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Une traduction attendue au tournant pour le Seigneur des Anneaux
Par Foradan, le jeudi 2 octobre 2014 à 15:34:24
Il est assez courant d’entendre qu’une traduction donne envie de découvrir l’œuvre dans sa langue d’origine, que ce soit du talent du traducteur ou de la puissante attraction que l’auteur a mis dans son histoire. Il est plus rare de revenir vers une traduction après avoir amplement pu apprécier la force et la vivacité du texte non filtré.
Pourtant, après Le Hobbit en 2012, c’est ce qui vient de se produire pour le livre que j’ai sous les yeux.
Une bonne part de ce que j’avais écrit alors reste tout à fait d’actualité à lire ici
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L'avis de Foradan, après 22 ans d'attente.
Entendons-nous bien, j’ai découvert le Seigneur des Anneaux avec l’édition de ma bibliothèque municipale (qui portait déjà le titre « fraternité de l’anneau » comme ce fut le cas pour certaines éditions autour de 1985), et j’ai été happé par le texte, littéralement séduit. Et pourtant, dès ma première lecture, j’ai noté des accrocs dans la tapisserie, des écailles dans la toile, de ces petits détails qui passent en tournant la page, mais avec cette sensation d’avoir croqué un grain de poivre. C’est au cours des lectures suivantes et de la lecture de l’original que ces petits riens montrent l’écart entre ce que j’aurai dû lire et ce qui était écrit. Et à force de les noter en attendant une réédition rendant grâce à l’auteur, j’en suis arrivé, comme d’autres, à une liste impressionnante contenant son lot de perles noires (consultable ici).
Car si c’est en français que j’ai appris à aimer cette histoire, c’est en découvrant son authenticité que je me suis senti frustré : au nom de quoi un lecteur francophone aurait droit à « moins abouti » que le lecteur anglophone ?
Voilà pourquoi, dès que j’ai mis la main sur la nouvelle traduction, j’ai mécaniquement cherché les points noirs ou particulièrement sensibles que je ne connais que trop bien ; j’ai parfois été surpris, au point de reprendre la version d’origine, de soupeser mentalement le choix des mots, d’articuler à haute voix, et d’afficher un sourire dont nul n’a été témoin : le travail a été bien fait ! (Je suis à peu près aussi exigeant envers autrui que je peux l’être envers moi-même, c’est dire si ce compliment vaut son pesant de lembas).
Puis, rassuré –car le travail est d’envergure, pour qui que ce soit, et la confiance n’interdit pas le contrôle-, j’ai entrepris ma lecture.
Vous vous demandez tous ce qui se passe quand on parcourt un livre qu’on connaît vraiment bien en original et en traduction première ? En l’occurrence, je n’ai pas eu l’impression de lire le même livre. C’est la même histoire, naturellement, mais c’est comme si elle est raconté par quelqu’un d’autre, comme ces enfants qui demandent à entendre une histoire qu’ils connaissent par cœur, parce que telle personne « ne la raconte pas pareille ». Ici, les mots sont sensiblement les mêmes, certains sont nouveaux, comme si je découvrais un nouvel univers et une nouvelle liste de mots étranges. Et les mots s’enchaînent, les personnages se mettent en place, pour certains je les reconnais, pour d’autres l’histoire me dira en temps voulu quels rôles ils joueront.
L’histoire est belle et forte, depuis toujours, elle persiste et ne change pas. La voix qui la porte est différente, comme un instrument reprenant le thème d’un autre, on le reconnaît tout en sachant que c’est différemment la même chose. Et là, je me suis dit que parmi les images pouvant illustrer le mieux mon avis, outre le cinéma et ses reboots revenant à l’original à leur façon sans que l’original perde sa vigueur, c’est l’arbre. Figure qui parlera , j’espère, aux lecteurs de Niggle, de l’histoire pure, débarrassée des concepts de langues, l’histoire vécue dans ce Monde fictif, c’est notre arbre, et les récits, qui en sont les branches, sur lesquelles de nouvelles rameaux apparaissent sans se croiser, chacun lié à la maîtresse branche, celle de la version originale.
J’engage tous et chacun à lire quelques pages de cette nouvelle traduction, sans chercher à comparer à un souvenir parfois lointain d’une précédente lecture qui aurait soudainement toutes les qualités.
Lisez comme on lit un livre neuf, une histoire jamais racontée et si vraiment la curiosité vous pique sur une formulation, prenez appui sur la branche maîtresse et regardez dans la langue de l’auteur. Faites-vous ce plaisir, oubliez les a priori, même si vous ressentez le besoin de choisir votre version préférée, constatez par vous-mêmes qu’il y a des gens qui aiment les histoires de Tolkien autant que moi et qu’ils font de leur mieux pour que des générations de lecteurs puissent s’en approcher toujours plus près, pour que la Terre du Milieu ne soit plus qu’à portée de doigt, juste derrière la prochaine page.
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