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Un entretien fleuve avec Léa Silhol (suite et fin)

Par Luigi Brosse, le lundi 30 mai 2016 à 19:20:38

Possession Point / Frontier

Parlons à présent de Possession Point, paru à la fin de 2015, ton premier inédit depuis 2008. Pourquoi avoir choisi ce texte-ci en particulier, pour ce retour ?
Pour la raison habituelle : pour m'en débarrasser ! :-)
Un livre est toujours, un peu, un cas de possession : on s'immerge, on vit entre ses pages, et on a parfois un mal fou à en sortir. C'est une drogue, un objet magique, et un "doudou". Alors, même lorsqu'on sait que le livre est complet, qu'il n'a besoin de rien d'autre, on peut être tenté de rajouter une page à droite, vingt lignes à gauche... potentiellement ad vitam aeternam, juste pour pouvoir s'attarder dans le refuge qu'il constitue. En conséquence on ne commence rien d'autre, on ne va pas de l'avant, et, potentiellement, on abîme l'histoire. On la dilue. C'est exactement la même chose en peinture : il y a toujours un moment où la règle "le mieux est l'ennemi du bien" s'applique ; où rajouter de la matière endommage l'œuvre.
Dans ces cas-là, je jette le tapuscrit d'abord à mes editors en disant Il est fini. Il... est fini, non ?, et s'ils confirment ce sentiment, je le jette vers les relecteurs / correcteurs, puis les graphistes et maquettistes, puis les lecteurs, avec le même subliminal : Débarrassez-moi de ce bouquin, il ne me laisse pas m'échapper !.
Une fois imprimé, je dois bien faire le constat que... il est sorti, et je dois voguer vers de nouvelles aventures.
Possession Point était ma petite hantise, au moment où il a fallu choisir un inédit. J'étais en train de le finaliser. J'aurais pu choisir un autre volume, dans les nombreux inédits qui demeurent dans mes tiroirs, mais... il fallait que je me dégage de son emprise, qui était particulièrement forte.
Si Musiques de la frontière avait un parfum d’Amérique, il ne fait aucun doute que Possession Point y est solidement ancré (avec des voyages réellement aux quatre coins du pays). Pourquoi ce choix de "décor" ? N’est-ce pas finalement une facilité tant on s’attend au racisme de la part des Américains ?
Non. Je ne pense pas les Américains plus racistes que les Français. Ou alors... on'ne fréquente pas les mêmes Français ? Et le racisme n'est qu'une des discriminations que je mets en scène dans Frontier.
La "facilité" n'est pas un argument auquel je suis naturellement perméable, par ailleurs.
Le choix des USA est une question de... size matters (la taille compte ? Cela sonne moins bien en français !). Pour un road movie, il faut de grands espaces. Passer des années à arpenter la France en voiture, par exemple, n'a rien à voir avec une aventure similaire dans un pays aussi vaste que les États-Unis. Et les espaces vides (entre les villes, etc.) sont nettement plus rares ici que là-bas. C'est une question d'ambiance, et c'est particulièrement important dans Possession Point, qui est un road movie, tout comme la nouvelle dont ce roman est à la fois la préquelle et la suite, Vado Mori, l'était.
Dès le premier texte s’inscrivant dans la séquence de Frontier (Runaway Train), cet aspect de longues distances à traverser, à la recherche d'une cité introuvable, était présent. À ce moment-là, je ne savais pas que Frontier continuerait à me parler, et à réclamer de moi d'autres textes. Mais cette note de "la cité à trouver, comme une aiguille, dans une botte de foin immense" était là, et elle est restée. Il me fallait donc une très grande botte de foin et... un pays où on joue de la musique country dans les bars (parce que le Diable doit toujours montrer le bout de sa queue quelque part, non ? C'est essentiel).
Il y a en sus une autre raison, qui a tout à voir avec Seuil (dans le cycle de Vertigen, cette fois). Et comme cela n'a pas été publié... je n'en dirai évidemment rien.
J’abordais dans ma critique le rapprochement opéré vers la réalité par la métaphore des fays. C’est sensible notamment dans l’utilisation de la géographie et des noms de lieux bien précis. Tu mentionnes dans les remerciements également tes propres voyages, entre certains des jalons du livre. A quel point le parcours d’Anis est réel ?
Hmmm... le parcours d'Anis et... moi ? Hum... oui (sobre ! :-D)
Quant au réalisme géographique... le passage de la fantasy à quelque chose de plus contemporain le réclame sans doute, tout simplement ? Mais des lieux appartenant à notre "monde réel" étaient déjà présents dès le début, y compris dans mes textes fantasy. Dublin dans les Contes de la Tisseuse, par exemple, l'Écosse et l'Irlande dans La Sève et le Givre...
