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Fantastic Mr. Fox, dans les salles cette semaine !

Par Gillossen, le 18 février 2010 à 16:51

Tout un univers

Dans chacun de ses films, Wes Anderson adopte une approche pragmatique de la direction artistique et du design pour créer un mélange inimitable de costumes délicieusement démodés et de décors très élaborés. Fantastic ne fait pas exception.Allison Abbate : « Wes est un visionnaire, il a toujours une idée très précise de ce qu’il veut voir à l’écran. Il fait très attention aux détails et s’implique dans la création des costumes et du moindre élément de décor. Tout ce qui est dans le film porte sa marque. »L’apparence d’un des ouvriers de la ferme est par exemple basée sur une peinture à l’huile du XVIIe siècle qu’il a vue dans un restaurant en Allemagne.
Jeremy Dawson : « Nous étions en route pour Prague quand Wes a aperçu ce tableau au fond du restaurant. Nous avons pris des photos, et nous nous en sommes inspirés pour créer le personnage d’Earl Malloy. Il adore réutiliser des choses qu’il découvre par hasard dans sa vie de tous les jours. Pour la cuisine de Madame Bean, il s’est par exemple inspiré du carrelage d’une boulangerie parisienne qui se trouve près de chez lui, et de la salle à manger du restaurant St John de Smithfield, à Londres. Il essaye d’utiliser dans ses films tout ce qui attire son regard. »
Le chef décorateur Nelson Lowry, qui a travaillé sur le film d’animation image par image Les Noces Funèbres, note : « Wes adore s’inspirer de ce qu’il voit chaque jour, et cela a vraiment apporté quelque chose de nouveau et d’intéressant parce que c’est une démarche plutôt rare dans le cinéma en image par image. Dans ce genre de films, puisque tout est possible, on s’inspire rarement de ce qu’on voit au quotidien, en général tout est entièrement inventé. On peut dire bien sûr que quelque part, nous sommes tous influencés par notre environnement, mais Wes en est bien plus conscient et il s’en inspire volontairement. Il est beaucoup plus créatif que la plupart des gens. Il prend un élément par ci, un élément par là, et en assemblant ce qui de l’extérieur peut ressembler à un catalogue désordonné d’influences et de références, il crée des univers qui n’appartiennent qu’à lui. »
Contrairement à beaucoup de chefs décorateurs qui pourraient trouver déconcertant de travailler avec un réalisateur doté d’une vision aussi spécifique, Nelson Lowry a trouvé cette expérience libératrice. Il explique : « En général, les réalisateurs ne savent pas très bien ce qu’ils veulent. Avec Wes c’est tout le contraire. Il sait précisément quelle cuillère il veut voir, et s’il l’ignore, il sait laquelle il ne veut pas voir. » Nelson Lowry a commencé son travail sur Fantastic Mr Fox en étudiant les précédents films de Wes Anderson pour relever des points communs dans les décors et l’aspect visuel en général. Il confie : « Le code visuel de Wes est très difficile à décrypter.
J’ai regardé tous ses films en faisant des centaines de captures d’écran que j’ai accrochées sur les murs de mon bureau et étudiées pour trouver des points communs. En dehors du fait que son cadrage est extrêmement important, j’ai remarqué certaines combinaisons de couleurs, de textures et de motifs qui se trouvaient toujours aux mêmes endroits dans l’image. Comprendre cela m’a ensuite permis de relever différents objets ou références disposés selon ce schéma. Il m’a bien fallu trois ou quatre mois pour voir émerger un modèle global, mais c’était amusant.

