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¿Hagrid, qué es el quidditch?

Par Publivore, le dimanche 28 janvier 2007 à 00:34:34

Ou comment les traducteurs des romans Harry Potter ont le choix entre deux attitudes... Quoique !
A vous de voir ce que l'on peut dire de pareille expérience, dans cet article.

La traduction nécessite autant d'art que de métier, nous dit Daniel Hahn.

C'est la fin de l'Eté, et Harry n'en peut plus d'attendre de quitter son insupportable cousin Dirk et le reste des méchants Duffelings. Heureusement, il sera bientôt de retour à l'école avec ses amis Ron et Hermelien, et le doux Professeur Anderling, se préparant pour la coupe annuelle de Zwerkbal. Aussi longtemps qu'il pourra se tenir éloigné du sinistre Professeur Sneep.

Un air familier ? Si vous êtes de langue Flamande, c'est à cela que ressemble les histoires d'Harry Potter pour vous. Des 325 millions de livres Harry Potter vendus dans le monde, quelques 100 millions de copies ne contiennent pas une seule ligne de la prose de J.K. Rowling. Ils sont influencés par le travail d'autres écrivains qui instaurent le ton, créent le suspense et l'humour, et donnent aux personnages leur voix et accents distinctifs. La seule chose sur laquelle ces traducteurs n'ont aucun impact quelconque, est l'histoire elle-même, qui est du ressort de Rowling uniquement.

A l'instant ou Bloomsbury sortira son prochain communiqué de presse annonçant que Rowling a livré le livre sept et que la date de publication a été arrêtée, plus de 60 traducteurs à travers le monde - de l'Europe à l'Amérique du Sud, de l'Afrique à l'Asie - commenceront à affûter leurs stylos. Quand les premières copies publiées apparaîtront, leur course commencera.

C'est une compétition contre les délais des éditeurs, bien sûr; dans certains pays, où l'anglais en tant que seconde langue est très usité, c'est une course pour sortir le livre disons en Norvégien, en Danois, avant que votre marché complet décide de ne pas attendre la traduction, et vous vous retrouvez à essayer de le vendre à des gens qui l'ont déjà lu dans la version originale.

Dans certains cas, c'est également une course contre les traducteurs non officiels; en Chine, ou l'application des règles de copyright international laisse à désirer, des parasites des droits de publication international produisent en série leurs versions mal faites et à la va-vite en toute impunité. Cela va de la publication online de traductions de fans, à des bouquins neufs de la série vendus au coin des rues, comme cet essai plutôt curieux d'un livre cinq apparu alors que J.K. Rowling était encore en train de travailler sur son écriture à Edimbourg (Elle partage cette distinction avec Cervantes, qui a été déconcerté de façon tout à fait compréhensible en découvrant la publication de la seconde partie de Don Quichotte avant qu'il ait eu la possibilité de se pencher sur son écriture.

Donc, vous êtes un traducteur officiel d'Harry Potter, et vous devez commencer par vous colletez avec le titre bizarre du livre sept (une bonne version de Deathly Hollows, quelqu'un ?). Et maintenant qu'Amazon a livré votre copie du Livre le Plus Attendu de l'Année, c'est votre travail de le transformer dans une autre langue pour apaiser un public local affamé. par quoi commencez-vous ?

Et bien probablement par l'éternel problème rencontré par tous les traducteurs : trouver l'équilibre entre la fidélité littérale et celle à votre sens littéraire. Quand l'oncle Vernon fredonne Tiptoe through the Tulips (NdT. : Sur la pointe des pieds à travers les tulipes), conservez-vous le titre anglophone en traduisant juste le titre ? L'oncle espagnol d'Harry fredonne De puntillas entre los tulipanes. Ou trouvez-vous un équivalent local, comme l'oncle allemand d'Harry, qui préfère la chanson plus populaire là-bas Bi-Ba-Butzemann?

Les lecteurs espagnols trouveront plus de noms et de mots inventés inchangés (¿Hagrid, qué es el quidditch?),ou traduits littéralement. Donc l'Espagnol est évidemment fidèle en un sens, mais puisque les noms sont identiques, est-ce que celui de Quirrell sonne de façon aussi nerveuse, bégayante et grincheuse en espagnol ? Est-ce que Hufflepuff (NdT : Poufsouffle) sonne aussi inefficace, idiot et aimable que pour les oreilles anglaises ?

