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Un entretien exclusif avec Sam Sykes

Par Gillossen, le mercredi 16 novembre 2011 à 16:15:50

SamEn attendant de nouveaux entretiens avec Peter V. Brett, Jay Lake ou bien sûr Glen Cook, reprenons le cours de nos interviews en compagnie d'auteurs étrangers avec cette fois-ci le pince-sans-rire et affable Sam Sykes.
L'auteur du Livre des Abysses (paru le mois dernier en France), très présent sur la toile, a pris quelques minutes dans un emploi du temps surchargé (Il faut bien terminer Batman: Arkham City) pour bien vouloir répondre à nos questions. Et une fois de plus, on ne peut pas dire qu'il ait la langue dans sa poche.
Qu'il soit question de son premier roman, de la situation de la fantasy en général ou bien encore de ses techniques secrètes de combat contre les ours, Sam Sykes n'élude aucun sujet.
Bonne lecture !

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L'entretien traduit

Comment présenteriez-vous votre roman à nos lecteurs ? Pourquoi devraient-ils le lire ?
Le Livre des abysses est une quête fantasy avec des personnages authentiques. Des gens réels au comportement dysfonctionnel. Des gens réels et épouvantables avec de terribles problèmes, une tendance au recours à la violence, des relations difficiles et une haine d'eux-mêmes particulièrement marquée... Euh, attendez, ça part très mal tout ça.
Bon, Le Livre des abysses est un livre au sujet de gens à problèmes qui font de leur mieux pour s'entraider et sauver le monde de démons évangélistes à tête de poissons, de femmes guerrières berserker et d'étranges horreurs venues des profondeurs, souvent en devant avoir recours aux armes. Vous devriez le lire, bien sûr, parce que vous avez déjà lu bien assez de romans de fantasy avec des héros parfaits, des méchants tyranniques et des problèmes qui se règlent en jetant un anneau dans un volcan, n'est-ce pas ? Évidemment que oui.
Comment est né votre intérêt pour la fantasy ?
Bon sang, c'est toujours une question difficile. Il y a tant de pression à évoquer à quel point J.R.R. Tolkien est une source d'inspiration que je le relis chaque année ou comment George R.R. Martin a démontré que vous pouviez écrire des histoires humaines en fantasy. C'est plutôt bidon de laisser entendre que je voulais écrire des histoires de personnages brisés aux enjeux dramatiques, mais avec des monstres et des épées. Pourtant, c'est ça. La Fantasy est un genre qui permet de vraiment s'éclater avec tout ce que vous voulez. Et c'est donc un genre que j'affectionne tout particulièrement.
Pourquoi avoir choisi la fantasy pour vos débuts ?
Parce que j'avais écrit une histoire de fantasy... Merde, j'aurais pu choisir ? J'aurais dû opter pour une histoire d'amour épique pour mon premier roman. Je l'aurais appelé Bottoms on Fire: A Nancy Murderfist Story. Une histoire d'amour, de trahison, avec deux amants séparés par leurs propres désirs... et des robots tueurs. Ouais, je suis sûr que ça aurait été un best-seller.
Vous avez dit qu'écrire était devenu pour vous une question de survie. Pouvez-vous nous dire en quoi ?
Je n'ai jamais été bon qu'à écrire. Je veux dire, comprenez-moi bien, si le monde devait s'embraser et que l'édition devait s'effondrer avec la civilisation, je pourrais sans doute m'en sortir en rôdant dans les décharges et en mangeant des personnages âgées, mais je préfère ne rien faire en dehors d'écrire. Si je devais travailler dans un bureau ou en tant que chef ou dans n'importe quel domaine où je ne puisse pas jouer les fous excentriques et m'en tirer sans être inquiété parce que je suis « un créatif », j'en mourrais sûrement.
Visiblement, Le Livre des abysses ne laisse pas indifférent. Les lecteurs accrochent beaucoup ou pas du tout. Que pensez-vous de ces réactions très variées ?