C’était un peu comme un grand puzzle, je devais retrouver toutes les pièces et les placer aux bons endroits. »Avec une équipe d’une douzaine d’illustrateurs travaillant soit sur les personnages, soit sur les décors, Nelson Lowry s’est mis à créer le monde de Fantastic Mr Fox, en commençant par Mr Fox lui-même. Le chef décorateur raconte :« Les décors devaient être faits en fonction du personnage principal pour former un ensemble cohérent. Nous avons donc fait peu de choses avant d’avoir une idée bien précise de l’apparence de Mr Fox et des fermiers. »Wes Anderson voulait que les personnages animaux soient plus humains qu’animaux. Il souhaitait les voir marcher debout, porter des vêtements bien coupés, et avoir des proportions humaines.
Nelson Lowry : « Comme il pensait à ses personnages comme à des vrais acteurs humains, il leur a donné une apparence très anthropomorphe. D’une forme animale au départ, Mr Fox a évolué vers des proportions humaines avec des épaules carrées et de longues jambes. »Mark Waring, superviseur de l’animation: « La première version de Mr Fox que nous avons dessinée et sculptée ressemblait beaucoup à un animal. Il avait les pattes arrière courbées comme un vrai renard et les épaules un peu voûtées. Il s’est redressé progressivement pour devenir de plus en plus humain. » Une fois de plus, Le Roman De Renard de Ladislas Starevich a beaucoup influencé l’apparence des personnages animaux. Nelson Lowry : « Wes était très inspiré par l’aspect un peu brut et très original des marionnettes de ce film. Elles sont à la fois étranges et très réalistes, et nous avons voulu retrouver la même sensation avec nos personnages. Ils ont un certain naturalisme ; ils conservent leurs traits animaux tout en étant stylisés, mais pas à la manière de personnages mignons de film pour enfants. Ils sont sophistiqués et plus adultes. Je me suis aussi inspiré de photographies d’animaux en costumes prises durant l’époque victorienne. Des petits chatons en train de prendre le thé et d’autres fantaisies de ce genre.
Elles mettent un peu mal à l’aise, mais on ne peut s’empêcher de les trouver fascinantes. On retrouve donc un peu ce sentiment dans l’aspect de nos personnages. »Les dessins de Félicie Haymoz, une jeune illustratrice belge, ont aidé Nelson Lowry à déterminer l’apparence définitive de Mr Fox et des autres personnages. « Elle n’a qu’une vingtaine d’années, mais son travail a été déterminant. Elle a un style bien à elle que Wes aime beaucoup, et elle est capable de recommencer encore et encore le même dessin pour trouver exactement ce qu’il veut, et d’en faire ensuite quatre ou cinq variations. En tant que réalisateur et concepteur visuel – parce que je pense qu’il est les deux – Wes aime travailler à la carte, nous lui fournissions donc plusieurs versions de chaque dessin pour qu’il puisse choisir celle qui lui plaisait le plus. »
Nelson Lowry a aussi demandé à Donald Chaffin, l’illustrateur de la première édition de Fantastic Mr. Fox, de faire partie de l’équipe de conception visuelle du film. « Le livre de Donald Chaffin a beaucoup inspiré Wes quand il était enfant, et ses dessins sont restés gravés dans sa mémoire. »Une fois le design des personnages terminé, Nelson Lowry a concentré son attention sur les différents environnements du film. Avec la productrice Allison Abbate et le directeur de l’animation Mark Gustafson, le chef décorateur a visité plusieurs fermes d’élevage de poules, de dindes et de pigeons en Angleterre.

