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Un entretien avec Hervé Trouillet

Par Gillossen, le 30 août 2011 à 16:44

Sous le ventEn juin dernier, notamment, nous évoquions le projet d'adaptation de La Horde du Contrevent d'Alain Damasio.
Révélée quelques jours plus tôt, la chose nous avait véritablement intriguée. La brève dont nous rappelons le lien fut le fruit d'une longue conversation téléphone avec Hervé Trouillet, à la tête de Forge Animation, la société ambitieuse qui a choisi de tenter ce qui semblait devoir rester du domaine de l'impossible. Après le résumé de ce très long coup de fil, il était tout de même temps de vous offrir sa retranscription complète !
Merci encore à Hervé pour sa passion, sa disponibilité et son enthousiasme.

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L'entretien

Pourquoi la Horde ?
Déjà, car c’est un coup de cœur, à l’unanimité. Et car quitte à se prendre un mur, que tu le prennes à 50 ou 120 kilomètres/heure c’est la même chose. Donc, quitte à relever un défi autant en relever un vrai. Et puis l’histoire de la Horde c’est vraiment d’aller à contre-courant pour le coup, donc autant l’assumer jusqu’au bout… Ce livre, c’est juste un bijou. Ce qui veut dire aussi que l’on a tout à fait conscience de l’enjeu qu’il y a derrière et que l’idée effectivement ce n’est pas d’avoir une démarche commerciale mais vraiment faire un film qu’on aurait envie de voir. On est vraiment dans cette philosophie là.
Quand vous dites "on", c’est aussi Jan Kounen ?
En premier lieu, il a déjà fallu convaincre Alain Damasio, Alain est quelqu’un d’exigeant, qui a mis du temps à écrire ce livre. Il a donc fallu beaucoup de patience et de persévérance pour le convaincre. Il devait être un peu circonspect en nous voyant arriver à vrai dire. Mais il s’est dit que l’animation c’était une bonne idée et nous nous sommes battu pour qu’il comprenne nos intentions. Après, j’ai envoyé le livre à Jan Kounen, car je voulais avoir un réalisateur live sur le film d'animation. Et je pense que c’est typiquement la personne qui peut faire la Horde, pourquoi ? Parce que c’est à la fois un réalisateur sans compromis mais qui sait aussi rendre accessible ses compris. C’est quelqu’un qui est capable de faire du fond tout en faisant de la forme, c’est à dire qu’il est capable de faire un film de divertissement mais en même temps de retranscrire à l'écran des choses aussi philosophiques et profonde que touche la Horde du Contrevent. Je pense que la Horde, c’est tout à fait ça, c’est à dire un vrai livre épique, fort qui se prête énormément à l’entertainment et en même temps qui raconte un fond que personnellement, et tout les acteur de Forge Animation partageons à 100%, comme le fait que ce qui compte, ce n’est pas le but mais le chemin. Jan est un réalisateur à la hauteur de ce défi.
C’est vrai qu’au niveau mise en scène, on ne peut nier que c’est l’un des plus doués.
Et puis, humainement, c’est quelqu’un qui a la même philosophie. Nous, c’est avant tout une aventure humaine qui nous rassemble.
La passion.
Exactement.
J’avais une question au sujet du fond et de la forme. Le roman compte quand même son lot de scènes assez introspectives, et justement je me demandais comment les rendre à l’écran sans que cela soit sacrifié au profit de l’action ?
Jan répondra beaucoup mieux que moi à ce propos mais je pense que ça ne sert à rien de faire un film d’action ou seulement d’introspection et en plus la Horde ce n’est pas ça, c’est les deux. Nous, on veut vraiment coller un maximum à ce qu’a raconté Alain. Évidemment, il va falloir le mettre en forme, parce que l’adaptation va être complexe, c’est très riche. Il y a certaines choses qu’il va falloir qu’on fasse passer par le visuel et d’autres qu’il va falloir qu’on mette plus ou moins en avant.
Le premier vrai défi est d’arriver à savoir exactement ce que l’on utilise car il y a énormément de matière. Forcément, on ne va pas pouvoir tout traiter, donc, il faut vraiment arriver à trouver ce qui nous fait le plus vibrer.
