Vous êtes ici : Page d'accueil > Tolkien

Colloque international sur Tolkien, Cerisy 2012

Par Foradan, le mardi 1 janvier 2013 à 02:53:07

Cerisy Après celui de 2008 dont nous nous faisions l'écho sur ces pages, nous allons maintenant vous donner un aperçu du colloque qui s'est tenu au Centre Culturel international de Cerisy en juillet dernier. Du fait du grand nombre d'intervenants et de la densité des sujets, il faudra attendre la parution des actes du colloque pour en avoir une version complète ; il ne s'agit ici que de quelques informations que j'ai notées, dans la mesure de ma compréhension et de ma mémoire. Toute inexactitude dans les pages suivantes m'incombent donc totalement, mais cela répondra en partie à la question "à quoi sert un colloque sur Tolkien ?"

Discuter sur le forum

Florilège des communications

I les Ages de la Terre du Milieu, par Leo Carruthers

Dans une citation (Home 9) Tolkien ne parle que de 4 âges, mais, dans la lettre 211, il donne des indices sur une ère chrétienne comme étant la 6°, ce qui situerait la guerre de l’Anneau au néolithique avec les anachronismes que cela comporte.

Le 4° âge est le temps des Hommes au détriment des autres Peuples libres, c’est la transition entre le mythe et l’histoire réelle. Le décompte des âges suivant le 4° est incertain, quelle en est leur durée et quel évènement marque la fin de chaque âge ? Barfield suivait un modèle anthroposophique de Steiner (in Diction poétique) : les mots anciens, originels, désignent des choses concrètes, « le vrai mot ».

L’anthroposophie croyait ainsi à un –faux- document ésotérique sur l’Atlantide en 9564 avant JC ; cette durée correspondrait à un clin d’œil pour Barfield en additionnant les âges connus. Le calendrier chrétien du Seigneur des Anneaux contient les 25 décembre, 25 mars (Annonciation et défaite de Sauron), 1er mai (Pâques et retour du roi), 29 septembre (Saint Michel et les havres gris), 24 octobre (saint Raphael et guérison de Frodo), tout un jeu de références externes.

Pas de références historiques réelles sur une mythologie externe, le monde de Tolkien est autonome.

Lectures suggérées : lettre 211, Seigneur des Anneaux, Diction poétique (Barfield)

II Concepts of Kingship in the works of 3 inklings : Peter, Ransom, Arthur et Aragorn, par Thomas Honegger

Lewis, et les rois de Narnia, rois de contes de fées, l’humain est exception et domine les animaux, au service de Narnia ; le premier roi est désigné par Aslan pour protéger son pays : le roi est séculaire et Dieu est incarné, la fonction sacrée échappe au roi. Lewis et la trilogie cosmique (dont that hideous strength), Ransom détient tous les critères royaux de bataille, mariage, prêtrise, pitié et pouvoir, il est un Pendragon (roi séculaire ET spirituel) en opposition au roi saxon de Windsor.

Charles Williams et les poèmes arthuriens. L’Europe est divisée avec des points forts comme l’Empire romain de Byzance, la papauté de Rome et Brocéliande (dans le royaume de Logres)

Arthur doit trouver le Graal pour la parousie, le retour du Christ, c’est un roi en mission (la division est perçue comme la marque de satan, l’union dans le Christ est une croisade). On notera que CH. Williams utilise le terme « hallows » pour désigner un objet, alors que traditionnellement, il ne pouvait être employé que pour une personne, serait-ce l’inspiration de J. K. Rowling pour le tome 7 de Harry Potter ?

Tolkien : now come the days of the king, la révélation graduelle de Strider, Aragorn, Elessar Telcontar Elessar couronné rénove l’empire, comme Charlemagne, pour revendiquer son trône, il se présente devant la ville avec tous ses titres, les parjures reconnaissent son autorité, il maîtrise le palantír et l’épée reforgée, il est victorieux au combat – donc chanceux - et apporte la guérison (don divin de par son ascendance - diluée - elfe et maia, à rapprocher de la tradition des rois de France et d’Angleterre). Sémantiquement, "king" est lié à "kin" (clan), contrairement à "rex regis" en indo-européen.