Au risque de paraître prétentieux (ou d'apaiser mon ego blessé et fragile), je dirai que les gens qui n'ont pas aimé font partie d'une minorité nette. Mais ils forment néanmoins une minorité passionnée, une minorité qui ressent quelque chose pour le roman. Seulement il ne s'agit pas d'une satisfaction immédiate. J'ai toujours pensé qu'être contrarié par un roman est une bonne chose, car cela signifie que vous êtes pris dedans. Si vous êtes simplement indifférent, alors cela veut dire que le roman n'a pas réussi à provoquer en vous une quelconque émotion. J'ai eu une ou deux chroniques de ce genre et elles m'ont déprimé davantage que les autres, mais comme vous l'avez noté, elles sont bien moins nombreuses que celles qui sont enflammées par exemple.
Justement, faites-vous attention aux chroniques ? Vous influencent-elles ?
Histoire de rebondir sur la dernière question : je dirais que la frustration est presque quelque chose de nécessaire pour un roman. Si je lançais une grande enquête auprès de tous les chroniqueurs et les lecteurs de mon roman et que j'en tire une série d'éléments qu'ils considèrent tous comme des bons points, et si j'écrivais un livre en me basant sur les résultats de cette enquête, alors personne n'aimerait ce roman. Car les lecteurs sauraient exactement ce qui va se passer et le roman n'aurait aucune personnalité propre car je ne lui aurais imprimé aucune vision. Donc, en réalité, je ne peux pas être vraiment influencé par un critique car dans ce cas-là, cela voudrait dire que ce n'est mon roman que j'écrirais, mais le sien.
Vous avez écrit une première version de votre roman à 17 ans. Qu'en reste-t-il ?
Oh, beaucoup de choses. Mais aucun passage spécifique, cela dit. La base de l'histoire a beaucoup changé. Mais c'était néanmoins Lenk, Kataria et les autres quand j'avais 17 ans.
L'eau, l'océan, jouent un rôle important dans Le Livre des abysses. Est-ce quelque chose qui vous fascine d'une façon ou d'une autre ?
L'océan est quelque chose d'effroyable. C'est une entité immense et impitoyable qui nous entoure de toutes parts. On y trouve toutes sortes de choses qui, physiologiquement et intellectuellement parlant, nous sont totalement étrangères, sans compter que beaucoup veulent nous manger. L'océan est plus grand qu'on ne peut l'imaginer et plus profond que nous osons le supposer. Et même dans le noir complet, dans des profondeurs privées de toute lumière, la vie est toujours présente. L'océan a un caractère bien plus fantastique que tout ce que nous pourrons jamais écrire et dans quelques années, nous serons encore là à faire de notre mieux pour tenter de le comprendre.
Pourquoi aimez-vous jouer avec les tropes de la fantasy ? Dans ce premier tome, vous insistez davantage sur vos personnes que sur votre univers.
Eh bien, je n'ai jamais pensé qu'un univers était plus important que les personnages qui le peuplent. Quand vous construisez un monde, vous demandez aux gens de venir le visiter. Ils viennent, ils voient ce qu'il y a de particulier chez vous, puis ils partent et finalement oublient qu'ils sont venus. Quand vos personnages sont tangibles et étoffés, vous attirez les lecteurs. Les problèmes des personnages deviennent les vôtres, leurs victoires les vôtres. C'est la différence entre être pris dans une histoire et simplement être diverti. Bien que personne ne prétende que vous ne puissiez faire les deux.
Justement, avez-vous encore un cliché favori après toutes ces années ?
Mon cliché favori est toujours celui de personnes de races opposées qui tombent amoureux comme si de rien n'était. C'est un cliché avec lequel j'adore jouer (naturellement) et c'est un cliché, je pense, qui peut accomplir bien plus, bien plus pour votre univers que, disons, cinq pages passées à décrire une colline. La culture s'apprend à travers les personnages. Nous apprenons à connaître les personnages par le biais des conflits et ces conflits se voient dans leurs relations. Si un humain et une elfe tombent amoureux et que tout le monde applaudit, on s'ennuie. Mais si un humain et une elfe tombent amoureux malgré le fait que leurs races se haïssent depuis toujours, c'est intrigant.
Le Livre des abysses est un roman centré sur ses personnages. Pour le coup, c'est une question très cliché, mais avez-vous un personnage favori ?
Sebast.
Qu'est-ce qui fait un bon aventurier à vos yeux ?