Au tout début, concernant Frontier, je n'avais pas situé le squat des Premiers dans une cité en particulier. C'était "une ville qui aurait pu et devait, symboliquement, être toutes les villes / n'importe quelle ville". Mais, pour moi, il s'agissait forcément de Los Angeles ou de Seattle. J'ai finalement tranché en faveur de Seattle.
Il fallait situer clairement ce lieu, à partir du moment où on commence à apercevoir les fays d'autres cités (New York, Minneapolis...) ou pays (puisque les leaders des fays du Canada, de France, de Russie, du Japon sont nommés et évoqués dans Possession). Il aurait été très étrange, je crois, que la ville où vivent les changelings que l'on connaît le mieux soit la seule à ne pas être clairement identifiée.
On pourrait même aller à se demander jusqu’à quel point le roman dans son entier est autobiographique, tant certains passages sonnent tellement juste. Tu parlais dans une interview précédente de "transmission de sensations", qui illustre à mon avis ce que j’ai ressenti à la lecture. Comment arrive-t-on à ce niveau de crédibilité, comment cela se crée ?
Si Possession était un roman biographique... le dirais-je, vraiment ? ;-)
Je crois que tous les romans / nouvelles sont en partie biographiques. Une histoire est toujours constellée d'échos de la vie personnelle de l'auteur.
Comment transmettre les sensations ? Eh bien... je crois qu'il faut s'identifier à tous les personnages, tour à tour ; se glisser dans leur peau. Mais se glisser tout autant dans celle de leurs amis ou partenaires, lorsqu'ils sont en interaction avec les premiers. On s'oublie, on s'efface, on "devient" celui qui agit ou prend la parole. Et on enlève les couches de vêtements (les masques), strate par strate, jusqu'à la peau, puis les os, jusqu'au moyeu immatériel qui constitue ces êtres, tout en respectant le montant de réserve, de pudeur ou de franchise de chacun. Écrire, c'est toujours, d'une certaine façon, dénuder quelqu'un. Dans les trois quarts des cas, si l'on se montre honnête, ce "quelqu'un", au travers du personnage, c'est nous. Parce qu'on ne peut pas toucher au véritable réalisme sans cela.
Mais, au delà, c'est une question... d'interprétation, au sens musical du terme. Un écrivain est en somme auteur (stylistique, empreinte), compositeur (histoire, univers) et interprète. Dès qu'il y a dialogue, il y a jeu d'acteur. On endosse ces peaux tour à tour, et si certains rôles sont taillés sur mesure, d'autres sont vraiment "de composition". On est à la fois le flic et le meurtrier, la victime et le bourreau, et si on a toujours, bien sûr, ses petites préférences, chaque personnage doit être crédible.
Certains auteurs sont plus distanciés, tactiques, froids. Mais je ne travaille avec plaisir, pour ma part, que dans l'immersion.
Frontier est on le sait une cité utopique, où les fays finissent par trouver refuge. J’ai pu voir que certains lecteurs s’arrêtaient à cette vision assez étriquée, qui voudrait que l’isolation, le "pour vivre heureux, vivons cachés" soit la solution à l’altérité des fays. Pourtant, je ne pense pas que ce soit forcément le message que tu souhaites faire passer puisque tu parles au contraire d’acceptation. Peux-tu développer, puisqu’il faudra sans doute, à un moment, dynamiter cette cage dorée ?
Ah ! Comme j'aime cette question ! Quel dommage que je ne puisse pas vraiment y répondre, par crainte d'induire trop de spoilers !
Oui, bien sûr, il faudra "dynamiter la cage dorée". Le réflexe du retranchement et de l'isolation relève totalement d'un fantasme enfantin ou adolescent. Le monde rejette l'individu, qui se retire à l'écart pour construire son propre modèle social, en forme d'utopie de préférence. Est-ce que cela peut vraiment fonctionner ? La progression d'Anis à ce niveau, la façon dont elle analyse ce système, est évidemment l'annonce de ce constat : une cage, même dorée, reste une cage. Faire retraite, même volontairement, dans une cité idéale, est toujours un échec, dès qu'il est question d'intégration, de mixité des cultures, et de tolérance en général.
Mais je ne suis que l'auteur : il appartient aux personnages d'en venir, à leur façon, à ce même constat, et de choisir la direction de leur avenir. Plus encore, cette question sera fondamentale pour le personnage "pivot" de toute la Trame : Angharad d'Hiver. Sans vouloir me laisser aller (encore) à de maléfiques spoilers, certains éléments de ce puzzle, concernant Angharad et Nicnevin, sont présents dans Sacra.

