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Une vie après Harry Potter pour Bloomsbury

Par Lisbei, le dimanche 13 avril 2008 à 20:13:10

Nigel Newton des éditions Bloomsbury sait que cela ne servirait à rien d’inventer un nouveau sorcier maintenant que JK Rowling est partie. Mais il espère que s’orienter vers la publication scolaire fera des miracles, écrit James Hall.
Durant ces dix dernières années, Bloomsbury a vendu 360 millions de livres Harry Potter à travers le monde. Mais le garçon au front marqué d’une cicatrice a laissé à Newton une bonne migraine. Comment continuer après la série jeunesse la plus vendue au monde de l’histoire quand celle-ci s’arrête, comme l’a fait Harry l’an dernier ?

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Une vie après Harry Potter pour Bloomsbury

La réponse de Newton est simple : n’essayez même pas. Le premier réflexe de cet éditeur originaire de Californie –qui porte une certaine ressemblance physique avec Conrad Black mais s’exprime avec les voyelles traînantes de Loyd Grossman – aurait dû être de chercher le prochain Harry dans l’intention de réitérer le même succès. Mais Newton, connu dans sa partie pour sa franchise, est bien trop rusé pour cela. Conscient que la période Potter touche à sa fin (le dernier volume broché sort cet été), Newton a mis la société qu’il a fondée en 1986 sur de nouveaux rails.

Dans un changement de cap qui tourne résolument le dos à la magie et à la sorcellerie, Bloomsbury s’impose dans les domaines de l’édition scolaire « spécialisée » et des bases de données économiques. Cela n’emballera peut-être pas les foules à la façon d’Harry et d’Hermione, mais Newton est persuadé que cette stratégie représente l’avenir, même si elle semble aller totalement à contre-courant.

Mais d’autres vents du changement ont soufflé sur Bloomsbury ces derniers mois. Newton a également supervisé récemment un remaniement de la direction de sa société.

En septembre dernier, ce fils d’un ancien journaliste du Financial Times a séparé ses attributions de président et de directeur général, et a embauché un président extérieur pour la première fois dans l’histoire de la compagnie. Puis en octobre dernier, Newton a profité de son discours à la somptueuse fête pour les 21 ans de Bloomsbury dans la salle de réception façon art-déco de Bloomsbury à Londres pour annoncer qu’il avait nommé Richard Charkin, le directeur général sortant de Macmillan, maison rivale et plus grosse que Bloomsbury, et véritable légende dans le monde de l’édition, directeur exécutif.

Ce dernier geste était destiné à accroître la puissance de feu à la tête de Bloomsbury. Quoi qu’il en soit, à cette annonce les gens de lettres présents, parmi lesquels Germaine Greer, Donna Tartt et Sophie Dahl, ont failli s’étrangler avec leur vodka.

Newton explique le raisonnement de la société concernant ce train de mesures récentes. « Nous cherchons à consolider la bonne position que nous avons en publication professionnelle et à augmenter notre présence dans les publications spécialisées, qui ont de meilleurs marges, une plus grande stabilité et de meilleures chances de bénéficier de l’avenir du numérique, » déclare-t-il. Tandis qu’il supervise le département spécialisation, Charkin a la charge du département professionnel et lui fait ses rapports.

L’abandon de sa double casquette était-elle alors programmée pour coïncider avec la vie après Harry ? « Il était bien temps après 21 ans en tant que président et directeur général. Bien que nous nous dirigions de toute façon dans cette direction, il est indiscutable que c’était la chose à faire dans ce que certains nomment la « période post-Harry », qui ne l’est évidemment pas puisque nous continuons à vendre ces titres, » déclare-t-il.

Newton déclare qu’il apprécie d’avoir moins de responsabilités. « Oui absolument. C’était mon but. De nombreux responsables de service qui avaient l’habitude de venir me faire leurs rapports les font maintenant à Charkin, » déclare-t-il.

La semaine dernière, Newton a observé les bons résultats de l’année écoulée, réalisés principalement grâce à l’édition reliée du septième et dernier tome de Potter, sorti l’été dernier. Les bénéfices bruts ont triplés en passant de 5,3 à 17,9 millions de livres sterling. Les ventes ont doublé, passant de 74,8 à 150 millions de livres sterling. La société est aussi assise sur un tas d’or pesant 47 millions de livres sterling – littéralement l’argent de Harry. Elle a également opéré quelques mouvements audacieux dans l’arène de l’édition spécialisée, et d’autres suivront.