Et moi, c’est la joute verbale de Caracole par exemple. Pour moi, c’est le plus grand duel du livre, c’est un vrai combat, il y a des choses comme ça qu’on voulait absolument garder. En même temps on est obligé de faire certaines concessions, donc du coup, le héros sera forcément Sov, tout en essayant de garder le point de vue de chaque personnage qui est cher à Alain. En même temps c’est assez logique que ce soit Sov, dans la mesure où c’est le scribe de la Horde, c’est lui qui raconte l’aventure de la Horde. C’est aussi lui qui fait le plus de chemin, intérieur j’entends. Et après tout, ce qui est action et introspection justement c’est le propos du livre. D’abord tu va chercher l’extrême-amont physiquement et après tu vas le chercher à l’intérieur de toi. L’idée c’est de faire la même chose, de pouvoir retranscrire ça et nous faisons confiance à Jan pour y arriver. C’est quelqu’un de très pertinent, je peux vous garantir que c’est un mec d’une finesse et d’une pertinence rare.
En tout cas, ma question n’était pas une critique.
Je ne prends absolument pas ça pour une critique et en plus je peux vous dire que nous sommes plutôt à l’écoute de ce qui se dit. On s’appelle Forge Animation et ce n’est pas pour rien, parce que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. C’est parce qu’on est aussi des artisans, nous pensons que nous fabriquons des oeuvres d'arts et non un objet purement commercial. Ce que l’on a envie, c’est de faire des beaux films et on apprend, méthodiquement, patiemment. Je suis réalisateur de séries d'animation aujourd'hui, alors que je n’ai jamais appris, je suis autodidacte ; je n’ai jamais appris l’animation, je suis devenu animateur. Et là maintenant, j’ai monté ma société et je dois m’occuper de toute une partie du métier d'entrepreneur que je ne connais pas, soit, allons-y. La levée de fonds, ce n’est pas mon métier, nous avons pourtant appris, et nous nous sommes adapté en écoutant en décortiquant. Curieusement, c'est facile lorsqu'on n'est guidé par la passion et puis j'ai des collaborateurs avec beaucoup de compétences.
A priori, je me disais que c’était peut-être plus facile de le financer en insistant sur l’action que sur le reste, après si vous arrivez à faire les deux c’est tant mieux.
Les films purement d’action, ce n’est pas trop mon truc. Sinon, je crois que nous aurions choisi une licence beaucoup plus facile à adapter et même plus connue. Si nous avons choisi la Horde, c’est bien parce que l’idée était de faire des films dans un autre registre, c’est à dire, vraiment à la fois avec des images fortes que peut apporter le vent par exemple, et des personnages charismatiques et profonds. Mais ça ne veut pas dire que c’est facile hein...
Suite à la lecture d’un article de Variety, je me demandais où en était le script, le côté purement adaptation à ce niveau. Est-ce que Alain sera impliqué dedans ou alors est-ce qu’il vous a laissé les clefs ? Il vous laisse vous débrouiller ?
Alain a été plutôt clair là-dessus, ça ne l’intéresse pas plus que ça de mettre les mains dedans, car il a d’autres projets. Il l’a déjà mené lui son extrême amont. En revanche, il nous aide beaucoup, c'est un excellent guide, et pour cause c'est le créateur de ce monde...
Là, il est plutôt content je pense de la façon dont ça avance, mais monter un film, ce n’est pas évident. Monter un film de l’ampleur de la Horde est encore plus difficile, et avec des financiers et des financements en partie privés c’est encore plus dur. Mais en même temps, le jeu en vaut la chandelle et c'est ce qui nous fait vibrer. En tout cas on lui laissera toujours la place qu'il veut prendre, plus il est là mieux c'est pour nous. Et nous faisons régulièrement des points avec lui, il a rencontré Marc (Caro) et Jan aussi pour qu’il puisse discuter avec eux, c’est très important.
Toujours par rapport au script, à l’adaptation elle-même, j’ai une autre question. Le style dans le roman est très important. Il me semble avoir vu que vous allez le tourner en langue anglaise. Est ce que ça ne vous pose pas un défi supplémentaire ?
