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Entretien avec la costumière de Narnia

Par Thys, le mardi 29 novembre 2005 à 13:05:39

Isis Mussenden, costumière de l'adaptation de L'Armoire Magique, parle du processus de dessin et de création des costumes, de ses sources d'inspirations, et de la manière dont elle amène ses visions à la réalité.

L'interview de Isis Mussenden

Comment en êtes-vous venue à dessiner des costumes ?
Je veux être costumière depuis que je suis petite. Lorsque j'étais petite fille, ma mère m'a appris à coudre et j'ai commencé à créer des vêtements. Je concevais les vêtements en opposition à la mode à cause de mon amour de l'histoire. J'ai aussi grandi à Hollywood, j'étais constamment entourée de films et de photos. Après être sortie de la Parsons School of Design de New York avec un Bac+5 en mode, j'ai commencé à travailler avec des dessinateurs de costumes et ai acquis de l'expérience auprès de gens aussi merveilleux que Jane Greenwood, Ann Roth et Santo Loquasto.
Comment en êtes-vous arrivée à travailler sur Narnia ?
J'ai travaillé avec le réalisateur Andrew Adamson sur Shrek et Shrek 2.
Aviez-vous lu les livre ?
Non, je ne les avais pas lus. Je n'avais aucune idée du succès des Chroniques de Narnia avant de travailler sur ce projet. Donc, à la différence de certains qui avaient une mémoire enfantine de l'histoire, ma vision était fraîche et adulte. Ceci dit, mon fils avait 4 ans lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet et il m'a offert sa vision d'enfant. Il m'a inspiré l'évolution des costumes de la Sorcière Blanche.
Quelle a été votre approche pour créer les costumes du monde de Narnia ?
Des recherches, des recherches et toujours plus de recherches ! Dans les musées, les livres, les magazines, les peintures, les dessins textiles, les images organiques, les illustrations mythologiques, les études anatomiques, etc. Pour dessiner, on a d'abord besoin de l'information. Ensuite, à l'aide de cette connaissance, vous pouvez créer.
A quel point vous êtes-vous servi du texte du livre pour vous inspirer ? Vous êtes-vous basée sur d'autres livres des Chroniques pour dessiner ?
Plus que vous ne pouvez imaginer ! Je ne peux pas dire combien de fois je l'ai lu. Selon l'endroit de l'histoire sur lequel nous travaillions, je me référais toujours au chapitre pour prendre des indications ou de l'inspiration. Et oui, les autres livres m'ont aussi aidé. Bien que L'Armoire Magique soit le premier livre des Chroniques dans lequel on rencontre les enfants, il était utile de comprendre dans quelle direction évoluaient leurs personnages.
Pouvez-vous nous parler du processus de dessin et de création d'un seul costume ?

La réponse à cette question est très longue. Donc, je vais plutôt vous expliquer le processus générique de création des costumes.

Je commence par analyser le personnage. Qui est-il ? Où est-il ? Que fait-il ? Une fois qu'un acteur est choisi pour le rôle, sa personnalité et son physique sont aussi pris en compte. Le recherche est faite et les croquis commencent. Puis, nous commençons à réunir les textiles et à en dessiner autant qu'il faut. Les tissus sont tissés, teints, brodés, etc. Les drapiers et les tailleurs travaillent à partir des croquis pour créer une maquette du costume qui nous servira à commencer les ajustements avec l'acteur. A partir de là, les formes et les textiles sont combinés pour créer le costume. Plusieurs ajustements sont requis, les accessoires sont dessinés et fabriqués.Les derniers ajustements et l'approbation du réalisateur s'ensuivent et si vous avez de la chance, on est prêt pour le passage devant la caméra. Mais dans le cas d'acteurs mineurs, vous devez faire au moins deux costumes de chaque pour la doublure, le cascadeur, etc. Nous avions à peu près 12 robes bleues pour Lucy à Narnia. Bien qu'elle paraisse être une robe simple, le travail a été assez intensif.

