intitulée Souvenirs Perdus. Pour la petite histoire, c’est la refonte totale d’un roman que j’avais écrit à l’âge de 15 ans, juste avant de me lancer dans Au-delà de l’oraison. Nous en avions fait un projet de manga avec Miya, mangaka chez Pika, mais qui n’a hélas pas abouti. J’ai donc décidé de le reprendre à zéro, et dois soumettre le premier tome à un éditeur enthousiasmé par le synopsis dans les mois à venir.
Également, je travaille sur un thriller pour ado pour un autre éditeur encore, mais je ne peux pas en dire trop sur le sujet pour le moment, si ce n’est que cela se passera dans notre monde.
Et enfin, Métamorphoses, la préquelle d’Au-delà de l’oraison, dort tranquillement en attendant que je la reprenne. Déjà bien entamée, c’est cependant un énorme chantier et j’ai décidé de prioriser d’autres choses pour le moment. Entre toutes ces activités, j’ai souhaité me fixer des priorités claires.
Auteur
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