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Un entretien avec Sébastien Latour !

Par Gillossen, le mercredi 13 septembre 2006 à 09:23:50

Sébastien LatourJeune scénariste, Sébastien Latour vient de réussir, à notre avis en tout cas, un joli coup avec le premier album de la bande dessinée Wisher, dont nous avons fréquemment parlée ces derniers jours !
Et pour la peine, celui-ci a aimablement accepté de répondre à quelques unes de nos questions ! Si vous voulez donc faire connaissance avec un auteur enthousiaste et fort sympathique, suivez le guide.

Nos questions, ses réponses !

Pourriez vous tout d'abord nous renseigner sur votre parcours.

Bac scientifique en poche, j'ai fait immédiatement des études d'anglais. Les maths avaient perdu de leur magie, alors que la littérature et le cinéma me faisaient de l'oeil. Après une licence et une maîtrise, où j'ai travaillé sur le surnaturel, puis le personnage du 'méchant' dans quelques pièces de Shakespeare, j'ai passé mon concours de prof. Ca fait maintenant 7 ans que j'enseigne l'anglais en collège.

L'envie de faire de la BD date de 5 ou 6 ans. J'ai commencé à rassembler mes idées, puis j'ai passé 4 ans à ne rien écrire, pour étudier la technique narrative, le scénario, et lire énormément de bande dessinées et de comics. Je voulais être certain que ce que j'avais à raconter n'était pas une reprise d'une histoire existante.

J'ai ensuite recherché des dessinateurs amateurs, monté des dossiers et démarché les éditeurs. Les remarques étaient les mêmes à chaque fois: les histoires sont bien, mais le dessin est faible. Je me suis donc décidé à envoyer mes scénarios seuls à plusieurs éditeurs. La semaine suivante Le Lombard me contactait pour me rencontrer.

Qu'est ce que cela représente pour un jeune auteur de participer au lancement d'une nouvelle collection chez un éditeur tel que Le Lombard ?

C'est une chance incroyable ! J'ai envoyé mes scénarios quand Le Lombard voulait créer une collection fantastique, et que deux de leurs dessinateurs vedette, DeVita et Griffo, recherchaient des projets ou terminaient une série.

Etre publié dans cette nouvelle collection me met sur le devant de la scène: le premier titre (Wisher) ainsi que le troisième (Ellis, en octobre) sont écrits par un inconnu ! C'est un pari pour tout le monde, mais je pense qu'on va le gagner. L'équipe éditoriale du Lombard est formidable: je n'ai pas senti de distinction entre 'nouvel auteur' et 'auteur maison'.

Question banale: comment est né le projet Wisher ?

C'est la rencontre de trois choses. D'abord je voulais écrire une histoire sur un personnage claustrophobe, Il aurait été claustrophobe parce que quelque chose était prisonnier en lui.

Puis j'ai revu Aladin, le dessin animé, et je me suis demandé ce que pourrait faire un génie à notre époque. Ensuite, j'ai passé le film Excalibur à une de mes classes pour illustrer le cycle Arthurien, et j'avais oublié combien le personnage de Merlin était cool. J'avais donc un Djinn, de nos jours, qui rencontrerait Merlin.

Je voulais une histoire avec une dimension mythologique et héroique, à la Star Wars. J'ai donc construit Wisher autour du "chemin du héros" et tous les éléments ont commencé à prendre place.

L'une de vos influences, revendiquée, n'est autre que Neil Gaiman. Qu'appréciez-vous chez cet auteur ?

Pour la sortie de Star Wars: La Menace Fantôme, je suis allé en Angleterre avec un ami. Dans le métro, à Oxford Circus, je lui ai dit que ce serait marrant s'il y avait un vrai cirque à Oxford, avec des animaux et des clowns dans le métro. Et il m'a dit que Neil Gaiman avait fait ça dans Neverwhere, que j'ai acheté le lendemain. Quelle claque ! Et que dire d'American Gods, ou Sandman ? On se sent humble...

