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Interview d’Adrian Tchaikovsky

Par Nak, le mardi 11 novembre 2008 à 20:50:47

nullEmpire in Black and Gold a été publié par Pan Macmillan aux Etats-Unis en juillet de cette année, et a vraiment donné le coup d’envoi de la série Shadow of the Apt. A travers la traduction de cette interview réalisée par BookSpotCentral, Elbakin.net vous emmène à la rencontre de son auteur, Adrian Tchaikovsky, et vous raconte tout ce que vous avez à savoir sur lui et sur une nouvelle série de Fantasy. Il est bon de noter que cette série a été publiée par un éditeur qui a la réputation d’être toujours en avance pour découvrir des noms que tout le monde connaîtra par la suite. Cela laisse présager du bon, du lourd peut-être même et en attendant tout cela par chez nous, il est temps de parler d’empires, d’épique et de connaître la réponse donnée par Adrian à la seule question qui importe vraiment !

L'interview traduite

Tout d’abord, juste un petit éclaircissement pour les lecteurs ; pouvez-vous expliquer le concept de kinden tel qu’il s’applique dans Empire in Black and Gold ?
Les kinden étaient à l’origine des tribus qui essayaient de survivre dans un monde infesté d’insectes monstrueux. Ils avaient la capacité d’atteindre une sorte de d’empathie spirituelle avec leurs prédateurs, et chaque tribu s’abritait derrière la carapace d’un type d’insecte (et/ou d’arachnides) différent. Quelques millénaires plus tard, ces tribus sont devenues les kinden, se sont civilisées, sont devenues les maîtres et non plus les serviteurs, et se sont diversifiées physiquement et culturellement à la manière de leurs totems. A cette époque il y a des états-villes et des nations et des empires, mais au cœur de tout cela il y a toujours les tribus insectes.
L’idée de personnifier plusieurs races en tant que tribus insectes tendrait au premier abord à présenter une idée de diversité. Après tout, le nombre d’insectes différents est sidérant quand on considère leur représentation en tant qu’êtres vivants par rapport à notre propre population mondiale. Ceci dit, de bien des façons cela renvoie à la marque de Tolkien non seulement concernant certaines caractéristiques, mais aussi l’identité d’une race – les scarabées sont robustes, ils ont l’esprit tourné vers l’industrie ; d’autres races ne peuvent comprendre cela mais parviennent néanmoins à vivre dans le même environnement etc., etc. Je me demandais si l’idée initiale était d’utiliser cette base artificielle pour s’étendre sur certains individus comme Cheerwell et si cette prémisse, qui peut conduire à vous enfermer, vous a permis autant d’explorations que vous le souhaitiez. Pour faire court, utilisez-vous un modèle artificiel pour présenter une chute réelle ?
C’est la diversité, et pour faire en sorte que les kinden soient variés, il faut qu’il y ait des différences ostensibles entre eux. Chaque race a ses stéréotypes, les choses pour lesquelles ils sont plutôt bons ou plutôt mauvais, mais les livres sont pleins d’individus qui vont à l’encontre des expectations des autres. Il n’y a rien de confinant dans le modèle kinden – parce que dès que j’ai établi une ville ou une race comme ça, cela me permet de me faire l’avocat du diable et de présenter des exemples qui sont plutôt comme ceci – comme Tolkien qui nous montrait d’un coup un elfe avare ou un orc qui aimait la poésie. Etre un kinden particulier est comme grandir dans une région ou une ville particulière, où certains échanges commerciaux sont pratiqués, certaines opinions sont tenues. Oh, et quelques fois il est possible de voler.
Durant la phase conceptuelle quels étaient les premiers habitants de votre monde et pourquoi ?
Les Lowlander kinden dont parle le premier livre sont un peu venus au monde déjà formés, avec leurs tensions et leurs préjugés, et avec leur adversaire majeur, les Guêpes, les attendant au-dehors. Je ne pense pas que j’aurais pu commencer juste avec une tribu. En ce qui concerne les individus, par contre, Stenwold Maker parcourt le monde des kinden depuis plus de dix bonnes années, tout formé et déjà nommé, en râlant et en haranguant l’Empire des Guêpes. Il est la pierre angulaire du début de l’intrigue.
D’où vient l’idée que ce monde pourrait provenir d’éléments de steampunk ?
