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Un entretien avec Christophe Lambert !
Par Gillossen, le vendredi 19 septembre 2008 à 14:01:10
Tout d'abord, un concours - attention, il se termine dimanche !, puis bien entendu la critique du roman en question, et maintenant... l'interview de l'auteur !
Christophe Lambert a en effet aimablement accepté de répondre à nos questions, et voici le résultat de cette session désormais en ligne, à portée de clic ! Au passage, n'hésitez donc pas à faire un petit tour sur le blog officiel de l'auteur, que celui-ci met personnellement à jour.
Et bonne lecture !
Questions pour Christophe Lambert
Tout d’abord, à la lecture du 4eme de couverture, une question s’est imposée : mais comment peut-on imaginer une telle histoire ! Pouvez-vous nous parler de sa genèse ?
C.L. : Hum, cela s’est étalé sur plusieurs années. Comme je l’écris dans la postface, tout est parti de deux mot griffonnés dans un carnet de notes : « platoon elfique ». J’avais une image en tête : des Elfes, dans la jungle du Viêtnam, accompagnés de GIs américains. Il y a souvent une notion de contraste à la base de mes histoires : les robots et le D-day dans LA BRECHE, les Zoulous dans les rues de Londres pour ZOULOU KINGDOM… Le projet est resté à ce stade embryonnaire pendant quatre ou cinq ans, dans un tiroir. Je me disais : « Les Elfes, la jungle… ouais, c’est sympa, mais qu’est-ce que tu veux raconter, au fond ?». Je n’en savais rien. Puis j’ai vu WINDTALKERS de John Woo, et ça m’a donné envie de déplacer mon « high concept » durant la période de la Seconde Guerre Mondiale… donc au moment même où Tolkien était en train de rédiger son œuvre maîtresse. Et là, tout s’est enchaîné : le créateur de la plus mythique quête de tous les temps lui-même embarqué dans un voyage en territoire hostile… Avec tous les jeux de miroirs que cela ouvrait, mon point de départ devenait toute suite plus intéressant. Après, le boulot a été le même que sur n’importe quel roman : documentation, personnages, structure, thèmes. Il faut tout doser, agencer... C’est de l’artisanat. De l’horlogerie.
Vous publiez très régulièrement, parfois plusieurs fois dans la même année. Comment faites-vous pour tenir un tel rythme ? Avez-vous toujours plusieurs idées d’avance, n’avez-vous jamais de panne d’inspiration ?
C.L. : J’ai toujours des idées d’avance qui mûrissent dans un tiroir (voir question précédente). Les moins stimulantes finissent par se dissoudre toutes seules. Le temps est un bon test pour mettre à l’épreuve le potentiel d’une idée. Quant aux histoires en cours de rédaction, j’écris tous les jours, cinq jours par semaine, inspiré ou pas. Il n’y a pas de mystère : quand faut y aller, faut y aller.
Vous excellez également dans plusieurs genres littéraires. Lequel a votre préférence, et si ce n’est pas la fantasy, quelle place lui accordez-vous ?
C.L. : J’ai longtemps gravité autour de la SF, en particulier avec l’excellent Denis Guiot et la collection « Autres Mondes ». En ce moment, j’avoue que je n’ai plus trop d’idées typiquement SF. Je n’ai pas envie de retomber dans les messages déjà délivrés maintes fois (« il faut préserver l’environnement », « le libéralisme, c’est pas bien », « les médias, tous des vendus ! ») mais je ne trouve rien d’original. Je suis plutôt attiré par le roman historique, d’où mes uchronies successives au Fleuve Noir. Je pense que l’envie de prospective reviendra, mais pour l’instant, j’essaie d’explorer d’autres choses. Ma culture littéraire en fantasy est assez faiblarde : le SDA est seul roman qui m’a vraiment scotché (j’ai essayé Leiber, Gemmel, Zelazny et quelques autres sans devenir pour autant un aficionado). Et la fantasy tient une place assez marginale dans ma production (deux romans sur quarante, à savoir « Le dernier des Elfes » et « Sur les ailes du ryu »), un peu comme le polar. J’aime beaucoup le fantastique « horrifique » en général et celui de Stephen King (années 70-80) en particulier…
Que représente pour vous J.R.R Tolkien, qui occupe ici une place centrale dans ce roman ?