En fait, non. On part du livre effectivement puis on va faire le script en français et c’est seulement à ce moment là qu’on va le traduire en anglais. Il faut comprendre que ce n’est pas du tout le même support. C’est comme si on faisait un jeu vidéo de la Horde ce n’est pas la même chose. La dimension visuelle a permis de simplifier beaucoup de choses, qui deviennent beaucoup plus évidentes. Contrairement à ce qu’on pense, c’est un livre qui est justement une invitation à l’adaptation. C’est un peu comme Tolkien avec le Seigneur des Anneaux, on disait que c’était inadaptable, mais de par la nature très visuelle du livre, c’est le contraire. C’est justement ce genre de livres qui fourmillent de détails visuels qui sont plus faciles à adapter. Tu n’as « plus qu’à » raconter.
Mais les dialogues…
Ah oui, ça va être ardu, mais tu sais des bons dialoguistes aux États-Unis, il y en a. Et justement, on travaille avec un traducteur fou de la Horde. J’ai eu la chair de poule quand j’ai lu certains de ses essais. C’est un défi supplémentaire effectivement, et puis on aimerait aussi avancer aussi sur la partie édition… Si on peut faire découvrir le bijou qu'est la Horde du Contrevent aux États-Unis nous n'allons pas hésiter une seconde de travailler avec La Volte et Mathias Echenay pour ça.
Je suis traducteur de métier donc justement la question m’intéressait doublement. Car quand j’ai lu le roman à l’origine ça ne m’étonnait pas qu’un traducteur comme le traducteur italien ait pu abandonner, je me suis dit qu’à la limite ça peut se comprendre. Finalement le plus grand défi sur le projet, est-ce de déjà trouver un financement, est-ce que c’est l’adaptation en elle-même, est-ce que c’est la réalisation ?
Les deux. Tout est lié. Selon le financement que tu arrives à rassembler, tu peux perdre le contrôle de ton film. Notre atout à nous, c’est qu’on est en capacité de financer nous-mêmes une partie du film via des capitaux. C’est le moyen qu’on a trouvé pour garder la main sur le film, mais aussi pour pouvoir enfin innover dans un secteur où cela devient difficile de le faire.
A l’heure actuelle, vous avez déjà bouclé le budget ?
Non, ce n’est pas comme ça que ça se passe. Le film va coûté 18 millions d’euros, malgré le fait que ce soit une somme "raisonnable" pour un film de cet envergure, il n'en reste pas moins que nous devons être astucieux. Il y a une partie qu’on alimente en fonds propres, un peu moins de la moitié du budget, mais il reste toujours le financement dit classique du cinéma. On est train de commencer juste à prendre contact avec les distributeurs bien en amont pour leur faire connaitre notre démarche et nos envies. Mais ce n’est jamais gagné d’avance, même les Montagnes Hallucinées de Del Toro a été décommandé par Universal. Tu peux être Del Toro et ne pas faire un film. Tout est possible dans l'univers du cinéma, cela dit, entre nous, je crois que tout l'est dans tous les domaines...
Justement, c’est le financement qui va vous occupé toute l’équipe dans les semaines à venir ?
Non, ce qui va nous occupé c’est le script et le design essentiellement, même si en parallèle on rencontre toujours des gens pour le financement en démontrant une certaine cohérence dans notre démarche. C’est une espèce d’alchimie un film. La première chose importante, c’est d’avoir une bonne licence, avec la Horde on pense ne pas s’être trompé car c’est vraiment un coup de cœur et qu’on pense qu’il y a un vrai un potentiel narratif. Ce n’est pas toujours évident, il y a des gens qui choisissent des choses beaucoup plus "faciles" dans le sens où elles sont moins, en apparence, marginales.
C’est sûr que ce n’est pas le plus simple.
Ce n’est pas le plus simple mais c’est le plus intéressant. La prochaine étape, c’est de mettre en place tout le script. Puis aller voir des co-producteurs et vendeurs internationaux pour commencer à pré-vendre le film et après les distributeurs et tu te bats, tu t'acharnes, tu persistes, tu ne t'arrêtes jamais jusqu'à ce que tu boucle ton financement. Sur le côté opiniâtre, on est pas mal du tout ...
En somme c’est un pari.
