L'interprète de la Sorcière Blanche s'est récemment confiée au New Straits Times, revenant sur son expérience du tournage, entre costumes, le temps passé sur les plateaux, et l'incarnation d'une telle figure maléfique...

Interview de Tilda Swinton

Tilda Swinton, plus connue comme actrice indépendante, parle de son expérience pour le rôle de la méchante Sorcière Blanche dans Les Chroniques de Narnia : L'Armoire Magique.

L'actrice britannique Tilda Swinton est une beauté angulaire, éthérée plus connue jusqu'ici comme une véritable muse pour les cinéastes indépendants dans le monde entier. Plus tôt dans sa carrière, elle a travaillé régulièrement avec feu Derek Jarman, en débutant avec son Caraveggio salué par la critique, et depuis elle est apparue dans des films admirés comme Orlando, The War Zone, The Deep End et Young Adam. Swinton, qui vit dans une région éloignée en Ecosse, a occasionnellement trempé ses pieds dans les eaux d'Hollywood avec des petits rôles dans des films comme La Plage, Vanilla Sky et Adaptation, mais son dernier film, Les Chroniques de Narnia : L'Armoire Magique, marquera sans aucun doute un pas énorme dans sa carrière.

Adapté d'un des livres pour enfants les plus aimés de tous les temps, L'Armoire Magique est un film à effets spéciaux très ambitieux dont Walt Disney Studios et son réalisateur, Andrew Adamson (Shrek et Shrek 2) ont clairement l'intention d'en faire une série de films qui rivaliseront avec Harry Potter et Le Seigneur des Anneaux parce qu'ils nous laissent bouche bée et pour le merveilleux inspirant crainte et respect (et, pour cette raison, le box-office aussi). Swinton est mise en vedette en tant que Jadis, la puissante, et affreuse Sorcière Blanche qui a jeté un sort gelé sur le monde enchanté de Narnia et va devenir la dirigeante éternelle du pays à moins que quatre enfants - Lucy, Edmund, Susan et Peter - puissent l'en empêcher. Swinton, très grande actrice (1m80), parle du plateau des Chroniques de Narnia à Auckland, Nouvelle Zélande, où elle a filmé pendant plusieurs mois. Habillées normalement, comme ce n'était pas un jour de tournage, Swinton explique que lorsqu'elle met son imposant costume de Sorcière Blanche, comprenant une lourde couronne de glace, elle fait plus de 2m10. Et elle doit également avoir l'air très effrayant.

Vous étiez sans doute déjà une fan des livres de C.S. Lewis sur Narnia avant que ce film s'offre à vous ?

Honnêtement, non. Je suis une des rares personnes amenées en Angleterre qui n'avait lu aucun des livres de Narnia étant enfant. Donc je les ai lus il n'y a pas très longtemps et je les ai d'abord lus à mes enfants de six ans (des jumeaux nommés Honor et Xavier). Ils faisaient office de test décisif. Et ils ont pensé que c'était bien, donc j'ai commencé à prendre l'idée du film au sérieux.

Vous aviez quelques réserves ?

(Rires) Eh bien, c'est une grande requête de jouer l'exemple même du mal tout entier !

Etes-vous inquiétée par le fait que les enfants pourraient ne pas vous aimer après vous avoir vu jouer la Sorcière Blanche ?

Des enfants vont fuir en me voyant pour le reste de ma vie ! Je me souviens que mon ami, le réalisateur Derek Jarman, me disait qu'il était une fois dans le métro à New York et il y avait une vieille femme assis en face de lui et il a été soudainement, absolument terrifié par elle, et il ne savait pas pourquoi. Et ce n'est que lorsqu'elle est sortie sur le quai, qu'il a regardé à travers la fenêtre et il a vu que c'était la femme qui avait joué la Méchante Sorcière de l'Ouest dans Le Magicien d'Oz. Et voilà. Je terrifierai tous ceux qui croiseront mon chemin pour le reste de ma vie (rires). Mais je suis prête pour ça !

Alors comment entrez-vous dans le personnage pour jouer l'exemple même du mal ?

Vous savez quoi ? Je ne sais pas ce que cela signifie, « entrer dans le personnage », et je n'ai jamais su, et les gens me demandent toujours ça ! Nous nous occupons de fumée et de miroirs ici ; nous faisons des films (rires). C'est tellement plus amusant que la vraie vie, mais il n'y a pas de personnage, il n'y a pas de Sorcière Blanche. C'est un processus d'imagination, et je n'ai jamais été « dans le personnage » de toute ma vie. Pour Jadis, la Sorcière Blanche, je vais simplement dans le costume et la voilà. Je veux dire, c'est un costume plutôt impressionnant !

C'est amusant que vous disiez ça parce qu'en parlant aux enfants-acteurs hier, ils disaient qu'ils étaient inquiets que vous ne soyez pas tout le temps comme la Sorcière Blanche - sur le plateau, hors du plateaux, lors des pauses, etc. Donc ce n'est pas vous ?

Quelques fois je pense que je ne sais pas comment me comporter comme une vraie actrice (rires) ! J'ai taquiné les producteurs depuis que je suis ici parce que je pense qu'ils étaient peut-être un peu déçus. Je pense qu'ils s'attendaient à ce que je ne parle à personne et que je sois en quelque sorte tout le temps la Sorcière Blanche. Alors pourquoi n'écrivez-vous pas que j'ai refusé de vous parler (rires) ? Cela me rendrait bien plus cool, vous ne croyez pas ?

