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Utopiales 2015, quelques échos

Par Foradan, le samedi 7 novembre 2015 à 14:25:57

Utopiales 2015, par Elwing Lasgalen

Après le compte rendu de Foradan, je vous livre à mon tour mon expérience sur cette édition 2015 des Utopiales, qui se révèle comme toujours parfois fatigante mais ô combien exaltante et enrichissante.

Cette année j’ai eu la chance de pouvoir me joindre à Izareyael dans son marathon d’interviews qui vous sera prochainement communiqué, et croyez moi elle a abattu un sacré boulot pour vous fournir des interviews de qualité. J’ai eu le plaisir de rencontrer, entre autre, Patrick Couton, Alain Damasio et Jean-Laurent Del Socorro (prix Elbakin.net 2015). Plaisir qui s’ajoute à celui de pouvoir discuter avec les auteurs lors des séances de dédicace. J’ai pu avoir un bel aperçu du côté trublion de Bertrand Campéis, invité avec Karine Gobled lors du podcast elbakin.net dédié à l’uchronie. Les Utopiales nous régalent toujours d’année en année par la qualité de leurs invités, de leur programmation et des expositions.
Gobled-Campéis

D’ailleurs attardons nous un peu sur ces dernières, Manchu, l’auteur de la très belle affiche de cette année était à l’honneur, ainsi que ses plus belles illustrations d’ouvrage de SF.
Manchu 1 Manchu 2

Ci-dessous, je vous laisse découvrir un aperçu des autres expositions. Le label Série B fête ses 20 ans
Série B 1 Série B 2 Série B 3

Wika, par Olivier Ledroit et Thomas Day
Wika 1 Wika 2 Wika 3 Wika 4 Wika 5

En ce qui concerne la programmation en elle-même, je ne saurai trop vous conseiller de regarder Moonwalkers, un film franco-belge mettant en scène Rupert Grint et Ron Perlman. Leur association et leur alchimie improbables portent ce film complètement délirant et explosif. Le pitch : « En juillet 1969, craignant que la mission Apollo 11 échoue à se poser la Lune, l'armée américaine envoie Tom Kidman, un vétéran de la guerre du Viêt Nam, en Angleterre. Là-bas, celui-ci doit proposer à Stanley Kubrick de tourner la scène des premiers pas de l'homme sur la lune. » (Source Wikipédia). Une esthétique visuelle de qualité, des losers magnifiques, une ambiance hippie et l’humour anglais décalé qui fait mouche à tous les coups … Que demander de plus ?!

A l’instar de mon compère Foradan, j’ai tenté de vous résumer certaines conférences. Vous me pardonnerez assurément ma relative incapacité à condenser au maximum leur contenu, tant ces conférences étaient denses et intéressantes. Je vous laisse donc à une lecture studieuse qui, je l’espère, vous éclairera sur certains sujets et vous donnera l’envie d’en apprendre plus et de découvrir de nouvelles œuvres.

Symbiotes et parasites

La symbiose, au sens étymologique du terme, c’est la « vie ensemble », aucun organisme vivant n’existe sans symbiose (la flore intestinale). L’association peut être à bénéfice équilibré, on parle alors de mutualisme (midi-chloriens de Star Wars), mais s’il nuit à l’hôte il s’agit de parasitisme (les Goa’uld de Stargate, Alien). Le parasitisme est le gros cauchemar de la SF, qu’il s’agisse de modification du comportement de l’hôte ou de s’en servir comme incubateur. Les hôtes et leurs symbiotes n’ont pas la même échelle de vie. Un écosystème est un entrelacs de relations multiples entre espèces, le mutualisme et le parasitisme n’en sont pas les seules (la prédation). Etoiles mourantes de Jean-Claude Dunyach : Les villes en tant qu’institution sont devenues un organisme vivant, les animaux-villes, les hommes en sont leurs symbiotes et non l’organisme supérieur.