Le steampunk a trouvé sa place très tôt, juste après les insectes. En fait, c’était il y a tellement longtemps qu’à l’époque je ne pense pas être tombé sur le terme pour l’espèce de truc techno-victorien auquel je pensais. C’était une évolution naturelle de la façon dont les kinden se développaient : les divisions entre le magique et le matériel. Ensuite, bien sûr, les insectes sont industrieux, certains mêmes sont réputés, et cela semblait logique qu’ils aient développé une certaine sorte de technologie. Pensez aux fourmis, toutes follement affairées, toutes allant dans toutes les directions aussi vite qu’elles le peuvent, organisation et chaos dans le même temps, et ensuite pensez à la technologie de style steampunk, touts ces cloches et ces sifflets, ces roues et ces pistons qui sont actionnés et tout le gaspillage d’énergie qui en découle. Ca ressemble juste au genre de truc que les insectes pourraient trouver.
null On entre dans Empire in Black and Gold à une époque où la guerre menace. Y a-t-il un modèle historique pour votre guerre ?
Il y avait un modèle historique pour la guerre, à l’époque où je rassemblais l’intrigue, ce modèle étant tiré d’un décor violent de la Grèce antique, avec les Guêpes dans le rôle des Macédoniens. Maintenant, en considérant ce que j’ai finalement créé, il semble qu’il y ait plusieurs modèles, tous mélangés. Quand j’écris, j’aime jouer avec des échos historiques et ensuite mon subconscient semble insérer un certain nombre de parallèles sans que je ne le prévoie. Il suffit de dire que le résultat final puise librement dans des racines militaires aussi diverses que classiques, napoléoniennes et du milieu du XXe siècle.
Pour être parfaitement honnête, les premières portions de Empire in Black and Gold ont été assez difficiles car j’avais une espèce de pressentiment du genre mon Dieu il rassemble des personnages pour une quête qui a déjà traversé les générations et finalement j’ai été assez agréablement surpris de découvrir que, bien que vous établissiez un monde avec de nombreuses races et de nombreux peuples, vous gardiez la plupart de l’action dans les décors urbains et immédiats. Vous teniez à réduire à la fois l’aspect physique du voyage et la référence aux cartes et je me demandais si c’était intentionnel de votre part pour une raison particulière.
Et bien, il y a cette vieille critique du Seigneur des Anneaux, à propos du fait que ça raconte surtout l’histoire de personnages qui marchent… Tout d’abord, bien sûr, dans le monde des kinden il y a des moyens pour rejoindre rapidement certains endroits : ils ont le chemin de fer, ils ont des machines volantes, bon sang, ils peuvent même voler à fond de train dans certains cas. Il n’y a pas d’excuse pour que ça prenne dix-neuf chapitres pour traverser un quart de la carte. Au-delà de ça, en revanche, c’était juste un cliché de fantasy que je voulais éviter. Je ne voulais pas prendre tout le livre pour arriver là.
Y avait-il d’autres clichés que vous essayiez consciemment d’éviter, et y en avait-il certains qui étaient inévitables ou d’autres même divertissants et que vous avez fini par utiliser ?
Je voulais éviter le décor médiéval du Prince Vaillant traditionnel à la MGM. Vous pouvez certainement faire beaucoup avec les jeux de chevaliers et de royaumes quand vous avez l’esprit requis pour (George R. R. Martin par exemple) mais une partie de la fantasy dont j’essaie de m’écarter semble avoir une approche à l’emporte-pièce qui donne toujours une gifle au vieux décor Arthurien quoi qu’il arrive.
J’ai lu que vous appréciez Harrison, Gentle et Mieville parmi d’autres. Je me demandais si par chance vous aviez lu le Tainaron de Leena Krohn ? Je suppose que c’est une question basée sur les éléments superficiels des insectes mais il y a quelques éléments intrigants avec lesquels elle joue et sur lesquels elle tire – au-delà de ça, qu’est-ce qui vous plait à propos de ces trois écrivains et quels sont leurs travaux que vous appréciez le plus d’avant ou d’après cette série ; dans le premier cas qu’en avez-vous tiré et dans le second quels sont, en général, les travaux qui vous ont vraiment influencé en tant qu’auteur ?
Je n’ai pas encore lu Krohn, mais je suis pour tous les éléments superficiels sur les insectes (le cafardium vient à l’esprit). Il faudrait que je la lise, si je parviens à faire un trou dans mon planning de lectures. Harrison, Gentle et Mieville sont des pionniers. Ce qu’ils ont écrit est quelque chose qui retourne le genre la tête en bas, tout en restant extrêmement lisible. J’étais un de leurs plus grands fans avant d’écrire la première ébauche de Empire, et de Wolfe et Moorcock aussi. Je pense que la chose la plus importante qu’ils m’aient apprise est que la fantasy n’est pas le genre étroit d’elfes-et-de-dragons que ses détracteurs ont voulu nous faire croire. C’est plus un genre de couteau suisse. Vous pouvez faire plein de choses avec.
