Vous êtes ici : Page d'accueil > L'Actualité fantasy
Rencontre avec Ashok K. Banker
Par Luigi Brosse, le lundi 16 mai 2005 à 13:51:15
Ashok K Banker vit à Bombay, en Inde, le seul endroit qu'il considère comme sa maison. Son premier amour a été la SF et la Fantasy, à l'âge de 11 ans, il a commencé à écrire une trilogie de space opéra rythmée qu'il a finit à 16 ans et considère comme un exercice d'écriture à grande échelle.
Sa situation familiale et financière difficile l'a poussé à quitter l'école pour chercher un travail à l'âge de 18 ans. Pendant les deux décennies suivantes, il a bien réussit en tant qu'écrivain professionnel, produisant une quantité phénoménale de scripts pour la télévision, d'articles pour les journaux et de chroniques pour les magazines.
Depuis 1993, ses romans ont commencé à paraître en Inde, faisant de lui l'un des écrivains indiens anglais les plus connus. Mais c'est l'enthousiasmante publication de ses nouvelles SF dans des magazines comme Altair, Artemis, Interzone, Weird Tales, et GothicNet, dans l'anthologie Best New Fantasy 2 éditée par David G Hartwell et Kathryn S Kramer, et une nomination au Prix Bram Stoker pour l'une de ses histoires du cycle de Devi, qui ont représenté un tournant crucial dans sa carrière. En septembre 2001, sa série fantasy, The Ramayana, basée sur une ancienne épopée indienne, a été acheté par Time Warner Books aux Etats-Unis et en Angleterre, et par Random House Verlagsgruppe en Allemagne.
Ashok K. Banker répond à quelques questions sur la publication du premier tome de la série, Prince of Ayodhya.
L'interview traduite
- Comment décririez-vous l'épopée originale sanskrite à des lecteurs occidentaux ?
- Le Ramayana est le plus vieux poème épique indien, composé il y a des milliers d'années (la date exacte est encore discutée) par un voleur amendé devenu sage, nommé Valmiki. Il raconte les aventures d'un jeune prince-guerrier du Nord de l'Inde, nommé Rama Chandra, et sa guerre contre les hordes de démons menées par Ravana. Certains aspects de la saga sont assez réalistes et corroborés par des recherches archéologiques et historiques sur la civilisation Arya de cette époque. D'autres parties sont clairement mythiques et fantastiques.
C'est vraiment au lecteur de décider à quoi il croit et à quoi il ne croit pas, mais la saga est une aventure excitante qui personnalise les concepts jumeaux de Karma et de Dharma, qui sont les bases de la culture et de la philosophie Védique, qui est devenue plus tard la civilisation Hindoue. - Est-il vrai que la plupart des Indiens croient encore implicitement que le conte de Rama et de ses compagnons est une histoire vraie, et les considèrent comme appartenant au panthéon des Dieux Hindou ?
- Rama, Sita, et Hanuman, pour nommer trois personnages principaux, sont toujours l'objet de dévotion un peu partout chez les Indiens.
Je voudrais quand même corriger une erreur qui est souvent faite : l'Hindouisme n'est pas une religion polythéiste comme le croient de nombreuses personnes, mais une foi monothéiste. L'Hindouisme croit qu'il y a Un Vrai Dieu qui prend des formes infinies. Quelques-unes de ses formes sont comme Devas et Devis, comme Ganesh à la tête d'éléphant, comme Rama qui est considéré comme un avatar de Vishnu, et Sita qui est un avatar de Lakshmi, etc. Quoi qu'il en soit, même les Indiens modernes regardent l'histoire comme un point central de leur foi et de leur philosophie. Chaque minute de chaque jour, les gens mesurent leurs mots et leurs actions par rapport à ceux de Rama et de ses compagnons, et se jugent eux-mêmes en regard de cela. Pour le dire sans prendre de gants, vous ne pouvez pas comprendre l'Inde si vous ne comprenez pas le Ramayana et l'autre ancien conte épique, le Mahabharata. - Pourquoi écrire une version moderne du Ramayana? Est-ce que les concepts, les mots et les autres détails indiens ne vont pas être difficiles à appréhender pour des lecteurs Occidentaux ?
