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Un entretien avec Scott Oden pour Le Lion du Caire

Par Nak, le jeudi 18 avril 2013 à 14:00:00

LionA l'occasion de la sortie du Lion du Caire il y a quelques semaines maintenant, Elbakin.net a eu l'occasion de s'entretenir avec son auteur, Scott Oden, et de lui poser quelques questions sur sa façon d'écrire, ses inspirations littéraires, son mode de vie en tant qu'écrivain...
L'auteur a bien voulu se prêter au jeu et a répondu en toute franchise à nos interrogations diverses et variées.
Au passage, merci à Patrice Louinet pour avoir rendu cet entretien possible. Nous tenions aussi à nous excuser pour le retard accumulé quant à la publication de cette interview, même si celui-ci est en partie dû à des impondérables.

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L'interview traduite

Comment décririez-vous Le Lion du Caire ?
Je le conçois comme un roman de sword-and-sorcery historique ; on y retrouve les méchants diaboliques, la magie noire et l'action pure que l'on attend de la S&S mais le cadre de cette ambiance d'épées virevoltantes est le passé historique – c'est-à-dire le déclin des califes Fatimides d'Egypte, aux alentours du XIIe siècle apr. J.-C.
Comparé à vos travaux précédents, ce roman tient-il une place particulière dans votre cœur ?
Oui. Je le vois comme une maturation de mon travail. Mes deux premiers romans ont été écrits à l'improviste, instinctivement, et ça se voit (à mes yeux en tout cas). Le Lion du Caire est le premier livre que j'ai écrit à partir d’un cadre bien défini – 37 pages en interligne simple.
Est-ce qu'une raison spéciale vous a fait utiliser ce contexte particulier ?
Ah, la ville du Caire au XIIe siècle était la ville des Mille et Unes Nuits, un carrefour d'échanges, aussi misérablement sale qu'elle était fabuleusement riche. Il y avait le vilain vizir, le calife innocent, les magnifiques cavaliers et même les honnêtes esclaves. Et c'était le même cadre qu'a utilisé Robert E. Howard dans une de mes histoires favorites, Les Portes de l'Empire. Cette histoire, et l'histoire que REH a écrite à l'intérieur, ont grandement influencé Le Lion du Caire.
Pour promouvoir votre nouveau livre, votre éditeur français a fait la comparaison entre vous et Robert E. Howard. Est-ce que vous avez la pression ?
Non, pas vraiment. Le Lion du Caire a été écrit en imitant consciemment le style de Robert E. Howard, comme un hommage aux histoires avec lesquelles j'ai grandi ; des histoires qui m'ont conduit à essayer moi-même d'écrire au départ. Il y a de nombreuses petites références aux histoires d'Howard insérées dans la prose du Lion, que les fans de REH ne devraient avoir aucun mal à trouver. Pour être honnête, je suis flatté qu'ils aient fait la comparaison, mais j'espère que les lecteurs reconnaîtront que je ne suis pas Robert E. Howard. Je suis à peine dans l'ombre du grand homme.
Quel est votre aspect préféré de l'écriture ?
J'en ai deux en fait. J'aime l'aspect recherche, l'idée de creuser dans l'histoire pour trouver des faits qui peuvent ensuite donner des informations sur le passé de mes personnages ou sur l'intrigue. C'est agréable de penser que parfois un lecteur veut aller plus loin et va chercher quelque chose pour être sûr, parce qu'il pense que vous inventez un truc et qu'en fait il sera surpris de voir que c'est un fait historique. L'autre aspect que j'apprécie est la création, l'acte de créer quelque chose pour remplir une lacune dans l'enregistrement historique. Ça demande autant de recherche, mais ensuite vous devez plier votre imagination pour créer quelque chose d'historiquement valable qui vienne combler cette lacune. Il y a beaucoup de création pure dans Le Lion du Caire.
Plus précisément, comment arrivez-vous à équilibrer les moments intimes et les scènes d'action ?
Ce n'est pas facile. Les deux ont leur propre dynamique. L'action devrait être plus cinétique, écrite dans des phrases plus courtes et plus percutantes pour sembler brusques comme un coup paré. Elles peuvent contenir une certaine poésie, mais ça devrait être la poésie de l'acier. Les scènes intimes réclament aussi de la poésie mais d'un type différent. La structure des phrases dans les scènes intimes devrait être douce et fluide (à moins que la violence ne soit au cœur de la scène), presque langoureuse. Le coup et la parade des épées en pleine action trouvent leur pendant dans le dialogue de l'intimité. Les deux peignent des tableaux, mais là où l'intimité se sert du langage de Monet, l'action utilise celui de Frazetta.
