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Interview de Gotham Chopra, directeur artistique chez Virgin Comics

Par Thys, le mardi 18 juillet 2006 à 09:13:35

Virgin Comics semble bien décider à frapper fort pour son entrée dans ce nouveau monde pour l'entreprise du célèbre Richard Branson ! Et afin d'en savoir un peu plus sur les intentions de cette nouvelle branche, que dire d'une petite interview ?
Avec le directeur artistique en personne !

Gotham Chopra chez Virgin Comics

Le mois prochain, le marché du comics attend un nouveau – et très attendu – acteur, alors que Virgin Comics lance ses trois premiers titres : Devi, The Sadhu, et Snakewoman.

Pour reprendre les choses au début, ce qui va devenir Virgin Comics a commencé autrement, exact ?

Oui. Mon collègue, Sharad, a monté un business en Inde ces dernières années, avant même que nous nous rencontrions, ironiquement, et qui s'appelait Gotham Entertainment Group. Donc on pourrait même dire que tout cela fait parti d'un plan plus vaste. Le but premier de cette compagnie était d'importer les meilleurs comics du monde – les Spider Man, Batman, et autres sur le marché Indien. Il a été pionnier ces deux dernières années en préparant le marché du sud de l'Asie pour les comics. Mais je pense qu'il serait le premier à vous dire que pendant toutes ces années à apporter les produits occidentaux en Inde, ils voyaient surtout la migration du contenu oriental à l'Ouest, surtout depuis le Japon avec des choses comme les Pokémon, ou Yu-Gi-Oh. Donc ils ont commencé à penser que l'Inde était la dernière grande source inexplorée de mythologie qui n'avait pas encore émigré, ils ont donc monté un petit studio.

C'est à ce moment que je les ai rencontrés, et outre le fait que j'adore le nom de leur entreprise, je travaillais également à des buts similaires. J'avais l'expérience de Channel One, j'avais fait beaucoup de documentaires, et couvrais pas mal cette partie du monde. De plus, j'ai en partie grandi dans le sud de l'Asie et étais vraiment consommateur de ce genre de mythologie. Donc en travaillant et en étant influencé par mon père et réalisateur Shekhar Kapur j'avais commencé à regarder ce marché comme une source riche qui pouvait être utilisée – mais était plus tournée vers le cinéma et la télévision.

Quand j'ai rencontré Shadar et ai vu ce qu'il faisait, j'ai trouvé que son approche était bien meilleure pour créer du contenu. Au lieu de passer un demi-million de dollars sur un scénario, on dépense une infime fraction de cela pour créer ce qui peut devenir un scénario et peut devenir un film. C'est comme cela que ça a commencé – on a monté une compagnie, il y a à peu près un an et demi.

Elle portait alors le nom de Gotham Studios Asia – il n'y avait donc pas de raison de changer le nom (rires). On a commencé à construire le studio, et à faire des choses intéressantes – en nous concentrant uniquement sur ce « côté Indien » comme nous l'appelions. Nous avions d'étonnantes sollicitations d'artistes et écrivains qui commençaient à entendre parler de nous. Pour passer au niveau suivant, nous devions trouver un partenaire, constituer un capital – comme il est normal de le faire lorsque l'on monte un business.

C'est à ce moment que nous avons approché Richard, on ne le connaissait pas du tout – et nous avons d'abord du trouver un moyen d'accéder jusqu'à lui. Pour être honnête, avant de penser à Richard, nous avions parlé à de nombreuses personnes, à la fois de mes connaissances et de celles de Sharad. Certains avaient répondu positivement, d'autres nous ont pris pour des fous d'avoir un projet si vaste. Je me rappellerai toujours ce que nous a dit une des personnes que nous avions approchées – il a dit qu'il aimait vraiment le fait que nous soyons des pionniers, mais qu'il n'aimait pas le fait que les pionniers se font souvent tirer dans le dos, et ce sont ceux qui viennent après qui profitent de leur travail. Nous avons raconté cette histoire à Richard et c'est tout ce qu'il avait besoin d'entendre. Il a dit « Je suis un pionnier. »

Ça sonne comme quelque chose qui a touché un point sensible chez lui – que vous rencontriez de l'opposition en essayant de construire quelque chose de nouveau...

