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[Compte-rendu] Conférences sur le Seigneur des Anneaux et la théologie

Par Foradan, le dimanche 25 mars 2012 à 20:43:09

La nature du corps des anges : Gandalf et le balrog

Parmi les cas de personnages dont la représentation est embarrassante, il y a Sauron tel qu'il se présente au Troisième Age : peut-il n'être qu'un œil flottant dans l'air ? Il possédait un corps avant de perdre l'Anneau, or la tradition veut que les anges soient incorporels ; si les maiar sont différents sur ce point, comment les observer au regard de la tradition chrétienne ?

La nature des anges

Dans ses Lettres (pages 146, 193, 198, 201, 202, 235, 237, 243, 284 et 341 pagination anglaise), Tolkien utilise plusieurs termes pour désigner les ainur, puisqu'il ne trouve pas de strict équivalent : ils sont qualifiés de "Dieux, dieux, anges, saints". En tant que saints, ils peuvent avoir un corps, mais l'incarnation est plus complexes s'ils sont anges ou dieux, voire des dieux angéliques.

Gandalf est désigné (L. page 202 et 237) comme un ange incarné, un "agelos", un envoyé-messager.

Donc, d'un point de vue interne au Légendier, les ainur sont des Esprits, les Puissances d'Arda D'un point de vue externe, on peut retenir le modèle de l'ange selon la classification de la hiérarchie céleste.

Ainsi, les valar et maiar sont "dieux" en fonction, non en théologie (L. page 284), ils ont une fonction d'exercer une autorité déléguée dans leur domaine, comme les dieux mythologiques, mais aussi comme les anges, assimilés aux éléments : le concept d'ange "spécialisé" est compatible avec le Légendier et la tradition.


L'Ainulindalë raconte comment Eru (the One) a créé les ainur (the holy Ones), "l'Un" et les "Uns bénis" dans une unité et une unicité respective : comme les anges chrétiens, chacun est unique, chacun est un dans un tout. L'ange est un esprit dont la fonction est d'être messager (Saint Augustin)

Dans Les contes et légendes inachevés, le passage dédié aux Istari nous permet une tentative d'approche via la hiérarchie céleste du Pseudo-Denys l'aréopagite : la première triade des anges permanents auprès de Dieu (Séraphins, Chérubins et trônes) pourrait convenir aux ainur qui ne sont pas descendus dans le monde la deuxième triade des pouvoirs, seigneuries et puissances correspond aux appellations des aratar, valar et maiar la troisième triade, celle des anges, archanges et principautés est celle qui convient le mieux aux "envoyés, messagers", ceux qui ont un contact avec le monde : c'est la fonction qui fera la diférence.

Le rapport au corps et à la chair

Lettres pages 259 et 285 : les valar et maiar ne sont pas incarnés naturellement, c'est leur désir de prendre une forme visible en revêtant un corps comme un vêtement ; on notera que ce corps peut avoir tout aspect puisque Yavanna avait l'apparence d'un arbre, mais les maiar sont plus enclins à "prendre corps" que les valar. Leur aspect comprend une forme visible en guise d'habillage et une majesté de l'être qui est masquée par le corps pour être supportable par les êtres inférieurs (revoyons l'exemple de Tuor, écrasé par la présence majestueuse d'Ulmo).

Dans Vinyar Tengwar 39, on apprend que le port habituel de l'habit corporel conduit à s'en servir comme les autres êtres de chair, alors que que d'autres ne boivent qu'une fois par année valinorienne, Melkor est le seul aratar totalement incarné.

Parmi les maiar assumant leur corps de chair, il y a Melian de Doriath et Gandalf dont on sait qu'il s'est affirmé vers l'an 1000 du 3° Age. D'ailleurs, quand Gandalf devient "le blanc", et que Gwaihir le trouve, son corps est translucide et léger, en renaissant hors du temps et de la pensée, plus puissant et immortel, en perdant le corps qui masquait sa véritable nature, il a redécouvert des savoirs oubliés.

Les balrogs sont des maiar maléfiques dont on ne sait pas si l'apparence physique est fixée. Sauron est décrit dans le miroir de Galadriel comme un œil unique, jaune comme celui d'un chat, (ce qui ne manquera pas de rappeler Tevildo dans Les contes perdus) entouré de flammes, mais Gollum dit avoir vu la main a quatre doigts. Au premier Age, il changeait de forme à l'envie (même si Huan l'a vaincu), puis il prend une forme avenante au deuxième Age pour tromper les forgerons d'Eregion et Ar-Pharazôn. Après l'akallabeth, il prend l'apparence de la haine et du mal et en perdant l'Anneau à cause d'Isildur son esprit s'enfuit avant de reprendre forme en volant le corps d'autrui (HoME 10, certains y verront une ressemblance avec Voldemort de JK Rowling). A chaque défaite, il a de plus en plus de mal à vêtir son esprit.

Sur la distinction entre l'incarnation et l'incorporation, la chair pour vivre et mourir et le corps de fonction, les citations de Tertullien, Origène et Saint Augustin nous propose la distinction du corps palpable et du corps subtil, de la chair permanente du Christ et du corps temporaire des anges : les istari ne peuvent plus changer de corps tandis que le corps des valar est subtil : les istari sont des anges incarnés.

Voyez ce qui se passe à la mort de Sauron et de Saruman, leur corps est détruit mais quelque chose est emporté par le vent.

Sauron est-il un mal incarné comme Melkor ?

Selon Saint Paul, le corps est une pluralité de membres dont l'unité réside dans la soumission à l'esprit, le péché survenant quand des envies de ces membres outrepassaient l'esprit. Sauron n'est pas décrit comme un, on ne parle que de ses membres qui représentent sa volonté : son œil prolongé par les Nazgûl, son bras, sa main (les orcs), son doigt (Saruman), sa bouche (pour le coup, incarné par un sous fifre). Sauron est éparpillé dans ces membres et également dans l'Anneau, c'est l'Anneau qui cherche Sauron le premier. Sauron est un diable qui disjoint, concentré dans l'Anneau et dispersé au-dehors.

Tandis que Melkor s'était totalement incarné en Morgoth (au point que ses blessures ne guérissaient pas) et a dilué sa malice et sa volonté dans la perversion d'Arda ; Sauron a préféré concentrer sa volonté malveillante dans l'Anneau quitte à disperser son corps : en perdant l'Anneau, il est ventilé par un souffle d'air, comme la mémoire fugace d'un désir d'ambition.

  1. Un conte de fées pour adultes ?
  2. La nature du corps des anges : Gandalf et le balrog
  3. L'ombre de la mort

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