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Interview de James P. Blaylock

Par Lisbei, le lundi 3 novembre 2008 à 15:38:37

BlaylockOn ne connait pas bien James Blaylock en France. Et pourtant l'auteur des Contes de l'Oriel est souvent désigné comme étant l'inventeur du steampunk. Alors quand BookSpotCentral, par l'intermédiaire de Jay Tomio et Brian Lindenmuth, réalisent une interview du phénomène. On ne peut pas s'empêcher de vous en proposer une petite traduction.
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Interview traduite

Jay Tomio : Il semble que lorsque l'on évoque le sujet du Steampunk, votre nom ne soit jamais loin. Selon vous, qu'est-ce que le "Steampunk" et en aviez-vous conscience lorsque vous écriviez à la fin des années 70 début des années 80 ?
James Blaylock : Je ne suis pas vraiment fan du jargon littéraire, mais le mot "Steampunk" a bien pris racine, et je dois faire avec. Il me semble que comme le terme a été forgé … à la fin des années 80 ?… les écrivains ne pouvaient pas avoir l'idée qu'ils étaient en train d'écrire du Steampunk. Moi je n'y pensais pas. J'adorais (et j'adore toujours) la littérature victorienne, et je voulais simplement écrire des histoires et des romans avec des éléments et l'esprit de cette époque. Je lisais de grandes quantités de romans de Dickens, Stevenson, Conan Doyle et P.G. Woodehouse, et j'avais grandi avec Wells et Verne, et du coup je suis tombé naturellement dans ce qui allait devenir la mode Steampunk, avec, je pense, une pointe d'humour. Pour moi, le Steampunk est une excuse pour écrire des histoires de déroulant à une époque où la science était largement imaginative et spéculative, comme mes propres écrits. Je n'ai pas la moindre trace de science en moi.
Jay Tomio : En gardant cela à l'esprit, en dehors de vos propres écrits, de ceux de Jeter et de ceux de Powers, quels livres sont selon vous les meilleurs exemples de votre idée du Steampunk ?
Je suis désolé de dire que je n'en ai jamais lu, à part Jeter et Powers. (Je le ferai un jour.) De plus, je suis toujours un grand fan de Jules Verne.
Jay Tomio : Vous avez dû soumettre des livres comme Le Vaisseau elfique ou The Man in the Moon à Del Rey à la fin des années 70 à peu près au moment où la saga Shannara de Terry Brooks venait de commencer. Sans entrer dans des discussions à propos de la qualité de la direction, cela représentait un changement significatif dans l'édition de fantasy ; aviez-vous ce sentiment à l'époque, ou n'était-ce qu'un essai, qu'un moment donné ? Y avait-il un pressentiment que le marché allait être bousculé par Ballantine/Del Rey ?
Je n'avais jamais entendu parler de Terry Brooks et je ne connaissais que très peu les livres de Del Rey. J'ai écrit The Man in the Moon en réaction à Huckleberry Finn et Le Vent dans les Saules. Je ne savais pas du tout qu'il correspondait à un genre particulier, et je ne savais pas où l'envoyer. Il est parti chez Del Rey uniquement parce que Phil et Tim écrivaient des livres pour Lester et Judy-Lynn Del Rey, et qu'ils m'avaient proposé d'écrire des lettres de recommandations. Tout ceci s'est passé, bien sûr, à l'époque où Del Rey connaissait ses premiers best-sellers, et ça a sans doute quelque chose à voir avec le fait que Le Vaisseau elfique soit resté édité pendant 10 à 12 ans.
Brian Lindemuth : Le Géant de Pierre est sorti quelques années après Le Vaisseau elfique et Le Nain qui disparaissait et il semble qu'il soit marqué par une tonalité plus sombre. Si je me souviens bien, vous avez fait référence aux Contes de l'Oriel comme ayant été écrits avec un état d'esprit différent, un que vous avez quitté depuis et que vous ne pouvez plus retrouver, ne serait-ce que parce que vous n'êtes plus cette personne désormais. A quoi ressemblerait un Conte de l'Oriel écrit par vous aujourd'hui ?
