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Musiques de la Frontière

Tome 1 du cycle : Le Dit de Frontier
ISBN : 978-291393949-7
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Léa Silhol

Début des années 2000… des enfants “différents” apparaissent dans des familles humaines. Doués de physiques et de pouvoirs étonnants, ils sont très vite assimilés aux changelings, les enfants-fées, et soupçonnés d’avoir été laissés en substitut des véritables enfants mortels. Commence alors une cabale sans précédent, aboutissant à l’abandon en masse de ces enfants dans des Centres, prisons et mouroirs gérés d’une poigne de fer. De cette génération perdue, et sous l’égide d’un chef charismatique, Shade, émergera une rébellion qui amènera ces enfants devenus grands à hanter nos cités, à mettre le feu dans les rues. À travers guerres des gangs et courses éperdues, sacrifices et actes de fraternité, suivez les destin de Shade et Ash, Fallen et Jay, Hunter et Gift, d’une vie délivrée de ses chaînes vers un havre promis, une cité mythique au bord du monde. La ville-fée de Frontier, où les arbres poussent dans les maisons et la magie régit le quotidien. À travers une fresque écrite au glamour et au couteau, de coups de feu en amour fou, d’encres enchantées en rites claniques, qui a déjà conquis des milliers de lecteurs et été nominée à de multiples Prix. Une ode à l’esprit d’aventure et à la fraternité qui redéfinit le monde comme un état de perpétuel enchantement…

Critique

Par Luigi Brosse, le 08/03/2016

Musiques de la Frontière, paru en 2004 est sans doute le livre le plus facile d’accès de Léa Silhol. Recueil de nouvelles, pour moitié inédites, il est moins onirique que l’univers de Vertigen et plus incisif et cohérent que d’autres recueils de la même époque comme La Tisseuse ou Conversations avec la Mort. En cela, il illustre parfaitement la citation suivante : “La forme suit la fonction” (L. Sullivan), que l’auteure a fait sienne à plusieurs reprises.
Musiques de la Frontière est un poing dressé, une dénonciation du monde actuel à travers le prisme de l’urban fantasy. Il ne peut donc légitimement pas posséder le même rythme qu’un La Sève et le givre par exemple. Au contraire, il doit être plus abrupt, plus agressif, filer comme un bolide (on pensera notamment à la nouvelle À bout de course). Cela se traduit également dans la structure récurrente utilisée par Léa Silhol dans ce recueil. On sait qu’elle est généralement adepte de constructions ternaires (comme mentionné dans la critique des Contes de la Tisseuse), qui bouclent en une valse infinie. Au contraire, ici, elle privilégie un rythme binaire, alternatif, plus cassant, plus viscéral. Ce mouvement à deux temps se ressent dans l’agencement des nouvelles à l’intérieur du recueil, en passant par la façon dont elles se répondent parfois, jusqu’à l’utilisation quasi exclusive de duos de personnages pour faire progresser l’intrigue de chaque nouvelle.
Cette vitesse, cette urgence se traduit aussi dans le style employé. Léa Silhol abandonne les ciselures et les descriptions à la limite de l’ampoulé qui la caractérisent souvent pour un discours plus direct, plus percutant, parsemé de tournures lapidaires. Les dialogues sont ainsi très épurés, sans superflu, secs dans leur forme mais témoignant souvent d’une émotion brute dans leur fond. Cette aridité pourrait laisser craindre un abandon de la poésie ; peur injustifiée puisque l’auteure réussit le tour de force de l’entrelacer à petites touches dans les fissures du béton de son univers d’urban fantasy.
Ce choix de l’urban fantasy n’est d’ailleurs pas anodin. De part sa proximité avec le monde tel qu’on le connait, il permet à l’auteure d´être moins cryptique qu’à son habitude. Son message est plus facilement perceptible, il ne se dissimule pas derrière un voile mythologique ou trop ouvertement magique. Si le livre utilise la figure de ces enfants différents, de ces fays, c’est bien de l’autre et de son altérité, de ce « barbare » et de son rejet dont il est question. Si la thématique nous vient du début des années 2000, elle reste plus que jamais d’actualité. Comment ne pas tracer le parallèle avec la crise des migrants que traverse actuellement l’Europe, la façon dont notre société et nos gouvernements parquent d’autres êtres humains derrière des barbelés. Les centres des fays ne sont pas si loin que ça.
Il est difficile de rester insensible devant la déferlante d’injustices contées ici. On oscille donc sans cesse entre les larmes qui montent aux yeux et les poings qui se crispent de rage, au fur et à mesure que l’on progresse dans Musiques de la Frontière. Depuis le départ pour cette cité mythique dans Runaway Train, jusqu’à Comme marchent les ombres qui rappelle le sort de ceux qui se sont sacrifiés pour la ville, rares sont les moments d’apaisement.
Cet apaisement, on le trouve bien souvent à Frontier, cette utopie (soit littéralement « nulle part ») qu’on ne peut atteindre qu’après avoir passé un Seuil (le vrai nom de la ville en Fay, mais également l’une des cours de Vertigen). Ce seuil est à la fois physique : on franchit la Buckle, rivière infinie qui encercle Frontier mais surtout psychologique puisqu’il faut faire le deuil de son passé (on pensera entre autres à l’épreuve du feu qui permet au fay d’accepter sa différence, ainsi que de trouver son vrai nom). La préface nous dit que Frontier c’est la vie, mais cela nous semble aussi la mort, ou en tout cas une mort. Difficile de trancher pour le moment avec les éléments ici présents, mais peut-être est-ce les deux (en tout cas les morts « vivent » à Frontier dans la dernière nouvelle). Une chose est sûre, l’auteure n’a pas dit son dernier mot à ce sujet.
Finalement, nous évoquions en introduction la facilité d’accès de cet ouvrage, par rapport à une bonne partie du corpus de Léa Silhol. Cette facilité qu’elle soit stylistique, rythmique ou dans le choix du décor est réelle, mais il ne faut pas oublier pour autant que Musiques de la Frontière fait partie de l’Univers de l’auteure. La ba-Tisseuse y sème des indices, y tisse des fils qui relient le monde de Frontier au reste de son œuvre. On peut donc se contenter de cette urban fantasy intelligente et engagée, mais on peut aussi la relire et la relier à l’ensemble silholien pour découvrir une facette qui brille de mille feux.

9.0/10

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