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Un entretien avec Glenda Larke

Par Palinka, le jeudi 21 février 2008 à 12:59:59

La couvertureL'auteur de Clairvoyante, premier tome des Îles Glorieuses paru depuis peu chez J'ai lu dans leur nouvelle catégorie grand format, est une personne à part, interviewée ici par Karen Miller, elle-même auteur de fantasy, qui a notamment écrit Kingmaker et Kingbreaker (Le premier des deux est déjà critiqué sur Elbakin.net).
Retrouvez ici la traduction complète de cet entretien, rien que pour vos yeux. En attendant notre critique, si le roman nous passe un jour entre les mains, ce que nous espérons, évidemment !

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Questions et réponses avec l'auteur des Îles Glorieuses

Faîtes-nous une brève biographie : Votre Vie Fabuleuse !

Mon éditeur américain m'a dit de commencer un blog parce que vous menez une vie tellement hors du commun. Bien sûr, ce n'est pas le cas, en tout cas ce n'est pas mon avis. Je sors les poubelles et je passe le balai, comme tout le monde.

J'ai grandi dans une ferme dans les années 1940 et 1950 (oui, je suis âgée), nous n'étions pas très riches. L'endroit où je dormais n'était pas à proprement parler une chambre. C'était juste un endroit sous la véranda ouvert mais protégé du vent. L'un des murs était en toile. Il n'y avait pas de plafond, juste le toit en zinc. De nos jours, les gens diraient que nous étions très pauvres, mais c'est faux. Nous n'étions pas pauvres du tout. Nous mangions comme des rois, nous étions aimés, nous avions tout ce dont nous avions besoin. J'aurais été étonnée si quelqu'un avait dit que nous étions pauvres.

J'aurais juste aimé avoir plus de livres. Il n'y avait pas de bibliothèque municipale dans les environs, et les instituteurs de l'école distribuaient des livres de bibliothèque, au rythme de un par semaine. Je lisais systématiquement le mien en une heure, et après je harcelais mes camarades de classe pour qu'ils me prêtent les leurs. Quand on vit dans une ferme, les livres tiennent compagnie. Mon imagination aussi.

Avant de quitter l'école primaire, je savais deux choses à propos de mon avenir : que j'allais voyager, et que j'allais devenir écrivain. Les voyages ont commencé dès que j'ai pu réunir l'argent en travaillant en tant que femme de chambre pendant les vacances scolaires. L'écriture a commencé bien plus tôt, mais d'une certaine manière, il semblait que je ne progressais pas suffisamment pour atteindre pas le statut d'auteur publié. À la place, je suis devenue professeur, je me suis mariée, et j'ai déménagé en Malaisie (chez mon mari), élevé une famille, et gagné ma vie. Exotique ? Pas pour moi. Une couche de bébé peut porter un nom différent dans un autre pays, ce n'est toujours pas exotique !

J'ai maintenant vécu sur quatre continents. Et que la ville soit Koala Lumpur, Vienne, Tunis, Kota Kinabalu ou Sydney, que je parle malais, français, allemand, ou anglais à l'épicerie du coin, je continuais de sortir les poubelles et de balayer le sol... et d'écrire. J'écrivais toujours.

Ma première œuvre publiée n'était pas de la fiction : des articles de voyage sur des endroits comme l'Albanie ou l'Algérie, ou des regards brillants sur la forêt tropicale Malaisienne. Et puis un jour, j'ai décidé que je devais me mettre sérieusement à écrire le livre, celui qui ferait de moi un auteur de livre publiée. Je vivais à Vienne à l'époque. Ce livre m'a permis de trouver un agent, mais c'est deux continents, trois livres et huit ans plus tard que j'ai enfin vu un de mes romans publié. Curieusement, le livre (Clairvoyante) a aussi finalement été publié, treize ans après que je l'ai écrit. Il a été nominé pour le prix Aurealis du meilleur livre de fantasy en 2003, et il est maintenant publié dans quatre langues, par six éditeurs sur trois continents. J'étais peut-être en avance sur mon temps... ?

Aujourd'hui je vis en Malaisie, et je partage mon temps entre la protection de la forêt tropicale (à nourrir les sangsues ?) et l'écriture. Parfois, les deux se superposent et je me retrouve à écrire un livre dans la forêt tropicale en chassant les sangsues...

Qu'est-ce qui vous a conduite à écrire de la littérature fantastique ?