Alors vous croyez que les gens pensent que vous pourriez être un peu froide ? Vous êtes une sorte de déesse indienne du cinéma après tout ?

J'aime le son de « déesse » (rires). Mais je ne sais pas. Être distante, ce n'est pas moi, bien que je suppose que cela aurait aidé les producteurs si la personne à laquelle ils ont demandé de joué la Sorcière Blanche était une vraie garce. Vous savez, bonne pour la publicité et autres ! Mais, sérieusement, je ne crois pas que cela aiderait les enfants. Je crois que ce qui est merveilleux pour des enfants qui font partie d'un long métrage - en fait, pour quiconque faisant partie d'un long métrage, mais en particulier les enfants - c'est qu'ils apprennent un peu à connaître le travail et ils apprennent à comprendre que ce n'est que de la fantaisie. De la fantaisie merveilleuse, mais de la fantaisie.

Les Chroniques de Narnia est le premier film que le réalisateur Adamson a fait avec des vrais acteurs (ses films précédents étaient Shrek et Shrek 2). Cela vous a rendu nerveuse ?

Non, je pense que nous sommes grandement privilégiés, en tant qu'être humains, de travailler avec lui, parce que nous sommes les premiers humains qu'il ait jamais dirigés (rires). Et c'est super, parce qu'il est vraiment intéressé par le drame. Je veux dire, les créatures dans le film et les effets - qui seront formidables - il connaît ça à l'envers. Mais il est tellement intéressé par nous humains ! Vous découvrirez probablement que son prochain film sera un petit film indépendant avec environ cinq acteurs dans une salle, bien que je pense qu'il pourrait déjà être engagé pour un autre film sur Narnia.

Y a-t-il des scènes du film qui ressortent particulièrement pour vous jusqu'ici ?

Je suis un peu comme le requin dans Les Dents de la Mer. Vous savez, je ne suis pas tout le temps dans le film - donc j'espère ne pas le gâcher - mais les scènes dans lesquelles j'apparais sont plutôt précises et chaque lieu est vraiment magnifique. Le plateau enneigé était juste extraordinaire. C'est très étrange, de se tenir dans la neige sans avoir froid mais, en fait, en ayant extrêmement chaud.

Et par rapport à l'allure de votre personnage ? Il semblerait que le costume soit fabuleux.

Eh bien, l'apparence de la Sorcière Blanche est une chose à laquelle nous avons tous beaucoup pensé et pour laquelle nous avons travaillé très dur. Le personnage, Jadis, a créé Narnia comme un état d'esprit et puis elle l'a gelé. Donc j'ai imaginé qu'elle n'avait même pas vraiment de corps. Elle est juste étrangère mais elle sait qu'elle a besoin de s'habiller, donc c'est comme si elle se couvrait avec une partie de Narnia. Donc l'habit est fait d'une substance qui est un peu comme la fin d'une chute d'eau que j'ai vue au milieu de la Nouvelle Zélande. Donc c'est comme si la Sorcière Blanche était faite d'eau, de glace, ou de fumée, ou de quelque chose de naturel. Et en étant l'exemple même du mal, bien sûr, et ceci vient très fortement du livre, elle est couverte de fourrure. Et elle a des cheveux qui ne ressemblent pas à des cheveux, cela semble venir du sol - peut-être qu'il s'agit de racines ou autre chose. Et sa couronne est faite de glace, et elle s'évapore pendant le film, alors cela ne ressemblera pas à un costume qu'elle a sorti d'une armoire. C'est comme si elle le sortait de nulle part. Et j'ai souhaité que ce soit vraiment un costume généré par ordinateur (rires) parce que c'était vraiment difficile à porter ! En fait, tout est réel...

Et avec quel accent la Sorcière Blanche parle-t-elle ?

Oh, j'utilise mon propre accent. C'est une reine très anglaise !

Ce film semble si différent de tout ce que vous avez fait auparavant. Est-ce qu'un grand film Hollywoodien est un choc pour le système ?

Pas vraiment, parce que, oui, Narnia est à une échelle différente, mais la chose intéressante en travaillant avec un cinéaste comme Adamson, c'est qu'il est tranchant, il invente des choses formidables sur le plateau chaque jour. Je veux dire, tous les gens qui travaillent sur ce film sont au meilleur de leur jeu, donc pour moi c'est comme de travailler sur un film expérimental, simplement avec plus de personnes, c'est tout, et c'est exaltant. C'est ce qu'a toujours été pour moi la cinématographie.

Alors êtes-vous impatiente de voir le film terminé ?

Plus que vous ne pouvez imaginer, probablement. Je veux dire, Narnia c'est ce plateau, ce lieu, et cette équipe de personnes. Vous savez, les gens attendent Narnia, et ils ont attendu Narnia pendant des générations. Et je crois qu'Adamson est exactement la bonne personne pour faire ce film. Doug Gresham, le beau-fils de l'auteur C.S. Lewis, était là l'autre jour et avant qu'il ne parte, il m'a dit à quel point il était heureux d'avoir attendu si longtemps la bonne personne pour faire le film et il partait en se sentant très sécurisé. Je veux dire, c'est la cerise sur le gâteau pour moi !

Et finalement, est-ce qu'Andrew vous a dit pourquoi lui et les producteurs du film vous ont offert le rôle clé de la Sorcière Blanche ? C'est en quelque sort le rôle d'une vie, n'est-ce pas ?

Oh, il faudrait leur demander (rires).

Pensez-vous que c'est parce que vous êtes grande ?

Probablement ! (Rires) Je suis très grande, très blanche et très, très méchante !