Je suppose que le fait que je doute d'être capable de recréer l'atmosphère fantasque de ces histoires est surtout de la spéculation. Peut-être que je pourrais le faire. Peut-être que je le ferai. J'essaierais certainement de le faire s'il y avait un réel intérêt à la chose. Mais cela remonte à plus de 25 ans maintenant, et je doute que cet intérêt existe, et en particulier du côté des éditeurs. Il est possible que Le Géant de pierre soit plus sombre parce que le narrateur était différent. Peut-être était-ce moi qui étais différent, à vrai dire. C'est difficile à dire. C'était intéressant pour moi que certains critiques pensent que Le Géant de pierre était meilleur que les deux premiers. J'imagine plutôt que la plupart de mes lecteurs préféraient les deux premiers. Je préfère les deux premiers en dépit de mes arguments dans l'autre sens. Si je devais réécrire un Conte de l'Oriel aujourd'hui, je relirais ce que je lisais à l'époque : Huckleberry Finn, Le Vent dans les Saules, Lud in the Mist, les histoires de P.G. Woodehouse, Nicholas Nickelby, etc., et je bombarderais Jonathan Bing personnage principal du bouquin, étant donné que je serais intoxiqué par toutes ces lectures. Dieu seul sait ce que j'arriverais à en faire.
Jay Tomio : Vous avez souvent collaboré avec un autre excellent auteur, Tim Powers. Quand a commencé votre relation et qu'est-ce qui a provoqué des collaborations aussi fréquentes ?
Nous sommes allés ensemble à l'Université d'Etat CAL, Fullerton, au début des années 1970 et sommes devenus bons amis. Nous avons inventé William Ashbless (quoi qu'en dise Ashbless) et, pour être franc, avons souvent écrit ensemble des poésies d'Ashbless au lieu d'aller en cours. Cela nous a conduits à co-écrire quelques nouvelles d'Ashbless, et plus tard à collaborer sur des nouvelles plus sérieuses. En fait, il n'y a eu que 3 collaborations entre nous durant les 15 dernières années.
Jay Tomio : Parlez-moi de William Ashbless et de sa situation actuelle.
Ashbless a un appartement sur Xemino Street à Long Beach, Californie, bien qu'il soit souvent en déplacement hors de la ville (ou en train de déjeuner à l'extérieur). C'était à l'origine un canular littéraire auquel Powers et moi jouions dans le Daily Titan, le journal de l'école à l'université. Dans les années qui ont suivi, il a continué à produire des poèmes (49 poèmes d'un seul coup, si je me souviens bien, lors d'une très longue après-midi dopée à la bière et au café à La Mirada). Il écrit toujours de la poésie, bien que sa principale activité littéraire ces jours-ci consistent à critiquer, le plus souvent avec virulence, le travail de Powers et Blaylock. Il a été publié assez largement, et des sites internet dédiés ont surgi mystérieusement, certains outre-Atlantique, certains vendant des T-shirts et des souvenirs. Il ne nous a pas encore traînés en justice.
Jay Tomio : Vous avez été capable de cerner l'un de mes écrivains favoris, qui est également sans l'ombre d'un doute l'une des grandes voix de la fiction. D'un point de vue plus personnel que la plupart des gens, en quoi et comment Philip K. Dick est-il si différent des autres grands auteurs de cette période, en particulier des 3 Grands ?
Je ne suis pas sûr que mon intérêt pour le travail de Phil soit comparable à celui d'autres personnes. Pour moi, c'était un écrivain "généraliste" qui était truffé d'éléments de SF. J'adore les romans qui parlent de petites gens accomplissant de petites choses, et c'est ce qu'ont toujours fait les écrivains "généralistes". Je suis stupéfait par l'attirail SF des histoires de Phil, les trucs super cool utilisés à bon escient, par exemple, dans l'adaptation cinéma de Minority Report, ou le postulat fascinant d'un livre comme Le Maître du Haut-Château, et ce que cela révèle sur l'illusion humaine. Mais Le Temps désarticulé est probablement mon préféré parmi ses romans. Le hangar à radio de Ragel Gumm et ses tentatives pour quitter la ville par la ligne Nonpareil et sa fuite avec Mrs Je-ne-sais-plus-son-nom : c'est pour cela que je lis les romans de Phil Dick. Je suis plus intéressé par ce qui se passe dans le voisinage que par ce qui se passe sur Mars. Et même sur Mars, Phil a toujours un pied dans le voisinage. Son sens de la tragédie humaine et son sens de l'humour étaient merveilleusement mariés, et c'est loin d'être simple.
Brian Lindenmuth : Puisque vous le connaissiez, que pensez-vous de l'évolution de la réputation littéraire de Philip Dick au fil du temps ?
Je pense que sa réputation a évolué pour toutes les bonnes raisons. Parfois je ne peux réprimer un sourire quand je le vois comparé à une sorte de gourou, ou à un intellectuel littéraire de haut vol (ce qu'il aurait très bien pu être), parce que le Phil que j'ai connu aurait ri à l'idée de l'un comme de l'autre. Ce qui me frappait chez lui c'était son sens de l'humour et son immense générosité dans pratiquement tous les sens du terme. Il était prêt à parler de rock, de voitures et de chats autant que de littérature.
