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Reportage au coeur de la World Con, avec Aliette de Bodard
Par Altan, le dimanche 30 août 2009 à 10:35:17
Aliette de Bodard, une nouvelle voix de la Fantasy que nous avions pu découvrir sur Elbakin.net grâce à cette récente interview, nous fait le plaisir et l’exclusivité d’ouvrir les portes de la 67ème World Science Fiction Convention - Anticipation.
D’un grand hôtel spécialement réquisitionné à la remise des prix Hugo et Campbell durant laquelle elle espérera être distinguée, Aliette de Bodard nous fait vivre le gigantisme à l’américaine de cet évènement qui se tenait à Montréal, où l’organisation bilingue franco-anglaise ne pouvait mieux lui convenir !
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Récit d'une jeune auteur à la World Con 2009
Ah, la Worldcon. Pour moi, cette convention a une histoire particulière : je ne suis pas allée à une Worldcon depuis Glasgow en 2005 - et en 2005, j'étais principalement là en tant que fan et écrivain balbutiant.
Mais maintenant, nous sommes en 2009 ; et j'ai reçu la nouvelle que je suis finaliste pour le prix Campbell pour le Meilleur Nouvel Ecrivain, qui sera remis sous l'ombrelle des Hugos.
C'est décidé, j'irai à Montréal.
Cette Worldcon n'est pas mon baptême du feu en temps que professionnelle, puisque j'ai déjà assisté à plusieurs autres conventions ; mais c'est sans nul doute la première fois que je vais à un événement aussi large en tant qu'écrivain, panelliste, et nominée. C'est aussi la première convention bilingue à laquelle j'assiste, puisqu'elle comprend des événements en anglais et en français ; étrange décalage pour moi qui ai toujours eu l'habitude d'évoluer dans le monde de l'édition anglaise.
On commence doucement, puisque j'arrive le mercredi dans l'après-midi avec mon fiancé, récupère les clés de la chambre à l'hôtel Delta Centre-Ville, et prends le temps de faire une ballade avant que la troisième occupante de la chambre n'atterrisse (T.L. Morganfield, une amie écrivain nominée pour les Sidewise Awards, qui récompensent les meilleures uchronies).
La cathédrale Notre-Dame, à 3 minutes de marche du centre des congrès où se déroule la convention
Jeudi matin, je passe par les responsables du programme récupérer mon emploi du temps, une large enveloppe jaune qui inclut un ruban nominé au prix Hugo
et un pin's en forme de la fameuse fusée (je découvrirai plus tard qu'il y a eu une erreur quelque part, et que les nominés au prix Campbell ont leur propre ruban et leur propre badge ; mais en attendant, j'aurai eu la satisfaction de me promener avec mon pin's pendant une journée entière).
Je n'ai qu'un seul panel, un atelier d'écriture animé de main de maître par Derek Kunschen. En attendant, je me refais aux règles du jeu : comme d'habitude, la salle des Dealers et l'enregistrement sont les deux points focaux de la convention, où se font les conversations entre écrivains : en particulier, le stand SFWA de l'association des écrivains professionnels américains, tenu par bon nombre de connaissances, et le stand de Locus, magazine du milieu, où se rassemblent les écrivains/éditeurs connus (Cory Doctorow, Paolo Bacigalupi, John Scalzi, Ellen Datlow...). Sans compter le bar, évidemment, lieu traditionnel de rencontre aux conventions.
%Je ne m'en souvenais que vaguement, mais la Worldcon est immense : quelques milliers de participants errent entre une dizaine de panels simultanés, en anglais et en français. Le programme va de discussions de séries télé à des ateliers d'écriture, en passant par des démonstrations de karaté et de marionnettes... Heureusement, depuis la dernière fois, j'ai étendu mon cercle de connaissances depuis plusieurs réseaux : l'ennui, c'est que je ne connais souvent que les gens par Internet, ce qui fait que je passe le plus clair de la convention à essayer de lire les badges des gens avant de me risquer à des présentations.
Le premier étage, où les membres récupèrent leurs badges
Finalement, à part l'échelle, ce n'est pas si différent d'autres conventions : rencontrer de vieilles connaissances, en faire de nouvelles, profiter du bon temps et des dîners entre écrivains qui dégénèrent sur des sujets très spécifiques que mon fiancé a parfois du mal à comprendre...
La différence, c'est les soirées, tenues sur des étages entiers d'un hôtel : des suites reconverties en salles de réception où se bouscule la foule, et où je croise des connaissances au hasard de mes pérégrinations. Parmi celles-là, la soirée de lancement de mon éditeur, Angry Robot, animée par Jetse de Vries, ex-éditeur d'Interzone et spécialiste en alcools de qualité, où j'ai l'impression d'être une VIP, avec mon nom et ma photo placardés sur les murs. Les éditeurs Marc Gascoigne et Lee Harris ont également retenu les services d'un robot qui se tient à l'entrée (et nous passons un sacré bout de temps à essayer de comprendre comment il marche, ce qui en dit long sur la curiosité maladive des écrivains/ingénieurs en vacances).