Toute la Trame est un escalier, la figuration d'une société de créatures immortelles, piégées dans un système devenu fossile. Chaque pan est la destruction d'une cage, en réalité.
Et chaque cage, pour perdurer, doit être... enchanteresse, au sens strict. Là où d'autres auteurs camperont des dictatures, j'ai choisi un autre biais : le charme fatal de l'inertie.
Les Cours de Féerie de Vertigen forment le portrait d'une société sclérotique, immobile, autocratique et insensée, dans laquelle les citoyens sont prisonniers de leurs propres corps, soumis à des ensembles de rôles, fonctions, places et utilités, sans aucune possibilité de sortir du cadre. Ce sont des insectes pris dans l'ambre, agités par des passions démesurées, mais sans aucun média licite qui leur permettrait de les vivre, sinon la violence et l'intrigue. Les personnages sont inhumains dans le mauvais sens du terme. Des idoles empêtrées dans leur regalia.
La première cage brisée est celle de l'individu vs la société : l'électron libre Angharad, dans La Sève et le Givre. La seconde, celui du "groupe d'individus" contre la même société : les dissidents de seuil dans La Glace et la Nuit. Cela représente, en somme, l'acquisition du libre arbitre, et potentiellement de l'auto-détermination. On sait déjà que cela ne suffira pas, au vu de la situation des fays dans Le Dit de Frontier. C'est le même univers, et ce sont les mêmes personnages ; ce sont donc, forcément, les mêmes écueils et problématiques.
Les mortels, n'ont quasiment aucun rôle dans Vertigen (tous les personnages sont des fées ou des sang-mêlés vivant en Faërie), et les protagonistes des deux premiers opus n'ont avec les humains que des rapports de bornage frontaliers et d'opposition. Cela commencera à changer dans Albedo, et notamment via la cité "mixte" d'Isenne, qui a un pied dans le monde mortel, et un pied en féerie.
En parallèle, dans Frontier, les humains ne se définissent que par leur orientation vis à vis des fays, entre ceux voient en eux une menace, et ceux qui se réjouissent de ce réenchantement du monde. Mais cela ne peut pas être aussi simple, évidemment. Tout cela doit mener autre part. Les anciennes Cours étaient en conflit avec les hommes, la nouvelle l'est tout autant.
Dans ce réseau d'apparences, on voit principalement le racisme des hommes, mais on ignore trop souvent l'immobilisme des immortels, leur inaptabilité, qui sous-tendait de façon presque violente (du moins pour moi), le décor du premier roman. La Sève était un tableau préraphaélite, une image posée et figée, où seuls les yeux des personnages auraient été mobiles. À partir du moment où ils descendent de la toile et décident de changer, hypothétiquement, tout change. Il y a des kilomètres d'écart entre les sidhe de La Sève et leurs homologues dans Possession Point, et entre les romans eux-mêmes : structure, stylistique, espaces dialogués, expressivité. Évidemment, et pour cause : les créatures marmoréennes et distantes du Royaume se sont "humanisées".
On en revient à l'escalier dans la Trame, et à la nécessité d'évolution ; et tout autant à ta question sur la transmission des sensations. Pour retenir des immortels, une bonne petite tyrannie ne fait pas l'affaire : il faut au moins la séduction perverse d'un univers "idéal" — l'emprise sur les sens, une société de loisirs et de plaisirs incessants, pas de cas de conscience, et un collégial "C'est tellement mieux chez nous que chez les crasseux roturiers d'humanité, mes bons amis !". Est-ce que les mortels (regs et lecteurs confondus) qui tombent amoureux de Frontier échappent à ce piège ? Non, forcément. Seuil est l'une des Cours, et donc un glamour au sens strict : son enchantement est calibré pour charmer et intoxiquer ses cibles. Pour soumettre et tromper un peuple, il n'est besoin que de cela : une alternative séduisante, si négative qu'elle puisse être in fine.
Je sais pourquoi mon univers est devenu ainsi (dates comprises) et à quoi il aboutira. Il ne reste plus qu'à en dévoiler les pièces, une par une, et laisser les lecteurs les assembler. Dans l'intervalle, les fays poursuivent leur chemin, mais leur utopie porte en germe, malgré son charme, une faille dangereuse... voire un défaut de conception.
Mais je crois qu'on peut dire exactement la même chose de la société de leurs voisins, les mortels, et avec bien moins de circonstances atténuantes, non ?