Lectures suggérées : Chroniques de Narnia, la trilogie cosmique (Lewis), Poèmes arthuriens (Williams), Seigneur des Anneaux

III La Terre du milieu, monde modèle, par Anne Besson

Narnia et l’Aquilonie (Conan) ont d’autres passés, d’autres continents que notre monde ; les cartes ne sont pas intégrées au livre comme chez Tolkien qui en fait l’objet de soins particuliers. Le lecteur s’immerge dans le réalisme poétique du monde subcréé, mais il doit également en garder une distance nécessaire et ne pas prendre trop au sérieux l’histoire, même si elle se veut sérieuse et crédible. Le monde de Tolkien est tellement stable et vaste qu’il peut supporter de voir des suites et des adaptations, l’univers est complet et complétable, puisque le lecteur a le sentiment d’une profondeur insondable et l’envie de creuser encore plus. Si complet qu’il soit, l’univers connaît aussi la fatale incomplétude fictionnelle (encore plus au moment de sa parution, quand le Silmarillion était inachevé).

La lecture immersive génère la création de produits dérivés, la Terre du Milieu existe toujours « ailleurs », et Tolkien est son conteur. Des auteurs comme Pratchett et O.S. Card ont dit avoir « visité ce monde ». Par l’envie de participer au monde de fiction naît une interaction ludique : le monde vit au-delà du livre d’origine.

Un produit dérivé comme un long métrage tente d’avoir autant de profondeur et de précision que le matériau dont il s’inspire, l’édition DVD de Peter Jackson a autant d'heures de documentaires que de film.

Le monde est perçu comme si autonome et si ancien qu’il est facile, naturel et légitime de se l’approprier, comme s’il provenait du folklore populaire (D&D de Gigax) : les rôlistes rétroagissent sur la littérature comme autant de filtres dénaturant la Terre du Milieu d’origine.

Chaque lecteur a son adaptation du Seigneur des Anneaux, s’approprie le monde jusqu’à la recréation, grâce à la profondeur documentaire de Tolkien, gigantesque et nécessairement incomplète (voir lettre 160), ce qui pousse à approfondir par des reprises.

Lectures suggérées : lettre 160, Seigneur des Anneaux, Silmarillion, illustrations, films, jdr

IV Tolkien et le comparatisme mythologique, par Charles Delattre


Le mythe n’est déterminé qu’a posteriori de manière théorique. La mythologie détermine une identité collective par un ensemble de représentations. La constitution d’ensembles narratifs nommés « mythologies » est typique des 19e-20e siècles. La mythologie comparée inventorie les légendes par pays et compile le folklore à la recherche de la vérité primitive (soit oubliée, soit cachée), l’allégorie et l’interprétation enrichissent le sens. A contrario, le refus de l’allégorie oppose le mythe au discours chrétien et scientifique, la réécriture constante permet de connecter des éléments a priori distants. Ainsi, on peut chercher les comparaisons dans l’œuvre, entre l’œuvre et ses brouillons, entre l’œuvre et d’autres mondes.

Démonstration avec la scène du puits dans la Moria : 2 brouillons, la version finale, le schéma retrouvé dans la Genèse, Andrew Lang et GRR Martin, le vocabulaire de l’obscurité dans le Seigneur des Anneaux, la verticalité, l’œil.

Création d’une mythologie identitaire chez Tolkien par accumulation de séquences dans la Moria, l’antre de Shelob, chez Galadriel et chez Tom Bombadil. Utilisation de phrases forgées comme des images frappantes pour structurer la vision du récit (from tree to tree, darker than darkness…). Utilisation d’énigmes sans solutions immédiates (les chats de la reine Beruthiel, le marteau/tambour de la Moria).