Le robot et moi
Autre soirée, celle organisée par Asimov's et Analog, où se bousculent les écrivains notables - et où je me trouve lorsque l'ensemble des soirées est évacué de force par la sécurité de l'hôtel, qui trouve que nous faisons trop de bruit, et de surcroît à un étage non réservé pour les soirées.... C'est loin d'être la seule : plusieurs autres, dont celle d'Angry Robot, sont aussi forcées de relocaliser en toute hâte, partageant l'espace avec plusieurs autres soirées. Asimov's et Analog finissent par tranquillement réinvestir la salle lorsque la sécurité est partie, mais entretemps, les ascenseurs, submergés de monde, affichent une queue impressionnante de fans et écrivains cherchant à regagner leurs soirées respectives...
La salle des Dealers, lieu de rencontre privilégié
L'autre différence de cette Worldcon, et de taille, c'est la nomination pour le Campbell, qui me vaut une programmation chargée : 7 débats, 1 séance d'autographes, 1 séance de kaffeeklatsch, et une séance de lecture de 25 minutes en tant qu'écrivain. Les débats sont en anglais et en français, bien que ceux en français aient tendance à avoir plus d'orateurs que de membres du public...
Je suis loin d'être un orateur naturel, ou d'avoir beaucoup de pratique en matière de débats, ce qui me cause quelques surprises pas toujours plaisantes : lors d'un débat sur la technologie médiévale, faute de participants, la modératrice demande à chacun de nous de faire une conférence de 20 minutes sur le sujet. Improvisation en live, pas forcément toujours réussie, notamment lorsque je me retrouve à chercher un terme technique en anglais... Mais dans l'ensemble, c'est assez agréable d'avoir des discussions, et de rencontrer les gens en dehors du tryptique bar/salle des Dealers/soirées.
Et enfin, vient le grand jour : dimanche, remise des Hugos, précédée et suivie de réceptions. Heureusement pour moi, la journée a été très chargée, ce qui ne me laisse pas trop le temps de stresser. En fait, après ma séance de lecture, j'ai juste le temps de regagner mon hôtel, de récupérer mon fiancé, et de repartir pour la réception pré-Hugos. Réception que je passe dans un état aptement décrit par le terme "zombie", principalement à cause de la fatigue. Heureusement, le fait de rencontrer pas mal de nominés et leurs accompagnateurs avant la réception me permet de passer d'un groupe à l'autre en maintenant l'illusion d'être à peu près fonctionnelle.
Photo de groupe des nominés au prix Campbell: Gord Sellar, moi, Tony Pi, Felix Gilman et David Anthony Durham
La remise des Hugos est la première à laquelle j'assiste (à Glasgow, une intoxication alimentaire m'avait empêché d'y aller), et c'est une expérience en soi : gigantesque comme la convention, à bien des égards les Oscars de la SF. Heureusement pour moi et les autres nominés au prix Campbell, c'est par la remise de ce dernier que commence la cérémonie. Sans trop de surprise, le gagnant est David Anthony Durham, auteur du superbe Acacia, déjà nominé l'année dernière, et qui, bien que visiblement très ému, réussit à improviser un touchant discours d'acceptation.
(J'aurai néanmoins une énorme surprise le lendemain de la convention, lorsque les résultats seront publiés, et qu'il s'avère que je suis arrivée seconde à 3 voix près : 158 contre les 161 de David).
La tension ne part pas pour autant : il faut que j'attende la remise du Hugo pour les magazines semi-professionnels, car, à la demande de l'éditeur Andy Cox, je suis également désignée pour accepter pour Interzone - ce qui, fort heureusement pour moi mais malheureusement pour Interzone, n'a pas lieu, car c'est Weird Tales qui rafle la fusée.
Ensuite, la fatigue de la convention me gagne petit à petit : à la réception post-Hugos, malgré quelques tentatives, je suis déjà en train de perdre en vitesse, et je pars vers minuit complètement claquée.
On finit pas tout à fait en douceur, car je petit-déjeune avec Sheila Williams, éditeur d'Asimov's, à 8h30 du matin, ce qui m'assure un réveil assez difficile - et j'enchaîne ensuite sur mon dernier débat, en français, avant de quitter l'hôtel et la convention pour une semaine de vacances bien méritée...
Note: je tiens à remercier T.L. Morganfield (http://www.tlmorganfield.com) pour l'usage de ses photos, les miennes ayant été très sporadiques...
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