Backstage

Cette interview aurait dû se terminer là. Mais la curiosité m’a poussé à quelques commentaires en off. Un exercice périlleux comme j’ai pu le découvrir. Néanmoins, cela a débouché sur l’échange ci-dessous. Comme cela me semblait dommage de ne pas vous en faire profiter, je vous propose donc de prolonger le plaisir avec ce Director’s cut.

Et gros kif sur ta réponse à la cage. Il y a juste les deux dernières phrases. Je ne suis pas sûr de savoir où tu veux en venir précisément. Mais tu es peut-être volontairement absconse.
Les deux dernières phrases ne sont pas claires ?
Sur le "là où je veux en venir"... Après Albedo il y a... Iosis et Rubedo, puis Le Dit de Frontier. L'explosion de cage vient après Frontier (forcément). Tu veux que je dise comment cela finira ? Allons, allons... Tssst !
Absconse ? Forcément : tu me pousses au spoiler, Satan !
Je ne suis pas sûre que tu aimerais tant que cela que je te dise (même en privé) : bien sûr, et d'ailleurs la "cage sera brisée" à tel moment, par machin et bidule, de telle et telle façon. Ah... il faut toujours se méfier de ses souhaits...
Avec toi, je ne sais pas si ce sont les questions, les réponses ou les souhaits qui sont les plus dangereux.
Les trois.
(sobre) ^_^
Je peux concevoir le défaut de conception de l'utopie fay (et je ne veux pas savoir si ce que je pense sera ce que tu écriras ;o) ) Par contre, quand tu parles des mortels, je ne suis pas sûr que tu parles des regs de ton univers, ou des hommes dans la vraie vie. Donc c'est peut-être à clarifier. A moins que ce soit volontairement écrit comme ça pour englober les deux. De même, les "circonstances atténuantes" me semblent un peu nébuleuses, mais là encore c'est peut-être voulu.
C'est très compliqué de répondre clairement à cette question sans en dévoiler trop, justement. Tout ce que je peux en dire est donc : oui, je suggère que Frontier est peut-être une fausse bonne idée. Oui, Anis l'a senti. Elle n'est pas la première à en venir à ce constat (tu verras cela dans Iosis, un jour). Les fées / fays n'ont sans doute pas trouvé la bonne solution, et les humains, qu'il s'agisse de mes “regs” ou de nos contemporains, non plus (nos civilisations ne sont-elles pas une belle faillite ?). À terme, les uns et les autres devront trouver cette réponse, et ce sera probablement... la même réponse. Mais ce n'est pas l'heure, non non non.
On commence à voir frétiller le sujet dans Possession Point et dans Sacra II, mais la résolution attendra un bon moment. Forcément : c'est le pivot de presque tout.
D'abord, je vais devoir trouver un bon bunker, parce que je vais faire un tel saccage dans mes univers que la moitié des lecteurs voudront ma peau. ;-) Et ça, vraiment, cela m'amuse beaucoup par avance ! Dans l'attente... je ne dévoile pas les ressorts du volume (x) des années avant qu'on en vienne là.

