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Un entretien avec Célia Chazel

Par Gillossen, le lundi 28 janvier 2008 à 19:56:19

MnémosAlors que 2006 et 2007 ont été des années importantes pour les éditions Mnémos - nouvelle présentation au format agrandi, départ d'Audrey Petit, recentrage programmé sur des titres français... - 2008 s'annonce là encore comme une étape passionnante.
Alors que ce mois de janvier n'est pas encore tout à fait terminé, Célia Chazel, dirigeante historique à présent, a trouvé un peu de temps pour nos questions, auxquelles elle avait aimablement accepté de répondre. Sans plus attendre, retrouvez dès maintenant ce que celle-ci a bien voulu nous confier !
Bonne lecture.

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Questions et réponses avec Célia Chazel

Une question banale pour commencer, mais... Pouvez-vous résumer votre parcours pour nos lecteurs ?

J'ai intégré les éditions Mnémos début 2000 à la suite du départ de Stéphane Marsan ; je venais d'y effectuer cinq mois de stage. Après trois ans passés à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble qui m'auront appris que je ne suis pas faite pour l'administration publique, je me suis embarquée en 1999 dans une année de petits boulots - glandouille - interrogations existentielles. Je traînais énormément en librairie, à l'époque, notamment à la Fnac de Grenoble qui commençait à bien développer son rayon SF-fantasy. Je correspondais complètement à la caricature des lecteurs de mon âge : en dehors de quelques auteurs classiques fétiches, je ne lisais pratiquement que ça. Je suis tombée un jour sur le premier tome du Secret de Ji, de Pierre Grimbert, qui venait de sortir. La présentation du bouquin m'a littéralement tapé dans l'œil. C'était léché, moderne, très différent du côté policé des éditions traditionnelles, et l'idée de publier des français dans ce genre était totalement neuve. Trois mois plus tard, j'avais acheté les deux tiers de la production Mnémos, j'envoyais ma demande de stage à Stéphane Marsan, et je prenais un TGV pour Paris avec mon sac sur le dos.

Sur un plan plus personnel, comment avez-vous découvert la fantasy, et qu’est-ce qui vous passionne encore aujourd’hui dans ce genre ?

J'ai découvert la fantasy comme beaucoup de monde, en lisant Tolkien à 14 ans, puis en enchaînant sur les incontournables, Leiber, Moorcock, Eddings… J'avais rencontré la SF bien avant, dans la bibliothèque de mon père, puis dans les bibliothèques municipales. En réalité, la SF est presque venue à moi toute seule, et la fantasy, j'ai dû aller la chercher. En dehors de quelques rares libraires et bibliothécaires, personne n'avait la moindre idée de ce que c'était, alors que la SF représentait au moins un genre identifié.
Ce qui me passionne encore aujourd'hui dans le genre ? Son pouvoir d'analogie, sa capacité de faire sens, de transposer nos combats intérieurs en se servant d'un attirail symbolique défini. C'est ce qui en fait un générateur d'émotion. C'est justement la contrainte qui me fascine en fantasy, ce qui fait sa richesse : cette contrainte, on peut choisir de la dépasser ou de la transgresser, mais cela porte toujours un sens.

Audrey Petit a maintenant officialisé son départ. Comment s'est déroulée la "transition" ? On imagine qu'après des années d'étroite collaboration, ça doit être un peu spécial !

La transition s’est déroulée de façon tout à fait classique. Audrey est partie, je suis restée, et son poste a été de nouveau pourvu. En attendant que cette personne soit formée, je m'occupe de superviser l'ensemble du planning. Professionnellement, je reste en relation avec Audrey en ce qui concerne les reprises au Livre de poche fantasy. Les choses ne sont pas immuables, et c'est heureux. On se voyait mal finir petites vieilles chez Mnémos, à boire du thé avec des petits gâteaux tout en cassant les pieds aux jeunes auteurs en radotant sur nos longues décennies de collaboration…

Quelle est, selon vous, la place de Mnémos aujourd'hui sur la scène des éditeurs français ?