Allison Abbate : « Wes ne voulait pas que les fermes de Boggis, Bunce et Bean soient mignonnes et pittoresques, comme dans les contes de fées et les livres d’images. Il voulait des fermes réalistes avec des tôles ondulées, de la rouille, des pièces de machines agricoles et tout un tas de choses qu’on trouve dans les fermes modernes. »La plus grande source d’inspiration pour l’aspect visuel du film reste toutefois Roald Dahl lui-même, sa propriété à Great Missenden, et la campagne environnante.
Bean, qui ressemble à Roald Dahl possède une maison inspirée de la façade de Gipsy House, avec sa grande porte jaune et ses murs de briques blanchies à la chaux. La cuisine de Gipsy House à quant à elle servi de modèle pour celle de Mr Fox et sa femme. Le bureau de Mr Fox est une réplique miniature parfaite de la cabane d’écriture de Roald Dahl, avec son fauteuil, son mug, et même la boule de papier d’aluminium faite avec de vieux emballages de chocolats Kit Kat.
Nelson Lowry : « C’est un beau clin d’oeil d’avoir transposé son bureau et ses objets dans le film, une façon d’entretenir son mythe à l’intérieur même du film. »Le producteur Jeremy Dawson : « Il y a un peu de Roald Dahl dans Bean, et sa maison ressemble beaucoup à Gipsy House. Nous avons fait cela pour lui rendre hommage, parce que la maison est très belle, et aussi parce que c’était amusant. »Le hêtre de Mr Fox est aussi inspiré d’un arbre qui se trouvait sur la route de Gipsy House, et qui s’appelait l’Arbre des Sorcières.
Jeremy Dawson : « Sur la couverture du livre, il y avait un arbre énorme. J’ai dit à Wes que cet arbre existait vraiment et qu’il se trouvait sur le chemin qui mène à Gipsy House, et quand il est allé là-bas, la première chose qu’il a voulu voir a été cet arbre. Il était gigantesque, et malheureusement, ce vieux géant qui avait 150 ans est tombé l’année suivante. Maintenant, il repose à l’horizontale et son tronc et ses branches sont recouverts de ronces.C’est triste, mais dans le film il est aussi énorme et majestueux que dans le livre. »Nelson Lowry : « Quand je suis allé là-bas, j’ai pris un peu d’écorce de cet arbre pour en faire un moulage que j’ai ensuite utilisé pour créer l’écorce du hêtre de Mr Fox. »Contrairement aux films tournés en prise de vues réelles, tous les éléments d’un film d’animation image par image doivent être entièrement créés. Chaque personnage, chaque décor, chaque accessoire, chaque pièce de costume doit être fabriquée à la main avant qu’une seule image du film puisse être filmée.
Nelson Lowry : « Depuis les magazines miniatures, jusqu’au mini iMac et au supermarché rempli de nourriture, tout a été entièrement fabriqué. Avec ce genre de film, vous ne pouvez pas aller dans une boutique d’accessoires pour acheter ce dont vous avez besoin. Nous avons donc fabriqué des milliers d’objets et des dizaines de décors différents qui portent tous la marque et le style de Wes. Nous avons fabriqué environ 4000 accessoires et 150 décors. Cela a été un travail énorme. Environ 50 personnes travaillaient dans l’atelier : des charpentiers, des peintres, des mouleurs, des personnes qui faisaient des recherches...

Nous avons filmé presque tous les éléments que nous avons créés, ce qui est plutôt rare, entre autres parce que Wes n’oublie jamais rien. Quand un accessoire n’était pas utilisé ou retiré du film, il nous disait un peu plus tard : « Vous vous rappelez de cette table ou de ce décor, peut-être que nous pourrions l’utiliser ici. »Le scénario ayant besoin de grands paysages de campagne, les cinéastes ont construit d’immenses décors qui mesuraient parfois jusqu’à 12 mètres de long.
Nelson Lowry : « Nous avons utilisé différentes tailles de marionnettes. Certaines ne faisaient pas plus d’un centimètre de haut, et grâce à elles nous avons pu construire des décors miniatures qui auraient coûté trop cher à fabriquer grandeur nature. Cela nous a permis de créer des paysages gigantesques, il suffisait de prendre des personnages plus petits. Par exemple, pour une fusillade entre les personnages qui se déroule sur le terrain en dehors de la ferme de Bean, nous avons construit un grand décor qui faisait 7,60 mètres de long sur 5 de profondeur.
Tout était à l’échelle 1?2 avec des humains réduits de moitié et des animaux miniatures, et grâce à cela le décor avait l’air de faire 12 mètres de long. Cette astuce nous a permis de faire des décors plus grands, mais la construction des paysages était un véritable défi. »Le défi était d’autant plus grand que Wes Anderson avait stipulé qu’il ne devait pas y avoir de vert dans le film. Nelson Lowry : « La palette de couleurs du film est très restreinte, il n’y a que des jaunes, des jaunes moutarde, des rouges et des beiges. C’était très étrange parce que nous devions représenter un tas de choses qui n’entraient pas dans cette palette de couleurs. Mais nous avons fini par trouver une formule très efficace : tout ce qui aurait dû être vert est beige ou ocre dans le film. Bien sûr, il y a plein d’autres couleurs, mais Wes nous a tellement poussés dans cette voie que le film a un look très automnal.
C’est un monde étrange et merveilleux, un monde de livre de contes. Je suis très fier du travail que nous avons réalisé avec mon équipe, les décors sont absolument charmants et leur niveau de détail les rend encore plus agréables à regarder. Ils sont d’une richesse et d’une profondeur incroyables, il y a énormément de choses à voir. Il y a aussi une certaine étrangeté, mais c’est une étrangeté que l’on embrasse et que l’on accepte volontiers, et qui donne au film un charme irrésistible. Wes a créé quelque chose de très original et d’intense.»

  1. Synopsis
  2. Tradition et modernité
  3. Des renards qui donnent de la voix
  4. Tout un univers
  5. Tournage
  6. Et finalement...

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