Et puis... tu sais, je n'aime pas être didactique, d'où le côté un peu "chiffré" de mon petit puzzle. Je me pose des questions, je les mets dans des bouquins, mais tant la question que la réponse (= ma réponse, pas forcément universelle du tout du tout) sont voilées. C'est le sens / la forme et tout l'intérêt du conte : rien n'est frontal, alors on va intuitivement plus loin, dans le meilleur des cas. Ressentir plutôt que voir, en somme. Chercher, tout autant, la version périphérique. C'est tout le sens de l'expérience d'un de mes précédents opus, Fovéa (c'est toi que j'entends grincer des dents, là ?) : que voit-on si on se fie aux bâtonnets, et aux cônes, en alternance ? Où sont, dans ces travaux de labos, les négatifs et faux négatifs ? Lesquels sont induits non par la "réalité" (si on zappe crassement la mutabilité quantique) mais par nos simples erreurs de perception (I), et d'interprétations faussées basées sur lesdites erreurs de perception (II) ? Comment ces atomes, alors qu'ils se frôlent dans le noir, se passent-ils ces données distordues, jusqu'à ce qu'elles enflent en système plurilatéralement admis, mais partant de postulats erronés, et s'instituant en certitudes qui le sont tout autant (mais, de plus... de façon exponentielle, voire incrémentielle) ?
Si tu es didactique sur un sujet tel que celui-ci (défauts de perception menant à des défaillances d'interprétation et de manifestation / communication) tu es simplement... chiant. Donc, pour éviter cet écueil : tu regardes de profil, et tu te fies seulement aux bâtonnets. Tu restitues les luminosités (nécessairement véloces et fugaces) et zappes les détails (puisque le Diable s'y niche). Les détails, pris ici dans le sens rétinien du terme, sont le consensus, l'attendu, et tout autant la trappe, le tour de prestidigitateur. La vérité est dans les lumières, atteignable seulement via la vision périphérique. À partir de là c'est au lecteur de se tourner vers les astérismes qui lui parlent le mieux, et de soumettre ce détail à sa vision frontale, et donc au crible de sa propre analyse, de ses propres cônes rétiniens. De trouver, à travers ma question, sa propre réponse.

Je pourrais donc répondre à ta question : la civilisation fay comporte une erreur, forcément, puisqu'elle n'existe qu'en tant que métaphore de la civilisation humaine, seul objet digne d'examen, à moins d'être là pour jouer avec du Play Doh (ce que je ne fais point ^_^).
Tout comme la civilisation voisine, les hommes, est également en erreur. (Comme dans la vie ?)
Les fays font retraite, et ils ont tort, mais ils ont de sacrées circonstances atténuantes : la violence, la discrimination, le racisme exercés contre eux (etc.). L'erreur de leurs voisins, en ceci qu'ils sont coupables de ces actes, est bien plus grave, puisque rien de factuel ne motive leurs craintes, et leurs agissements (préventifs ?) si ce n'est le fait qu'ils sont nativement xénophobes, intolérants, normés, froussards, et insondablement cons (se référer ici à la définition de l'infini selon Einstein).

