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Imaginales 2011 : un entretien avec Aliette de Bodard

Par Gillossen, le lundi 11 juillet 2011 à 15:14:37

La couvertureA l'occasion des dernières Imaginales - le temps passe vite... - nous avions eu l'occasion de rencontrer, de vive voix cette fois, Aliette de Bodard.
A l'époque de notre premier entretien, il y a déjà près de deux ans - le temps passe vite, bis... - l'auteur, qui écrit directement en anglais, n'avait pas encore d'éditeur français. Depuis, c'est donc chose faite...
Et nous la remercions une fois encore pour sa disponibilité !

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L'entretien

Comment se passe cette édition des Imaginales pour vous et que pensez-vous du salon plus généralement jusqu'à présent ?
Ce sont mes premières Imaginales, en fait j'ai été invitée cette année par Stéphanie Nicot. Mon livre vient de sortir, « D'obsidienne et de sang », aux éditions Eclipse. Dans l'ensemble, je trouve cela très sympathique, assez différent des conventions anglaises auxquelles j'ai l'habitude d'aller. Généralement, c'est beaucoup plus fermé, beaucoup plus professionnel ; là c'est très ouvert et j'aime beaucoup le fait d'avoir l'espace central où l'on puisse retrouver les auteurs, c'est très bien fait.
Il y a donc une vraie différence entre les salons américains ou anglais - pour lesquelles le terme de convention est plus approprié - et les salons français où l'on retrouve aussi bien des gens qui ne s'intéressent pas au genre, qui viennent comme ça un dimanche après midi alors qu'au niveau anglo-saxon c'est peut-être un peu plus fermé, plus adressé aux professionnels ?
Je n'ai pas une expérience de toutes les conventions anglaises. Mais selon moi, vous avez World Fantasy et Readercon qui sont vraiment des conventions très orientées professionnels où des écrivains, éditeurs et agents littéraires se rencontrent. Après vous avez Eastercon ou Worldcon où c'est plus des gens qui s'intéressent au genre - que ce soit des fans ou des mêmes professionnels mentionnés avant. Je pense que le fait que ce soit gratuit aussi ici ou pas très cher ça aide. Par exemple une Worldcon c'est très coûteux, c'est 200 dollars, vous ne mettez pas l'argent sur table si la SF ou la fantasy ne vous intéressent pas foncièrement.
En France la convention de SF est payante et cela limite le public à ceux qui sont vraiment motivés. Faire acte de présence ici en tant qu'auteur est-ce vraiment important pour vous, là où beaucoup d'auteurs communiquent à travers leur blog et pourraient s'en passer ?
Ce n'est pas le même type de communication (blog, facebook...), c'est vrai qu'il y a une certaine bidirectionnalité mais cela ne vaut pas le contact physique, le fait de rencontrer l'auteur, le fait de discuter autour des objets physiques livres, ce n'est vraiment pas la même philosophie au niveau conversation.
Est-ce que justement ça vous permet de vous situer sur l'échiquier des auteurs puisque là vous arrivez avec votre premier roman ?
Peut-être ! J'ai plus cette sensation d'arriver et de découvrir tout, d'essayer de me souvenir de qui est qui, de rencontrer plein de gens d'un coup. Avec le temps, je pense que ça ira mieux, l'année prochaine déjà ça devrait aller mieux ! Comme c'est la première fois et ce n'est pas forcément évident.
Comment vivez-vous la sortie française de votre premier roman aux éditions Eclipse en coordination avec les Imaginales ? Êtes-vous fébrile ? Arrivez-vous à vous concentrer sur l’événement Imaginales par rapport à vos interventions à faire ?
En fait comme il vient de sortir, j'en suis encore au stade où je n'ai pas encore intégré qu'il vient de sortir... ça ne me pose pas particulièrement de soucis, je ne suis pas particulièrement anxieuse, j'arrive à faire la part des choses.
J'avais remarqué le changement de couverture sur votre blog, par ailleurs très belle. Avez-vous été consultée ? Vous plait-elle? Était-il pour vous logique de la modifier ?
Qu'ils la modifient ne m'aurait pas choqué plus que ça dans le principe, je sais que par exemple il y a d'énormes différences entre les couvertures aux Etats-Unis et aux Royaume-Uni, donc à fortiori quand on passe dans une autre langue et sur un autre marché il était très possible que la couverture originelle ne plaise pas.