La mythologie est un agrégat de concepts que l’auteur doit harmoniser via un réseau d’images.

Lectures suggérées : Lettre 131, Seigneur des Anneaux, home 6 et 7, Red fairy book (Andrew Lang), A storm of swords (GRR Martin)

V Une lecture sceptique de Narnia, par Irène Fernandez

Lewis s’est vu reprocher de faire une propagande religieuse avec Narnia, au point que ces lecteurs sceptiques ne font même plus attention à la qualité du livre pour ne se consacrer qu’à chercher les allégories et les messages prosélytes. Narnia doit se découvrir comme Lucy, en passant par la porte de l’armoire et accepter ce qui apparaît comme l’art de l’auteur : l’analyse bloque l’expérience imaginative. Neil Gaiman, Robin Hobb, Lev Grossman, ont chacun cherché un Narnia « différent », sans message prosélyte. Ces lecteurs sceptiques sont précisément ceux qui ne cherchent pas les allégories etc. et ne s'intéressent pas au message éventuel de Narnia, mais au monde ainsi évoqué, ce qui permet de faire apparaître la qualité littéraire des Chroniques. Dans ce pays édenique, l’homme est en communication harmonieuse avec les créatures chassées par la modernité. Le sceptique refuse la « fin du Narnia physique » qui l’a enchanté car il refuse le « Narnia spirituel, le vrai Narnia » : Narnia existe hors texte, il est donc habitable, sans présupposé idéologique imposé. Un bon auteur tient son lecteur en suspension d’incrédulité involontaire, pour Lewis et Narnia, c’est le rêve universel du jardin heureux.

Lectures suggérées : Les chroniques de Narnia (CS Lewis), The Magicians (Lev Grossman), Le problème de Susan (Gaiman)


VI J.R.R. Tolkien et la création d’une langue commune (« common speech »), par Marguerite Mouton

 

Comment aborder l’étude de la langue utilisée par Tolkien : le Seigneur des Anneaux n’est pas écrit en anglo-saxon ni dans une langue elfe, mais dans un langage accessible aux lecteurs contemporains, langage qui a une fonction dans le récit, celle de permettre aux hobbits, les narrateurs rapportant l’histoire dans le Livre Rouge, de communiquer avec les autres peuples. En étudiant ce langage commun sous une approche lexicale, nous constatons qu’un seul mot porte une polysémie complexe, avec des modalités différentes selon le contexte. Ainsi, le mot « song » désigne aussi bien la chanson de bain des hobbits, la solennité d’un chant mortuaire, le chant de pouvoir de Bombadil, même Pippin ne chante pas de la même façon dans une taverne ou pour Denethor, il découvre que le chant sert à autre chose que ce qui est son quotidien. Dans le cas d’un poème chanté, il est fait appel à la mémoire-supposée- de faits antérieurs externes à l’histoire présente (en l’occurrence, l’histoire de Beren et Lúthien renvoie à une autre lecture), la mémoire interne et contextuelle dans l’histoire (le lai de Leithian est évoquée plusieurs fois). Nous avons donc un mot « song » qui introduit une référence externe, puis la répétition du mot une référence interne enrichie de ses précédentes occurrences. Lectures recommandées : le Seigneur des Anneaux, Le Silmarillion.

VII Le Seigneur des Anneaux ou comment survivre au désespoir et à la peur : une lecture par la théorie de l’attachement, par Nicole Guédeney

