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Discussion entre Brandon Sanderson et Tom Doherty

Par Alice, le mardi 10 mars 2015 à 18:53:59

Brandon Sanderson et la Roue du Temps

Plus tard, Brandon discuta comment il avait découvert, tout jeune lecteur, la série "La Roue du Temps" et comment cela l'a mené à vouloir être publié par Tor.

SANDERSON : Je me souviens de ces petits demi-livres de L'invasion des ténèbres. J'étais déjà un fan alors mais ceux-là sont devenus des collectors parmi les fans.

DOHERTY : On en a donné plus d'un million. Je pensais que tout ceux qui le lisaient ne pourraient plus s'arrêter.

SANDERSON : Ouah. Un million ? Vraiment. C'est énorme.

DOHERTY : Ça l'était. Ce n'était pas vraiment un demi roman.

SANDERSON : C'était Shadar Logoth, je me rappelle. Ouah. Un million. C'est fou. Je veux dire, la plupart des auteurs n'ont pas un million de livres imprimés et Robert Jordan a un million de livres promotionnels imprimés. C'est simplement de la folie. Vous avez fait ça vers le troisième livre non?

DOHERTY : Ouais. Le premier livre s'est vendu à 40 000 exemplaires de poche. Nous l'avons lancé comme livre de poche, parce que peu de gens aujourd'hui font de grandes promotions sur les livres de poche. Nous avons fini par en vendre 40 000.

SANDERSON : Ce qui est très bien.

DOHERTY : Ce qui était très bien, oui. J'ai vécu le plus dur moment de toute ma vie avec la force commerciale quand, pour le troisième livre, je voulais faire une grande promotion pour les livres à couverture rigide. Ils disaient: Vous avez un gagnant ici. Pourquoi voudriez-vous changer?

SANDERSON : Vous voyez, en tant que lecteur, j'ai acheté "L'invasion des ténèbres" dans le format poche courant. Ma librairie l'a d'abord obtenu au format mass market paperback. J'étais un tout nouveau lecteur et tous les livres que j'avais lu jusque là avaient été des séries en progression que les gens me prêtaient comme David Eddings. Des choses fantastiques, particulièrement pour un adolescent. Et Tad Williams, et Terry Brooks. J'ai trouvé le cycle de Pern tout seul et je les adorais, mais c'était déjà fini. Je recherchais quelque chose à découvrir. Je ne voulais pas toujours être celui à qui on prête des choses que les autres avaient aimées. Quelles sont mes séries? Quand j'ai vu L'invasion des ténèbres, je recherchais quelque chose d'énorme, des bouquins épais parce que vous en aviez pour votre argent. C'était important, je n'étais qu'un môme qui n'avait pas beaucoup de monnaie dans sa poche. Donc j'ai acheté L'invasion des ténèbres et je l'ai lu et je me suis dit: Il y a quelque chose de vraiment spécial ici. Je pense que ce sera à moi.
Puis, ma librairie a eu un deuxième arrivage en livre de poche de luxe et j'ai dit: Ah ah! Je l'avais deviné ! Car, en tant que gamin, je me disais que ce livre avait été assez populaire pour que ma petite librairie soit capable de le commander en format poche de luxe. Puis, quand le troisième arrivage en grand format est apparu, j'ai pensé: Il y est arrivé, et je l'avais dit. J'étais comme le beatnik de La Roue du Temps, d'accord ? Je l'ai acheté et ça marche, c'est ma série, je l'ai trouvée et vous, tous les autres, vous n'avez rien vu. Même encore maintenant, je vais en dédicace et je demande: Qui l'a trouvé dans les années 1990 ? et j'obtiens des acclamations de tous ceux d'entre nous qui ont attendu 23 ans la fin de la série.

DOHERTY : C'est génial.