Celle d'une maison indépendante très attachée au développement du domaine francophone, à la notion de littérature populaire qui n'exclut pas l'exigence littéraire, et à la coexistence pacifique des genres de l'imaginaire : fantasy, science-fiction, uchronies, et jusqu'aux transfictions. Vous me direz, c'est un peu la quadrature du cercle et l'auberge espagnole, tout ça. Sans doute, mais c'est aussi ce qui fait la spécificité de Mnémos : s'adresser non pas à une catégorie marketing définie d'avance du genre "adolescente gothique en tongs" ou "ingénieur informatique en short", mais à des lecteurs complexes capables d'apprécier à la fois un bon roman de fantasy et une uchronie plus pointue. Nous n’y parvenons pas à tous les coups, mais le succès d’un roman totalement inclassable comme le Bloodsilver de Wayne Barrow, qui vient d’ailleurs d’obtenir le Grand Prix de l’Imaginaire, démontre que ce genre de démarche est encore possible.

Et par extension, quelles sont vos ambitions, disons, à moyen terme ?

Découvrir de véritables nouveaux talents français et poursuivre la collaboration avec les "anciens", comme Michel Robert, Johan Heliot, Catherine Dufour ou Xavier Mauméjean. Développer l'aspect graphique et le côté "beaux livres" de nos nouveautés. Ouvrir le catalogue à une production internationale autre qu'anglo-saxonne.

J'ai lu dans une récente interview - sur ActuSF - que vous souhaitiez redonner de la place aux auteurs français. Concrètement, à combien de titres par an pourrait-on s'attendre ?

Concrètement, il y a eu quatre titres d'auteurs français en 2007, sans compter les rééditions, et ce chiffre devrait se situer entre huit et dix en 2008, pour un peu plus d'une vingtaine de parutions au total.

Est-ce aussi un choix économique ? On imagine qu'un auteur français revient moins cher à publier, par rapport à un américain tout aussi inconnu, par exemple.

Oui et non. Il est vrai que publier un auteur français coûte moins cher, en raison du surcoût important que représente la traduction. La prise de risque est donc moindre au départ. Cependant, les traductions se vendent en moyenne un peu mieux - il y a des exceptions -, et elles participent à l'image de marque d'un éditeur et donc indirectement à ses ventes globales. De manière plus générale, je ne pense pas qu'un éditeur ayant atteint une certaine taille et notoriété puisse aujourd'hui se contenter de n'éditer "que" des français. Simplement parce que les termes de "fantasy française" ou d'"imaginaire français" ne peuvent pas à eux seuls constituer une ligne éditoriale.

Dernièrement, vous avez créé plusieurs sites dédiés pour certaines de vos publications. Ou fait de la publicité sur un site comme celui de Livres Hebdo. La promotion sur internet gagne-t-elle de l'importance à vos yeux ?

Nous avons toujours été conscients de l'importance de la présence sur internet, et c'est un domaine que nous avons longtemps négligé faute de temps et de compétences spécialisées. Nous essayons actuellement de combler ce retard, même si je pense qu'il faut se garder de tomber dans un excès inverse : internet peut donner l'illusion qu'il existe une communauté du public de l'imaginaire qui se manifeste via les sites et forums, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Plus globalement, quelle est aujourd'hui la situation de la fantasy en France, selon vous ?

Hors le fait qu'elle se vende bien, je n'ai honnêtement aucun avis ni pronostic à donner sur la situation de la fantasy en France !

A quoi peut-on s'attendre de la part de Mnémos dans les mois à venir ? Quelques auteurs surprises en réserve ?

Beaucoup de gros coup de coeur personnels dans les mois à venir : notamment en février, Les Enfants de Dana, de Nicolas Bouchard, une très belle réflexion sur le dépassement du deuil par la catharsis de l’imaginaire. En avril, Le Seigneur de l’hiver, de James Hetley, un roman de fantasy urbaine superbement mené, une sorte de croisement entre l’univers torturé de Stephen King et le sens poétique de Neil Gaiman. En mai, un nouveau venu qui nous vient du même agent que Wayne Barrow : John Gregan, qui signe Requiem pour Elfe Noir.

Avez-vous eu un récent coup de cœur, côté lectures ? Qu'il s'agisse d'un roman de fantasy ou pas !

J’ai gardé un côté monomaniaque dans mes lectures et actuellement je me gave de polars hispaniques. Je recommande l’intégralité de la production du grand maître mexicain Paco Ignacio Taibo II, et en particulier son roman Nous revenons comme des Ombres, qui narre de façon jubilatoire un complot nazi au Mexique dans les années 1940, et que je classerais sans problème dans la catégorie des transfictions.

Enfin, que peut-on vous souhaiter pour 2008 ?

De belles découvertes littéraires et des voyages.

Propos recueillis et mis en forme par Emmanuel Chastellière.


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