Je ne connais pas très bien j'avoue les spécificités du marché français, je pense que c'est tout un métier. Eclipse m'avaient prévenue qu'ils gardaient certaines couvertures quand ils estimaient qu'elles allaient bien fonctionner dans le marché et que la mienne ne leur allait pas trop car ils pensaient que ça pouvait avoir plus d'impact avec un personnage au centre de la couverture et qui attire plus l'attention qu'un parti pris plus abstrait. Et c'est vrai que je n'ai pas vu sur les étagères française beaucoup de romans où la couverture est stylisée ou abstraite.
Au niveau du suivi de la traduction, est-ce plus difficile à se représenter lorsque l'on connaît aussi bien la langue d'origine du roman que vous, par rapport à une traduction française ?
Il y a trois exercices très différents. Écrire en anglais, écrire en français, et traduire de l'anglais vers le français et je ne sais globalement faire que le premier. J'ai relu la traduction et j'ai regardé s'il y avait des choses qui me choquaient vraiment, des non-sens ou des contre-sens du fait que la langue d'origine peut être un peu ambiguë. C'est arrivé quelques fois. Après, la plupart des corrections étaient des corrections de terminologie. Je ne sais plus qui - mon mari ou mon père - avait relu les deux ou trois premiers chapitres et avait trouvé que c'était bien. De ce côté-là, je pense qu'on est à peu près couverts !
Est-ce que ça vous a donné l'impression de découvrir un nouveau roman, comme si ce n'était pas vous l'auteur ou pas du tout ?
C'est très perturbant. Il y a des passages entiers où je me disais "J'ai écrit ça , je suis sûr que j'ai écrit ça puisqu'il a traduit ça". Forcément vous ne pouvez pas vous souvenir un par un de tous les mots du roman mais c'est vrai que le fait que ce soit rendu dans une autre langue me donnait davantage l'impression d'avoir parfois affaire à un récit parallèle.
Avez-vous communiqué régulièrement avec votre traducteur ou uniquement à la fin ?
Nous avons souvent échangé des mails au fur et à mesure, notamment concernant le sens de telle ou telle phrase ou d'une terminologie particulière.
On parlait toute à l'heure de la présence physique des auteurs sur le salon, pour vous avec un blog, facebook, etc... A l'heure de Twitter, quelle est la place d'internet pour un auteur aujourd'hui dans sa communication ? : Je peux parler de mon expérience personnelle
j'ai une présence sur internet totalement disproportionnée par rapport à ce que je pourrais faire physiquement particulièrement moi qui n'habite pas forcément tout près de mon lectorat, avoir le site web, le blog, c’était quelque chose pour lesquelles j'étais pas très chaude originellement, mais après coup on se rend compte que l'on n'est pas obligé de vous déplacer sur les salons, ça permet d'avoir des gens qui vous contacte, d'avoir des discussions, de maintenir des discussions avec des gens qui peuvent être à des milliers de km. C'est quelque chose de très important.
Du côté français, il n'y a pas si souvent que ça de grands débats « inter-blogs », contrairement à ce qui se passe du côté des auteurs anglo-saxons. On voit souvent des auteurs qui se répondent entre eux au grès de leur billet. Et-ce que vous suivez cela de près, est-ce que cela vous semble intéressant et constructif ce genre de débats ?
Comme tout débat il y a des parties constructives et puis il y a toujours des trolls sur les forums, en particulier semble-t-il sur le nihilisme en fantasy où cela avait pas mal dégénéré dans les commentaires. Je suis cela avec beaucoup d'intérêt, j'avoue que je n'y participe pas trop car il faut répondre pas mal du tac au tac et lorsque l'on n'est pas sur le bon fuseau horaire et que l'on travaille à plein temps, il n'est pas évident de faire autre chose de regarder les coups après coup dans la journée. Ce sont des conversations qui dans l'ensemble sont très stimulantes et qui permettent de faire un premier tour de sujets, de maintenir d'une façon générale la discussion sur le genre et la littérature en vie -je ne trouve pas de terme meilleur - , de la maintenir vivace pour que le genre puisse continuer à vivre.
Vous parliez du genre. Suivez-vous de près la situation des littératures de l'imaginaire ? Depuis quelques mois il y a un certain tassement des ventes, est-ce que cela vous préoccupe en tant qu'auteur ou est-ce que de toute façon vous écrivez pour écrire parce que c'est votre passion ?
C'est comme les questions de blogs. Je le suis mais de toute façon il faut bien reconnaître que je ne vais pas retourner à moi seule les tendances déjà existantes, donc soit je fais avec, soit je fais quelques petites choses mais ma philosophie de toute façon c'est que j'écris et et puis on verra bien derrière ce qui se passe.
