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Utopiales 2017 : tour d’horizon, par Elwing

Par Foradan, le dimanche 12 novembre 2017 à 21:16:17

Cette année, le record de fréquentation des Utopiales a de nouveau été battu pour atteindre un total de plus de 90 000 festivaliers ! C’est dire le succès de ce festival international de science-fiction devenu incontournable au fil des ans. La 18e édition se consacre sur le vaste sujet qu’est le Temps.

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Exposition sur l’œuvre de Laurent Durieux, l’artiste qui a réalisé l’affiche de cette année

Au total ce ne sont pas moins de 160 tables rondes et conférences, 67 séances de cinéma et 10 expositions qui furent proposés aux festivaliers pour explorer notre conception du Temps. Plus de 220 invités (écrivains, scénaristes et dessinateurs de BD, plasticiens, cinéastes, philosophes et chercheurs…) ont animé ces débats en nous faisant part de leurs réflexions et de leurs recherches, parmi lesquels Guy Gavriel Kay (Les chevaux célestes et Le Fleuve Céleste pour lesquels il a reçu le prix Elbakin.net du meilleur roman étranger 2015 et 2017 !), Jean-Claude Mézières (Valérian et Laureline), Marc Lachièze-Rey (astrophysicien, théoricien et cosmologue français du CNRS), Becky Chambers (prix Julia-Verlanger 2017 pour Wayfarers ; L’espace d’un an et Libration), Francis Eustache (chercheur français en neuropsychologie et en imagerie cérébrale) ou encore Emma Newman (The split worlds) … !

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Exposition sur l’adaptation graphique de la Horde du Contrevent d’Alain Damasio par Eric Henninot

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A corps parfait, exposition coproduite par la Nef des sciences et l’Inserm. L’exposition révèle ce que la médecine et la recherche médicale ont permis, permettent et promettent pour réparer le corps.


Une fois n’est pas coutume, cette année je n’ai assisté à aucune projection d’avant-première ou de rétrospective, par manque de temps et surtout par intérêt pour les conférences. Concernant la compétition internationale de longs-métrages, le jury et le public se sont accordés pour saluer le film russe Salyut 7 de Dmytri Kiselev et Klim Shipenko.

Pour ceux qui n’ont pas pu assister aux conférences, je vous ai préparé une petite synthèse de certaines d’entre elles auxquelles j’ai pu assister. Sachez que Actusf en a filmé la plupart et pour les plus curieux vous pouvez vous rendre sur leur site (http://www.actusf.com/spip/?page=derniers&id_rubrique=4).
Je vous souhaite une bonne lecture et j’espère que cet article vous donnera envie de vous rendre aux Utopiales l’année prochaine !
Discuter des Utopiales 2017 sur le forum.

La chronique d'Elwing Lasgalen

La leçon du président : Peut-on voyager dans le temps ?

Voyage temporel

Comme chaque année, la traditionnelle conférence d’ouverture du président et astrophysicien Roland Lehoucq a fait salle comble. Cependant, nous avons cette fois eu le droit non pas à une analyse scientifique d’un film de SF (Seul sur mars et Avatar lors des précédentes éditions) mais à une véritable leçon portant sur la faisabilité ou non du voyage dans le temps. Malgré la complexité des postulats abordés, la littéraire pure et dure que je suis a réussi à intégrer certaines notions de physique grâce à la pédagogie et à l’humour de Roland Lehoucq. Si vous comptiez jouer les Marty McFly, sachez que « le voyage dans le futur d’un autre observateur est possible, seules des contraintes techniques nous empêchent de le réaliser ». Mais « le voyage dans le passé est une opération bien plus délicate. En l’état actuel, il semble impossible ». Heureusement pour nous, la science-fiction est là pour nous faire rêver !

Le post-apocalyptique : quelle fascination pour les auteurs ?

Le post-apocalyptique c’est l’effondrement de la civilisation telle qu’on la connait pour une raison x (climat, guerre, pandémie…). Les gens doivent faire face à un état politique devenu plus primitif alors qu’ils ont connu la civilisation et le confort. C’est le retour à un état de non droit où domine la loi du plus fort. Cette fascination d’un nouveau départ est liée à l’insatisfaction propre à l’homme, elle n’est d’ailleurs pas nouvelle puisque le premier écrit post apo, L’épopée de Gilgamesh, date de 3 000 avant JC !
Pour les auteurs, ce qui est fascinant, c’est d’imaginer les réactions et les changements qui vont impacter leurs personnages, l’enjeu est de se concentrer sur l’humain. C’est un révélateur de la personnalité des gens : il en ressort le meilleur comme le pire. Ils doivent également imaginer ce qui se passe après « avoir tout cassé », il faut mettre en place un décor détruit et repartir à zéro. Ils se documentent beaucoup pour voir ce qui s’est déjà fait et trouver d’autres pistes de réflexions.
Aujourd’hui, on a une mode du post apo qui correspond à nos peurs actuelles, notre société est sclérosée et arrive à un point de rupture, on a peu de visibilité sur notre futur. Et quand la société a peur, elle essaye de l’analyser et de l’exorciser. Ce qui donne parfois naissance à des œuvres où le chaos est contenu, la fatalité de la violence est acceptée et canalisée (American nightmare, Car je suis Légion de Xavier Mauméjan).