Un bon aventurier est évidement un aventurier qui fait le boulot !
Vous êtes en train d'écrire le tome 3 de votre trilogie. Que préférez-vous dans l'écriture ?
Tout, vraiment. J'aime les scènes d'émotion autant que les scènes de bataille. J'adore retourner une scène dans tous les sens mais j'apprécie tout autant quand la muse me murmure à l'oreille et que tout me vient naturellement. Si je n'aimais pas cela, je ne le ferai pas.
Vous êtes très actif sur votre blog, Facebook, Twitter... Vous parlez aussi bien de l'évolution de la fantasy que des derniers jeux vidéo... En parlant d'internet, est-ce que la toile joue un grand rôle pour vous, notamment pour un auteur débutant ?
Oh, bien sûr que oui. Si vous n'êtes pas en ligne, vous êtes tout simplement invisible. Étant donné l'état actuel du monde de l'édition, la pression sur les auteurs quant au fait de posséder une certaine visibilité est plus forte que jamais. Cela peut sembler intimidant, mais si vous aimez ça, ce n'est pas vraiment un problème. Personnellement, j'aime ça, alors cela n'a jamais été un problème pour moi. Mais si quelqu'un est franchement antisocial, il a plutôt intérêt à écrire des romans sacrément bons.
Quelle est votre opinion sur la situation de la fantasy aujourd'hui ?
Globalement, je suis positif. Je pense que nous transformons lentement les frontières du genre et que désormais les personnages et les conflits définissent l'histoire davantage que l'univers et les systèmes de magie. Ces éléments seront toujours importants, car il s'agit d'une caractéristique créatrice de la fantasy qui fait partie intégrante de la narration qui nous attire nous, en tant que lecteurs, et nous implique dans ces univers. Mais je pense que nous sommes arrivés à un point où les personnages sont maintenant l'ingrédient le plus important. Nous avons fini par nous rendre compte que, sans personnages et sans conflits, les livres ne valent tout simplement pas la peine d'être lus.
Existe-t-il un sentiment de compétition entre vous et les autres nouveaux auteurs ?
Seulement pour de faux. A l'époque où je débutais à peine, certains blogs des plus étranges avaient de drôles de billets du genre QUI L'EMPORTERA : BLAKE CHARLTON, SAM SYKES ou N.K JEMISIN ? C'était particulièrement bizarre et pénible pour moi en tant qu'auteur. Étant donné que je suis un très bon ami de Blake et de N.K., je n'arrive pas vraiment à m'imaginer en compétition avec eux. En fait, les auteurs ont plutôt tendance à « partager » les fans, en recommandant tel ou tel roman à leurs lecteurs, ce qui contribue ainsi au succès de chacun.
Et, vraiment, c'est dans notre intérêt à tous que tout le monde marche bien. Si on ne trouvait que des romans de Sam Sykes, les gens en auraient très vite marre de moi. La variété de l'offre contribue au développement du genre.
Comptez-vous continuer à explorer ce monde après le tome 3 ?
En fait, nous avons une autre trilogie de prévue avec Gollancz, là, tout de suite.
Quels sont vos coups de cœur du moment, en Fantasy ou pas ?
SCOTT LYNCH. SCOTT LYNCH A JAMAIS.
Bon, sérieusement, comment vaincre un ours kodiak (NdR : sur son site officiel, l'auteur se vante, entre autres exploits, d'avoir mis à terre une telle bête...) ? Cela pourrait être utile !
Il faut l'attaquer par derrière. Un ours kodiak est souple mais ses bras sont malgré tout trop courts pour couvrir entièrement son dos. Si vous arrivez à le prendre à la gorge pour l'étrangler, c'est gagné.
Et pour conclure, auriez-vous un petit mot pour vos lecteurs francophones justement ?
Mes très chers amis français, j'espère que vous aimez mon livre. Si ce n'est pas le cas, alors nous devrons nous affronter en duel sur les marches de Notre-Dame une rapière à la main. Mais je préfèrerais vraiment ne pas avoir à faire ça pour la sixième fois cette année, alors j'espère que nous pourrons être copains !

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.

  1. L'entretien traduit
  2. An interview with Sam Sykes, english version

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