C'était ce que j'aimais lire – et l'autre possibilité, écrire un livre honnête sur la Malaisie, aurait probablement rendu beaucoup de gens très, très mécontents. De plus, le fantastique est le seul domaine dans lequel je puisse vraiment laisser libre court à mon imagination.

Décrivez-nous une journée d'écriture type.

Je me lève, et je fais de la marche rapide pendant une demi-heure. J'achète le journal et je prends un petit déjeuner tranquille à la maison en lisant le journal. Je consulte mes mails, et d'autres trucs. Je commence à écrire vers neuf heures. J'écris toute la journée, en entrecoupant avec des tâches ménagères, l'actualisation de mon blog, les repas, du shopping, etc., jusqu'à ce qu'il fasse nuit.

Qu'est-ce qu'il y a de mieux dans le fait d'être écrivain ?

Écrire. Je suis accro. C'est le cas depuis que j'ai environ sept ans.

Si vous demandez ce qu'il y a de mieux dans le fait d'être publié, je devrais répondre les gens que j'ai rencontrés grâce à cela. Auteurs, éditeurs, libraires, lecteurs – des personnes qui aiment les livres et veulent parler d'écriture et de livres avec moi. Maintenant que j'y pense, c'est peut être aussi une drogue.

Qu'est ce qu'il y a de pire dans le fait d'être écrivain ?

Le salaire. Et les horaires. On a besoin d'un syndicat. Sauf que je ne changerais rien à ma manière de faire...

Quels sont les autres genres littéraires qui vous attirent, et pourquoi ?

J'adore lire et il n'y a pas grand-chose que je rejetterai d'emblée. Je ne suis pas très fan de littérature pour fille. Ou de porno. Et une fois quand je suis arrivée en Malaisie pour la première fois, je me suis retrouvée dans la maison de village de mes beaux-parents pendant une semaine avec rien d'autre à lire que des étagères entières de romans d'amour de la collection Mills and Boon. Je n'en avais jamais lu un seul avant cela. Après une semaine passée à les lire, je n'en ai plus jamais voulu. (Souvenez-vous, c'était dans les années soixante, quand toutes les héroïnes romantiques minaudaient quand les héros leur disaient quoi faire... ) À part cela, je lirais à peu près n'importe quoi.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Sur les quatre livres du Random Rain Quartet, intitulés : Drouthlord, Droughtmaster, Waterpainter et Rainmaker. Quatre livres sur un monde où l'eau manque, où toute la magie concerne l'eau. C'est à propos de la mauvaise utilisation du pouvoir, et ce qui arrive à une terre lorsque quelque chose qui nous est précieux à tous est rare. C'est une histoire de passion et d'amour, et de trahison calculée et de sacrifice courageux. L'héroïsme et l'infamie à grande échelle. J'ai essayé d'éviter certaines choses que d'autres auteurs ont pu faire auparavant, avec des paysages désertiques qui ressemblent souvent au Sahara, et des gens du désert qui ont une culture nomade, semblable à une culture Arabe, et se promènent sur des chameaux. Et ce n'est pas non plus Dune. Mon désert est unique et reflète (j'espère) mon amour pour l'intégration sans heurt d'un monde réaliste dans l'histoire. Il y a une légère atmosphère australienne, mais ce n'est pas non plus notre Red Heart.

C'est la meilleure chose que j'ai jamais écrite. Vous allez sentir le sable dans le vent en lisant ces livres. Vous allez vous lever pour boire quelque chose, de préférence avec beaucoup de glaçons dedans...

À quel point le domaine de la fantasy a-t-il changé depuis que vous l'avez rejoint ?

Il s'est élargi et est devenu moins rigide et confiné par les conventions actuelles. Au début, certaines de mes histoires ont été refusées parce que je mélangeais les genres. Ce ne serait plus une raison aujourd'hui. Maintenant, ça passe du moment que c'est bien écrit. Le fantastique est donc beaucoup plus excitant.

Qu'est ce que vous savez maintenant sur le domaine de l'édition que vous auriez aimé savoir lorsque vous avez débuté ?

Eh bien, je suis vraiment heureuse de n'avoir pas su à quel point il était difficile d'être publié. La chose la plus utile à savoir aurait probablement été que le fait d'être publié n'est que le début. Quand vous débutez, c'est votre but. Et quand vous atteignez ce but, vous réalisez soudain qu'il y en a tellement d'autres.

Quel est le meilleur conseil d'écriture que vous ayez jamais reçu ?

