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L'Empire du pseudo : modernités de la science-fiction

ISBN : 978-289518034-0
Catégorie : Roman connexe
Auteur/Autrice : Richard Saint-Gelais (Proposer une Biographie)

Parution d’une étude importante sur la science-fiction considérée non comme phénomène paralittéraire, mais comme défi à la littérature.
Reposant sur une approche lecturale, elle examine sous divers angles comment la SF a exploité la possibilité d’amener la représentation au-delà des terrains du réel.
Cet ouvrage a reçu en 2000 le célèbre Prix Boréal, dans la catégorie “meilleure production critique”.

Critique

Par Akashar, le 20/05/2010

L’Empire du pseudo fait partie de ces ouvrages trop rares qui, sans trop crier gare, surgissent de votre boîte aux lettres pour laisser une empreinte impérissable sur votre activité de lecteur, votre travail de chercheur. Pratiquant l’une et l’autre, je ne pouvais manquer l’occasion de vous proposer, sinon un compte-rendu détaillé, au moins une chronique dudit livre – même si la SF plus que la fantasy constitue son objet.
Saint-Gelais sursauterait probablement à ces mots : la science-fiction n’est nullement l’« objet » de son ouvrage. Bien plus, elle en est le sujet, mouvant, actif, dynamique… Délaissant d’entrée de jeu les conceptions essentialistes de la SF – et des genres en général –, Saint-Gelais met en effet de côté les définitions normatives, les listes thématiques et les cadres chronologiques gravés dans le marbre, et pose la SF comme « un espace complexe, qu’on ne saurait réduire à une formule simple ou à des oppositions dichotomiques – mais pas plus à une poussière d’individualités. » (13).
Au terme d’une introduction qui examine, entre autres, ces questions, le chercheur québécois propose de diviser son ouvrage en trois parties, parfaitement interdépendantes au demeurant :
Dans un premier temps, pour rendre compte tout à la fois de la diversité et de la cohésion du genre, l’auteur examine dans leur mouvance quelques motifs récurrents de la SF – anticipation, uchronie, vitesse et récits d’énigme – d’un point de vue structurel plus que thématique d’ailleurs (voyager dans le passé, par exemple, engendre une quantité de possibilités narratives et discursives fascinantes… mais aussi certaines contraintes ; de même, l’hybridation de la SF et du roman de détection peut s’ancrer sur des éléments science-fictionnels… ou faire du texte lui-même le terrain de l’enquête).
Dans un deuxième temps, L’Empire du pseudo s’intéresse à « l’interaction des stratégies du texte et celles de la lecture » (14) :
« Au-delà des clichés (la science-fiction est stylistiquement faible, elle pose un lecteur “adolescent” et, du coup, “immature”), je montrerai en quoi cette “littérature d’idées” engage immanquablement l’écriture et la lecture dans des parcours cognitifs et discursifs peu anodins. » (14)
Au fil de cette partie tout à fait passionnante, Saint-Gelais se penche sur un certain nombre    de    particularités    de    la    « lecture    science-fictionnelle »,    mais    aussi    sur    les stratégies mises en place par la SF pour déployer les mondes fictifs et leurs (xéno)encyclopédies, et sur les difficultés inhérentes à cette tâche, tel le « présento-centrisme » – lorsque, par exemple, « les réflexions d’un personnage qui vit au début du IVe millénaire l’amènent à une comparaison avec […] [l]e XXe siècle » (155).
Dans un troisième et dernier temps, Saint-Gelais explore trois pistes qui mènent la SF à s’engager résolument dans la modernité littéraire : « Autoréflexivité et récursivité, jeux étourdissants sur les bibliothèques imaginaires, fictions qui se déploient au-delà des frontières que leur assigne le texte » (14). Cette partie inclut une réflexion extrêmement intéressante sur la transfictionnalité – phénomène par lequel les mondes fictionnels deviennent des univers partagés, dépassant le cadre de l’œuvre indépendante ; Saint-Gelais parle d’« œuvres liées à hauteur de fiction » (345) – à partir de l’univers de Star Trek. Y sont développées de brillantes considérations sur la fanfiction, qui viendront alimenter le débat dont, il y a quelques jours à peine, Elbakin.net se faisait l’écho.
Xénoencyclopédie, transfictionnalité, pseudo-didactisme, métafiction, autant de termes qui peuvent a priori paraître déroutants pour le lecteur de SF ordinaire. Que ce lecteur se rassure : ces mots recouvrent des phénomènes, stratégies et mécanismes fascinants, que la science-fiction a déployés au fil du temps avec une vigueur inégalée, et que l’auteur met en lumière avec maestria. Que ce lecteur se rassure : Saint-Gelais, alliant une grande finesse d’esprit à un style des plus agréable, se montre toujours limpide, parsemant son ouvrage de mille et un exemples (VOST) extrêmement variés, qui donnent irrémédiablement envie de se plonger dans les textes, ou de replonger dans ceux dont on a découvert la richesse auparavant insoupçonnée. Que ce lecteur se rassure : il reste toujours au centre des préoccupations du chercheur québécois, qui prend grand soin de ne pas le perdre au détour d’un chapitre ; on s’investit d’ailleurs d’autant plus dans cet ouvrage que ce sont sur nos propres pratiques et stratégies lecturales que l’on pose un regard neuf – et fier.
Fier, parce que Saint-Gelais réussit le tour de force d’entériner la légitimité du genre tout en refusant de « rejouer une partie déjà disputée » (12) et toujours à recommencer : L’Empire du pseudo n’est pas une « Defense, & Illustration » argumentée, rhétorisante, militante, de la SF. Saint-Gelais ne cherche pas à persuader mais, mettant en lumière par la finesse de ses approches, la richesse, la complexité et la modernité du genre, il convainc. Lire de la SF n’est pas chose aisée. Cela, l’auteur nous le démontre à chaque page.
Ajoutons à tout cela – cerise sur le gâteau – que les nombreuses réflexions de Saint-Gelais jettent bien des ponts vers notre chère fantasy, suggèrent bien des hypothèses novatrices et de nouveaux points de vue que l’auteur effleure lui-même, en certains endroits (l’Atlas of Middle-Earth se trouvant entre The Atlas of Australian Resources et Maps of Metropolitan Toronto à la bibliothèque de la University of Western Ontario (313- 314) en est un inoubliable exemple), et l’on comprendra qu’il s’agit là d’une lecture indispensable à tout ceux qui souhaitent plonger au cœur de la SF – et des genres de l’imaginaire en général.

9.5/10

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