- C'était le point principal : redire l'histoire essentielle en restant vrai par rapport aux événements et aux personnages, et faire en sorte que ce soit accessible et excitant pour des lecteurs de partout.
Ma seule motivation en remaniant le Ramayana, plutôt que de simplement faire ma propre saga fantasy était que c'est un conte stupéfiant qui a ce que tout amoureux de la fantasy épique pourrait vouloir : des personnages inoubliables, des relations dramatiques, des dilemmes moraux déchirants, des batailles excitantes, des créatures fantastiques, des moments incroyables, et tout le long, les concepts étonnants de Dharma et de Karma qui ont fait de l'Inde un sujet de fascination et d'étude pour l'Occident. C'est une histoire qui aurait voulu être reprise depuis des millénaires, pouvez-vous imaginer qu'il n'y a pas une seule édition de ce conte en anglais ?
Et pour ce qui est des noms et des concepts peu familiers, ils sont probablement plus simples que dans certaines séries fantasy. Parce que beaucoup de choses qui composent le conte ont déjà filtré dans les consciences modernes, à travers de nombreux écrivains et réalisateurs qui ont été inspiré par le conte original à travers les âges. - En quoi votre version du Ramayana diffère-t-elle de l'originale ?
- Pour faire simple, j'ai choisi de montrer et pas de dire. L'épopée originale contient un paragraphe d'histoire réelle pour dix de discours religieux. Il y a des milliers d'années, c'était suffisant pour parler brièvement d'un incident et louer les Dieux. Mais j'ai choisi l'approche d'une grande fiction historique : en utilisant l'histoire de base, l'intrigue et les personnages de l'épopée de Valmiki, j'ai créé une toute nouvelle structure avec de nouveaux personnages, épisodes, événements et idées. Si je réussis, toute l'époque viendra à la vie. Vous chevaucherez dans les rues d'Ayodhya, verrez la gloire de la civilisation Arya, voyagerez avec Rama au cours de ses aventures. La pompe, la splendeur, les intrigues de cours, les conflits, les batailles, les amours, la luxure, les inimitiés... J'ai essayé de rendre tout ça brillant, vivant et grand. Une grande partie de tout ça vient de théories historiques sur la manière dont les gens vivaient à cette époque mais une plus grande partie vient de ma propre imagination.
- Donc, c'est autant votre Ramayana que celui de Valmiki ?
- Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : Valmiki a écrit cette histoire en premier avec ses personnages. Mais de très nombreux écrivains ont essayé de faire ce que j'ai fait. Depuis le saint Hindou Tulsidas qui a repris l'épopée comme une allégorie religieuse jusqu'au poète Tamoul Kamban qui y a incorporé un peu de culture et de coutume du Sud de l'Inde. Oui, c'est mon Ramayana. Et c'est écrit avec la même intention que n'importe quelle fiction historique : nous aider à comprendre l'histoire de base dans toute sa richesse dramatique. En fait, c'est surtout le Ramayana du lecteur. Si vous attendez de la pureté, lisez la version Sanskrite de Valmiki - ou même la source originale Prakrit. C'est une réinvention, pas une traduction.
- A quel point est-il important de comprendre les concepts Hindous de Dharma et de Karma qui sont à la base de l'histoire ?
- Vous n'êtes pas obligé de comprendre quoi que ce soit sur l'Hindouisme ou la foi Védique - qui est le système montré dans le Ramayana (l'Hindouisme est le descendant moderne de ce système de croyance). Ayez juste l'esprit ouvert, l'amour des grandes narrations, un goût pour l'aventure et le drame ! Tout sera clair pendant le récit. Ce n'est pas un travail philosophique. En fait, vous pourriez être surpris de voir à quel point certains préceptes moraux sous-jacents sont similaires dans de nombreux vieux systèmes religieux. Par exemple, les érudits européens ont écrit un grand nombre d'essais sur les similarités entre les mythes et légendes Judéo-Chrétiens précoces et la foi Védique des Aryas. Nombre de Dieux Védiques sont identiques aux dieux grecs ou romains. Et bien sûr, nous savons tous que le Sanskrit est l'une des sources des langues modernes Européennes. Mais tout ça n'est que le dessus de l'iceberg. Si vous regardez sous ce livre, vous allez vraiment voir de l'histoire pure ! Je demanderais au moins aux lecteurs de respecter le fait que ce n'est pas juste un récit mais l'héritage et la foi de toute une nation contenus dans une histoire. Mais je pense que les lecteurs de SF et de fantasy sont très respectueux des croyances et des gens. C'est ce qui est extraordinaire chez les lecteurs de ce formidable genre.