Les paris sont à la base de tout. On perd un peu de vue ça en France. Mais, à la base, c’est toujours pareil, c’est toujours un pari. Le meilleur exemple, c’est Dyson. Lui voulait faire un aspirateur sans sac et il a reçu de grosses propositions de la part d’industriels après des années d'acharnements qui voulaient racheter son brevet. Il s'est rendu compte qu'ils avaient en tête de lancer cette idée mais bien plus tard car vous vous figurez bien que vendre des sacs rapporte de l'argent... Il a alors persisté et s'est lancé. On connait la suite, et aujourd'hui ces mêmes industriels se sont mis à faire des aspirateur sans sacs... Comme quoi, ça tient à pas grand-chose, seulement au pari qu'à fait cet homme.
C’est marrant car quand j’ai commencé à travailler, je travaillais dans ma chambre, je commençais à faire de petites vidéos sur mon site et un mec m'a écrit un jour, "Dis moi, t’as du pognon toi pour faire ça, tu devrais peut être utiliser tes compétences pour travailler dans un studio". J’ai répondu en lui disant que "Pas du tout, justement, je n'ai pas de pognon pour faire ça ". C’est un choix personnel, j’ai tout lâché pour travailler à fond là-dessus. Après, on a commencé à me proposer des postes super intéressants comme chef animateur à Londres pour un gros studio et le même mec me disait "Formes-toi là-bas, qu'est-ce que tu attends, c'est une occasion unique, tu pourras faire ce que tu veux après ça". Et je lui ai répondu que "je fais déjà ce que je veux"... Je suis ma route, et voilà, c’est comme ça que tu fais les choses c'est en forgeant. J’aurais pu partir à Londres gagner de l’argent mais à un moment, il faut tout lâcher pour ce qu'on veut vraiment, c'est ça faire un pari, y aller quand même alors que ça paraît déraisonnable. C’est d’ailleurs le thème du roman. Tu ne peux pas adhérer la Horde et ne pas l’appliquer dans ta vie. En tout cas, c’est comme ça que je vois les choses.
Oui je comprends, surtout que pour être touché par un livre il faut justement que ça fasse raisonner quelque chose en soi.
Tout à fait. Et je pense que c’est ce qui résonne chez les gens qui lisent la Horde du Contrevent.
A priori, le film devrait arriver en 2013 ou 2014 ?
Ce sera plus 2014 parce que le temps de réunir le financement, il peut se passer plein de choses, mais surtout parce qu'on veut faire les choses bien.
Par rapport aux premiers visuels aperçus, est-ce qu’ils ont été fait par rapport aux investisseurs ?
Exactement. C’est assez mainstream, classique, pour ne pas "effrayer", mais surtout pour donner au réalisateur et à quelqu’un comme Marc Caro l’opportunité de s'approprier l'univers. Ça ne sert à rien qu’on déploie toute une armada alors que le réalisateur n’a pas encore donné sa vision. C'est pour cela qu'on dit que ce sont des pré-recherches, pour pouvoir défricher le terrain.
Est-ce que cela sera éventuellement quelque peu représentatif malgré tout ou pas du tout ?
Non, franchement ça va être différent. Ce qui est représentatif c’est le fait qu’on va faire un film qui est graphique, c’est à dire que ça ne nous intéresse pas de faire de la 3D pour de la 3D. Ce qui nous intéresse c’est de faire un film qui apporte quelque chose en terme de visuel. Les traits de peinture que tu peux voir par exemple c’est des choses qu’on va intégrer sauf que ce sera beaucoup plus réaliste. Le défi c'est de faire un univers graphique avec du caractère. Quoi de plus normal pour la Horde me direz-vous....
Je me demandais si l’identité du film était déjà "figée" ?
Non non, justement on est en train d’y travailler dessus avec Marc Caro et Jan. Marc part de l’univers, c’est à dire qu’il se sert de la matière première offerte par le roman.
Donc en fait, il n’était pas arrivé sur le projet au moment des visuels.
Non, là ça fait trois semaines qu’on travaille avec lui.
C’est vraiment tout récent.
Nous avons levé l’option sur les droits il y a trois ou quatre mois seulement. Mais ça fait longtemps qu’on pense à la Horde, qu’on essaye de défricher le terrain, savoir comment on va le raconter.
Donc ils travaillent de concert pour trouver le bon visuel.
