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La Tisseuse
Catégorie : Aucune
Auteur/Autrice : Léa Silhol
Si les Parques, qui écrivent notre Destin, avaient des voix, seraient-ce celles de l’eau ? Se feraient-elles rivières pour nous conter, tumultueuses, le sort de ceux qui trichent avec la Fatalité, ou le chant des Banshee ? Deviendraient-elles sources murmurantes, secrètes, pour répéter ce que dit la Mort quand on l’enferme, ou les dieux qui ne peuvent trouver leur propre visage ? Envoûtantes, peut-être, pour narrer la chute de l’artiste et le passage dans la forêt du Seigneur de la Haute Nuit ?… et puis fatales, tempétueuses, pour dire le coup de sabre du Samurai, la vengeance de l’hiver… Et comment, comment encore, pour la mort de la dryade, l’amour des frères, la passion des amants ? Des voix d’eau, de vagues et de torrents. La voix unique, toujours, de la Tisseuse, pour des histoires de fées et de déesses, de fantômes et de dieux tombés, de lumière et de nuit, de beauté entière et de cruauté absolue…
Critique
Par Luigi Brosse, le 28/03/2016
La Tisseuse est une édition révisée et augmentée de Contes de la Tisseuse. Cette nouvelle mouture est parue chez l’Oxymore en 2004. Selon l’auteur, il s’agit là de la “vision idéale [qu’elle] peut en avoir. Ayant, ici, carte blanche, cette édition sera, de manière inaliénable, une projection conforme de l’idée [qu’elle s’est] toujours faite de ce livre”. Il existe deux versions de cet ouvrage : la normale et la Fission. Elles ne diffèrent que par leurs couvertures, les textes étant identiques.
Par rapport au recueil originel, la plupart des textes ont été légèrement retouchés de manière cosmétique, mais ce n’est pas visible ou notable sans confronter les deux livres côte-à-côte. La critique précédente reste donc dans l’ensemble pertinente.
Ce qui a changé, outre la présentation physique de l’ouvrage, ce sont une introduction par Léa Silhol, qui explique le pourquoi de cette réédition, ainsi qu’une nouvelle postface, toujours par Natacha Giordano, plus complète et couvrant aussi d’autres ouvrages parus entre les deux éditions, comme La Sève et le givre, par exemple.
Mais le plus gros morceau est le remplacement des trois nouvelles finales par une très longue novella, intitulée Le Vent dans l’ouvroir. Des raisons à ce changement sont avancées par l’auteur en introduction, qui justifie ce choix par le fait que le Tryptique du Millénaire avait été commandité par Nestiveqnen, l’éditeur originel, mais était en décalage par rapport à l’ensemble. Le thème de l’éternité se substitue donc à celui du temps.
On pourrait débattre de ce décalage. En effet, les textes millénaristes aboutissant à la fin du monde (et du temps ?), il était logique de les voir figurer en queue d’ouvrage, comme une conclusion (même si un nouveau départ pouvait y être deviné). Il est vrai, néanmoins, que les anges qu’ils mettaient en scène se fondaient mal aux thématiques du reste du recueil.
Par opposition, Le Vent dans l’ouvroir se déroule au contraire au matin de la Trame. La position du texte en fin de volume semble donc étrange, il aurait tout aussi bien pu se trouver au début de livre. Mais on sait également que rien n’est laissé au hasard chez Silhol ; une façon d’aborder ce paradoxe est de le voir comme une porte ouverte vers le reste du corpus de l’auteur (car après tout la Tisseuse est une réédition des premiers textes de l’auteur), à la manière d’un cliffhanger subtil.
Cette idée est défendue également par l’histoire racontée, celle de Moera, la Destinée et de sa rencontre avec Janus, le Temps (mais aussi le dieu des portes et des seuils) et de comment naquirent les Parques (qui apparaissent visuellement en couverture de l’édition Nestiveqnen et comme première illustration de La Tisseuse). Des Parques que l’on retrouvera par exemple en introduction de la séquence de Vertigen. On pourrait ainsi émettre l’hypothèse qu’il s’agisse là de la genèse de l’univers Silholien, véritable point de départ du reste de sa Trame.
La novella s’inscrit également de manière cohérente dans le recueil, puisqu’elle unit la thématique du destin (récurrente dans le reste du recueil), avec celle du temps (le passage des saisons, le fil de l’eau, qui servent de fil rouge), ainsi que différents autres symboles, comme le chiffre trois, la féminité, le travail manuel…
En conclusion, cette réédition ne change pas fondamentalement la donne, comme souligné en introduction. Tout ce qui faisait l’attrait du livre originel est encore une fois présent. Néanmoins, on ne peut qu’acquiescer lorsque l’auteur parle de vision idéale, puisque du point de vue de la cohérence, La Tisseuse est effectivement plus aboutie.
7.5/10
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