J'aime sa faculté d'intégrer dans notre monde du merveilleux et du fantastique avec une fluidité totale. Les mythologies et les personnages de légendes sont à la portée de la main, au détour d'une rue, à condition de retrouver la faculté d'y croire.

J'aime sa capacité à exploiter notre patrimoine culturel et mythologique commun et le voir le détourner, le réinjecter dans la pop culture. Chez Gaiman, le divin nous entoure sans qu'on s'en rende compte, sauf le personnage principal dont l'existence devient incroyablement riche. Ca fait envie !

Comment se passe votre collaboration avec Giulio de Vita ?

Je donne à Giulio l'intégralité du scénario, découpé, et dialogué. Il me fait part de ses remarques, sur le rythme, les personnages... je réécris les scènes puis révise les dialogues.

Giulio a donc quelque chose de très précis. Ensuite, il est totalement libre de changer le look des personnages, le découpage des pages et le choix des plans ! Ca semble paradoxal, mais comme il sait ce que doit contenir la planche, et ce qui s'y dit, son génie est libre de suivre son instinct.

Giulio a un sens du mouvement, de la transition, et du détail impressionnants. Maintenant je maîtrise mieux l'équilibre d'une planche, entre le nombre de cases et la quantité de texte qui met en valeur le dessin. Nous avons tous les deux le désir de faire une bande dessinée originale, alors nous sommes chacun très exigeant avec l'autre !

Vous adaptez-vous selon le dessinateur ?

Je crois que je donnerai toujours le scénario en entier, découpé et dialogué. Ainsi le dessinateur sait où je veux aller, peut comprendre les éléments de l'histoire sur le long terme, et voir l'évolution des personnages sur tout l'album. Avoir les dialogues leur permet aussi d'être très efficaces pour les expressions des personnages.

Il peut aussi commencer à dessiner ce qu'il veut, les scènes 'simples' ou 'compliquées', ou les scènes pour lesquelles il pourrait y avoir un problème de place. Avoir le scénario en entier n'est pas synonyme de manque de liberté, au contraire. On peut retravailler une scène au regard des autres à n'importe quel moment, au vu de ce qui a été dessiné. Giulio et Griffo se sentent très à l'aise !

Vous tenez un blog. Internet représente-t-il un outil important à vos yeux ?

Sur Internet, le 'blog à forum' remplace le 'bouche à oreille'. Tout le monde y a accès, alors autant être accessible ! Je vais souvent sur BDGest et sur Sceneario: on a un retour immédiat des lecteurs dès la sortie de l'album, c'est excitant !

J'ai créé le Bubbleblog pour pouvoir informer ceux qui aiment mes univers, et les faire entrer dans les coulisses de mes albums. Je suis en train de travailler sur la création d'un podcast, dans lequel je ferais un commentaire audio de mes bandes dessinées, comme sur un DVD. On verra si ça intéresse mes lecteurs ! A suivre...

Une autre question courte à présent: pourquoi avoir choisi Londres comme cadre ?

Parce que c'est ma ville préférée. Je la connais très bien, pour l'avoir étudiée, et visitée souvent. Londres a su conserver un équilibre entre tradition historique et modernité, qui fait que finalement, l'idée de créatures centenaires qui s'y cacheraient encore aujourd'hui me semblait crédible.

Et puis c'est le cadre de Neverwhere, moi aussi je voulais créer un monde fantastique caché dans Londres.

Est-ce que l'on pourrait s'attendre à des spin-offs de Wisher ? Est-ce que selon vous l'univers serait déclinable ?

Sont prévus le chant des Djinns, Wisher des Etoiles et Trolls de Londres prochainement ;-). Plus sérieusement, on a toujours envie de développer un univers, surtout qu'il continue de vivre dans la tête des créateurs après que l'histoire principale est écrite.

La mode des spin-off coïncide avec le nouvel âge d'or des séries télé que nous connaissons maintenant. On peut faire tant de choses en une saison. Combien de tomes de BD pour raconter l'équivalent d'une saison de LOST, et en combien d'années ? Je comprends donc que le lecteur de bande dessinée ait envie de voir vivre un univers qu'il adore à travers de multiples séries.