Ça ne nous intéresse pas de faire du steampunk par exemple. Ce qui nous intéresse c’est de faire vraiment un truc assez bien foutu entre l’héroic fantasy et la science fiction, à l'image de ce livre inclassable.
Justement c’est souvent un grand débat parmi les lecteurs : entre les lecteurs de SF et de fantasy chacun essaie gentiment bien sur de s’approprier le livre.
Eh bien, je pense qu’il touche aux deux genres. C’est un univers, c’est un monde nouveau et c’est très bien comme ça, je pense que c’est aussi sa force.
Pour l’anecdote, quand on avait vu Alain l’été dernier lors de la convention de SF et fantasy, il nous avait dit que pour lui c’était plutôt de la fantasy. De toute façon, il y a des éléments vraiment marqués dans les deux univers.
La force du livre, c’est ça. Il est hors catégorie. Moi je trouve ça génial.
Donc, y compris sur un plan artistique, le film devrait refléter un peu ce croisement ?
Ce n’est pas un compromis, vraiment c’est ce que dégage le livre et pour faire quelque chose de vraiment original je pense qu’il faut être aussi original que ce qu’a pu faire Alain dans l’écriture. Il n’a pas choisi je pense, il a voulu mettre les éléments qu’il voulait sans entrer dans des petites cases.
Le roman en lui-même ne souffre d’aucun compromis. Pour lui ça devait couler de source.
C’est marrant, car quand Alain Damasio est passé par la Volte, c’est justement car son roman était hors-catégorie et qu’à un moment, si tu veux que les choses existent, il faut les fabriquer soi-même. C’est exactement ce qu’on fait nous dans le cinéma. Le défi est là aussi.
Pour pouvoir faire exister ce projet il faut trouver une autre façon, il faut sortir de l’ordinaire.
En tout cas, pour le financer, tu peux, parce qu’il suffit de faire beaucoup de compromis et tu arriveras à le financer. Ce qu’on essaye de faire nous, c’est de financer ce projet à nos conditions. Moi j’ai un travail, mes associés ont un travail, on a tous un travail on gagne bien notre vie, on a pas besoin de ça pour vivre. Si on le fait, c’est parce qu’on a la foi. J’ai toujours dit que je préférai ne pas faire ce film plutôt que de le faire dans des conditions qui ne me conviennent pas. Je crois que c'est ça le vrai métier de producteur.
Il y a forcement plus de risques.
On pourrait commencer par quelque chose de très gentil, avec beaucoup de compromis mais si on a choisi la Horde c’est parce qu’un film prend tellement de temps qu’il faut un sujet qui vous passionne. Quand au risque il est bien relatif si l'on considère que pour être en vraiment vivant il faut faire ce que l'on aime.
Toujours dans ce fameux article de Variety dont je parlais, il me semble qu’il était fait mention également d’un projet de jeux vidéo…
En deux mots, notre société est vouée à faire des films et j’imagine que vous avez déjà entendu parler de transmédia. Chez nous, le transmedia n’est pas un concept marketing. Nous sommes une génération à avoir naturellement cette approche du multi-écrans. Donc, pour nous, il va de soi qu’il faut développer un univers à plusieurs niveaux. Nous sommes en train effectivement de voir s’il y a des choses à faire au niveau du gameplay pour un jeu, mais pas une adaptation du roman justement, vraiment quelque chose qui parte de l’univers, qui ait un vrai intérêt en jeu. S’il s’avère qu’il n’y en a pas, on ne le fera pas. C'est aussi simple que ça.
Donc ce n’est pas une bête adaptation de licence.
Ça ne sert à rien de faire ça, non?? Le jeu vidéo en ce moment est dans une phase très difficile puisque les modèles économiques partent un peu en vrille, il est en mutation. Mais il y a un vrai potentiel donc c’est vrai qu’on envisage ça et qu’on a évidemment commencé à travailler avec des gens qui ont la même vision que nous dans leurs métiers, de plus, ils sont aussi fan de la Horde. On en a parlé à Alain. Bref, en tous cas c’est notre démarche qui est transmedia.
Du coup, le style du jeu fait aussi partie de la réflexion j’imagine ?