A écouter ici La théorie de l’attachement permet à l’être humain de réguler ses émotions négatives ; or, le Seigneur des Anneaux contient 550 occurrences du vocabulaire de la peur, soit plus d’une toutes les deux pages : l’obscurité, la solitude, la séparation sont autant de zones de danger, autant de déclencheurs de détresse pour les héros. Et en cas de détresse, il est naturel de rechercher de la proximité et de la sécurité auprès d’une personne spécifique, il suffit de se demander vers qui il est instinctif de se tourner quand tout va mal, qui est capable de rassurer et de protéger. Certaines personnalités apportent le réconfort à la seule évocation de leur nom : Gandalf, Aragorn, Galadriel, Faramir. Il y a aussi des paires symétriques d’entraide où chacun est le soutien de l’autre : Frodo et Sam, Aragorn et Eomer, Merry et Pippin, Gimli et Legolas. L’être humain demande de l’aide en recherchant le plus fort et le plus sage : le fort protège le faible, il se soucie de sa vulnérabilité, surtout quand il est éloigné, la proximité s’accompagne de bienveillance et de protection. Parmi la dizaine de scènes montrant une protection absolue, on peut compter l’endormissement veillé par un gardien (qu’il s’agisse de Tom Bombadil ou des Rôdeurs dans la campagne de Bree), y compris quand Gollum reçoit la pitié et la protection de Frodo.

A cela ajoutons la présence de base de sécurité, telle que la Comté l’est pour Frodo, le concept même d’un refuge stable, rassurant, et la confiance dans l’idée d’une aide opportune inattendue : on trouve ainsi 266 références à l’espoir. Le repos réparateur ne se trouve qu’en un tel lieu sécurisé : Imladris, Caras Galadhon, Minas Tirith, Valinor. Gandalf respecte ses compagnons, il les aide à développer leurs capacités propres sans agir à leur place. La séparation d’avec ses figures d’attachement provoque de la tristesse, voire du désespoir si ce la arrive de manière précoce ou définitive. Le deuil laisse sa marque durablement, de nombreux héros sont orphelins avant 11 ans. Le Seigneur des Anneaux est une œuvre de consolation, chaque héros finit par trouver sa figure d’attachement et sa situation de réconfort. Lectures recommandées : Le Seigneur des Anneaux, Lettre 246 (page 327 notamment)

VIII L’intertexte médiéval chez Tolkien, sagesse et folie, par Cloé Dottor

La folie, au sens médiéval du terme, est l’inverse de la sagesse (et non de la raison), et le fou faisait partie de la société : folie et sagesse se côtoient et s’opposent en permanence.

La folie est désignée par des termes différents pour des effets différents. 1. La folie légère, foolishness. Tel le bouffon maladroit, le simplet, le fou du roi, sa folie peut être réelle ou simulée, il prête à rire, il peut dire la vérité, tenir des propos à double lecture, on ne le croit jamais tout à fait : c’est ainsi que paraît Gandalf au yeux des hobbits de la Comté, ses paroles au Conseil d’Elrond paraissent folles mais cachent une sagesse véritable, voire une sorte de prophétie, la folie sous un voile de folie. 2. La folie de l’excès, de la démesure, insanity. Le fou par excès sort des repères de la société, il peut être fanatique et passionnel, c’est Saruman emporté par l’hybris, par son désir de pouvoir et son obstination. Bien avant, Fëanor a eu la folie de ses excès sacrifiant la morale à son idéal personnel. 3. La folie démente, madness , la folie qui conduit à la mort, la folie qui fait peur, Boromir, comme Gauvain en son temps, est tellement fidèle à son idéal qu’il cause l’échec de sa mission, le dément croit seul avoir la sagesse contre les autres, contre sa quête même.

Un autre élément rapprochant les héros de Tolkien de ceux de la littérature médiévale est la présence de modèles en miroir et en opposition : ainsi, Aragorn le rôdeur devenu roi inspire Sam le jardinier futur héros, bientôt reconnu par ses pairs. Il y a aussi les personnages dont les parcours se croisent, leurs folies, leurs statuts s’échangent : Gandalf et Saruman échangent même les couleurs de leurs vêtements, Sam gagne en sagesse à mesure que Frodo approche la folie, mais le duo partage une complémentarité similaire à celle de Pippin et Merry, les cousins qui évoluent en parallèle avant de se retrouver.