Et si une découverte archéologique modifiait notre interprétation du passé

Dans la conscience commune, le passé est passé. Mais le passé n’est pas figé, on se le remémore, on ne s’en souvient pas tous de la même façon et il nourrit notre présent. La continuité rétro active est la relecture du passé à travers des éléments nouveaux dans le présent. Notre passé reste contraignant car on ne peut pas changer notre héritage.
La recherche scientifique du XXe siècle s’attache à prédire à partir de ce que l’on sait dans le présent. Aujourd’hui, on revient aux méthodes du XIXe siècle qui s’appuient autant sur la science du présent que sur les sciences du passé et la théorie. C’est ce que font les historiens qui reconstituent à partir de faisceaux de présomption. Le passé est un passé reconstruit et il faut faire attention aux abus de récit qui extrapolent à l’excès. On a perdu de nombreuses traces du passé à cause de destructions et de l’obscurantisme.
Il y a des relations antagonistes très fortes entre l’histoire et les idéologies politiques et religieuses qui ont besoin de se légitimer en réinventant le passé pour servir leur discours (le créationnisme qui rejette les preuves de la théorie de l’évolution). La vérité est un enjeu et le vrai n’est qu’une conception du réel. La science écrit son propose passé et se réinvente en fonction des découvertes.
L’uchronie utilise l’histoire pour fantasmer un présent différent ou le futur. Réinventer le passé artistiquement c’est l’utilisation de sources documentaires et d’une cohérence personnelle au service d’un récit qui permette aux lecteurs de s’évader.

Quand les réalités biologiques dépassent le bestiaire de l’imaginaire

La SF s’empare des créatures imaginaires de la fantasy pour créer de nouvelles espèces sur Terre ou dans l’espace. On peut citer les vers des sables de Dune qui sont décrits dans un écosystème cohérent et de façon révolutionnaire pour l’époque, les créatures d’Alien de Hans Giger, qui sont avant tout des créatures artistiques, les kaiju de Pacific Rim, et même Totoro de Miyazaki. Différentes contraintes pèsent sur la forme que prennent ces créatures et leur mode de vie : le monde dans lequel ils évoluent (la planétologie, l’écosystème, la climatologie …), une morphologie plausible (l’ajout de paires de membres est plus faisable chez les insectes que chez les mammifères) et l’esthétisme. Dans les space opera et autres œuvres cinématographiques de SF, ces créatures sont l’œuvre d’artistes naturalistes.

Et si le futur avait commencé plus tôt, où en serions-nous aujourd’hui ?

Cette interrogation peut nous mener au steampunk comme à l’uchronie. Cette dernière existait avant qu’on ne lui donne un nom. En 1836, Louis Geoffroy écrit Napoléon apocryphe, dans lequel il imagine que Napoléon n’a pas été défait en Russie et qu’il finit par instaurer la monarchie universelle. Le mot uchronie est un néologisme formé par le philosophe Charles Renouvier en 1857, illustré dans son ouvrage Uchronie, l’utopie dans l’Histoire. Ce terme d’ « uchronie » est composé des mots grecs « U » et « Chronos », signifiant respectivement « non » et « temps » ce qui peut se traduire par « un temps qui n'existe pas ».
Ce sont les décalages entre les différentes histoires (économique, politique, sociale, militaire …) qui font que le futur technologique et scientifique arrive plus tôt. Par exemple, la physique quantique pose la possibilité de la création de la bombe atomique dès 1820, sa création aurait donc pu être débloquée avant les travaux d’Einstein. Les guerres font soit avancer soit reculer la science, et donc l’avènement du futur. Comment définit-on ce futur ? Le graduant le plus utilisé est celui de l’évolution technologique car elle recule rarement et permet de marquer les grandes périodes historiques (l’Age du fer). Il existe deux courants de pensée, le premier étant que le rythme de cette évolution n’aurait pas pu être possible autrement, on parle de déterminisme. Le second est que la trame du temps peut bifurquer facilement, cette expérience de pensée est une forme de nostalgie des futurs qui n’ont pas pu arriver.

Les faux semblants du pouvoir : représentation de la vie politique dans la SF

La base de la plupart des romans cyberpunk est que le commerce domine tout, mais tout récit est politique, c’est un point de vue sur le monde qui porte les convictions de l’auteur. Ce lien entre SF et politique s’est souvent exprimé dans la SF française (Le Melkine d’Olivier Paquet). Alan Moore introduit brutalement la politique dans l’univers des comics, notamment avec Watchmen. Certaines œuvres sont très ancrées dans leur environnement politique (Judge Dredd) et d’autres sont plus intemporelles (1984 de George Orwell). La fantasy et la SF doivent proposer un discours politique aux enfants (Le Schtroumpfissime de Peyo ou plus récemment Seuls de Fabien Welhmann), pour les aider à accompagner les enfants dans la complexité du monde. Si l’on décide de présenter la chute d’un empire politique, il faut penser au régime par lequel on va le remplacer car l’absence de régime politique est un risque de chaos. Réponse de Fabien Welhmann, nous le découvriront rapidement dans Star Wars VII !