Qu'est-ce que vous aimez dans la fantasy ?
Il y a une liberté dans la fantasy que je trouve très attirante – la liberté de créer avec un abandon téméraire les mondes dans lesquels les histoires trouvent leur cadre. Mais, comme Tolkien, je considère aussi la fiction historique comme un sous-ensemble de la fantasy. Dans la plupart des cas, c'est de la fantasy moins la magie la plus évidente, la fantasy des mondains. Mais, appelez-le Terre du Milieu ou Outremer, ça reste le travail issu de l'imagination d'un auteur pour conjurer la vie et pour la mettre en scène d'une façon telle que cela dépasse l'incrédulité du lecteur.
Est-ce qu'Internet est pour vous un outil important, comme moyen de communication avec vos lecteurs, pour faire des recherches, etc. ?
Oh, Internet est crucial de nos jours. Non seulement pour les recherches, comme vous dites, mais pour le réseau avec d'autres auteurs, lecteurs, éditeurs et agents. On peut trouver des livres rares sur des bibliothèques en ligne, on peut poser des questions à des autorités sur des myriades de sujets et recevoir des réponses plus vite qu'on ne l'imagine. Je me souviens avoir eu besoin d'aide pour Le Lion du Caire sur une phrase en arabe. J'ai posté la question sur Facebook et en quelques instants un ami avait demandé à son beau-père, qui parle arabe couramment, de traduire la phrase pour moi. Quand j'ai commencé ma carrière d'auteur, dans les années 1980, cette même question n'aurait pu trouver réponse qu'après un long voyage jusqu'à la plus grosse bibliothèque de ma région, à quelques 30 miles d'ici. Mais, aussi utile qu'Internet soit, il rend aussi la procrastination plus facile. Je peux perdre la moitié de ma journée rien qu'en suivant des liens sur Wikipedia…
Comment décririez-vous votre relation avec vos fans ? Est-ce que leurs attentes vous pèsent parfois ? Par exemple, vous êtes très actif sur Facebook !
Facebook est super pour garder contact avec les fans, et pour en faire vos amis. Dans ma folie Facebook, je déploie une méthode – être simple, être moi-même, ne pas forcer les gens à l'achat ou les spammer avec des liens vers Amazon, et au contraire essayer de les engager. Par exemple, j'ai posté hier sur Facebook quelques images en lien avec mon dernier projet, et les premiers amis qui ont aimé mon post se sont trouvés impliqués dans ma trame de fond imaginaire, dans la section commentaire de mes images. Ça me permet de ne pas avoir à inventer de noms et avec un peu de chance ça leur montre que j'apprécie leur intérêt. Je ne me sens jamais submergé par leurs attentes non plus. C'est plutôt l'inverse : j'essaie encore plus fort parce que je sais qu'ils attendent de pouvoir lire mon travail, une nouvelle fois.
J'ai lu que tout ce que vous avez fait depuis décembre 2000 est écrire et que c'est un combat incessant entre la pauvreté et l'apathie. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Aux États-Unis, la carrière d'écrivain paye tout juste assez pour mettre du pain sur la table. Mais la plupart des boulots pour lesquels je suis qualifié ne payent pas mieux (j'ai un bête baccalauréat et pas de diplôme universitaire, ce qui me garantit un boulot de livreur de pizza mais rien d'autre. Ce que je sais sur l'histoire, l'écriture, etc., je l'ai appris par moi-même). J'espère un jour toucher une audience plus large, soit au travers de mes romans soit au travers de l'intérêt qu'Hollywood pourrait porter à mes romans, mais en attendant chaque jour est un peu une bataille. La dépression va main dans la main avec l'écriture, et même quand un auteur a percé et que son travail est publié par une maison d'édition respectable – dans son pays et à l'étranger – il vous faut quand même continuer tous les jours à vous asseoir et à regarder la page blanche, ce qui peut être accablant pour certains. Moi je suis procrastinateur en série. Mon esprit s'évertue à inventer des raisons frivoles pour m'empêcher de m'asseoir et de travailler. Certaines sont bonnes, comme les rendez-vous chez le docteur et les courses, mais la plupart viennent de cette petite mais puissante part de notre subconscient qui ne peut pas nous laisser être heureux. Steven Pressfield, dans son excellent traité sur l'écriture, La Guerre de l'Art, appelle cette force Résistance. Et tous les jours, tous les artistes, écrivains ou individus créatifs se battent contre Résistance ; des fois, elle gagne. Des fois, on gagne. Mais il est important de s'engager dans une confrontation honnête et ouverte et d'essayer de son mieux de l'endormir, de travailler *malgré* elle. C'est le combat que je mène chaque fois que je m'assois pour travailler.