C.L. : J’éprouve beaucoup de tendresse pour Tolkien, je crois que cela se sent dans mon écriture. Pour moi, il est de la même famille que les grands créateurs de l’école franco-belge : Hergé, Jacobs, et c°. Ils avaient tous un côté « gentleman » artisan, avec une morale plutôt, on va dire, conservatrice. Tolkien, c’est Mr Tout-le-Monde doublé d’un chaman en prise directe avec l’inconscient collectif de l’humanité. La banalité de sa vie est proportionnelle avec la puissance de son œuvre. C’était un amateur au sens le plus noble du terme, un amateur génial. Quand on songe qu’il a écrit son chef d’œuvre durant ses moments de temps libre, lorsqu’il avait fini de corriger ses copies… et que cela a donné naissance à genre tout entier, voire à une véritable industrie ! Là, encore quel contraste !
Une chose est sûre, le personnage de Tolkien n'est pas là pour faire de la figuration. Comment l'avez-vous appréhendé ? Quelles recherches avez-vous faites ? On imagine que vous vous êtes plongé dans ses lettres !
C.L. : J’avais déjà lu plusieurs fois la biographie d’Humphrey Carpenter que j’avais trouvé très éclairante à bien des niveaux. Mais, en effet, je dirais que c’est la correspondance du professeur qui a été ma « bible » durant la rédaction du Commando. Après avoir lu des centaines de lettres étalées sur plus de cinquante ans, on commence à avoir une idée assez précise du bonhomme. Si j’ai choisi l’angle du questionnement religieux pour camper « mon » Tolkien, c’est parce que cette problématique correspondait aux thèmes du livre : le créateur d’histoires démiurge, la possibilité d’un « grand scénariste » qui donnerait un sens au chaos de nos vies, etc. Je ne sais pas si la foi de Tolkien a vacillé dans la vraie vie (ça ne transparaît pas dans sa correspondance, en tous cas), mais j’avais besoin de ce questionnement dans ma FICTION !
Quel est votre premier souvenir marquant de lecture ?
C.L. : Les DAVY CROCKETT de la Bibliothèque Rose. Je jouais beaucoup au trappeur quand j’étais gosse.
Vous vous êtes beaucoup illustré dans le domaine des œuvres estampillées jeunesse. Faites-vous une différence avec les parutions destinées aux adultes ?
C.L. : Quand je travaille en « jeunesse », j’écris pour le gamin que j’étais à treize ans ; quand je travaille en « adulte », j’écris pour le gamin que je suis actuellement. Il y a toujours une dimension ludique dans mes bouquins. Finalement, on ne cesse de jouer.
Vous avez étudié le cinéma, êtes-vous toujours un grand amateur… Ce média a-t-il influencé votre carrière d’écrivain ? Que ce soit sur le fond ou la forme !
C.L. : Oui, cinéma, séries télé, BD… c’est ma culture, je viens de là. J’ai une imagination plus visuelle que littéraire. Je découpe mentalement les scènes tout en écrivant, et cela donne ce résultat « cinématographique ». Mes phrases sont conçues pour véhiculer des valeurs de plans. Une phrase coute - sur une main qui saisit un objet, par exemple - fera immédiatement penser à un « insert ». Le rythme des phrases, les césures et la disposition des différents paragraphes aident également à créer ce « film mental »… Mais j’essaie aussi de travailler sur le ressenti, l’intériorité des personnages ainsi que leur perceptions sensorielles, outils qui sont plus typiquement « littéraires ». D’où ce résultat un peu bâtard, espèce de scénario fantasmé.