Au Brésil, au contraire, la traductrice Lia Wyler a choisi de conserver l'esprit plutôt que la lettre, adoucissant les noms dans des versions sonnat plus portugaises, alourdissant ainsi sa tâche avec le noble challenge de la création de quelques 400 mots. Harry joue au quadribol, et quand il n'est pas à Hogswarts (NdT : Poudlard), il est chez les Trouxas (Moldus) avec son cousin Duda. Minerva McGonagall conserve son nom, mais en conservant les habitudes des écoles brésiliennes, ses élèves l'appellent Profa Minerva. Le choixpeau a épargné à Harry la maison Sonserina, lui assignant celle de Grifinória à la place. (Bien que traduire le quai anglais "Neuf trois-quarts" en quai portugais "Neuf et demi" soit sans doute un peu trop exagéré ?)

Harry Potter lance à ses traducteurs (dans certains cas, à ses équipes de traduction), un nombre de défis que la plupart des ouvrages ne présentent pas. Il y a des mots fabriqués innombrables, pour commencer. Quel est le turc pour golden snitch (NdT : Vif d'or), le hongrois pour Bludger (NdT: cognard), ou le gallois pour Quaffle (NdT : Souaffle), le catalan pour Sickles and Knuts (NdT : la Mornille d'Argent et la Noise de Bronze), ou l'hindoi pour Floo Powder (NdT : Poudre de cheminette) ? Et puis il y a les jeux de mots, les prophécies et les vers (comme ceux du choixpeau). Il y a aussi les sorts et les anagrammes (Tom Marvolo Riddle peut être celle de I am Lord Voldemort; mais pas de Je suis Voldemort, d'où le nom français de Tom Elvis Jedusor.)

Plusieurs traducteurs ont été réprimandés par des fans mordus de Potter qui désapprouvaient leurs choix. D'autres ont découvert qu'en épluchant les traductions, ils mettaient à jour des indices importants de l'histoire. Le sixième tome contient une note mystérieuse avec les initiales RAB, pour lesquelles beaucoup de lecteurs pensent qu'elles pourraient être celles d'un membre de la famille Black, un parent de Sirius (plus probablement son plus jeune frère Regulus); la traduction néerlandaise donne RAZ comme initiales sur la note, et lorsque l'on sait que le parrain néerlandais d'Harry est appelé Sirius Zwarts, ce changement amène un renseignement intéressant.

Une autre raison pour laquelle les Harry Potter sont un projet de traduction plus compliqué que la plupart des autres livres sont les obligations contractuelles imposées par la compagnie produisant le film, Warner (pour qui les questions comme la constance des noms de personnages ont un impact sur les plans marketing); on recense des cas de traducteurs formulant des objections aux demandes de la Warner et qui ont été remplacés entre l'un des livres de la série et le suivant.

Le travail de tout traducteur nécessite qu'ils soient à la fois présent et absent; à la fois sympathiquement intégré dans l'oeuvre et pourtant totalement invisible. Et pour la majeure partie cette invisibilité est bien maintenue. La répugnance de certains traducteurs à me parler pour cet article pourrait avoir quelque chose à voir avec cet idéal d'invisibilité. Mais peut-être que c'est en relation également avec les lourdes et inhabituelles demandes publicitaires qui vont de paire avec ce travail - rares dans leur domaine, sans aucun doute. Le fait est que ce sont des anomalies dans cette profession d'invisibles, s'effaçant eux-mêmes et pourtant touchés par la célébrité. Quoique que puisse en dire certains, ce n'est pas un travail de traduction ordinaire; et dans quelque temps, le cirque complet redémerra une nouvelle fois un peu partout.


Les traductions de Daniel Hahn comprennent The Book of Chameleons, de José Eduardo Agualusa (Arcadia), récemment sélectionné pour le prix Independant 2007 de la fiction étrangère.

Article originel, 27 janvier 2007


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