Jay Tomio : Il me semble que Les Reliques de la nuit inaugurèrent une nouvelle période pour vous en tant qu'auteur. Cette observation est-elle pertinente ? Pour ma part, en tant que fan de votre travail depuis une bonne dizaine d'années, j'ai toujours considéré qu'il y avait un avant et un après ce roman dans votre œuvre.
C'est une observation tout à fait pertinente, à mon avis, même si on peut trouver une résonance entre certains ouvrages récents et d'autres plus anciens. J'ai reçu des lettres de gens inquiets parce qu'ils trouvaient que Les Reliques de la nuit, The Rainy Season et Winter Tides étaient "sombres". Certains d'entre eux se demandaient ce qui se passait, qu'est-ce qui m'avait fait dérailler. En réalité, Le Dernier Denier, dont l'écriture m'a pris deux ans, a créé des personnages qu'il m'était difficile de me sortir de la tête, et je me refusais catégoriquement à écrire un autre livre semblable. Nous avions une cabane au fond des bois à l'époque, et l'idée des Reliques de la nuit m'est venue alors que je randonnais seul dans l'arrière-pays lors d'une après-midi particulièrement venteuse, solitaire et à vous donner la chair de poule. Les origines de l'histoire étaient si différentes de celles du Dernier Denier que j'ai trouvé facile de transformer totalement le timbre et la nature de l'histoire. J'ai découvert que j'aimais le décor, le suspens croissant, et la langue de l'histoire, et cela (parmi d'autres choses), m'a amené à écrire The Rainy Season et Winter Tides. D'un autre côté, il me semble qu'il y a eu un changement comparable dans mes nouvelles, et qu'il y a eu une série de nouvelles à peu près au même moment (The Old Curiosity Shop, Home Before Dark, Small House parmi d'autres) qui avaient beaucoup à voir avec la mortalité et étaient elles aussi sombres. Ma femme, Vicki, m'en a d'ailleurs fait la remarque un jour : Qu'est-ce que c'est que toutes ces histoires de vieux bonshommes à l'agonie ?. Je lui ai répondu que je n'en avais aucune idée. Elle a supposé que cela avait quelque chose à voir avec la mort de ma mère qui est arrivée pendant cette période, une chose qui n'a pas été facile pour moi, comme vous pouvez l'imaginer. Alors peut-être qu'il s'agissait vraiment d'une nouvelle phase, après tout. C'est difficile de distinguer une phase quelconque tant que l'on n'en est pas sorti pour regarder en arrière.
Jay Tomio : Avez-vous été amené chez Arkham par James Turner ? J'ai jeté un œil à l'époque où il était impliqué avec cet éditeur, et sur le papier, il semble qu'il avait du flair pour dénicher les talents. Était-ce encore magique à l'époque d'être publié par un éditeur qui avait une telle histoire et un tel pédigrée ?
Jim Turner m'a effectivement fait entrer chez Arkham. A mes yeux, c'était un prince. J'étais aux anges d'être publié chez Arkham.
Jay Tomio : The Adventures of Langdon St. Ives sortira chez Subterranean à la fin de l'année. Au-delà des descriptions que nous pouvons lire dans la presse, pouvez-vous nous dire à un niveau plus personnel ce que cette anthologie recèle au niveau de votre carrière et de votre vie ? Y a-t-il des thèmes ou des idées qui ont plus de résonance pour vous, ou peut-être qui semblent ternies avec le recul que vous pouvez avoir maintenant en tant qu'auteur et que personne ?
Je n'ai pas grand-chose à en dire. En fait, je viens juste de finir d'écrire un nouveau court roman sur St. Ives, dont l'écriture m'a énormément plu. J'ai relu la première histoire The Ape-box Affair et j'ai été amusé de découvrir que même si je suis à présent un auteur moins frivole, le style et la substance de mes histoires sur St. Ives n'ont pas beaucoup changé. C'est peut-être lié au fait que je lis toujours ce que je lisais à l'époque : j'ai commencé ce matin la pièce de Stevenson Deacon Brodie, en fait, et je suis en train de me demander quel roman de Dickens je vais pouvoir lire avant la rentrée scolaire, dans un mois. Quel que soit le monde que j'habitais quand j'ai écrit cette première histoire, il semble que j'y habite toujours. Et aucun thème ne me vient à l'esprit.
Brian Lindenmuth : Le bruit court que vous avez écrit des romans pour adolescents au cours de ces dernières années. Est-ce vrai ? Et si c'est bien le cas, étant donné la demande qui existe sur le marché des romans pour adolescents, allons-nous entendre encore parler de vous dans cette même veine ?