Aviez-vous quelques regrets concernant la Fantasy avant de les lire (Harrison, Gentle, Mieville, etc.) ou était-ce plutôt pour trouver quelque chose de nouveau ? Dans les deux cas, qu’est-ce que vous admiriez avant ces lectures ? Quant à moi je pense qu’Empire in Black and Gold est assez clairement fondé sur la fantasy traditionnelle.
Non, non, j’ai toujours lu de la fantasy via Tolkien et tous les classiques, et je les ai appréciés. Quand j’étais jeune j’ai lu Diane Wynne Jones et Ursula Le Guin, et je les ai classées toutes les deux comme d’excellents écrivains. La fantasy traditionnelle, par sa structure, a beaucoup à offrir, tant que votre offre n’est la même que la précédente. Les meilleurs écrivains de fantasy là dehors sont intéressants parce qu’ils font quelque chose de nouveau avec ces groupes de construction, ou parce qu’ils les ont volontairement envoyé baladé pour voir ce qui se passait.
Dans Empire in Black and Gold est-ce que le Collegium est un symbole de progrès ou de stagnation unifiée ? Est-ce que sa destruction permettrait de servir un meilleur but pour les deux parties ?
Hérésie ! Détruire le Collegium ? Quelle sorte de sympathisant des Guêpes êtes-vous ? A nouveau, la réponse à cette question est : Oui. Pour nos standards, le Collegium est éclairé. Les kinden-scarabées essaient, au minimum, d’améliorer les conditions de vie de la race humaine, mais encore une fois la ville est dirigée par beaucoup de Scarabées paresseux et avides, qui sont riches et confortablement installés maintenant, et qui ne voudraient pas voir les choses changer dans les prochains temps.
En fait je me suis toujours penché de ce côté (des Guêpes), – j’étais l’une de ces personnes qui a pensé Zut – Mark Hamill est en train de détruire le progrès et l’ordre que représente l’Empire ! Ca m’intéresse de savoir ce que vous pensez être le mauvais côté.
Et bien, il nous faudrait probablement nous projeter une centaine d’années en avant dans le futur des kinden, et si un drapeau noir et or flotte en haut du Collegium alors je parierais que les histoires diraient que les Guêpes étaient le bon côté, finalement. Pour moi, le plus grand péché des Guêpes est leur tentative de destruction de la diversité. Partout où elles élèvent leurs bannières elles imposent leur mode de vie, et quoi qu’il ait existé avant elles se fait piétiner sous leurs pieds – ce qui est à peu près ce que tous les empires font. Ce sont les deux pôles dans la nature des insectes, si vous voulez : l’étourdissante variété entre les espèces opposée à l’uniformité oppressante de la ruche.
Ca c’est intéressant. Je trouve plutôt que les Empires, même si ce n’est pas du tout leur but, ont également un impact progressiste. Votre vision des Guêpes est que leur but est complètement dénué de mérite ?
Et bien, je suppose que la seule façon de le savoir est de voir à quoi le monde ressemblerait un siècle environ après la victoire des Guêpes. Peut-être dans un prochain livre…
Comme mentionné plus tôt, il y a définitivement un arrière plan steampunk dans le mélange de raison/science et de magie, mais il est fait référence à une ère passée qui est The Age of Lore (NdT : l’Age des Traditions). L’auteur voit-il un progrès ou une régression par rapport à cet Age of Lore ?
De la même façon que les Guêpes ne sont pas mauvaises de facto, les anciennes magies de l’Age of Lore ont des pours et des contres. Ils étaient malfaisants alors, pétris d’ignorance et recherchant l’oppression, et l’âge moderne de l’artifice les a remplacé et a apporté ses propres et nouvelles malfaisances. Peut-être est-il mieux de dire que plus les choses changent, plus les choses restent les mêmes, la nature humaine étant l’une d’elles.
nullUn élément intéressant, ou plutôt une absence, est que dans votre cadre jusqu’ici avec la présence d’empires, de nombreuses races, et de peuples, il n’y a aucune discussion ou référence à aucune forme de théocratie ou à aucun élément religieux. Néanmoins, ils ont non seulement des mythes mais également des espèces qu’ils considèrent comme légendaires. Pouvez-vous nous parler de cela ?