Plus tôt dans l’année, Bloomsbury a racheté Featherstone Education, une maison d’édition pour les enseignants. Et en fin d’année dernière, elle a signé un accord avec la Qatar Financial Centre Authority pour créer une banque de données commerciales. L’idée est d’avoir 300 collaborateurs de premier plan, comme par exemple Jim O’Neill, économiste général en chef de Goldman Sachs, qui écriraient des articles pour la banque de données, articles qui seraient disponibles en ligne et en imprimé. Des conférences pourraient en découler. Aux dires de Newton, son département avance « à toute vapeur ».

Les manœuvres et subtilités de la haute finance semblent bien éloignées d’Harry Potter. Mais Newton déclare qu’en fait la société retrouve ses racines. « Quand nous avons démarré la société en 1986, nous avions une liste de titres de fiction, une liste de titres documentaires et une liste d’ouvrages de références. C’est seulement quand nous avons été à flots en 1994 que nous avons utilisé une part des recettes pour créer une liste de titres pour enfants, » déclare Newton.

La création d’une liste de titres pour enfants fut – bien sûr – un coup de maître. Elle fut initiée par Barry Cunningham, un responsable de Bloomsbury qui, en 1997, reçu un manuscrit d’un agent et vieil ami, Christopher Little. Le manuscrit venait d’une mère célibataire d’Edimbourg, une certaine Joanne Kathleen Rowling.

Newton déclare qu’une partie du manuscrit original fit le tour de la table lors d’une réunion éditoriale hebdomadaire. Il le montra également à sa fille Alice, alors âgée de 8 ans, qui l’adora. Bloomsbury fit l’acquisition des deux premiers livres pour la somme de 2 500 livres sterling. Le premier Harry Potter n’eut aucune budget publicitaire, mais bénéficia du phénomène de bouche-à-oreille. Est-ce que Newton avait imaginé une telle ampleur ? « Bien sûr que non. Un éditeur peut dire si un livre est bon, et peut-être aussi s’il se vendra très bien, mais personne ne peut prédire des ventes de 357 millions de volumes dans 65 pays, » déclare-t-il. Newton évite avec tact de répondre quand je lui demande si sa maison d’édition est inondée d’imitations de Potter par des apprentis-écrivains. « Hum, je suis sûr que notre éditeur jeunesse en voit un certain nombre. Il y a maintenant beaucoup de livres pour enfants sur la magie ou sur un groupe d’enfants à l’assaut du monde des adultes, » déclare-t-il.

La période Harry ne fut pas exempte de tout nuage pour Bloomsbury. La société surpaya largement un certain nombre de titres, au nombre desquels la biographie de Gary Barlow, membre de Take That, et excéda les détaillants par les conditions draconiennes autour des livres Potter. Mais tout cela est du passé. En dépit de la bonne santé affichée par Bloomsbury, de nombreuses voix du monde de l’édition déclarent que l’industrie du livre dans son ensemble est actuellement dans une mauvaise passe.

Bien que le nombre de livres vendus ait augmenté ces dernières années, le nombre de titres qui deviennent des succès au niveau commercial chute. Ce phénomène est largement dû à de gros détaillants comme Tesco et WH Smith qui n’ont en stock qu’un choix limité de titres à gros tirages. En outre, avoir un livre plébiscité par une émission grand public telle que le Richard & Judy Book Club peut faire la différence pour un livre qui se vendra 200 000 exemplaires au lieu de 2 000.

L’ « homogénéisation » des goûts dans le monde des livres fait grincer les dents de Newton. « Vous trouvez les mêmes 10 auteurs mis en avant dans le monde entier à présent. La conséquence est que la plupart des éditeurs ont réduit leur production pour satisfaire le plus petit nombre de créneaux existants, » déclare-t-il.

Les responsables littéraires disent que de nos jours un livre a un mois à partir de sa date de publication pour prouver qu’il peut se vendre avant que les détaillants ne l’abandonnent pour un autre. « Ce n’est pas simple. Quelqu’un a dit il y a quelques années que la durée de péremption d’un livre en magasin se situe entre celle du lait et celle du yaourt. Mais il existe une chose appelée bouche-à-oreille qui reste sourd à toute stratégie marketing, » déclare Newton.

Mais Newton déclare que les éditeurs de Bloomsbury savent toujours découvrir des livres exceptionnels, comme The Kite Runner (Les Cerfs-volants de Kaboul, ndt), qui a été le type-même du livre « à combustion lente ». « Les chances pour un auteur vraiment bon de percer existent toujours. La plupart des succès de Bloomsbury étaient loin d’être des évidences, » déclare-t-il.

Newton décrit son poste à la tête de Bloomsbury comme un « excitant tour de montagnes russes ». Il est persuadé qu’il se produit dans la société une nouvelle alchimie, consécutive aux récents changements.

Et il est convaincu qu’il y a définitivement une vie après Harry.

Article originel.


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