Utopie vs dystopie

Selon Richard Morgan (Black Man), c’est le propre de l’homme d’espérer mais les idées utopiques peuvent devenir très dangereuses (Stalinisme) et il faut accepter que toute forme de pouvoir est abusive car c’est inhérent à l’espèce humaine. Les dystopies amplifient cela pour nous permettre de remettre en question nos sociétés. La dystopie est censée nous prévenir d’une altération de notre présent, du risque du totalitarisme et elle permet d’exorciser nos peurs. Mais pour Emma Newman (Planetfall), l’utopie est toujours nécessaire car elle permet de questionner ce qui pourrait être et donc de chercher à améliorer notre société. Ugo Bellagamba (Tancrède, une uchronie, L’origines des victoires) conclut en expliquant que ces deux genres se nourrissent l’un de l’autre et ne peuvent exister l’un sans l’autre.

Interro surprise : l’immortalité

Dans la BD Seuls, Fabien Vehlmann développe l’idée de 4e dimension ½ où le temps peut être fractionné à l’infini et où il n’avance plus, le temps subjectif peut être ralenti à l’intérieur du temps objectif. Chez Raphaël Granier de Cassagnac (Eternal Incorporated, Thinking Eternity), les hommes deviennent immortels par le biais du numérique, ils sont digitalisés et abandonnent de ce fait leur corps. Si nous avions les moyens de devenir immortel, nous le ferions sûrement car l’être humain vit avec la peur de mourir. Mais cela poserai certains problèmes, notamment celui de la reproduction et de l’ennui avec un potentiel de dépression beaucoup plus fort et contagieux… R. Granier de Cassagnac évoque ce dernier problème dans ses livres où les immortels se voient autoriser le suicide si la lassitude devient trop forte, se pose ensuite le problème de la reproduction pour la survie de l’espèce. Le prix à payer pour son immortalité numérique est énorme car les gens ont abandonné leurs corps et il devient alors compliqué de gérer l’entretien de la machine et d’assurer l’apport en électricité.
Si tous ces problèmes étaient réglés et que l’être humain réussissait à être heureux pour l’éternité, se poserait alors le problème de l’immobilité. On ne bougerait plus et on ne prendrait plus de risque, « on serait aussi mobile qu’un caillou ». Ce qu’illustre F. Vehlmann dans le Tome 1 Le paradis des cailloux de son cycle Samedi et Dimanche.
Les théories transhumanistes développent l’idée d’une immortalité permettant de s’améliorer physiquement et moralement. Mais si on commence à décider de ce que voudront et auront besoin les gens, on bride énormément le libre arbitre en supprimant ou en rajoutant des besoins et des envies (plus besoin de manger, tout en gardant le goût et l’odorat).
Et si l’on devenait immortel, y aurait-il des laissés pour compte ? Qu’adviendrait-il des mortels ? Peut-on parler de vraie immortalité sachant que notre l’univers, ou tout du moins notre Terre, a une fin ? Pourrait-on continuer à introduire du changement dans une immortalité biologique ou numérique ? Pourrait-on évoluer ou y aurait-il une stagnation de l’espèce ? L’immortalité oui, mais pour quoi faire ? Pour soi ou pour le bien commun à l’image d’un Doctor Who ? Ce que l’on fait de son immortalité est toujours traité de façon secondaire car on se concentre sur les moyens d’y arriver. Mais le plus important reste de savoir jusqu’où l’auteur peut aller dans son récit et son concept d’immortalité pour que les lecteurs continuent à s’immerger dans son univers et à s’identifier à ses personnages.