SANDERSON : Quand j'ai commencé à vouloir être publié et que j'envoyais des livres, je ne les envoyais réellement qu'à deux éditeurs. L'un était toi, comme tu étais l'éditeur de Robert Jordan et l'autre était Daw, j'aimais vraiment comment Daw gérait… Enfin, pour être honnête, je leur ai envoyé parce que beaucoup de leurs couvertures étaient de Michael Whelan et j'aimais ses couvertures.
Quand Moshe (Feder, l'éditeur de Sanderson) m'a finalement appelé, mon agent voulait que je négocie et que je le propose à d'autres éditeurs pour voir lequel m'offrirait le plus. Je ne l'ai pas laissé faire parce que je pensais: Une fois que t'es à Tor, tu ne vas pas ailleurs. Tu restes avec Tor. Une fois que tu es allé dans un restaurant français chic, tu ne redescends pas voir si tu ne fais pas une meilleure affaire avec McDonald's. Peut-être que oui, mais tu finis avec McDonald's au lieu d'un restaurant chic et sympa. Au lieu d'avoir un steak, tu finis avec un burger. J'avais déjà eu le steak, donc je suis allé à Tor. Et maintenant, assis dans cette salle...le lecteur ne peut pas le voir mais nous sommes à la proue du Flatiron Building. C'est l'un des immeubles le plus connu de la ville. C'était le Daily Bugle n'est-ce pas ?

DOHERTY : Oui.

SANDERSON : Si tu regardes les films Spiderman, tu peux le voir. Je me dis toujours: "Il y a le bureau de Tom". Je suis juste au bout de l'immeuble, je peux regarder toute la ville dehors. C'est le bureau le plus cool dans lequel j'ai jamais été.

DOHERTY : Ils m'ont dit qu'il avait été saccagé dans Godzilla.

SANDERSON : Godzilla atteint la fenêtre et expulse quelque chose à l'extérieur.

DOHERTY : Apparemment ils lui envoyaient des missiles (la scène sur Youtube).

SANDERSON : Il tient debout remarquablement bien pour quelque chose qui a été dynamité.

Brandon et Tom discutent du début la série "La Roue du Temps", de l'expérience de Brandon comme nouvel auteur de Tor et de ce qu'il a appris de Robert Jordan et de George R.R Martin en écrivant "Les Archives de Roshar".

SANDERSON : Donc après La Stratégie Ender, le deuxième livre Tor que je me rappelle avoir lu était L'invasion des ténèbres et les autres livres La Roue du Temps. Il y avait toutes ces rumeurs sur combien de livres il allait y avoir et ce qui était originellement prévu. Tom, le témoin de première main de ce lancement quand James Rigney arriva, je pense qu'on a besoin de te l'entendre dire: était-ce ce bureau juste ici?

DOHERTY: En fait, nous avions déjà fait trois livres avec lui : The Fallon Blood, The Fallon Pride, et The Fallon Legacy. Il les a écrits sous un pseudonyme.

SANDERSON : Oui, Reagan O'Neal.

DOHERTY : Ce devait n'être qu'un seul livre au départ. Il allait faire un énorme roman historique sur la révolution américaine, mais ça a fini en trois épais bouquins.
Quand il est arrivé et qu'il a déclaré vouloir faire une grande épopée fantasy, on a répondu: Oui, une grande épopée fantasy. Il a répliqué : Bon, ce sera peut-être une trilogie. Donc j'ai suggéré un contrat pour six livres et quand il a dit non, j'ai dit : OK, tu sais, si tu vas le finir en trois tomes, on fera juste une autre trilogie. Et il a répondu : D'accord, si tu insistes.

SANDERSON : Tu ne m'avais pas dit que, quand il a donné le pitch du premier tome, cela finissait exactement comme le troisième, avec l'épée qui n'en est pas une tirée d'une pierre qui n'est pas une pierre?

DOHERTY : En fait, non. Il ne m'avait pas donné de résumé détaillé mais je n'en avais pas réellement besoin parce qu'il avait fait un très bon travail avec la trilogie The Fallon et Harriet (McDougal, veuve de Robert Jordan et son éditeur) avait tout vendu. Harriet avait édité la trilogie The Fallon.

SANDERSON : D'accord. Elle a raconté l'anecdote comme quoi elle t'a appelé après avoir lu quelques chapitres de L'invasion des ténèbres et qu'elle a déclaré : Tu dois lire ça parce que, soit je suis tombé dans le piège de l'épouse après toutes ces années, soit c'est la meilleure chose que j'ai jamais lue. (Note: Harriet McDougal raconta la même histoire durant la conversation avec Tom Doherty).