Et bien, les kinden-insectes n’ont tout simplement pas ce que l’on connaît comme la religion. Quelques-uns des kinden ont une tradition mystique, mais de leur point de vue c’est une affaire pratique, pragmatique, parce qu’ils croient fermement que la magie fonctionne. Il n’y a pas de dieux insectes, mais je ne pense pas que vous ayez besoin ni de dieux ni de religions pour avoir des mythes et des légendes. Ces sortes d’histoires remplissent un grand nombre de buts utiles pour une culture en développement, enseignant des façons de se comporter, enregistrant l’histoire dans la tradition orale, des contes moraux, la mémoire de héros disparus depuis longtemps. Et bien sûr, tous ces mythes ont commencé ‘‘quelque part’’.
Mon personnage préféré était Thalric. De bien des façons pour moi l’histoire était la sienne et pas celle de Stenwold, puisque le voyage émotionnel semblait être plutôt avec ce personnage, et il était nécessaire pour donner un visage à l’empire. Serait-il juste de dire qu’il a servi à montrer que, bien qu’il soit Guêpe, l’empire est individuel et n’est pas une foule sans nom – qu’il y a des motivations personnelles au sein de la Ruche et que Tharlic représente l’une d’entre elles ?
Je pense que Thalric était mon personnage préféré à écrire, et pas parce qu’il est un méchant autant que parce qu’il ne l’est pas. Oui, l’un des buts de Thalric est de montrer que l’Empire n’a rien de fondamentalement Malfaisant. C’est un bon, un honnête patriote, c’est tout. C’est juste dommage qu’il soit du mauvais côté. Contrastez-le avec Tisamon, un meurtrier et un mercenaire avec un tempérament de tueur. En qui placeriez-vous votre confiance ?
Mais oui, il est important pour moi que les méchants ne soient pas des fantassins sans visage, placés là pour être menaçants et ensuite pour mourir rapidement, et Thalric, le seul Guêpe dans le livre 1 dans la tête de qui vous passez du temps, est un exemple de cela. Il y en aura d’autres.
Quel personnage a, selon vous, grandi un peu dans votre histoire, peut-être d’une façon imprévue ? J’ai pensé qu’un certain métis non seulement est allé dans des directions intéressantes mais qu’il a également altéré la perception même des esprits les plus libéraux – y a-t-il un personnage qui a vraiment grandi hors du moule et du chemin que vous lui aviez préparé ?
Et bien, si vous l’avez apprécié, vous allez adorer ce qui se passe dans le livre 2… C’est quelque chose que certains écrivains disent, et beaucoup de gens supposent qu’ils sont seulement présomptueux, mais c’est vrai. Les personnages font des choses auxquelles l’écrivain ne s’attend pas et qu’il ne peut pas contrôler. C’est une fonction en accord avec leur nature qui fait que, à l’occasion, ils ne vont pas faire ce que l’intrigue demande, et alors vous devez travailler à les contourner, comme s’ils étaient des stars d’Hollywood qui font les difficiles. Dans ce cas, Totho est un bon exemple de personnage qui finit par prendre en main sa destinée et par partir avec, mais il est bon de garder un œil sur Thalric aussi.
Est-ce que le prochain épisode, Dragonfly Falling, sera une continuation directe et sommes-nous en présence d’une série – puisque avec le premier livre on n’est pas vraiment capable de le dire – qui introduira de nouveaux personnages centraux ou bien sommes-nous en présence de la suite des aventures de et qui vont-ils concrètement rencontrer ?
Tous les personnages principaux (et quelques-uns moins importants) ont leur rôle à jouer dans le livre 2. L’intrigue reprendra à peu près à l’endroit où Empire s’est arrêté. Néanmoins chaque livre de la série étendra un peu plus le monde, et amènera de nouveaux personnages qui ont leur propre travail à faire. Il y a une part énorme du monde, son histoire et ses habitants, à laquelle le livre 1 n’a même pas fait allusion.
Y a-t-il des gens qui ne font pas partie des tribus insectes dans votre cadre ? Ou bien votre histoire prévoyait-elle que tout évoluerait dans ce sens ?
Strictement ALSP (A Lire sur Support Papier)…
Je voudrais remercier Adrian de nous avoir rejoint pour discuter et nous lui souhaitons bonne chance pour continuer la série de Shadows of the Apt.

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