Génération Harry Potter

Les intervenants ont été très élogieux sur l’œuvre de J.K Rowling et sur son apport dans la littérature, vous vous en doutez bien. Mais étant moi-même une grande fan je ne pouvais qu’aller dans leur sens et il m’a été difficile de synthétiser cette conférence qui était par ailleurs complètement bondée.
J.K. Rowling a ouvert la voie à d’autres types d’auteurs ainsi qu’à d’autres styles littéraires. Les premiers livres sont arrivés en France dans une période de déclin de la littérature jeunesse face au boom du cinéma et des jeux vidéos, on avait alors peur que les jeunes ne se détournent de la lecture. Le succès d’Harry Potter a prouvé que les jeunes lecteurs non seulement aimaient lire et mais également des livres épais. Ce succès a sauvé Gallimard et fait souffler les éditeurs, la littérature jeunesse pouvait désormais passer du format poche au grand format, plus cher et plus épais. Cela a aussi permis de libérer les auteurs qui ont alors pu créer leurs propres univers, ainsi que la création de maison d’édition dédiées aux littératures de l’imaginaire, telle que Bragelonne. Ce qui a fait le succès d’Harry Potter, c’est sa narration basée sur un temps cyclique dont le ton évolue en même temps que les personnages et le public visé. Les premiers tomes sont de la littérature jeunesse typiquement britannique et les suivant glissent progressivement vers de la littérature pour adolescent avec un ton plus sombre à mesure que les personnages grandissent. On peut parler d’un succès générationnel car tout le monde s’y est engouffré, grâce à la conception d’un monde imaginaire très bien construit et cohérent, mais surtout en lien avec le réel. Il faut aussi souligner la grande profondeur de tous les personnages, très bien travaillés et réalistes, et pas seulement les héros. En témoigne le succès du personnage de Severus Snape ! A l’époque, dans la littérature jeunesse, on n’avait d’ailleurs pas l’habitude de voir mourir des personnages appréciés.
J.K. Rowling n’a pas essayé de protéger ses lecteurs, tant au niveau de la langue, de l’épaisseur du roman, que de l’histoire en elle-même qui raconte la montée au pouvoir d’un autocrate et remet en cause le totalitarisme. Une première dans la littérature jeunesse ! David Calvo a tout de même critiqué l’explosion de la « geekerie » qui, selon lui, édulcore les messages politiques de l’œuvre et dilue son message, notamment au travers du cosplay de personnages dangereux. Mais à titre personnel, j’aurai toujours autant de plaisir à voir d’excellents cosplay de stormtroopers et de Darth Vader en convention !
Pour conclure, la génération Harry Potter ce sont ceux qui ont partagé ce lien générationnel très fort autour de la lecture d’une œuvre qui a fait de ses lecteurs les plus acharnés des artistes s’exprimant de façon aussi variée qu’originale (fanfiction, cosplay, quidditch…).

L'auteur et son ombre : G.G. Kay, M. Cabon (d'après les observations de Foradan)

Parmi les invités incontournables cette année, il y avait l'auteur des Lions d'Al Rassam, des Chevaux Célestes, du Fleuve Céleste, M. Guy Gavriel Kay, notamment récompensés par deux prix Elbakin.net.
Cette rencontre avec le public lui a permis d'exprimer le rapport qu'il entretient avec les traducteurs de ses oeuvres.
Ainsi, il nous a dit préférer laisser la plus grande liberté possible à un traducteur pour faire le bon choix, comme le tutoiement, spécifique à certaines langues ; ou pour trouver une paraphrase culturelle comme "la danse du pouvoir" qui n'est pas une vraie danse. Une métaphore qu'il a fallu voir en détail avec la traductrice chinoise.
Concernant sa méthode de travail, Kay apprécie d'avoir du temps (3 ans environ) entre chaque livre pour faire ses recherches, trouver ses inspirations (comme pour la Chanson d'Arbonne sous le soleil de Provence) alors que le traducteur enchaîne de la littérature jeunesse et de la SF militaire en quelques heures.
A la question -rituelle -de la nécessaire connaissance de son sujet, Kay affirme plutôt qu'il faut écrire sur ce que l'on souhaite connaître et pousser ses recherches dans ce sens, plutôt que de rester dans sa zone de confort.
Une exception toutefois à sa distance prise avec les traducteurs, il est ravi quand Mickaël Cabon lui apprend qu'il a gagné un prix.

Ce qui ressort de ces conférences, c’est que les auteurs utilisent la science-fiction comme une expérience de pensée sociale afin d’interroger l’histoire et la société, et ils le font sous de nombreuses formes : utopie, dystopie, post apocalyptique, anticipation et uchronie.

Les Utopiales seront de retour l’année prochaine, du 31 octobre au 5 novembre, et exploreront la thématique du Corps. A votre avis quels sujets seront abordés et avec quels intervenants ?

Elwing Lasgalen.


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