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Utopiales 2007 : les compte-rendus !

Par Linaka, le samedi 10 novembre 2007 à 09:05:31

Compte-rendu de conférence n°1

Les territoires de la fantasy

Avec : Jean-Philippe Jaworski, Pierre Bordage, Catherine Dufour, Johan Héliot
Modérateur : Jérôme Vincent
Si la science-fiction aime à rêver d’espaces intersidéraux et de distances astronomiques, la fantasy pense souvent en contrées, en territoires. Elle semble aussi encline à s’inspirer de folklores régionaux, de mythes propres à un peuple ou à une ethnie. Y aurait-il donc DES fantasy ?
Bar de Mme Spock, de 12h30 à 13h30

C’est tout d’abord Pierre Bordage qui est invité à prendre la parole sur le sujet. Riche de sa série l’Enjomineur, il parle de cette expérience d’écriture dans laquelle il a beaucoup utilisé l’Histoire. Il a été inspiré par le roman La Lune et le Soleil . Pierre Bordage cherchait à parler des guerres de Vendée, à propos desquelles il sentait qu’il y avait une souffrance cachée dans sa région. Mais il s’est heurté au problème de l’Histoire, qui était trop vague ; il a donc fait quatre mois de recherches sur la période de la Révolution, et a exploré tout le fond légendaire de sa région. En effet, la mythologie tout aussi bien que l’Histoire parle des peuples.
Il s’est heurté à une autre difficulté : un roman historique doit éviter tous les mots anachroniques. C’est donc en cherchant la crédibilité historique que Pierre Bordage a voulu atteindre la crédibilité de la fantasy. Il est aussi allé chercher du côté du fond légendaire africain (n’oublions pas que Nantes fut un centre de la traite négrière au XVIIIème) et de la magie africaine. L’Enjomineur, à ce propos, signifie le sorcier, le jeteur de sort en Vendée. L’écrivain s’est aussi tourné vers la religion de Mithra, méconnue aujourd’hui mais qui a été la concurrente du christianisme pendant de nombreuses années, avec son culte du soleil.
Dans son travail, il a ensuite mélangé tous ces éléments. Il n’y a pas de réalité nue : l’Histoire est aussi une fiction.
Il a retrouvé un peu les mêmes personnages que dans les mythes celtes : en Vendée, selon certaines légendes, des femmes se transforment en animal la nuit et se jettent sur le passant innocent pour lui murmurer des paroles glaçantes à l’oreille et le tuer. Avant la Révolution, une grande tolérance existait entre ces croyances païennes et le christianisme ; certains prêtres croyaient à l’une et l’autre chose sans problème. Mais plus tard, les choses se sont radicalisées à cause d’un mouvement missionnaire qui voulait réhabiliter l’évangélisme.
D’où la nécessité de tenir compte de la complexité de l’Histoire, et des croyances qui s’y cachent.
Jean-Philippe Jaworski prend la parole ; il est l’auteur du recueil Janua Vera, mais a aussi un point de vue de rôliste (il a créé deux jeux de rôle). Sa fantasy est, quant à elle, plus médiévale, dans un pays imaginaire. Le cadre était particulier ; tout en étant un univers ludique, ce monde secondaire devait rester cohérent, avec des repères et des éléments familiers pour le lecteur. Il recherche donc des éléments précis, par exemple, quelles armes sont employées, etc.
Il y a donc là un effet de réel : il instrumentalise l’Histoire au service de la fantasy.
C’est au tour de Catherine Dufour, auteur de L’immortalité moins six minutes : elle est beaucoup plus proche d’une fantasy parodique, très inspirée (consciemment) de Terry Pratchett. Elle aime à faire du trivial avec du merveilleux : par exemple, les mages sérieux ayant des problèmes d’hémorroïdes, ce genre de choses. Elle construit cela au fur et à mesure, pour produire finalement aussi une caricature politique de notre monde.
Puis Johan Eliot prend la parole ; c’est le père de La couleur de la faim, qui reprend des éléments de la fantasy classique. Il commence par annoncer timidement qu’en fait, lui n’aime pas la fantasy. Il écrit des polars, mais a décidé d’emprunter des créatures à la fantasy pour les parodier et les placer dans un cadre urbain. Il créé alors des correspondances entre la fantasy et l’urbain (cf Faerie Hackers), mais il décrit très peu le monde de féerie.

Qu’en est-il des influences celtiques et nordiques de la fantasy ? relance l’animateur.

Johan Héliot était à son propre aveu un grand lecteur de Tolkien. Il a aussi lu les Eddas, des Sagas (comprendre : nordiques) et des romans médiévaux. L’influence est alors plutôt indirecte ; c’est en quelque sorte une couleur, une ambiance remaniée.
Pierre Bordage lisait beaucoup de mythologie quand il était petit : L’Illiade et l’Odyssée par exemple, fut son premier modèle de fantasy, avec le thème de la quête héroïque, du voyage, des créatures surnaturelles, etc. En vérité, la fantasy appuie sur des mécanismes inconscients : la fantasy n’est pas raisonnable. Mr Bordage est donc très inspiré par toutes les mythologies. Mais la fantasy, de même que la SF, transporte le lecteur.

Peut-on dire alors que la fantasy se nourrit d’elle-même ?

La fantasy est la littérature romanesque par excellence. Elle récupère les mythes pour les transposer et les modifier selon l’esprit actuel. Par exemple le mythe celte a été transformé et castré en Bretagne ; d’une histoire païenne, on a créé une histoire chrétienne avec une morale à la fin. Mais avant le XVIIIème siècle, beaucoup de croyances païennes étaient mélangées (on retrouve des similitudes entre un mythe celte et le mythe connu d’Orphée).

Peut-on faire passser des messages dans la fantasy ?

Catherine Dufour a introduit les mécanismes de la dictature dans sa fantasy. Sur l’Enjomineur, Pierre Bordage a essayé de partir sans a priori. Les mythes et la fantasy sont des langages symboliques de l’homme. Bordage cherche à faire changer profondément le lecteur dans ses ouvrages, grâce à la puissance du verbe. Pour Jaworski, le divertissement est sérieux et nécessaire. Il y a aussi des possibles motifs religieux dans la fantasy. On peut aussi répondre à cette dernière question en rappelant les fables du XIXème siècle, où le merveilleux était au service d’une idée.

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