Exactement, c’est exactement ça. C’est vraiment ça l’idée. Je crois que dans notre génération, on est tous pareil là-dessus. Quand tu joues aux jeux vidéo, ce n’est pas la même chose que quand tu regardes un film. Ce sont deux média complètements différents, deux approches différentes, mais ce n'est pas parce qu'ils sont différents que nous devons les opposer au contraire... Les gens ne veulent pas revoir le film dans le jeu ou le jeu dans le film, ils veulent s'approprier l'univers.
En parlant de Forge, vous disiez que vous aviez également d’autres projets. Ce sont des projets moins avancés j’imagine…
En effet. Disons que nous avons de sérieuses pistes de réflexion, avec de gros projets. On en parlera lorsque ça sera plus avancé.
Et ça serait encore des adaptations ou des créations originales par exemple ?
Ça dépend. L’idée, c’est au final de se lancer dans les créations originales mais tu ne peux pas être sur tous les fronts. Il faut se battre intelligemment, en gros c’est ce que fait la Horde. Ce qu’il faut, c’est utiliser les forces du marché. Il y a une certaine frilosité du marché que personne ne peut nier. C'est assez normal lorsqu'on assiste à une véritable mutation des médias, cela dit, ce n'est pas pour ça que tu dois l'accepter. A toi de trouver les moyens de faire émerger tes idées peut importe le contexte finalement. Aujourd'hui il faut une licence forte, la Horde en est une. Nous pensons que cette frilosité a détourné les gros studios des licences en devenir, ils préfèrent aujourd'hui se battre sur des grosses licences. Nous avons donc une opportunité de pouvoir avancer sur des licences connues de la génération digitale mais moins du large public, il y a là, nous pensons, un vrai enjeu. Nous, on veut justement puiser dans ce vivier-là et choisir des livres de fantasy ou de SF réputés inadaptables ou encore méconnus.
De plus, nous pensons que l'animation a beaucoup de potentiel artistique mais aussi que c'est un moyen intelligent de pouvoir faire des films d'entertainment avec des budgets plus raisonnables que si nous devions les tourner en live action.
Si nous devions faire la Horde du Contrevent en live, c'est un film qui couterait 60 millions de dollars...
Ou il aurait fallu se contenter d’un court-métrage.
Oui, exactement. Et l’animation pour le coup apporte une plus-value puisque tu peux faire absolument ce que tu veux. Ça ne te coûte pas plus cher de faire des immeubles de plusieurs kilomètres de haut qu'un vaisseau interstellaire. Graphiquement, tu peux arriver au même résultat et avoir en plus une autre dimension narrative par le graphisme pour le film. Quand tu vois Sin City par exemple, le mal qu’ils se sont donnés pour arriver à "reproduire" la BD, on comprend aisément que c'est la culture du live qu'ont les Américains qui les a empêché d'avancer sur un concept d'animation. Maintenant, il y a Avatar, demain... ?
Sans doute. Du coup c’est vrai que tout ce qui est Fantasy et SF s’y prête bien.
Oui, tout à fait. Et on se tourne de plus en plus vers les États-Unis. On est en train de prendre contact avec de grands réalisateurs hollywoodiens par exemple.
D’où le tournage en langue anglaise, etc.
Oui. Le marché américain représente 60% du marché mondial, donc on ne peut pas faire sans. Il est vrai qu’ils sont capables de faire le meilleur comme le pire mais incontestablement ils restent leader dans ce domaine et sont surtout bien que paradoxalement, capable d'avancer sur des projets différents.
Pour le coup, j’imagine que c’est trop tôt mais si vous aviez déjà des voix « rêvées » en pensant aux personnages…
En fait, on est en train de faire notre casting voix. On essaie de trouver les meilleures voix possibles, on ne se donne pas de limites. On tente le coup. Tu peux convaincre les gens si tu as un bon projet, si tu le défends bien, si tu arrives à avoir le financement adéquat.
D’ailleurs, nous sommes à l’écoute des suggestions des fans.
Pour en revenir deux secondes à Forge justement, est-ce que vous savez déjà quand vous annoncerez votre nouveau projet ?
Non, pour l’instant, on a quelques opportunités. Le deuxième projet, ce sera certainement de la science-fiction d’anticipation et je pense qu’après on partira sur une licence hors fantasy encore. Déjà, avec le pari de la Horde…

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