Enfin, le renversement permet au faible de devenir puissant, comme dans le carnaval, la fête des fous et l’élection du pape des fous : les humbles sont élevés, revalorisés alors que les Sages et les Grands se tiennent en retrait, ces éléments médiévaux se retrouvent bels et bien dans Le Seigneur des Anneaux. Sage et fou, humble et puissant, en nécessaire complémentarité. On notera que le Merlin arthurien regroupe les trois définitions de la folie

Lectures recommandées : le Seigneur des Anneaux, Lettres (N°131)

IX Lire le Seigneur des Anneaux avec Lewis, est-ce une lecture comme une autre ?, par Michaël Devaux

Tolkien considérait qu’il y avait deux catégories de lecteurs de ses œuvres : ceux qui apprécient et ceux qui rejettent, sans qu’il existe d’indécis. Selon C.S. Lewis, déterminer ce dualisme du lectorat permet de classifier les mauvais livres et les mauvais lecteurs, les bons livres et leurs bons lecteurs. L’étude se fera selon deux axes :

  • lire avec Lewis, ami intime de Tolkien et connaisseur de tout le cheminement de la création du Légendaire
  • lire selon Lewis, avec sa position de critique professionnel
  • Lewis a accompagné l’écriture, pendant les réunions des Inklings, proposant commentaires et critiques avant la version publiée. Lewis a suivi la naissance du Seigneur des Anneaux de mars 1938 à octobre 1949, chapitre par chapitre ; l’encouragement de Lewis faisait résonnance aux interrogations de Tolkien, même si l’avis de Christopher était prédominant.

Dans une correspondance d’octobre 1949, Lewis décrit comment le roman alterne la terreur et la récréation, qu’il a peu de rivaux grâce à sa pure subcréation, sa construction et sa gravité, qu’il est à la fois grand, dur et amer, porteur de mélancolie, sa splendeur substantielle balaie les défauts. Dans ses lettres d’après 1950, Lewis donne son avis sur le choix du titre ( Lord of the rings ressemble à un livre sur la boxe ), reconnaît le travail immense accompli et propose un texte pour l’éditeur avec un résumé de 108 mots. Il décrit que le livre rencontre ses lecteurs prédestinés et même des lecteurs inattendus, et qu’il faut le relire, parce que la première lecture change le lecteur.

  • Lewis, critique pour les plus grands journaux, propose un classement entre « bons et mauvais » lecteurs selon leur façon de lire, selon les 4 points suivants :

a. être frustré de manquer de temps pour lire ou lire comme dernier moyen de lutte contre l’ennui b. avoir des lectures qui ont une influence sur sa vie ou non c. relire souvent ou non d. repenser à ses lectures présentes à la conscience ou les oublier aussitôt lues. Cette grille de lecture permet de juger la littérature selon le lecteur et sa manière de lire, le bon livre permet une bonne lecture.

Ainsi, par ses relectures, le Seigneur des Anneaux permet d’approfondir notre humanité, il initie la multitude des lecteurs à une lecture d’élite.

X La trilogie de Peter Jackson, Tolkien au miroir d’Hollywood, par Gilles Menegaldo

Les particularités de cette adaptation tient au caractère « culte » du livre, de l’attente des fans et de l’objectif de prolonger et retranscrire cette passion. La production fut considérable tout comme les difficultés surmontées : adaptation par transposition du texte source, intertextualité, transformation et réception.

Le transfert du livre à l’image, transfert des noms et des lieux en célébrant la source, transfert de la géographie, transfert des faits majeurs, des objets, des peuples.

Le film comporte

  • des ellipses et omissions : Bombadil, la destruction de la Comté, Gloin et son discours
  • des interprétations et ajouts : prologue historico mythique, représentation physique de Sauron, Frodo à Osgiliath
  • des déplacements : Glorfindel et Arwen, la mort de Saruman, la scène de Shelob déplacée dans la chronologie, accélération du temps, visions ultérieures
  • des métamorphoses : Galadriel, Gandalf le blanc, des flashbacks
  • des transformations : le conseil d’Elrond, les ents, le conseil de guerre après le Pelennor, amplification d’un personnage (Arwen), amplification des capacités de Gandalf, des figures du mal ; statut d’exilé pour Aragorn.