Oui, c'est son truc. Richard a posé une condition, qui disait que c'était lui qui allait faire ça et personne d'autre. Avant de le rencontrer, nous avions déjà réuni la moitié du capital mais heureusement nous n'avions encaissé aucun chèque. Richard nous a dit qu'il prenait la totalité, ce n'était pas quelque chose d'égoïste de sa part, juste la question de pourquoi aurions-nous besoin de quelqu'un d'autre une fois qu'il était impliqué ?

Donc, lorsque vous avez proposé le projet à Branson, il s'agissait d'un projet plus vaste, pas juste des comics ? Je m'imagine que bien qu'attractifs, des comics seuls pourraient ne pas l'intéresser, mais en tant que pierre d'un édifice pour sa compagnie – cela aurait bien plus de potentiel...

Exact. Nous lui avons apporté une vision, ainsi qu'un question. « L'Inde pourrait-elle être le prochain Japon? » pour ce qui est des histoires et de l'exportation de la culture. Je ne peux pas répondre à cette question, mais je sais que si l'Inde n'a pas l'héritage du Japon en terme de comics, elle a une riche tradition narrative et une mythologie. Je pense honnêtement que Richard et Virgin y ont vu une opportunité de s'implanter à l'Est. Virgin n'est pas aussi connu à l'Est qu'à l'Ouest. Pour nous la question était de savoir comment amener ce que nous faisions à l'Ouest. C'était donc un mariage heureux et tout le monde y a trouvé son compte. D'une part, c'est un projet plus large et pas seulement des comics, et de l'autre nous voulons construire une formidable société d'édition, avec l'intention claire d'aller au-delà des comics. Mais nous n'avons pas commencé tout ça comme une méga-compagnie. Nous nous concentrons sur le fait de travailler avec de bons créateurs et de faire d'excellents comics.

Quel est l'implication de Richard Branson dans tout cela, et comment se divise la propriété de l'affaire ?

Nous aimons voir les deux autres fondateurs de la compagnie, Shekhar Kapur – que nous appelons le Steven Spielberg de l'Inde – et mon père, comme notre Dreamworks – nos ancêtres en quelques sortes. Mais en même temps, ils n'interviennent pas vraiment – ils reconnaissent que c'est ma vision et celle de Shadar qui a rendu tout cela possible et c'est la raison pour laquelle nous sommes heureux qu'ils fassent partie du projet. De ce point de vue, Richard est un champion du business. C'est son enthousiasme personnel qui nous a permis de faire affaire avec Virgin. Il y a Richard Branson et il y a Virgin qui est une compagnie qui examine les opportunités sous tous les angles. L'avis de Richard pèse beaucoup. Nous sommes en contact avec lui mais ce n'est pas comme s'il prenait des décisions éditoriales ou nous imposait les titres. Il est très cool, accessible. Son expérience est un exemple extraordinaire – avoir son avis à un moment crucial est inestimable.

Et pour ce qui est des parts – est-ce que tout appartient à Virgin Comics ?

Nous avons établi nos trois lignes de comics - le ligne Shakti, qui signifie "puissance" est très tournée vers l'Inde, nous allons prendre les grandes histoires orientales et les réécrire pour un public plus large. Nous travaillons aussi avec de grands réalisateurs de Director's Cut Line et nous sommes partenaires avec John Woo, nous travaillons aussi avec Hollywood sur d'autres histoires. Puis il y a la ligne Voices qui a commencé par être notre ligne "Maverick", et nous travaillons avec des créateurs et des voix innovants, qu'ils soient musiciens, artistes ou écrivains, qu'ils appartiennent ou pas à l'industrie du comics.

Dans chacun de ces projets la propriété se répartie différemment –Shakti est produit par notre studio et appartient presque entièrement à Virgin. Pour Voices et le reste c'est différent. Nous aimons que les créateurs soient motivés, c'est donc différent pour chaque projet, mais le but est que le créateur et Virgin conçoive le projet au-delà des simples comics.

Vous adressez ces comics à un large public, pas seulement en Inde ou aux Etats-Unis. Y a-t-il un moyen d'approcher les histoires pour que les publics les apprécient tous autant malgré leurs différences culturelles ?

Il y a quelques principes de bases dont je peux parler, tout d'abord, nous ne sommes vraiment pas dans le business des super-héros. Marvel et DC excellent dans le domaine, donc d'un point de vu commercial, ça n'aurait pas de sens de s'y lancer. D'autre part, notre sensibilité est probablement de moins en moins liée aux histoires qui nous attirent d'un point de vue créatif.