Je déteste le dire, mais j'ai appris une grande partie de ce que je sais en faisant des erreurs. J'ai fait chaque erreur, euh eh bien, dans le livre. Quand j'apprenais, j'étais seule. Il n'y avait personne pour relire par-dessus mon épaule, pas de cours d'écriture, et rien à lire sur comment faire, là où je vivais. Mais le meilleur conseil que j'ai reçu venait probablement de mon agent : si une scène n'a pas de tension, balance-la.

Quel est le meilleur conseil d'écriture que vous n'avez jamais reçu ?

« Bon sang mais qu'est-ce qui peut bien te prendre autant de temps ? » Quelqu'un aurait dû me dire cela au moins quinze ans avant que je me le dise à moi-même. J'ai joué à écrire beaucoup trop longtemps avant de m'y mettre sérieusement.

Quel est le conseil d'écriture que vous aimeriez faire passer ?

À quelqu'un qui n'a pas encore de contrat ? Vous pourriez ne jamais être publié. Si tel est le cas, aurez-vous le sentiment d'avoir gâché votre vie en ayant passé une grande partie de votre temps à écrire ? Si la réponse est oui, alors peut-être que vous envisagez la mauvaise carrière. Vous devez suffisamment aimer écrire pour que ce soit une fin en soit même si vous espérez en faire une passerelle pour autre chose, et que vous travaillez dans ce but. Et si vous aimez à ce point écrire, alors vous serez probablement publié.

Qui est l'écrivain qui a le plus d'influence dans votre vie ?

Il n'y en a pas qu'un. J'ai lu des choses différentes pour apprendre des choses différentes. Jane Austen pour la subtilité et l'ironie ; Heyer pour la romance ; G. R. R. Martin pour la narration épique ; Jenny Fallon pour le divertissement exubérant et le rythme ; Karen Miller pour les dialogues ; Guy Gavriel Kay pour le savoir-faire en matière d'atmosphère et d'histoire ; Hobb pour les personnages ; les auteurs de romans policiers pour les intrigues compliquées ; les gens primés pour la prose lucide ou le lyrisme... Je pourrais continuer encore et encore.

Quels sont vos projets en matière d'écriture ?

Écrire jusqu'à ma mort. Sur mon lit de mort, je veux gribouiller les grandes lignes d'une nouvelle intrigue.

Quel est LE livre que tous les aspirants auteurs doivent lire, selon vous ?

Aucun en particulier. Nous apprenons tous de manières différentes. Ce qui inspire une personne pourra paraître ennuyeux à une autre. Mais ceux qui veulent devenir auteurs devraient lire beaucoup, et pas seulement dans leur genre. Je ne peux pas insister suffisamment là-dessus. Ils devraient sans aucun doute lire le genre de livres qu'ils veulent écrire – ils devraient connaître le terrain sur lequel ils veulent se lancer. De temps à autres, vous entendez des auteurs de fantastique reconnus dire – en général avec une pointe de mépris – qu'ils ne lisent plus le genre. Eh bien ça se voit. Ils écrivent encore et toujours la même chose, et le monde continue de tourner sans eux.

Prenez un peu de temps pour parler de vos livres et de votre manière d'écrire : les thèmes autour desquels vous tournez, pourquoi vous avez écrit ces histoires précisément, pourquoi vos personnages sont ce qu'ils sont, et comment ils reflètent des éléments de vous-même. Qu'est-ce que vous espérez que vous lecteurs gagneront / ressentiront à la lecture de vos livres ?

Avant toute chose, je veux raconter une histoire fascinante. C'est primordial, et tout le reste en découle. Mais je veux aussi raconter des histoires importantes. C'est pour cela que j'ai touché à toutes sortes de thèmes : les confrontations culturelles, l'intolérance, les énigmes religieuses, les horreurs de l'extrémisme, le paradoxe de la faiblesse de la modération, l'ironie de la vie, et par-dessus tout, les problèmes qu'implique le fait d'être un exclus. Parce que j'ai passé ma vie entière à être une étrangère qui regarde par la fenêtre à l'intérieur, le nez appuyé contre la vitre, à me demander comment m'intégrer, ou même si j'en avais vraiment envie.

Ce que j'aimerais que le lecteur d'un de mes livres fasse ? Qu'il s'immerge dans l'histoire, et qu'il profite du voyage. Qu'il ferme le livre à la fin en se sentant satisfait. Et ensuite, peut-être, qu'il commence à réfléchir...

Article originel, par Karen Miller, le 1er janvier 2008.


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