Univers visuels entre paysages naturels et effets artistiques, identité visuelle propre (Comté et Mordor), opposition visible du monde paisible et du monde industriel.

Cadrage, changement d’échelle, effets spéciaux, renforcent l’illusion et le contraste entre la multitude du mal et le petit nombre des héros ; dédoublement de Gollum par la voix et le cadrage.

Montage alterné : le sacrifice de Faramir et le repas de Denethor avec le fil conducteur du chant de Peregrin.

L’adaptation a 3 fonctions : illustrer, transposer, créer-inventer

XI Tolkien, du Dickens avec des pieds poilus, par Daniel Tron

Charles Dickens écrit un roman par épisodes en 1861 nommé Great Expectations (Les Grandes Espérances), qui raconte les aventures d’un orphelin (« Pip ») dans un espace rural et son destin vers un monde effrayant. Par rapport à Tolkien, on peut observer :

  • une correspondance sur la structure : la mort, la chute et la machine, l’orphelin s’élève dans la société, rencontre des créatures effrayantes, est suivi par une ombre furtive, l’accent campagnard est rendu par une déformation de l’orthographe ; il y a une caractérisation de la « machine qui broie les êtres », l’œil, la main, l’index, le panoptique qui voit tout.
  • une correspondance dans l’écriture, une tradition anglaise d’allitération, l’utilisation plastique du langage pour créer, l’observation de l’environnement reçoit un nouveau sens, Tolkien suit la tradition littéraire anglaise.

XII L’art romanesque de J.R.R. Tolkien dans le Hobbit et le Seigneur des Anneaux, par Sébastien Marlair

Tolkien n’a rédigé qu’un seul « vrai » roman et un « roman pour jeunesse », c’est peu pour être considéré comme un romancier à part entière : dès lors, l’objet ici est de préciser quelques nuances. En anglais, il y a le « novel » qui désigne le « roman » tel que nous le connaissons en France, et il y a « le romance », que nous résumerons par « roman de chevalerie ». Le novel contient le réalisme des héros du quotidien tandis que le romance vise un héroïsme plus élevé. La création du Hobbit entraîne une dynamique de récit qui mène à la découverte de ce qu’est un hobbit (à la différence des autres œuvres pour enfants) ; les hobbits sont anachroniques dans le monde des fées mais appartiennent néanmoins an monde ancien. Les hobbits font progresser le Légendaire du style mythique (celui du Silmarilion) vers le « romance » du Seigneur des Anneaux. Mais c’est aussi par les yeux des hobbits que l’on découvre le monde d’Arda, avec une mixité de tons graves et légers, Bilbo se trouve littéralement fasciné par le chant des nains, les hobbits simples sont contaminés par l’interaction avec le monde féérique.

Le novel, en tant que roman moderne à la vraisemblance réaliste, a évincé ses prédecesseurs ; le Seigneur des Anneaux a sa cohérence interne, sa consistance propre, une crédibilité du monde secondaire via le monde primaire.

Tolkien réinvente le romance et y ajoute la vraisemblance du novel grâce au point de vue du hobbit sur un paysage normal.

Lectures conseillées : le Seigneur des Anneaux, le Hobbit, Lettres 131, 163 et 329, Dictionnaire Tolkien