Quand on regarde la manière dont a évolué le divertissement ces 10 dernières années, il y a un archétype d'histoire classique, qui est très occidental – « l'homme est maître de son destin ». On peut même le voir aujourd'hui dans Harry Potter, Matrix ou Le Seigneur des Anneaux – les personnages rencontrent un destin fabuleux. Cette idée « d'être choisi » est devenue très populaire, c'est une histoire que l'on a raconté des milliers de fois.

C'est le genre d'histoire qui nous attire, et qui sont accessibles à un large public, que l'on soit à Bombay ou Boston – c'est la même chose.

D'un point de vue créatif maintenant, on recherche toujours une bonne histoire, et lorsque je travaille avec nos écrivains en Inde nous leur faisons suivre une formation qui inclus la lecture de Joseph Campbell pour qu'ils comprennent vraiment la thématique du héros. C'est une histoire universelle – elle n'appartient pas à une culture ou à une autre.

Il y a aussi les trucs du marché – on peut mettre un personnage occidental dans un paysage oriental, et ce sera quelque chose qui touchera les deux public. Il y a quelques-uns de ces trucs dans nos premières histoires.

Ceci dit, pensez-vous que les différences culturelles de vos écrivains Indiens avec le public occidental, par exemple, poseront problème ? Après tout, même si ce n'est pas fait ouvertement, nombre de comics Américains ont un ton Judéo-Chrétien...

Oui et non. L'inde est le pays le plus multiculturel du monde – il y a 200 millions de Musulmans, quelque chose comme 150 millions de Chrétiens, donc l'Inde est un pays qui est ouvert à de nombreuses traditions spirituelles. Dans l'histoire de Sadhu – un Anglais vient en Inde en 1850 – ce n'est pas comme s'il se convertissait à l'Hindouisme, il ne fait qu'amener une sensibilité occidentale dans un univers oriental.

Lorsque l'on regarde nos histoires, elles sont certainement teintées par une certaine interprétation de l'univers, qui dit que l'homme fait partie d'un univers plus vaste – et pour être honnête, je crois que c'est un changement de mode de pensée et de vision du monde qui arrive à l'Ouest quoi qu'il en soit. Lorsque l'on voit comme certaines pratiques orientales sont devenues classiques, de la méditation aux classes de yoga. Nous jouons sur un phénomène plus large. Quand on voit qu'un film comme Le secret des poignards volants peut être premier lors de son week-end d'ouverture, cela vous donne des indications sur l'ouverture du public occidental aux histoires et la narration orientales.

Vous débutez avec trois titres – et après ? Comme vous le savez, plus d'une compagnie a commencé avec de bons produits seulement pour mieux faire faillite, en partie pour avoir trop grandi, trop vite...

Oui, nous restons lucides à ce propos et essayons de trouver un équilibre. Donc, nous débutons en juillet avec 3 titres, nous aurons 5 titres d'ici l'automne, et pas plus de 8 d'ici la fin de l'année. C'est délibéré. Quand nous travaillons avec John Woo, nous ne voulons pas le forcer à raconter l'histoire que nous voulons, nous voulons qu'il raconte l'histoire qu'il veut raconter. Si c'est Indien, parfait. Chinois, parfait. Brésilien, parfait aussi. Nous voulons travailler avec des créateurs innovants sur des histoires innovantes.

Notre but est de maintenir 50% notre « côté Indien » et 50% pour Director's Cut et Voices.

Pensez-vous produire des séries en plusieurs volumes, des albums,... ?

Des séries en plusieurs volumes aussi bien que des one shot, de six à douze numéros. Nous concevons nos titres comme ayant de multiples incarnations en les publiant à travers le monde. Des mensuels, évidemment, mais aussi en les commercialisant sous forme d'albums. Nous avons un agenda international très agressif pour tout sortir en même temps.

Donc tout sort en juillet partout dans le monde ?

Oui. Nos titres sortent en même temps aux Etats-Unis, en Inde, et dans d'autres parties de l'Asie et on considère sérieusement l'Europe à l'heure où nous parlons.

Dans combien de langues les titres sortiront-ils ?

Anglais, évidemment, et en Inde, nous publions en 15 dialectes locaux. Et nous pensons à l'Europe, mais de ce côté, je ne sais pas si juillet est une échéance réaliste ailleurs qu'en Angleterre. Mais où que nous atterrissions, nous serons sûrement dans la langue du pays.

Article originel, par Newsarama.com, le 14 juin 2006


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