Sans l'ombre d'un doute, le monde verra un roman pour adolescents issu de ma plume dans un futur proche. Si l'accueil est bon, le monde en verra d'autres. Reste à savoir qui les publiera, pour l'instant, mystère. Une petite précision intéressante : quelqu'un s'est plaint sur un site Blaylock à propos des auteurs (moi inclus) qui écrivaient sciemment des choses appelées romans pour adolescents, comme s'ils cédaient aux exigences d'un certain public. Il se trouve que je partage cette opinion. J'ai écrit le livre en question par qu'il s'est trouvé que je racontais une histoire du point de vue d'une jeune fille, et je me suis rendu compte que j'étais pris au piège par sa voix et sa façon de penser, et qu'il m'était impossible de m'arrêter. (C'était exactement la même chose quand j'ai écrit Le Vaisseau Elfique.) J'ai fait référence à ce roman comme étant un roman pour adolescents surtout parce que j'utilisais le jargon éditorial, alors que cela m'importe peu. Il y a des années, j'ai écrit Land of Dreams sans le considérer autrement que come un roman. Et il s'est révélé que dans certains pays, il a été édité en tant que roman pour adolescents, simplement parce que les personnages principaux étaient des adolescents. C'est ça le monde de l'édition. Les magazines des libraires l'ont aussi considéré comme tel, pour la plupart. Donc, au risque d'en dire trop, je dirai que mes romans catalogués pour adolescents sont écrit pour des lecteurs de tous âges, et que ces lecteurs les aimeront, ou ne les aimeront pas. Pour ma part, je les aime beaucoup.
Jay Tomio : Que pouvez-vous nous dire à propos de votre prochain roman, Knights of the Cornerstone, et depuis combien de temps cette histoire est-elle sur le feu ?
Tout d'abord, je dirai que c'est peut-être mon meilleur livre, prenez-le pour ce que ça vaut. Il se déroule dans le désert, dans un endroit appelé New Cyprus sur le fleuve Colorado. Mon personnage se rend là-bas pour rendre visite à une tante mourante, et se retrouve pris dans les machinations de … Comme c'est un livre avec une intrigue assez complexe, je ne peux pas dire grand-chose à moins d'enfoncer des portes que le lecteur aura plus intérêt à ouvrir lui-même. Pour des raisons trop difficiles à expliquer ici (sans que cela soit négatif) je suis resté pendant environ 8 ans sans publier de romans. Mais à partir du moment où j'ai eu l'idée des Knights, j'ai mis peut-être un an et demi à l'écrire.
Jay Tomio : Votre préféré, alors ? A quel ouvrage auriez-vous décerné cette distinction avant, à moins que cela ne soit toujours le dernier en date qui chasse le précédent ?
OK, je veux bien reconnaître que je suis souvent plus enthousiaste à propos des derniers romans. Mais même ainsi, je pense que c'est quand même l'un de mes meilleurs. Je peux toutefois toujours distinguer entre meilleur et préféré. Avant Knights of the Cornerstone, cela aurait été Le Dernier Denier. (J'aime également beaucoup The Digging Leviathan et Sonne le glas de la Terre. De nombreux critiques, cependant, insistent sur le fait que Winter Tides et The Rainy Season étaient les meilleurs. William Gibson m'a raconté un jour qu'il est entré dans une librairie de Vancouver et a demandé un exemplaire de The Digging Leviathan. Le libraire lui a demandé : Vous savez si c'est censé être drôle ?. C'est très rigolo.)
Jay Tomio : Le truc dans les œuvres de Verne c'est que l'on peut y voir des concepts qui ne demandent qu'une adaptation visuelle, et j'ai toujours trouvé que votre œuvre avait ce même truc. Y a-t-il jamais eu de propositions concernant la télé ou le cinéma, et pensez-vous que l'une de vos œuvres serait particulièrement intéressante à adapter ?
En réalité, il n'y a pas eu beaucoup de propositions. Le Dernier Denier, qui pourrait être facilement adapté, est tout désigné, à mon avis, et en fait il y a quelques années un intérêt cinématographique pour le livre a été exprimé, bien que personne n'ai posé d'option dessus. Il y a eu quelques scénarios d'écrits, et il se trouve qu'il y en a un en cours d'écriture actuellement. Nous verrons ce que cela va donner. Knights of the Cornerstone est également facilement transposable à l'écran, peut-être plus que Le Dernier Denier. Le bon réalisateur pourrait faire des choses intéressantes avec The Digging Leviathan. Cela serait un film étrange, mais il y a un grand nombre de films étranges qui s'en sortent bien. Si Spielberg lit ceci et appelle pour se renseigner, donnez-lui mon numéro. Haut les cœurs !
Jay Tomio : J'aimerais remercier M. Blaylock d'avoir pris le temps de discuter avec Brian et moi-même, et j'espère que tout le monde a apprécié cette interview.

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