Si je crée un spin-off, il devra répondre non seulement à une demande du public, mais aussi à une vraie envie de raconter quelque chose. Pour l'instant, je mets toute mon énergie dans Wisher, et j'aimerais qu'on puisse en faire deux par an.

J'ai écrit une série de science fiction où l'idée du spin-off est totalement intégrée, un peu comme Travis et Carmen Mc Callum où l'univers est partagé. Mais pour qu'un éditeur accepte l'idée, il faut que j'aie déjà fait mes preuves ! On ne prête qu'aux riches :-)

Comment s'organise pour vous une journée de travail en tant que scénariste ?

Je suis enseignant à plein temps et j'ai une petite fille qui aime jouer avec son papa ! Je n'ai donc pas de journée de travail type. J'écris quand je peux, et où je peux. On apprend à gérer le temps, et à se concentrer rapidement, quel que soit l'environnement. Quand j'ai tous les éléments d'un scénario, je me sers des vacances pour l'écrire. Ca me demande d'être rigoureux pour tout gérer.

Si la collection Portail est un succès, alors j'aurai plus de temps pour écrire ! J'ai tellement d'histoires que je voudrais raconter, et d'univers à faire vivre qui sont bloqués dans ma tête !

Quelle sera votre actualité dans les mois qui viennent ? Je crois que le tome 2 de Wisher est prévu pour Juin prochain !

Ce serait l'idéal. Je viens d'envoyer le scénario du tome 2 à Giulio, j'attends de voir ce qu'il va en faire, maintenant qu'il est spécialement écrit pour lui.

Ma deuxième série sort dans la collection Portail en octobre. Ellis suit un jeune inspecteur de la police de New York qui rejoint une organisation qui observe, traque et élimine les rêves et les cauchemars qui s'incarnent toutes les nuits dans la ville. C'est dessiné et colorisé par Griffo, dont le dessin est incroyable: il se surpasse à chaque planche. Il y aura bientôt un teaser sur le site du Lombard. Griffo est déjà en train de travailler sur le tome 2.

Maintenant c'est de dessinateurs ou de dessinatrices dont j'ai besoin pour mes autres projets. Je pense que Wisher et Ellis vont donner envie aux gens de travailler avec moi.

Je vais aussi commencer le monde des festivals et des dédicaces. Venez me voir et me parler de Wisher, ça m'intéresse ! Tous les détails des festivals seront sur mon blog.

Côté lectures, auriez-vous un coup de coeur récent à recommander à nos visiteurs ? Fantasy ou pas !

En BD française: Universal War One, de Denis Bajram, ed Soleil. 6 tomes, 6 moments de pur bonheur. A lire à la suite, dans le silence absolu, comme dans le vide de l'espace.

En comics: Civil War, chez Marvel. Après un combat entre super héros qui détruit une petite ville, le gouvernement américain oblige les super héros à se déclarer. Fini les masques et les identités secrètes. Certains acceptent comme Iron Man ou Spiderman, d'autres prennent le maquis, suivant Captain America. Du super héro intelligent, pour ceux qui sont allergiques au genre.

En Roman: Saga, de Benacquista. 3 scénaristes has been sont engagés par une grande chaine pour écrire un feuilleton télé pour le créneau 4h du matin qui ne respecte pas le quota de fiction française. Une seule consigne : "faites ce que vous voulez, personne ne regardera". Ils le font, le public regarde et là, tout s'enchaine...

Toute personne qui veut devenir scénariste devrait regarder les séries suivantes: Dr House, Battlestar Galactica, Prison Break, Veronica Mars, the Wire, the Shield... L'écriture n'a jamais été aussi efficace, précise, les arcs de personnages fouillés, les intrigues secondaires nombreuses... Profitez !

Et enfin, que pourrait-on vous souhaiter de mieux, à part la réussite de Wisher ?

Il faut faire attention aux souhaits, les Djinns sont plus malins que nous !


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