XIII Les Inklings et l’ésotérisme, par Isabelle Pantin

Dans l’entre deux guerre, c’est l’âge d’or de l’ésotérisme et des sociétés secrètes, la société théosophique, les roses croix, la société anthroposophique universelle ; les Inklings s’intéressent à ce mouvement, la rencontre avec l’invisible, la « magie », notamment parce que la « magie » dans leurs œuvres est ouverte et universelle. La société libérée de la grande guerre est en recherche de réponses, de quêtes de vérité sur l’Atlantide, Hyperborée, la Lémurie, on forme des expéditions archéo-théosophiques, des enquêtes sur les rêves, l’inconscient collectif, l’espace-temps, l’esprit de l’époque est curieux. Williams étudie la co-inhérence (union du corps et de l’esprit), la kabbale et l’alchimie ; ses romans eschatologiques explorent des théories d’union spirituelle de tous les humains présents et passés. Barfield est un théoricien de l’anthroposophie : la langue est le témoin de l’évolution de la pensée. Un individu peut accéder à différents stades de perception selon la théorie de l’évolution de la conscience collective. L’imagination mène à la vérité. Lewis préfère un réalisme plus rigoureux même s’il utilise l’Atlantide et la magie dans « cette hideuse puissance », les « impossibles » sont utiles à la fiction. Tolkien a en même temps de la curiosité et de la répugnance pour l’occulte : il étudie le surnaturel et sa poésie notamment dans l’essai du conte de fées. Il y distingue « fantasy » et «fancy », ce qui est important, c’est le travail artistique. Lettre 155 : Tolkien rejette l’ésotérisme, sauf pour sa valeur littéraire, c’est un facteur d‘intérêt commun, en tant que post- romantiques, écrivains de la fiction des impossibles, pour qui écrire est un acte sacré.

XIV L’épître aux Ephésiens chez Lewis et Tolkien, par Jean-Philippe Qadri

Etude sur la trilogie cosmique et Le Seigneur des Anneaux, avec le temps des magiciens (la lecture) et le temps bombadilien (la relecture). S’y trouvent une section théologique, une section éthique, le réverbère de Narnia, la lutte contre le diviseur, le combat contre le monde et l’esprit du monde, des points de repères entre l’équipement que Frodo porte puis abandonne en Mordor, Sam qui vainc la tentation de l’Anneau par son esprit de simple jardinier : Frodo est dépouillé de ses sens, de ses souvenirs, corrodé par l’Anneau, en proie aux ténèbres tandis que Sam a conservé les souvenirs de la vie simple pour garder espoir ; les héros sont « inspirés ».

Lectures conseillées : le Seigneur des Anneaux, la trilogie cosmique (Lewis)

XV La cohabitation innovatrice des genres littéraires chez Tolkien, par Anca Muntean

Etude générique du Seigneur des Anneaux, mélange subtil de plusieurs genres (roman historique, « romance », conte de fées, épopée) et leurs interactions et de Tolkien, auteur insulaire perçu comme fondateur et rénovateur de la fantay en tant que genre ouvert et fluctuant. L’hésitation d’un livre qui cherche son genre :

  • initié comme une suite sur commande, l’histoire semble se raconter toute seule comme un conte, ou un récit, ou un conte de fées, ou un romance ou un roman historique, l’auteur découvre l’histoire en cours de création, avec la conviction que le conte de fées transmet la vérité par la consistance du monde secondaire.
  • un conte de fées est une histoire sur Faërie et les êtres enchantés, auquel le Seigneur des Anneaux ajoute de l’historicité et de la vraisemblance, avec une définition de l’espace et du temps. Pour différencier ses personnages du folklore, Tolkien leur invente des astuces linguistiques (un pluriel « spécial » pour dwarves) ; le Seigneur des Anneaux contient aussi une eucatastrophe (consolation de la fin heureuse) conditionnée par la possibilité d’une dyscatastrophe.

le Seigneur des Anneaux est un conte de fées non conventionnel qui enrichit le genre, avec des influences nombreuses le rendant relativement inclassable, et ce faisant, le livre dépasse les intentions initiales conscientes de l’auteur.