Les temps parallèles : quand l’uchronie permet de mieux comprendre l’histoire

Parmi les œuvres marquantes, on peut citer Le Maître du Haut Château de Philipp K. Dick, actuellement adapté en mini série, et Roma Aeterna de Robert Silverberg. D’après ce dernier, l’uchronie, le what if ? , est un des plus grands jeux de pensée en SF. On peut parler d’histoire expérimentale : le récit bifurque totalement de l’Histoire à partir du point de divergence ou les éléments qui produisent cette bifurcation finissent par nous mener au même présent, si l’on conçoit l’Histoire comme cyclique et déterminée. Beaucoup d’uchronies sont des corrections de l’histoire, des visions nostalgiques de ce qu’elle aurait pu être. C’est plus subtil et pervers chez K. Dick qui met l’uchronie elle-même en abîme. Dans un cas comme dans l’autre, une forte documentation est nécessaire.

Le jeu vidéo vecteur de messages

Le jeu vidéo est avant tout basé sur des principes de divertissement, ce qui ne l’empêche pas d’être porteur de messages intéressants et immersifs, de proposer des expériences qui ont du sens. Il faut garder à l’esprit que les grandes industries vidéo ludiques sont influencées et parfois contraintes par la culture et le contexte dans laquelle elles baignent (ex : le tristement célèbre et surestimé Call of duty). C’est un médium dont le vecteur principal passe par l’image et qui fait passer ses messages par le geste, c'est-à-dire par le gameplay, bien avant le son ou le texte. C’est une logique qui diffère complètement de celle du livre ou du film, on ne réfléchit pas de la même manière si on joue à un shoot them up ou à un jeu d’infiltration. Il y a parfois une différence entre l’intention de l’auteur et la façon dont le jeu est perçu. A ce propos, je parie que vous n’aviez jamais soupçonné le fait que le Monopoly a été pensé comme une critique de la société capitaliste, au plaisir d’accumuler et d’écraser les autres ! Pour conclure, selon Alain Damasio, la couche discursive n’est pas inutile mais le gameplay va toucher le joueur de façon plus viscérale.

Interrogation surprise sur les super pouvoirs

Si vous avez du temps et que le sujet vous intéresse, je vous conseille vraiment le visionnage de cet extrait de la conférence qui s’est révélée très instructive et amusante. Selon Xavier Mauméjan, il faut d’abord faire la part des pouvoirs des mutants de ceux qui n’en sont pas (Superman et Batman). L’obligation de responsabilité, qui caractérise les supers héros, arrive après la décision d’accepter ses supers-pouvoirs. On retrouve parfois une certaine hybridité homme / bête, des héros que l’on pourrait qualifier de totémique (ex : Spiderman et Batman). A la question de savoir s’il existe des supers pouvoirs inutiles en dehors du registre de l’humour (Hero Corp), Mauméjan évoque la théorie du chaos et de l’effet papillon. Avoir la capacité de faire bouger les oreilles des gens pourrait donc avoir un léger impact lors d’une invasion kree !
Il n’y a pas la même conception de la justice chez DC (Superman protège / Batman punit) et chez Marvel où les personnages sont plus complexes. Marvel assume et anticipe les changements de société, on trouve dans ses comics une vraie conscience morale et politique que l’on ne retrouve pas chez DC. Mauméjean conclu par sa volonté de voir les comics revenir à une certaine naïveté et d’arrêter la relecture de ces dernières années qui a vu un démontage et une réinvention du super héro (complexité, univers sombre, second degré omniprésent …).

Amis lecteurs, je vous remercie de m’avoir suivi et je vous dis à l’année prochaine, pour de nouvelles aventures science-fictionnesques en territoire nantais !

  1. Souvenirs de tables rondes, par Foradan
  2. Utopiales 2015, par Elwing Lasgalen

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