- Est-ce que cela va être l'un de ses interminables sagas de fantasy qui continuent toujours, ou bien tant que cela portent leurs auteurs sur les listes de best-sellers ?
- Non. La série se termine en sept livres. Après cela, il n'y a pas d'autres histoires à raconter et je ne ressusciterai pas Rama juste pour vendre plus d'exemplaires. Mais si les livres plaisent, les lecteurs pourront revenir dans le même univers avec ma réécriture du Mahabharata qui est le plus long récit épique du monde. En fait, j'espère qu'ils voudront revenir, car je suis déjà en en phase de recherche, et je compte commencer la rédaction dans quelques mois. Ca a été pour moi l'ambition d'une vie de réécrire ces grandes sagas et mythes indiens dans un langage moderne, et je dois admettre que j'aimerais pouvoir continuer tout ça autant que possible, ou aussi longtemps que les éditeurs et les lecteurs me laisseront faire.
- Quels sont vos auteurs et vos romans favoris, et vos films aussi ?
- Vous voulez dire les premiers milliers ou juste les premières centaines ? Non, sérieusement, je lis beaucoup, et j'adore les films. De relire de grands classiques aux tops des best-sellers, j'aime tout. Je pense que les gens qui excluent par snobisme certains genres ou catégories entiers - comme ceux qui lisent Iain Banks mais pas Iain M Banks - se privent là de tant de merveilleuses histoires. Nous vivons dans un véritable Age d'Or de la littérature, et nous devrions profiter de ce luxe. J'adore lire toutes les énormes sagas de fantasy que je peux trouver, j'aime les romances - spécialement les sagas un peu exagérées. J'apprécie la hard science. L'horreur. Les Westerns. Les romans littéraires. La fiction indienne. Les romans traduits de toutes langues mais plus spécialement de langages asiatiques. Les biographies. L'Histoire. Les ouvrages qui ne sont pas de fiction. La Physique Quantique. La culture américaine populaire. Le marketing et le management. J'ai une grande passion pour les ouvrages sur le business des films et comment les réaliser. Et je dévore aussi des films par centaines. Je peux apprécier le plus expérimental des films amateurs comme le plus lisse des blockbusters hollywoodiens. J'ai de nombreux appétits, mais ils nourrissent tous le même estomac. J'aime les histoires, aussi bien les raconter que les entendre.
Interview originelle
Traduction assurée par Thys
Auteur
Ashok K. Banker
Biographie
Bibliographie
- Le Râmâyana
Les interviews
- Rencontre avec Ashok K. Banker
Dernières critiques
- L'Agneau égorgera le lion † critique roman
- Plein-Ciel † critique roman
- La Sorcière sans nombril † critique roman
- Starling House † critique roman
- Assistant to the Villain † critique roman
- Mécomptes de Fées † critique roman
- La guérisseuse de Zalindov † critique roman
- L'Eveil du Palazzo † critique roman
Derniers articles
- Les Anneaux de Pouvoir, le bilan de la saison 2
- Les lauréats du prix Elbakin.net 2024
- Prix Elbakin.net 2024 du meilleur roman de fantasy : la sélection !
- House of the Dragon : bilan de la saison 2 !
- Nell rebelle : le bilan de la saison 1
Dernières interviews
- La parole aux maisons d'édition - 2024, nous voilà !
- Bilan 2023, l’année fantasy des libraires
- Un entretien avec François Baranger
- Un entretien avec Joan Mickelson
- Une tasse de thé avec Chris Vuklisevic