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Retour sur la polémique des nominations du prix Hugo 2015
Par K, le lundi 20 avril 2015 à 17:00:00
Après deux petites citations pour vous plonger dans l'ambiance, retour sur le conflit qui anime énormément de discussions outre-Atlantique, y compris parmi les auteurs les plus en vue du moment.
Un retour que l'on ne vous garantit pas sans une pointe d'ironie et de mordant !
« Le comité de lecture tient à souligner que le message ci-dessous est considéré comme nuisible et vivement déconseillé pour cause d'ironie mal placée, de remarques désobligeantes et de relents idéologiques douteux. »
Théodore Beale.
« Par delà l'océan, sur les vastes terres occidentales, une implacable tyrannie régnera. La terre des pionniers sera dirigée par les Social Warrior of Justice. Des bataillons de fanatiques sèmeront la terreur au sein du bon peuple des lecteurs et bouteront les mâles Hyperboréens hors de la littérature. C'est alors que, face à ce joug, Larry, ancien marchand d'armes, parangon des vertus américaines, fondera la résistance : les chiots tristes se déploieront et s'empareront des Hugos... »
Vox Day, IV, 1, 13.
Contexte et développement
Prenons un instant pour répondre à vos mines interloquées.
Non il ne s'agit pas du mauvais scénario d'une nouvelle série Marvel mais bien d'une crise majeure frappant l'un des plus prestigieux prix littéraires récompensant des œuvres de science-fiction et fantasy : le Hugo.
Tout commence il y a quelques années maintenant, lorsqu'un homme, Larry Correia, découvre avec stupeur que bien que nommé, il ne parvient pas à emporter le prix. Face à l'attitude vile de quelques extrémistes avinés présents lors des conventions il découvre petit à petit la sinistre réalité : mâle blanc mormon marchand d'armes et conservateur, il était en tant que tel honni par une partie des votants. Il découvrit alors que que ceux-ci, loin de représenter la frange saine de la société américaine, étaient pour la plupart de ceux qu'il qualifie de Social Warrior of Justice, dominant culturellement et insidieusement la science-fiction pour le plus grand bénéfice de médiocres plumitifs.
Comment sinon par un bourrage d'urnes à la Ocatarinetabellatchitchix expliquer que des auteurs aussi mauvais qu'Ursula K. Le Guin (féministe acharnée et écologiste notoire), China Miéville (Britanique, donc suspect, et marxiste qui plus est), Ken Liu (Dont le nom sonne comme tout un programme littéraire) aient pu remporter le moindre prix ? D'ailleurs, déclare Larry dans une controverse l'opposant à George R.R. Martin, le simple fait qu'aucun prix Hugo ne récompense de roman faisant l'éloge du système capitaliste et en chantant les louanges, n'est-il pas révélateur de cet odieux complot ?
Là où d'autres auraient protesté faiblement dans leur tanière, Larry décide de faire avancer les choses. Les Sad Puppies s'organisent face à ce scandale, mobilisent leurs réseaux, s'inscrivent en masse et votent pour que soient présents des auteurs correspondant à leur sensibilité politique, celle qui produit de la bonne et saine littérature. Leur belle entreprise prend son essor grâce à la mobilisation d'autres acteurs comme Théodore Beale, plus connu sous le pseudonyme de Vox Day qui rameute lui aussi ses troupes et décide d'ajouter à la liste de ces tristes chiots quelques auteurs de son cru pour éviter que des individus aussi méprisables que N. K. Jemisin « an educated, but ignorant half-savage, with little more understanding of what it took to build a new literature » , John Scalzi (contre lequel il voue une obsession légitime) ou tout auteur soutenu par cette "grenouille obèse" de Teresa Nielsen Hayden ne remporte la moindre récompense.
Il est à noter que les partisans de Vox Day se sont faits connaître sous le pseudonyme poétique, révélateur et délicat de Rabid Puppies, montrant bien leur volonté de se montrer plus mordants que de simple cabots attristés. Il est plus que temps que ces prix soient tous remportés par la fine fleur de la littérature et que l'on se débarrasse des féministes, des homosexuels, des pacifistes, des gens de gauche, des femmes, des personnes de couleur et des suspects. Pour faire face à cette menace, Larry "Churchill" Correia est, selon la comparaison qu'il emploie, prêt à lutter aux côté de Thomas "Staline" Beale, démarche salutaire s'il en est.
Le résultat de cette croisade est visible dans la liste des nommés de cette année : les auteurs recommandés ont littéralement accaparé les places, mettant en péril l'existence même du prix Hugo. Georges R.R. Martin analyse longuement la situation, revenant sur l'origine du prix, la controverse, les méthodes employés, dans une dizaine de longs et intéressants billets postés sur son blog. Deux auteurs Annie Bellet et Marko Kloos se retirent de la liste des nominés estimant que leur nomination a été faussée par cette pathétique mascarade. Le nombre de votants a drastiquement augmenté, dépassant largement le cercle de ceux assistant et participant à la convention. Connie Willis a refusé de présenter la cérémonie et plusieurs menacent de choisir la case « pas de récompenses » pouvant empêcher toute remise de prix dans une catégorie si elle arrive en première position, une option que Martin ne cautionne pas de son côté, considérant que ne voir aucune statuette remise cette année sonnerait en quelque sorte la mort des Hugos.
Les chiots tristes ont d'ores et déjà averti qu'ils accentueraient leurs efforts dans les années à venir, Martin réagissant en appelant lui aussi les gens à s’inscrire et à proposer des titres, arguant du fait que si les Sad Puppies prétendent représenter tout le fandom, alors le fandom tout entier devrait pouvoir participer (NdGillossen : et si l'on se fie à la caisse de résonance de l'auteur du Trône de Fer, on peut imaginer qu'il parvienne à tuer le mouvement dans l’œuf, mais à quel prix ?).
Le résultat de cette triste affaire est que, quels que soient les vainqueurs de cette nouvelle édition, les Hugo ont malheureusement changé de nature en prenant des allures de champ de bataille. Et ce prix qui était pour beaucoup gage de grande qualité ne sera plus le même.
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