Je pourrais aller plus loin, et dire le fond de ma pensée : « et ils sont ainsi parce que les hommes sont des animaux et, comme tout animal, sont principalement soumis à leur biologie. Au foutu "système de satisfaction" qui nous tient au bout de ficelles dopaminiques, pauvres marionnettes que nous sommes, et ne nous serine pas Mange, prie, aime mais : survis. Et donc : mange, reproduis-toi, et pour ce faire étends ton territoire, approprie-toi les ressources au détriment d'autrui, et (parce que tu es un être doué de raison) colle sur tes errements des prétextes raciaux, culturels, et religieux à deux balles (de calibre élevé, de préférence, les balles). Alors qu'en réalité tu es juste une bestiole soumise à une biologie non seulement obsolète dans tout système civilisationnel cohérent, mais en sus opposée à ce grand-oeuvre que ton espèce essaie de bâtir depuis les origines : la Philosophie. »
Et je pourrais pousser d'un cran plus loin encore en disant : « et ce microcosme absurde qu'est l'homme est soumis, tout autant, aux lois s'appliquant aux mutables électrons, toujours altérés si facilement par le simple frôlement d'une masse plus lourde que la leur. Et donc influençables jusqu'à la crétinerie, et toujours prêts à répéter en bêlant, les yeux flous, les arguments les plus spécieux assénés par des cadors de la politique et de toute sociologie haineuse (du moment que cela les ramène au paradis de la non-conscience, et de l'obéissance à la sacro-sainte chimie organique).
Le problème de la cohabitation regs / fays n'a rien de fantastique. C'est la transposition de toute discrimination, de façon générale. Les regs sont connement humains, et les fays (connement) communautaristes, ce qui est très courant, dans ce genre de cas. Les deux options forment des systèmes dysfonctionnels, et le frottement de ces deux failles aboutira immanquablement à une explosion, comme toujours. »

C'est là mon analyse, mais poser les choses ainsi ne serait-il pas un peu dirigiste ? Je préfère aborder ça, en interview, "comme dans les bouquins eux-mêmes" : de profil, via les bâtonnets, l'immersion, l'empathie, l'intuition. Proposer plutôt que d'imposer. Laisser le lecteur faire son voyage jusqu'à parvenir à mes (affreuses / cyniques / glaçantes) conclusions... ou à d'autres, totalement différentes, qui sont peut-être tout aussi pertinentes, sinon davantage. :-)

Tu sais... je crois que je ne donne jamais de réponses : je ne pose que des questions. À moi, aux autres. Dans mes bouquins, et pareillement dans la vie.
Première règle et gymnastique du matin : "je sais que je ne sais rien", deuxième règle / gymnastique : "j'ai conscience que je suis un animal. Je choisis sciemment la Philosophie". C'est un travail incessant. Mais s'il y a quelque chose de plus important à accomplir dans ce monde que cette "auto apuration", je n'en suis pas au fait. Je suis persuadée, fondamentalement, que toute solution collective passe par un milliard de solutions individuelles. Mais je ne suis ni sociologue, ni gourou. Je tire juste les plans de ce travail de déchiffrement dans des bouquins, sous forme de fables, comme notre espèce le faisait à l'origine.
Si le lecteur de cette interview se demande ce que j'ai bien pu vouloir dire, et tourne le puzzle dans sa tête jusqu'à arriver quelque part... je n'aurai pas perdu ma journée. ;-) Sinon... tant pis. Moi pas Gourou, et quel intérêt aurais-je à "donner des réponses" à ceux qui n'aiment pas se poser des questions ?
Je crois qu'il n'existe rien de tel que des "réponses". C'est une abstraction, une illusion, voire... une dystopie. ;-)
  1. L'auteur et l'édition
  2. Possession Point / Frontier

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