Nous avons beaucoup de fans de Steven Erikson sur le forum et lors de notre premier interview vous aviez dit avoir découvert ses romans : avez-vous eu depuis le temps de lire le tout dernier tome ?
Ah, malheureusement, non ! Je l'ai mis sur ma liste de choses à commander sur Amazon dès que j'aurai un petit peu de temps, je l'attends avec impatience. J'avais cru comprendre que tout n'était pas résolu dans le dernier tome et que j'allais rester un peu sur ma faim. J'ai essayé d'éviter de regarder les forums avec les spoilers. Depuis je suis arrivé au tome 9, j'ai beaucoup aimé, je vais attendre de voir le dernier tome ce qu'il en est , j'ai cru comprendre que c'était un peu en demi-teinte. N'ayant pas lu pour moi-même, je me prononcerai après.
Quand on pense au monde d'Erikson, c'est quelque chose d'énorme et complexe, à l'heure où il y a beaucoup d'adaptations de films fantasy, est-ce que ça vous plairait de voir votre roman adapté au cinéma ? Est-ce qu'on y pense parfois en tant qu'auteur ?
Non pas trop. Ça m'amuserait beaucoup je pense. Ce serait tout un travail car la langue du cinéma et la langue de la littérature ne sont pas du tout la même chose. Je pense que ce serait très flatteur et cela permettrai d'amener le livre à un plus grand public. Il y aurait aussi un côté très frustrant parce qu'il y aurait des changements indispensables. Ce serait marrant. Mais non, ce n'est pas des choses auxquelles je pense, cela arrive si peu souvent faut bien le dire...
Un autre débat anime ce monde de l'édition ces derniers temps, il y a aussi une table ronde là-dessus cette année aux Imaginales concernant le livre électronique. Avez-vous une opinion sur le livre électronique en général ?
Je suis très favorable au livre électronique. J'ai une liseuse, je consomme avidement ce que je peux trouver. Du peu que j'en vois, et je suis principalement tournée sur tout ce qui est communauté anglophone, le système de droit n'est pas du tout adapté. Aujourd'hui, les ventes se font par territoire et pas par langue, si vous n'êtes pas strictement dans un pays anglophone vous n'avez pas le droit d'acheter des livres électronique qui sont en anglais et je trouve cela suprêmement pénible et c'est régulièrement une source de frustration. Car cela ne vient même pas à l'esprit à vrai dire de la plupart des gens, en particulier des américains ou des anglais pour qui ça parait naturel, eux n'ont pas de problème de cet ordre. Quelqu'un m'avait un peu expliqué les raisons de toutes les restrictions. Il me semble que légalement quand vous importez un livre physique c'est l'importateur qui est responsable, mais quand vous achetez un livre électronique c'est vous qui faites l'achat, ce qui veut dire qu'à partir du moment où quelqu'un en France achète un livre électronique cela compte comme une vente dans un territoire où l'éditeur n'a pas les droits alors que quand c'est Amazon qui les importe, c'est Amazon qui prend les risques et Amazon est localisé aux USA. Clairement, il y a tout un système juridique et légal qui était en place à une certaine époque pour tout ce qui est livre physique avant même qu'il y ait beaucoup de communication entre les territoires et qui avec tout ce qui est explosion du numérique et de l'internet est à revoir, mais ça va être une prise de tête sans nom en particulier pour les catalogues déjà existants.
Dernière question : que peut-on attendre de votre part dans les mois à venir au niveau littérature ?
Dans les mois à venir, une nouvelle qui va sortir sur un site web "Electric Velocipede". J'ai rendu le troisième tome de la série « D'obsidienne  et de sang » à mon éditeur au Royaume-Uni pour une sortie prévue quelque part dans le dernier trimestre 201. Et puis, il va falloir réfléchir à la suite !
Vous n'avez pas de projet bien défini ?
Si, j'ai un manuscrit déjà existant dans le même univers que la nouvelle qui a déjà été publiée dans Galaxy "Butterfly falling at dawn" que j'ai écrit il y a deux ans sur lequel mon agent est resté assis vu que je devais produire déjà un roman tous les neuf mois et je n'avais pas le temps de commencer une deuxième série, mais là on réfléchit ensemble sur ce qu'on pourrait faire pour le présenter à un éditeur.
C'est une série totalement différente de vos romans ?
Il y a des Aztèques, on va dire ça comme ça ! C'est plutôt un mélange entre uchronie et thriller, qui se passe à une époque contemporaine dans un univers où la Chine a découvert l'Amérique avant les Européens et du coup a permis aux empires méso-américains de survivre.

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