Lectures conseillées : le Seigneur des Anneaux, l’essai du conte de fées

XVI La faërie et l’iconoclasme, l’imagination narrative chez Tolkien et Barfield, par Fan-Fan Chen

Préfiguration théorique de l’imagination : une aventure contre l’idolâtrie

Configuration narrative de l’imagination à la sous-création, eucatastrophe, polarité de l’homme contre la nature, l’idolâtre contre l’iconoclaste, le monde réel contre l’imaginaire. Réfiguration et irréalisation du lecteur : l’écriture parfaite crée un sous-monde réel avec sa consistance interne.

Lectures conseillées : Lettres 138 et 144, Diction poétique

XVII Table ronde : les Inklings et l’histoire de la fantasy

Un apport important des Inklings à la création, c’est que parler et travailler à plusieurs améliore le travail individuel de l’auteur, ils se sont corrigés entre eux, faisant un pré travail éditorial. Le Seigneur des Anneaux a posé une pierre tombale sur le genre fantasy, inhibant les auteurs pendant 20 ans.

XVIII « a club of the other sort », coteries, cercles, cliques et autres sociétés, théories et pratiques des groupes masculins chez C.S. Lewis, par Anne-Isabelle François

Mise en théorie du modèle social des clubs à l’échelle universelle, société désirée, phénomène d’exclusion et d’exclusivité, effet de groupe, snobisme, amitié et intérêt partagés.

  • une coterie est une aristocratie auto proclamée, l’amitié est la plus grande joie au monde
  • une société exclusivement masculine permet le genre de familiarité et d’intimité que partagent les soldats au combat
  • une société de classe et nationale dans l’idéal anglais, avec des codes d’allégeance médiévaux
  • les communautés de fans reproduisent le schéma de groupe.

XIX Le Hobbit, un livre mal aimé, par Roger Bozzetto

Mal connu et mal catalogué, perçu et décrit comme un simple prologue au Seigneur des Anneaux, alors que même que sa création est «hors légendaire ». De par son entrée a posteriori du Hobbit dans le Légendaire, le Seigneur des Anneaux n’en est pas vraiment une suite : le Hobbit est davantage l’aboutissement partiel de la jonction de la branche épique (les contes perdus) et de la branche ludique (lettres du Père Noël, Smith…) Le Hobbit parle aussi bien aux adultes qu’aux enfants, le héros n’est ni homme, ni enfant, c’est un héros singulier, pas vraiment concerné par la quête, qui doit faire ses preuves, usant plus de ruse que de bravoure, facilitateur habile à la survie et non un héros classique. Le roman commence dans un environnement bourgeois, les évènements tragiques sont racontés a posteriori par le narrateur -et donc dédramatisés – les détails augmentent pour la partie imaginaire du monde, le danger se résout par un gain (troll=Dard, Gollum=Anneau…) Le Hobbit retrace les étapes du smial jusqu’au dragon avec des codes de contes médiévaux, puis le regard de Bilbo change une fois son contrat accompli. Son retour en Comté est celui d’Ulysse vers Ithaque (mis à part Pénélope), le Hobbit est un moyen de mêler des codes classiques et les contes perdus d’Arda, puis sert de modèle aux récits ultérieurs.

  • le Seigneur des Anneaux sera d’un ton plus sombre
  • Bilbo est son propre Homère

XX L’étrange histoire de « Feuille, de Niggle », par Nadia Drici

Il contient des éléments de la tradition orale du conte :

  • des formules énonciatrices récurrentes (« il était une fois ») pour un récit hors du temps
  • pas de description physique initiale
  • pas de repère spatial
  • annonce d’un grand voyage
  • monde connu/connaissable (avion, train…)

L’angoisse du héros vers la mort qui s’invente un double pour affronter ses propres contradictions ; autobiographie fictive, paresse, pinaillerie, éparpillement.

  • réflexion générale sur le travail artistique : chaque feuille se ressemble tout en étant unique ; c’est un regard critique sur la société via le conte

Lectures conseillées : Feuille, de Niggle ; Lettre 52


Dernières critiques

Derniers articles

Plus

Dernières interviews

Plus

Soutenez l'association

Le héros de la semaine

Retrouvez-nous aussi sur :