Que préférez-vous : faire les recherches et les costumes pour la période de la Seconde Guerre Mondiale ou créer des costumes fantasy originaux pour le monde de Narnia ? Quel a été le plus grand challenge ?

J'ai vraiment aimé les deux. Les costumes d'époque étaient une merveilleuse manière de commencer, un endroit familier pour débuter puisque j'en avais fait pendant toute ma carrière. J'ai passé deux semaines à Londres à rechercher des informations sur les textiles. Shirley Greene, qui a été évacuée pendant la Seconde Guerre Mondiale, m'a guidé à travers Londres pour ma quête. Le Museum of Childhood m'a beaucoup aidé. Entre Shirley et le conservateur, j'ai vu des douzaines de pièces authentiques depuis les corsages jusqu'aux pardessus. Les récits de ces merveilleuses femmes sur ce que c'était vraiment d'être un enfant pendant la guerre ont aussi été très précieux. Le plus difficile à propos de ces costumes de nos jours ce sont les textiles. Nous avons fait tisser tous les manteaux des enfants dans les couleurs et les formes requises par Rabbit Goody de Thistle Hill à New York. Quelques pièces étaient d'origine, d'autres manipulées selon nos besoins. Les boutons de caoutchouc du corsage de Lucy étaient d'époque, ils ont été trouvé à Londres.

Les costumes fantasy m'ont donné l'impression d'entrer dans Narnia - de faire un tout autre film. Les recherches étaient différentes selon la personne pour laquelle nous dessinions. C'était vraiment marrant, on n'avait pas le temps de s'ennuyer. La Sorcière Blanche, Ginnarbrick, le Père Noël et toutes ces créatures fantastiques étaient si différentes. Bien que venant tous de Narnia, ils étaient tous uniques.

La Sorcière Blanche était de loin la plus dure. Lorsque je suis arrivée sur le projet, ils travaillaient déjà dessus depuis un an. On m'a donné 97 images conçues par WETA et différents artistes. Andrew n'était emballé par aucun d'entre eux;c'était très intimidant. Donc, j'ai tout repris au début et avec l'inspiration de notre merveilleux Production Designer (Roger Ford) nous avons réalisé ces images glacées. J'avais toujours voulu une couronne de glace en train de fondre, donc j'ai combiné ces images avec l'idée qu'avait mon fils de ces vêtements qui« évoluaient » plutôt que d'une Sorcière qui en « changeait ». Elle est organique, mi-sorcière, mi-géante, non-humaine. Tilda correspondait parfaitement à cette image et c'est une collaboratrice parfaite. Avec mon équipe, nous avons créé les tissus, en utilisant quelques design contemporains pour que cela semble plus dramatique et nouveau, et voilà la Sorcière Blanche. Bien que j'ai juste simplifié le processus, c'était très satisfaisant et oui, c'était mon plus grand défi.