DOHERTY : Je ne me souviens pas qu'elle ait dit ça, mais elle m'a appelé et a déclaré : Hé, c'est spécial. Je l'ai lu et c'était spécial. On a fait des choses avec ces livres qui étaient vraiment impressionnantes pour une petite maison d'édition indépendante.

Ceci mène à une discussion sur comment Brandon Sanderson, un auteur relativement nouveau, fut choisi pour compléter la série "La Roue du Temps" et comment son travail sur la série l'a aidé à écrire "La voie des rois".

SANDERSON : Je me rappelle la première fois que je suis venu te voir, quand Elantris était tout juste sorti. J'ai toujours été impressionné, parce que je n'étais personne et que tu avais lu mon livre. Il ne peut pas y avoir beaucoup d'autres éditeurs de grandes compagnies qui lisent autant de livres que toi. Pourquoi tu le fais ?

DOHERTY : Si j'ai un éditeur qui travaille pour moi, c'est parce que je suis convaincu que cet éditeur peut vraiment y contribuer. Moshe Feder était si enthousiaste à propos d'Elantris que je ne pouvais pas ne pas le lire. Et quand je l'ai lu, j'ai adoré.
Je pense qu'il est très clair que nous aimons réellement ce que nous faisons. Je ne suis peut-être pas objectif puisque je suis son éditeur, mais je pense que Robert Jordan a réellement créé l'une des plus grands épopées fantasy de tous les temps, une série brillante et tu l'as juste magnifiquement finie. Nous n'aurions jamais pu se tourner vers quelqu'un en qui nous n'avions pas une confiance aveugle, Brandon. Nous aimions ce que tu faisais. Ton travail nous disait : Oui, il peut le faire.

SANDERSON : Si tu n'étais pas le genre d'éditeur à lire tous les livres, tu n'aurais pas désigné quelqu'un comme tu l'as fait avec moi. Tu n'aurais pas pu dire : Donnez le à Harriet. Je me souviens qu'elle a dit t'avoir demandé de lui envoyer quelques-uns de mes livres. Et tu as répondu : Bien, je t'envoie Mistborn, au lieu d'Elantris. Je les ai lus tous les deux et Mistborn est le meilleur. Elantris est un premier roman. Le deuxième est meilleur. Tu savais ce que tu faisais en lui envoyant Mistborn et c'est ce livre qui l'a convaincue de me choisir. De beaucoup de façon, si tu n'avais pas été là les choses ne se seraient peut-être pas passées de cette façon.

DOHERTY : Mistborn est vraiment bien. On a pensé en faire une trilogie et puis tu en as écris d'autres.

SANDERSON : Oui. Je suis dans la tradition de Robert Jordan, non ?

DOHERTY : Oui, c'est vrai. Mais en tout cas, c'est une ambition plus restreinte que La voie des rois. Je pense que Les Archives de Roshar est une telle progression naturelle pour toi. Tu m'avais dit que tu avais continué les prévisions de Jordan.

SANDERSON : Oui, c'est une des choses importantes que j'ai apprises de lui.

DOHERTY : Si je me rappelle bien, tu as dit que tu avais en fait écrit un premier brouillon de La voie des rois en 2003, que tu avais eu des idées sur le chemin de retour du lycée et que, quand toi et Moshe parliez de ce que vous feriez après Elantris, tu n'étais pas complètement content de ce que cela donnait.

SANDERSON : Ce n'était pas encore assez bon. J'avais tous ces rêves en tête, ces aspirations à faire quelque chose de grand et de monumental comme "La Roue du Temps", mais je ne pouvais pas encore le faire. J'ai essayé, mais je ne pouvais pas jongler avec tous ces points de vue.
Ce que j'ai appris lorsque j'ai relu La Roue du Temps, sur le fait de travailler sur une série, c'est que Robert Jordan gardait tout réellement concentré dans les premiers tomes de la série. Il a étendu doucement les choses. Il ne vous envoie pas tout au visage avec vingt points de vue différents.
On avait quelque chose comme 70 chapitres en points de vue différents dans le dernier livre. C'est quelque chose qu'on doit construire durant des années d'écriture. Tu dois faire en sorte que le lecteur s'investisse dans les personnages principaux. Sans cet investissement, je n'aurais pas fait assez attention aux personnages secondaires.
C'est une affaire d'échelle, de portée et de construction de soi, plutôt que de commencer avec un livre énorme qui noiera tout le monde. C'est une des choses que je n'ai pas faites correctement dans mes premiers écrits. J'avais six personnages principaux avec des arcs narratifs et des caractères entiers. C'était trop. Tu ne pouvais réellement t'attacher à aucun d'entre eux. Lors de la correction, j'en ai supprimé trois, ce qui resserre vraiment le livre. Cela me donne la possibilité de délivrer la passion et de me concentrer sur ces trois personnages.