Qu'appréciez-vous le plus d'ailleurs dans l'écriture ?
C.L. : Le fait d’être tranquille, chez moi. Le fait de maîtriser mon truc de A à Z, sans devoir faire des compromis en fonction du budget, des acteurs ou des impondérables d’un tournage, etc.
Avec une carrière comme la vôtre, êtes-vous encore sensible aux critiques de vos romans, ou cherchez-vous avant tout à vous faire plaisir ?
C.L. : Le plaisir de créer est mon vrai moteur, c’est sûr. Le plus dur est de garder l’enthousiasme de départ intact durant les longs mois de rédaction. Sinon, comme tout auteur égocentrique qui se respecte, je « googlelise » mon nom régulièrement. Quand on dit des choses gentilles sur mon travail, je suis de bonne humeur. Quand les gens n’aiment pas… ben, je suis de moins bonne humeur. Normal. Mais c’est bien, ça aide à se remettre en question… Les critiques sont plutôt bonnes dans l’ensemble. Quand je vois ce que mes deux homonymes prennent dans les gencives, sur le Web, je m’estime content !
Comment se passent vos relations avec le Fleuve Noir ? Qu’est-ce qui vous a plu chez cet éditeur ?
C.L. : Je ne voudrais pas tomber dans le « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » mais… ça se passe très bien ! Bénédicte Lombardo, mon éditrice, m’apporte une grande liberté et une grande confiance. Elle a un bon « œil », c'est-à-dire qu’elle ne fait pas douze mille remarques sur les textes, mais elle pointe tout de suite les endroits un peu faiblards. Et, dans les moments de doute, elle est toujours là pour me rebooster le moral. Que dire de plus ? Estelle Revelant, notre attachée de presse, est super. Depuis un an, le service « international licensing » est très dynamique (vive l’Espagne ;-)… Non, vraiment, ça roule quoi.
Côté lectures, quel est le dernier roman, ou plus généralement ouvrage, à vous avoir véritablement enchanté ? Auriez-vous des recommandations pour nos lecteurs ?
C.L. : Je suis dans la trilogie MILLENIUM, comme tout le monde (et je trouve ça très bien, comme tout le monde… enfin, une fois passées les cent laborieuses premières pages). Et dans le métro, en poche, je lis « Une situation légèrement » délicate de Mark Haddon. Génial : une sorte de « Six feet under », en plus british. Drôle et émouvant.
Quelle place occupe selon vous internet, de nos jours, dans la « stratégie » de communication des éditeurs, des auteurs ?
C.L : Pour ma part, j’essaie de mettre à jour mon blog régulièrement. J’ai aussi essayé de créer un petit « buzz » autour du Commando sur certains forums dévolus à Tolkien, et c’était amusant de voir les puristes démarrer au quart de tour. Pour le reste, cela dépasse ma sphère de compétences. Je ne sais pas trop comment la maison d’édition gère les « nouveaux médias ». C’est vrai qu’il y a de plus en plus de partenariats avec les sites spécialisés, comme le vôtre. De toutes façons, vu que la télé ne parle jamais (ou presque) de littérature SF, on est forcé d’emprunter des canaux périphériques
Et, pour conclure, auriez-vous un message à faire passer à nos lecteurs en cette rentrée 2008 ?
C.L. : C’est dur, en ce moment, en librairies. Tout le métier vous le dira. Je lance ici un SOS : « Sauvez la biodiversité des auteurs » ! Ne vous limitez pas aux poids lourds de l’édition, déjà best-sellers avant d’être mis en vente. Faites marcher le bouche à oreilles pour les poids moyens et les poids plume… Mon coup de cœur « pas connu » ? « A mille milles de toute terre habitée », par Ange, à paraître chez SOON mi-octobre. Si, comme moi, vous aimez les paradoxes et les pirouettes temporelles, vous allez vous régaler !!!
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