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Aujourd’hui en salles : les Boxtrolls !

Par Gillossen, le mercredi 15 octobre 2014 à 13:00:00

Dans les coulisses de Laika

À 1500km d’Hollywood, l’art et la technologie ont trouvé un terrain d’entente afin de faire entrer dans le XXI° siècle un procédé de film aussi vieux que le cinéma lui-même.

À Hillsboro, à la sortie de Portland, chez Laika, le fantastique et le quotidien partagent le même sens du détail. Les techniciens les plus pragmatiques, avec leur vision précise et acérée, travaillent main dans la main avec les artistes les plus rêveurs, les yeux perdus dans les étoiles. Les spécialistes de la stop-motion étaient par le passé des nomades qui allaient de films en films exercer leurs talents. Beaucoup viennent d’ailleurs d’Angleterre qui a toujours été friande de ce genre cinématographique. En Orégon les studios Laika offrent à ces artistes un havre de paix solide au sein d’une entreprise qui fonctionne comme une famille. Une aubaine pour les techniciens numériques dans le contexte chaotique qui a récemment entouré l’industrie des effets spéciaux. La douzaine de studios, les bureaux adjacents, les ateliers et les entrepôts s’étendent sur 1 km2 de bâtiment, sans compter l’annexe (construite à posteriori) de l’autre côté de la rue, réservée au staff administratif et aux ressources humaines. La partie créative est nichée dans les étages tandis qu’au rez-de- chaussée, les ateliers abritent les équipes techniques.

À vrai dire on se croirait dans la caverne des Boxtrolls : Une sorte de bazar géant, où les étagères ploient sous le poids de centaines de têtes consciencieusement alignées à côté de boîtes contenant la batterie de leurs sourires ou leurs paires d’yeux respectifs, le tout dans un fatras de colle, d’écrous et de boulons, saupoudrés de paillettes et de tulle... Chacun travaille sur place afin d’être prêt en cas d’urgence, et tout ce petit monde se croise dans un hangar de la taille d’un terrain de foot. Avec des gants de latex et des bouteilles de désinfectant partout, on se croirait dans le laboratoire d’un scientifique fou comme celui d’Hubert Trubshaw dans le film, où l’assemblage aurait supplanté la dissection. Si un objet tombe avec fracas la tradition veut que tout le monde applaudisse. S’il se casse, par contre, c’est silence total...pas pour longtemps étant donné qu’il y a toujours le département son au travail, pas loin ...

Si tous les départements travaillent main dans la main, la base reste la création artisanale. La plus belle réussite d’hybridation entre effets spéciaux et artisanat dans le film est l’abolition des contraintes spatiales. Lors de la poursuite sur les toits, quand Œuf dévale l’échelle pour arriver dans la rivière, tous les décors (même l’eau et les reflets) sont concrètement créés à la main, l’espace lui est démultiplié numériquement. Des tableaux de service, de près de 3m, encadrent des allées débouchant sur les studios, indiquant le stade du travail en cours, une lampe rouge gardant l’entrée de chaque plateau, lui-même protégé derrière de lourdes et gigantesques tentures. L’air conditionné tempère ce fourmillement d’activité et surtout la chaleur de l’éclairage digne d’un stade. Il sert aussi à empêcher les matériaux de s’altérer. Le plus surprenant est de constater les dommages que peuvent occasionner les variations thermiques sur le simple sol des décors. Personne ne peut se permettre que cette base pour tout le travail se modifie. En plus d’être stabilisé par la température ad hoc, ce dernier est également jonché de balles de tennis empalées sur toutes les structures métalliques qui dépassent pour protéger les animateurs qui passent des heures dessus, à ramper et se contorsionner en tous sens et de sacs de sables pour maintenir les câbles en place.

Les plans sont pris deux fois par le même appareil car les Canon 5D, utilisés pour la 3D, font l’office d’un seul œil. Grâce aux avancées technologiques ces appareils ne sont plus lourds, et rendent leur manipulation aussi fluide que pratique. La concentration est évidemment de mise et on n’interrompt jamais un plan.

La pause de midi est néanmoins sacrée, ainsi que ses œufs bios fournis par l’éclairagiste Richard Malinocovski. Œuf (Isaac Hempstead) en guise de clin d’œil, lui a fait la surprise de faire livrer du fromage frais afin que toute l’équipe puisse se régaler. L’aboutissement du travail est savouré avec des frissons de délice, à la fin de la semaine, lors de projections pour l’ensemble de l’équipe. Une frénésie orchestrée savamment pour faire oublier au spectateur qu’il s’agit d’un laborieux travail d’animation.

Edie Ichioka la monteuse du film est la femme du producteur David Bleichman Ichioka. Elle a commencé son travail dès 2011, bien avant que les scènes ne soient tournées, en se servant des story-boards et des essais vocaux du film comme d’un canevas. Le principe de la stop-motion impose une rigueur particulière. Rien n’est laissé au hasard. Au fur et à mesure que les scènes se tournent, elle les remplace sur son canevas. Le fait d’utiliser des appareils numériques, lui permettait d’avoir accès à une multitude d’angles de prises de vues afin de pouvoir choisir celles qui servaient le mieux son propos. Mais c’est avec le réalisateur que les décisions finales étaient prises. Le vrai « problème » était la qualité extraordinaire de l’interprétation vocale des comédiens. Il était parfois très dur de choisir entre telle ou telle prise. La bande originale du film composée, par l’oscarisé Dario Marianelli, constituait également un des éléments principaux pour déterminer le rythme du film. Les arrangements sonores de Ren Klyce et Tom Myer ont ajouté le côté mécanique, propre aux Boxtrolls. À grand renfort de boîtes de conserve, d’ampoules et de scies, la sonorité du film a pu trouver son identité propre.

Les magnifiques dessins de Michel Breton qui ont servi de modèle pour les arrières plans et les décors ont été intégrés au générique de fin, et en 3D. Chez Laika on sait rendre hommage au talent, et il serait dommage que tout le monde n’en profite pas. Tous avouent ressentir une grande fierté après toutes ces années de travail, d’expérimentation et d’innovation, en voyant le degré d’excellence auquel ils sont parvenus à hisser leur art. Mais le vrai plaisir est avant tout de le partager avec le public. Travis Knight conclue : « Nous espérons que le public aura autant de plaisir que nous en avons éprouvé au cours de ce beau voyage que représente Les Boxtrolls, et qu’ils en garderont un peu de la quintessence au fond de leurs cœurs».

  1. Synopsis
  2. Une étape après l'autre
  3. Déballage de cartons
  4. Boîtes vocales
  5. Bobines
  6. Dans les coulisses de Laika

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