DOHERTY : Oui.

SANDERSON : Travailler sur les livres de Robert Jordan m'a permis de le voir. Ecrire The Gathering Storm, particulièrement, c'était comme aller à la gym et soulever des poids réellement lourds sans en avoir l'habitude. Soit tu t'y habitues, soit ils t'écrasent. J'ai dû m'y habituer très rapidement. Cela m'a beaucoup appris. J'ai davantage mûri cette année là que n'importe quelle autre dans ma carrière d'écrivain, excepté peut-être la toute première année où j'ai commencé à écrire.

DOHERTY : Quand je regarde Les Archives de Roshar, je remarque que tu aimes aussi aller voir un peu partout comme George R.R Martin. Ce sont les deux grands romanciers d'épopée de notre époque, Martin et Jordan.

SANDERSON : C'est une des grandes forces de George. Mais même lui n'a pas commencé avec beaucoup de personnages dans le premier livre. En fait, j'ai tenté d'apprendre de Robert Jordan et de George R.R Martin et de me dire : OK, quelles sont les choses auxquelles ils ont dû faire face? Il y a des barrières immenses quand tu crées une série aussi longue. Certaines choses sont difficiles. Qu'est-ce qui paraît avoir été difficile pour eux et qu'est-ce que cela m'apprend ?
J'ai souvent dit que j'avais un gros avantage par rapport à Robert Jordan: j'ai pu le lire, lui, non, en tout cas, pas de la même façon. Lire Robert Jordan m'a montré ce qui arrive quand on créé une grande série. Personne ne l'a fait avant lui, n'est-ce pas ?

DOHERTY : Non.

SANDERSON : Il n'y avait pas de série épique en fantasy de cette ampleur à l'époque. On avait des choses épisodiques comme le Cycle des Princes d'Ambre (de Roger Zelazny), qui est fantastique, mais ce sont de petits épisodes, ou L'arcane des épées de Tad Williams. Mais rien de l'envergue de La Roue du Temps.
J'avais la possibilité de regarder et de bénéficier de ce que Jordan avait fait. Après, il disait: Tu sais, je ne pense pas que je ferais le livre dix de la même façon si je devais le refaire encore. J'ai appris ceci et j'ai appris cela.
Quand j'ai commencé La voie des rois, j'ai vu ce que George R.R Martin faisait, allant dans d'autres lieux et donnant une vision étendue du monde. Ça rend tout épique. Mais si tu passes trop de temps à aller dans ces lieux, tu deviens distrait et tu ne peux pas te concentrer.
C'est pourquoi, lorsque je finissais une section de La voie des rois, j'ai créé ce que j'appelle des interludes, pour introduire la partie suivante dans laquelle on revient vers les personnages principaux. Mais il y a ces petites histoires entre chaque partie montrant l'étendue du monde. Voici ce qui se passe autour du monde. Maintenant, on se concentre là. On est distrait pendant un court moment, après un point final naturel puis on revient à l'histoire principale.
Cela me restreint et me fait dire: "OK, je peux seulement mettre tant de ces chapitres." Cela me permet de garder l'œil sur les personnages principaux. L'un de mes principaux buts en écrivant des séries est d'être capable de jongler avec ça. C'est dur.

DOHERTY : Je pense que tu as fait un travail particulièrement bon en conservant ce sentiment général d'épique avec moins de personnages. Tu n'en as que trois principaux: Kaladin, Shallan et Dalinar. Jordan en avait six, peut-être huit, cela dépend comment on les compte.

  1. Les débuts de TOR
  2. Brandon Sanderson et la Roue du Temps
  3. The Rithmatist

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