Une question superficielle maintenant… Est-ce que vous êtes toujours un junkie de la Xbox 360 ? Avez-vous joué à Halo 4 ?
Oui, je le suis toujours ! Je n'ai pas encore joué à Halo 4. En ce moment je suis complètement accro à The Elder Scrolls : Skyrim (je joue un Orc) et à Left4Dead 2. C'est quelque chose de complètement cathartique que d'exploser la tronche à des zombies !
Au fait, avez-vous vendu les droits de vos autres romans à des éditeurs français ?
Malheureusement non. Pas encore. Mes deux premiers romans, Men of Bronze et Memnon sont passés par un autre éditeur américain, Medallion Press, Inc.
Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots sur votre prochain projet ?
Ma prochaine œuvre s'intitulera A Gathering of Ravens, et c'est un projet qui me tient vraiment à cœur. N'importe qui qui a passé un peu de temps sur mon blog ou sur Facebook sait que j'ai un truc pour les Orcs. Je les aime, depuis leur création par Tolkien, jusqu'à Stan Nicholls (sans conteste le parrain du roman Orc moderne), en passant par Christie Golden, RA Salvatore, Morgan Howell, Mary Gentle…jusqu'aux Orcs du monde des jeux, je suis sans honte aucune, un Orc-o-phile. Donc A Gathering of Ravens est *mon* roman Orc. Mais je me suis demandé si un autre roman de pure fantasy mettant en scène des Orcs allait bien ressortir dans cette constellation d'auteurs que je viens de citer. Dans ce but, je vais essayer quelque chose d'un peu différent. En hommage au goût de Tolkien pour le Truc nordique le concept au cœur de A Gathering of Ravens est l'idée que l'inspiration de Tolkien pour les Orcs est venue d'un cycle de mythes nordiques qui nous étaient inconnus jusqu'à récemment. Ce cycle identifie une race de créatures descendant des Dvergar (les nains) qui hantent les cavernes et les marécages – Grendel et sa monstrueuse mère dans Beowulf par exemple, sont des membres dégénérés de cette race d'Orcs mythologiques. Quant à l'histoire en elle-même, c'est une histoire de revanche qui s'étend des années 1000 à 1014. Elle emmène notre protagoniste, un Orc appelé Grimnir, de ses chasses au Danemark, à travers la mer en Angleterre puis jusqu'en Irelande ; il rencontre des créatures magiques du Vieux Monde dont le nombre diminue et qui deviennent folles à cause de l'empiètement de la Chrétienté, et il doit finalement choisir son camp lors de la bataille de Clontarf – se battre aux côtés des Gallois chrétiens et réclamer la vengeance qu'il cherche depuis si longtemps ou mettre son désir de vengeance de côté et se battre avec les Danois païens de Dublin…
Quels livres recommanderiez-vous pour nos lecteurs, en fantasy ou autre ?
Je recommande toujours deux auteurs : Robert E. Howard et Steven Pressfield. Le premier est un écrivain d'un pouvoir et d'une portée peu communs, surtout quand on considère qu'il est issu d'une société située dans la zone de la Dépression au Texas. Pressfield de son côté est au bas mot le meilleur écrivain historique sur la place aujourd'hui. Ses Portes de feu devraient être une lecture obligatoire pour quiconque souhaite s'essayer à l'écriture, mais surtout pour ceux qui souhaitent écrire de la fiction prenant place dans l'Antiquité.
Dernière question mais non des moindres, y a-t-il quelque chose que vous voudriez partager avec vos fans français ?
Je voudrais les remercier pour leur intérêt et leur enthousiasme. J'espère que vous apprécierez tous Le Lion du Caire ! Et si vous êtes sur Facebook, envoyez-moi une demande d'amis !

Propos recueillis par Emmanuel Chastellière, traduction réalisée par Nak.

  1. L'interview traduite
  2. L'interview originale

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