Avez-vous un costume favori ?
Pas vraiment. J'aime bien la robe-blouse et le pull de Lucy lors de son premier voyage dans Narnia. Ginnarbrick et le Père Noël font aussi partis de mes favoris. Il y a aussi la Sorcière Blanche à son camp et quatre costumes que vous ne verrez pas avant de voir le film, les quatre costumes des Rois et Reines de Narnia lorsqu'ils ont grandi.
Comment était-ce de travailler avec les acteurs ? Avaient-ils leur mot à dire dans le processus de dessin ?
J'ai travaillé avec des acteurs toute ma vie. Ceux-ci étaient particulièrement adorables. Les enfants étaient professionnels, bien que Skandar ait été un jeune homme agité; ça a été dur pour lui de rester immobile pendant les essais. Leur avis est toujours le bienvenu. C'est eux qui vont porter les costumes et c'est mon travail de m'assurer qu'ils se sentent bien dedans. Le costume devrait toujours aider l'acteur à entrer dans son rôle, pas l'entraver.
Quelles ont été vos sources d'inspiration pour les vêtements des enfants à Narnia ? Avez-vous dessiné en vous inspirant d'une période en particulier, ou à partir des illustrations de Pauline Baines ?
Les vêtements des enfants sont inspirés par les peintures Préraphaélites de la fin du XIXème siècle. Leur beauté, leurs simplicité et leurs caractéristiques romantiques allaient dans le sens de ce que voulait le réalisateur. Il y a aussi le fait que le premier livre Le Neuveu du Magicien se déroule fin XIXème, début XXème siècle. Dans cette histoire, Narnia est créé, ces peintres peignaient leur vision du Moyen-Age à l'époque, ça me semblait très logique.
Je ne me suis jamais inspirée des illustrations de Pauline Baines, elles ont été peintes dans les années 50, à propos des années 40, et étaient trop influencées par les années 50. Mais le foulard de M. Tumnus vient tout droit du livre.
Ernie Malik fait référence aux « 7 transformations » de la Sorcière Blanche. Les voit-on toutes dans le film ?
Elles sont toutes dans le film. Mais comme je disais plus tôt, je les conçois plus comme une évolution. La Sorcière Blanche change souvent d'humeur, sa couronne fond, elle passe du blanc glacé au bleu nuit jusqu'au gris acier, sa silhouette s'affine ou grandit à mesure que son pouvoir diminue ou lui est restitué. Il n'y a pas de simple changement de ses vêtements parce qu'elle n'est pas humaine, c'est une sorcière.
Il semble y avoir beaucoup de symbolisme dans ses costumes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, qu'est-ce qui est entré en compte pour la fabrication de ses robes ?
Les tissus que nous avons créés pour sa robe est directement lié aux images glacées dont je parlais tout à l'heure. Le premier niveau est de velours teint, sauf sur quelques zones, pour lui donner un look sculptural. La seconde couche est de laine feutrée et de soie. Les matériaux étaient d'abord teints puis feutrés pour s'adapter à la forme de chaque robe. La brillance de la soie est ce qui donne l'aspect glacé et commence à créer la profondeur. La dernière couche ce sont les lacets qui sont faits de fils métalliques et d'organza, qui sont aussi teints puis cousu sur un tissu brûlé. Nous avons dessiné les craquelures de la glace à une échelle plus grande à mesure qu'on s'approche des bords de la robe pour donner l'impression de hauteur, elle est géante. Puis, une couturière cousait des quantités de fils sur les lignes et nous en brûlions le dos. Chacune des 6 robes a été faite ainsi, une fois que les lacets étaient prêts, nous les cousions à la main sur la robe feutrée qui venait alors à la vie. Tilda trouvait cela étonnant de voir la dernière couche, c'était toujours un peu magique.
Nous savons déjà que nous avez utilisé Stansborough Weavers, en Nouvelle-Zélande, et Thistle Hill, New York, pour recomposer quelques tissus. Pouvez-vous nous parler des autres tissus ou ateliers que vous avez sollicité ?
Nos tissus viennent du monde entier. La Nouvelle-Zélande est une île et ils n'ont pas beaucoup de stock, nous pouvions commander n'importe où, du fil d'Ecosse, des tissus d'Italie, de France ou de Chine. Nous avons acheté à Los Angeles, New York et Londres. Les deux maisons que vous avez cité ont tissé des textiles spécialement pour nous.
Quelque chose à dire que le Prince Caspian ?

Non, vous en savez autant que moi.

Jespère que ces informations vous ont intéressé. Je voudrais vous remercier pour l'enthousiasme et l'intérêt dont vous faites preuve au sujet des costumes de L'Armoire Magique. J'ai vu quelques reproductions sur Internet et j'en suis enchantée. Vous êtes tous si créatifs. J'espère que vous aimerez le film, cela a été un plaisir d'amener cette belle histoire à l'écran. J'espère que vous aurez à moitié autant de plaisir à regarder le film que j'en ai eu à la faire.

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